Le Bénin se dote d’une Académie des frontières
30 octobre 2024
Par Simon Izac, Douane française and Idrissou Imourou, Douane béninoiseDepuis plus de 10 ans, les acteurs du contre-terrorisme observent la constitution de califats par des groupes djihadistes au Sahel. L’activité des groupes islamistes militants, initialement centrée sur le Mali, s’est progressivement déplacée vers l’ouest et le sud du Burkina Faso, traversant les frontières des pays côtiers voisins. À partir de 2017, ces factions ont étendu leur emprise territoriale, causant davantage de pertes humaines, et ont diversifié leurs méthodes et tactiques. Les zones frontalières revêtent ainsi un caractère particulier, la plupart des incidents survenant à moins de 50 kilomètres de part et d’autre des frontières.
Le Bénin est durement touché par la violence des groupes islamistes militants avec un doublement du nombre de décès enregistrés (173 morts) au cours de l’année écoulée. Dans le cadre de l’opération Mirador, 3 000 soldats au Bénin ont été déployés afin de patrouiller sur les zones frontalières et de prévenir les attaques de plus en plus fréquentes des militants islamistes contre les communautés, les forces de sécurité et les gardes forestiers. En outre, le pays collabore avec la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo dans le cadre de « l’initiative d’Accra » en échangeant des renseignements et en partageant ses ressources.
Profitant de la situation, des groupes de trafiquants organisés en réseaux multiplient des activités illicites (trafics d’armes, de drogues, de personnes, etc.) dans les zones frontalières de la région et du Bénin.
Dans un tel contexte, les autorités béninoise et française ont décidé en octobre 2023 de créer une Académie des frontières au Bénin. Son objectif est de former les corps en armes qui interviennent dans les zones frontalières : policiers, agents des services forestiers, douaniers, militaires des Forces de défense et de sécurité – afin qu’ils agissent de manière coordonnée pour contrer les divers groupes armés et démanteler les réseaux illicites, tout en protégeant les communautés locales et en instaurant un climat de confiance mutuelle.
Il s’agira notamment de :
- favoriser l’interopérabilité des différents corps en armes,
- encourager l’exécution d’opérations communes et les échanges, au niveau national et régional,
- instituer une gestion coordonnée des frontières tirant parti des plus-values spécifiques à chaque acteur et qui équilibre l’usage de la force, le soutien à l’activité économique et l’aide aux populations frontalières vivant dans ces zones.
Cette Académie a été établie avec l’aide du ministère de l’Europe et des affaires étrangères français, et plus précisément de sa Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense (DCSD) qui a pour mission de contribuer au développement des compétences des forces armées, de sécurité intérieure et de protection civile dans des pays partenaires. Pour mener à bien cette mission, la DCSD a adopté pour mode d’action privilégié la formation, cette dernière étant menée tant en France qu’à l’étranger.
L’Académie des frontières du Bénin rejoint donc un vaste réseau d’une vingtaine d’écoles dites nationales à vocation régionale (ENVR) qui relèvent du droit national du pays hôte et fonctionnent sur la base d’une convention qui établit un étroit partenariat avec la DCSD. Les modalités d’association sont très différentes d’une école à l’autre et l’implication de la France peut être directe, un expert français étant dans ce cas affecté au sein de l’institution, ou indirecte via un soutien financier, un don de matériel ou l’envoi ponctuel d’experts pour des missions d’enseignement. En février 2024, la DCSD y a déployé au Bénin un premier coopérant français issu de la Douane française qui sera rejoint en octobre par un policier français.
L’Académie est pourvue d’un conseil d’administration où siègent des représentants des membres fondateurs (le Bénin et la France). Ce conseil d’administration pourra être élargi pour inclure des membres actifs et des membres associés qui contribueront financièrement à l’Académie. Un directeur général, un directeur adjoint, un directeur des études responsable de la formation et les membres de la direction dite de soutien seront chargés de son bon fonctionnement. Un conseil scientifique composé de représentants des administrations partenaires et de l’Agence Béninoise de Gestion Intégrée des Espaces Frontaliers bénéficiant des formations sera mandaté pour contribuer à l’amélioration des contenus pédagogiques.
L’Agence Béninoise de Gestion Intégrée des Espaces Frontaliers (ABeGIEF) et les autres institutions publiques qui ont la charge de promouvoir et coordonner des activités de gestion intégrée des espaces frontaliers seront intégrées au projet. Il convient de rappeler qu’en 2007, la gestion des frontières a été élevée au rang des priorités nationales et un Programme National de Gestion Intégrée des Espaces Frontaliers a été conçu, l’ABeGIEF mettant un accent particulier sur la construction d’infrastructures sociocommunautaires et de sécurité, le renforcement des capacités des Forces de Défense et de Sécurité et des groupements féminins sur les Activités Génératrices de Profits, l’organisation de consultations foraines, l’octroi de divers dons au profit des populations frontalières et la promotion de la coopération transfrontalière.
Au niveau régional, un partenariat pourrait aussi contribuer à étendre rapidement la gamme de formations offertes par l’Académie Internationale de Lutte contre le Terrorisme de la Côte d’Ivoire (AILCT).
Des collaborations internationales sont actuellement en phase de développement : l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et l’Union Européenne ont témoigné un vif intérêt pour cette initiative. Les institutions internationales telles que l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) manifestent également un véritable intérêt pour l’Académie.
En août 2024, le gouvernement béninois, par le biais du ministère des Finances, a attribué 5 hectares appartenant à la direction générale des douanes au profit de l’ENVR sur un domaine de 18 hectares situé à Porto Novo, la capitale du Bénin.
En attendant la construction des infrastructures, l’ENVR sera localisée à Cotonou et les premières formations sont envisagées fin 2024. Une réflexion approfondie est en cours quant aux programmes de formation à venir et le catalogue qui sera proposé. Une dizaine de formations pourraient contribuer à la formation d’un effectif de plus de 300 stagiaires en 2025. En outre, une formation d’enseignement à distance sur l’analyse de données géospatiales et la cartographie va être pilotée avec environ 60 stagiaires.
La DCSD et l’Académie des frontières travaillent également à l’établissement de partenariats techniques et financiers. Les partenaires potentiels sont invités à les contacter.
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À propos des Écoles Nationales à Vocation Régionale soutenues par la coopération française :
https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/livret_envr_-_2024_-_vfinale_3_cle0431e1.pdf