La chaîne logistique du commerce électronique est autant orientée sur les données qu’elle en est riche. Dans le présent article, la Douane de Chine explique comment elle exploite la nature numérique du commerce électronique pour renforcer ses capacités de surveillance et de lutte contre la fraude.
L’OMD définit le commerce électronique transfrontalier comme « l’ensemble des transactions qui sont effectuées par voie numérique moyennant un réseau informatique (par exemple, par Internet) et qui entraînent des mouvements physiques de marchandises soumis à des formalités en douane »[1]. Dans le cas de la Douane de Chine, les importations de commerce électronique transfrontalier couvrent spécifiquement les produits de détail qui sont achetés par des consommateurs dans le territoire douanier chinois, auprès de plateformes de vente en ligne ou de vendeurs situés en dehors de ce territoire, les marchandises étant envoyées aux consommateurs via la poste ou un service de courrier exprès.
Toutes les transactions d’importation relevant du commerce électronique transfrontalier doivent satisfaire aux conditions suivantes :
- Les marchandises concernées doivent figurer sur la Liste des marchandises de détail importées dans le cadre du commerce électronique transfrontalier et être uniquement destinées à un usage personnel ;
- Les données transactionnelles doivent être transmises à la Douane de Chine via le système informatique de la plateforme de commerce électronique ou du vendeur, qui est relié au système informatique douanier ; à défaut d’une telle connexion, la Douane peut autoriser les opérateurs de courrier exprès et postaux à lui transmettre les données les plus pertinentes (comme les informations transactionnelles et de paiement, par exemple) mais ces derniers en seront tenus légalement responsables ;
- L’importation doit suivre l’un des deux modèles agréés :
- Importation directe – le consommateur en Chine passe une commande en ligne auprès d’un vendeur à l’étranger ; le colis est envoyé directement au consommateur et passe par les procédures d’importation prescrites à son arrivée en Chine ;
- Importation sous douane – les plateformes ou vendeurs de commerce électronique entreposent préalablement les marchandises en vrac dans des entrepôts sous douane ou des zones spéciales sous supervision douanière (type B) en Chine ; ces marchandises sont traitées comme de simples colis et libérées par la douane uniquement après que les consommateurs locaux ont passé commande en ligne.
Pour ces deux modèles d’importation de marchandises du commerce électronique transfrontalier, le seuil de minimis pour la TVA et la taxe à la consommation a été supprimé et les marchandises individuelles évaluées en dessous de RMB 5 000 bénéficient d’une franchise de droits. Le gouvernement chinois impose également des limites sur la valeur des transactions individuelles et sur le montant annuel total des achats de commerce électronique transfrontalier auquel chaque consommateur local a droit. En revanche, les envois personnels expédiés par la poste ou par un service de messagerie qui n’exigent pas la transmission de données électroniques à la Douane bénéficient d’un traitement différent. Ils sont classés comme des articles personnels importés par la poste et soumis à une politique fiscale et à une évaluation des droits et taxes distinctes.
Tirer parti d’un environnement riche en données
La loi chinoise sur le commerce électronique, qui est entrée en vigueur en 2019, prévoit que « les opérateurs de commerce électronique transfrontalier peuvent accomplir les démarches administratives nécessaires auprès des départements nationaux chargés des importations et exportations, en utilisant des documents électroniques ». Ce cadre législatif a eu pour effet que la chaîne logistique du commerce électronique en Chine est devenue une chaîne autant orientée données qu’elle en est riche.
La Douane de Chine a profité de cet environnement numérique pour améliorer sa capacité à surveiller, à évaluer et à réglementer le commerce électronique transfrontalier, tout en restant aligné sur l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges et sur le Cadre de normes de l’OMD pour le commerce électronique transfrontalier.[1] Au titre du Cadre, les « administrations des douanes devraient développer et appliquer une gestion dynamique des risques à l’aide de technologies de pointe qui soient propres au commerce électronique dans le but d’identifier les marchandises et envois présentant un risque ».
Depuis 2020, le taux de saisie des envois à haut risque qui ont été détectés à travers une sélection en temps réel a atteint 21,9% et près de 100 millions d’éléments de données ont été analysés, ce qui a abouti à la compilation d’une liste noire des principaux individus et entreprises impliqués dans des activités suspectes ; par ailleurs, sept grands cas de contrebande via le commerce électronique ont fait l’objet d’une enquête. Ces efforts ont contribué à préserver les droits et les intérêts des entreprises et des consommateurs légitimes du commerce électronique tout en favorisant la croissance saine et durable du secteur du commerce électronique transfrontalier.
Une démarche automatisée axée sur le « recoupement des trois listes »
Pour renforcer le suivi des transactions de commerce électronique, la Douane de Chine exige de toutes les parties concernées qu’elles transmettent des données relatives aux commandes par voie électronique via la plateforme chinoise de guichet unique. Pour chaque transaction, trois types (ou listes) de données sont exigés : les données concernant la commande, les données de paiement et les données de logistique.[2] Certains éléments de données sont obligatoires tandis que d’autres sont facultatifs. Le vendeur électronique, la plateforme électronique ou le transporteur express désigné est chargé de la transmission des données sur la commande; le prestataire de services de paiement, le transporteur express ou l’opérateur postal se charge de la liste de données sur le paiement; enfin, le prestataire de services logistiques est responsable de la liste de données de logistique. Le système de la Douane chinoise recoupe automatiquement les trois listes et vérifie la cohérence des informations soumises pour s’assurer de l’authenticité et de l’exactitude de la transaction.
Empêcher la fraude à l’identité
Pour combattre la fraude axée sur l’usurpation d’identité des consommateurs afin d’acheter et de revendre des marchandises à profit, la Douane de Chine vérifie l’identité des consommateurs pour les importations à haut risque. Il s’agit typiquement de transactions qui ressortent du lot parce qu’elles présentent un risque de sous-évaluation ou parce qu’elles pourraient être fictives. Les consommateurs sont tenus de s’inscrire sur l’application mobile de la Douane ou sur la plateforme de guichet unique pour authentifier leur identité, confirmer la transaction et soumettre la preuve de paiement. Les données de paiement sont ensuite comparées aux informations fournies par le prestataire de services de paiement afin d’en vérifier la légitimité.

Plateforme d’analyse des mégadonnées
Pour renforcer sa capacité à surveiller les transactions de commerce électronique, la Douane de Chine a mis en place une plateforme d’analyse des mégadonnées qui recueille et entrepose les données fournies par les opérateurs postaux et les transporteurs de courrier express. En analysant divers éléments de la transaction, notamment les informations concernant les acheteurs et les vendeurs, les données comptables des entreprises, les adresses d’expédition et les types de produits, l’Administration a créé des modèles de suivi des risques en temps réel couvrant une variété de risques.
À travers l’étude des saisies et des cas de fraude passés, la Douane de Chine a défini des indicateurs de risque portant sur les recettes et la sécurité, ce qui lui a permis de concevoir un mécanisme de contrôle des risques basé sur l’analyse et le recoupement des données. Le système passe au crible le profil des individus et des entreprises à haut risque également, et établit des listes de produits sensibles faisant souvent l’objet d’une sous-évaluation ou de contrebande.
Système de lecture intelligente d’images
Les opérateurs postaux et les services de messagerie sont tenus soit de passer tous les colis traités par un appareil à rayons X et de transmettre les images et les données qui en résultent à la Douane, soit de mettre de côté les colis spécifiquement sélectionnés par la Douane pour un contrôle approfondi. Ces colis sont ensuite passés aux rayons X. Pour améliorer ses capacités d’analyse des images, la Douane de Chine a mis au point un système d’aide automatisé destiné aux analystes d’images, utilisant des algorithmes de reconnaissance automatisée des cibles (ATR de son acronyme anglais). Ce système est entraîné pour détecter les stupéfiants, les espèces de faune et de flore interdites, les armes à feu et les munitions, les marchandises susceptibles d’enfreindre les droits de propriété intellectuelle et d’autres articles soumis à des restrictions ou suspects. L’information dérivée de l’analyse d’images est automatiquement recoupée avec les données des déclarations pour détecter les incohérences.
Compte officiel de la Douane sur WeChat
WeChat est l’application de réseau social et de messagerie la plus utilisée en Chine et elle permet aux organisations d’ouvrir des comptes officiels pour entrer en contact avec les usagers, partager du contenu et offrir des services. La Douane de Chine a lancé un compte officiel pilote à des fins de vérification de l’identité des individus, qui lui permet de leur poser des questions de suivi relatives à leurs achats en ligne. Cette initiative aide la Douane à contrôler l’authenticité des déclarations soumises par les entreprises suspectées de se livrer à des activités illicites.
Sous son compte officiel « Customs Release » (Mainlevée douanière) sur WeChat, la Douane de Chine a créé un mini-programme qui permet aux consommateurs d’accéder aux informations règlementaires sur le commerce électronique transfrontalier, de consulter leur historique de transactions, de surveiller le montant total de leur consommation et de vérifier leur statut en matière de paiements des taxes et impôts.
Connecter les vendeurs électroniques, la Douane et les banques dans un même écosystème numérique
Pour uniformiser le recouvrement des recettes, la Douane de Chine emploie un modèle de perception par l’intermédiaire. Au point de commande, l’intermédiaire (qui peut être la plateforme de commerce électronique, le vendeur électronique, le fournisseur de services logistiques ou l’agent/le courtier en douane) prélève auprès du consommateur, au moment du paiement des marchandises, les droits et taxes exigibles évalués préalablement. Le consommateur peut renvoyer les marchandises dans un délai de 30 jours suivant la mainlevée et il a droit au remboursement intégral des taxes et droits ainsi perçus. Une fois la période de remboursement expirée, l’intermédiaire effectue un paiement consolidé des droits et taxes à la Douane. Comme les marchandises sont libérées avant que le paiement des taxes soit confirmé, l’intermédiaire doit avancer une soumission à titre de garantie. Une fois que les droits et taxes ont été intégralement payés, cette soumission lui est remboursée sur son compte.
Grâce à sa plateforme de guichet unique, la Douane de Chine relie les vendeurs électroniques, les bureaux de douane et les banques dans un écosystème numérique intégré, permettant ainsi le paiement des droits et taxes exigibles, la gestion efficace des remboursements et une réduction des formalités administratives et de la bureaucratie pour les entreprises.
Garantir la qualité et la sécurité des produits grâce au partage d’informations entre parties prenantes
Les marchandises de commerce électronique transfrontalier proviennent d’une vaste gamme de fournisseurs et sont plus susceptibles de ne pas respecter les normes de qualité et de sécurité nationales. Face à cette inquiétude, la Douane de Chine a établi un Centre de surveillance et un Centre national d’évaluation des risques en matière de qualité et de sécurité des produits du commerce électronique transfrontalier.
Pour développer ses capacités d’analyse automatisée des risques dans ce domaine, la Douane s’appuie sur diverses sources de données, dont :
- Les résultats historiques du suivi et des évaluations de risque de la Douane
- Les résultats des tests de qualité et de sécurité des produits menés sous supervision douanière
- Les rapports d’autodiagnostic fournis par les vendeurs électroniques
- Les mises à jour des règlementations techniques et les alertes concernant la qualité et la sécurité des produits émises par les autorités nationales et internationales
- Les rapports négatifs publiés par les médias, tant au niveau national qu’international
- Les plaintes des consommateurs et les avis négatifs sur les produits qui sont publiés sur les plateformes de commerce électronique
- Les informations partagées par d’autres instances gouvernementales
- Les rapports concernant les produits problématiques ou encore les plaintes déposées par les consommateurs auprès des autorités de surveillance du marché.
Si un produit ne s’avère pas sûr, la Douane de Chine envoie des alertes précoces au public via son compte WeChat officiel et partage les informations pertinentes relatives aux risques avec les parties prenantes telles que les plateformes de commerce électronique, les opérateurs postaux, les services de messagerie et les autorités réglementaires locales, à travers les canaux de communication établis.

La Douane de Chine a signé des protocoles de coopération avec les plus grandes plateformes de commerce électronique en vue d’une cogestion de la qualité. Ces accords exigent des plateformes qu’elles intègrent des mesures de contrôle de la qualité et de la sécurité dans leurs flux de travaux opérationnels et prennent des actions immédiates d’atténuation des risques dès qu’elles reçoivent une notification de la Douane concernant des produits défectueux ou dangereux.
À titre d’exemple, la Douane a eu affaire à une marque spécifique de poussettes qui avait fait l’objet des plaintes répétées pour des problèmes de qualité et de sécurité de ses produits mais qui continuait à les vendre. L’Administration a réagi en lançant une campagne ciblée de contrôle des risques se focalisant sur les poussettes, en particulier celles portant la marque en cause. Elle a prélevé des échantillons de produits sur diverses plateformes de commerce électronique et dans les entrepôts sous douane, et a mené des tests de sécurité sur ces échantillons. Les résultats des tests ont monté qu’une poussette (de marque Y) provenant d’un pays X répondait aux critères de sécurité de ce pays mais pas aux normes de sécurité nationales obligatoires en Chine. Dans ce cas précis, l’écart de l’appui-tête était trop large pour garantir la sécurité des nouveau-nés, selon les normes chinoises. Un groupe d’experts a classé le produit comme étant à haut risque, signalant qu’un nouveau-né pouvait s’y coincer la tête, tomber et se blesser gravement. La Douane de Chine a notifié les plateformes de commerce électronique concernées en conséquence, leur recommandant d’enlever immédiatement le produit de la vente en ligne, et a demandé au fabricant de rectifier le design du produit. Le produit pourra être remis sur le marché une fois qu’il aura passé une nouvelle inspection et qu’il répondra aux critères règlementaires.
Renforcer la coopération avec les partenaires internationaux
La Douane de Chine contribue activement au développement et à la révision du Cadre de l’OMD pour le commerce électronique transfrontalier, en soumettant des explications détaillées et actualisées sur ses pratiques règlementaires pour publication dans le Recueil de l’OMD sur le commerce électronique. Dans le cadre du Comité mixte de coopération douanière UE-Chine, la Douane de Chine maintient un dialogue continu avec les autorités douanières de l’UE sur la règlementation du commerce électronique transfrontalier. L’Administration réitère son engagement à partager son expérience et ses meilleures pratiques pour aider à améliorer l’efficacité de la réglementation et la prestation de services, en vue d’appuyer la croissance d’un commerce électronique transfrontalier de qualité et normalisé.
[1] Outils étayant la mise en œuvre du Cadre – « Définition » : http://www.wcoomd.org/fr/topics/facilitation/instrument-and-tools/frameworks-of-standards/ecommerce.aspx.
[2] Le Cadre de normes de l’OMD pour le commerce électronique transfrontalier prévoit 15 normes mondiales de base, qui stipulent notamment qu’un « cadre juridique et réglementaire devrait être établi aux fins de l’échange préalable de données par voie électronique entre les parties prenantes de la chaîne logistique du commerce électronique et les administrations des douanes, ainsi que les autres services publics compétents ».
[3] La liste des éléments de données peut être consultée dans le Recueil de l’OMD sur le commerce électronique.