Dossier: Créer une culture de l’éthique

Mobiliser les syndicats pour promouvoir l’éthique dans les administrations des douanes : l’expérience du Ghana

22 juin 2025
Par la Ghana Revenue Authority

Le personnel de la Ghana Revenue Authority (GRA) est hautement syndicalisé, 69,24 % de ses effectifs ayant rejoint le « Syndicat des travailleurs de la GRA » (ou GRAWU de son acronyme anglais), créé en 2012. Le syndicat est représenté dans les trois divisions de la GRA, à savoir la Direction des douanes, la Direction de la fiscalité intérieure et la Direction des services d’aide.

Au cours des années, l’équipe de direction de la GRA a établi avec le GRAWU une bonne relation de travail basée sur la confiance et le respect mutuels, ainsi que sur un dialogue franc et constructif. Tous deux collaborent sur de nombreux dossiers, notamment sur des initiatives de lutte contre la corruption et de promotion de l’éthique au sein de l’organisation. Dans le présent article, la GRA met en lumière les avantages qui découlent de ce partenariat mais aussi sur ses défis et sur les éléments qui sont nécessaires pour faire en sorte que la collaboration porte ses fruits.

Quelques mots sur le GRAWU

La loi ghanéenne sur le travail de 2003 (loi 651) contient des dispositions sur la négociation collective, notamment la délivrance de certificats de négociation collective qui donnent aux syndicats le droit d’entamer des négociations avec les employeurs. Le certificat détenu par le GRAWU lui confère un rôle prépondérant dans tous les dossiers relatifs au travail, qu’ils concernent le personnel affilié ou non affilié de la GRA, administration qui compte plus de 7 000 effectifs.

Quatorze dirigeants nationaux, élus tous les quatre ans à la tête du syndicat, dirigent une équipe de huit employés permanents qui gèrent les affaires courantes du secrétariat syndical national, dont un administrateur, un comptable, un responsable des affaires sociales, un concierge et deux agents de sécurité. Le syndicat compte également des dirigeants locaux, régionaux et zonaux qui sont basés dans ses bureaux à travers le pays.

Le GRAWU consulte le personnel de la GRA principalement à l’occasion des réunions qu’il organise à cet effet et communique avec lui par le biais de circulaires envoyées par courrier électronique interne et de panneaux d’affichage placés dans les différents bureaux, ainsi que via le site web du syndicat. Les employés de la GRA peuvent contacter les représentants syndicaux par courrier électronique, via les comptes de réseaux sociaux du GRAWU, par téléphone et en personne, en se rendant au siège du secrétariat du GRAWU, dans la capitale, Accra.

Implication du syndicat dans les dossiers liés à l’éthique

L’équipe de direction de la GRA et l’Unité des affaires internes impliquent le GRAWU dans de nombreuses activités.

Élaboration et mise à jour du Code de déontologie et d’éthique

Le Syndicat des travailleurs a participé à l’élaboration du Code de déontologie et d’éthique (CDE) dès le lancement de l’initiative en 2009. Le GRAWU a également rejoint le comité qui a été créé pour le mettre à jour en 2018. L’un des principaux changements qu’il a préconisés visait à aligner la section du Code relative aux sanctions sur les dispositions disciplinaires de la convention collective qui lie le personnel et la direction et qui est, rappelons-le, contraignante.

Comités disciplinaires

Lorsqu’un membre du personnel fait l’objet d’une enquête de la part de l’Unité des affaires internes du Département de déontologie et de bonne gouvernance, un rapport est rédigé et soumis à la direction. Sur la base des conclusions et/ou des recommandations du rapport, la direction des ressources humaines peut mettre en place un comité disciplinaire. Un représentant du GRAWU doit être présent lors des audiences du comité disciplinaire afin de s’assurer que les procédures ont été respectées pendant l’enquête, que l’employé a été entendu de manière équitable et que les sanctions, si elles sont appliquées, sont raisonnables et proportionnées par rapport à l’infraction commise.

Mesure et gestion de la performance

En 2022, la GRA a lancé un système de gestion des performances à 360 degrés (PMS de son acronyme anglais) afin d’évaluer les performances et la productivité du personnel tout en lui offrant un mentorat, des services de conseil et l’occasion d’apporter son retour d’information. En outre, les superviseurs ont été invités à communiquer avec leurs employés de manière plus ouverte et transparente, et les membres du personnel qui ont fait preuve d’un engagement en faveur de l’éthique ont été récompensés par des prix ou des mentions spéciales lors d’événements publics.

Le GRAWU travaille avec l’équipe de direction de la GRA pour garantir l’équité, la transparence et la cohérence dans l’évaluation des performances via le PMS. Il aide également les employés à comprendre et à respecter les politiques de performance, tout en participant à la résolution des conflits liés au PMS.

L’équipe FIT for Integrity

La GRA élabore actuellement une stratégie qui servira de cadre à son plan d’action en matière d’éthique. Une équipe baptisée « FIT for Integrity » a été constituée pour mener à bien ce projet et compte parmi ses membres des représentants du GRAWU. Compte tenu de leur expérience de travail avec le personnel, ces représentants sont bien placés pour proposer ou appuyer des mesures qu’ils jugent réalisables et pour s’opposer à celles qu’ils considèrent inapplicables.

Par exemple, lorsqu’il a été suggéré d’incorporer à la stratégie des enquêtes sur le train de vie, les représentants syndicaux ont fait valoir que d’autres mesures seraient plus faciles à mettre en œuvre et qu’il serait prudent de se concentrer d’abord sur ce type de solutions. Après de longues délibérations, l’équipe a décidé de mettre ces enquêtes en veilleuse pour le moment.

Mécanisme de signalement confidentiel

La Direction des douanes de la GRA travaille avec la Ghana Integrity Initiative (ou initiative du Ghana en faveur de l’éthique, soit la section locale de Transparency International) à la mise en place d’un mécanisme de signalement confidentiel qui permettra aux individus de signaler les cas de corruption et de pots-de-vin. Le GRAWU devrait participer au projet une fois qu’il sera pleinement établi.

En 2020, la GRA a mis en place un programme de lanceurs d’alerte prévoyant des primes de récompense pour les personnes qui aident à dénoncer les contribuables en défaut de paiement. L’équipe Fit for Integrity appelle depuis des années à l’élaboration d’une politique pour la mise en place d’un système de lancement d’alerte au sein de la GRA, et le GRAWU sera impliqué dans ce travail une fois qu’il aura été approuvé.

Défis

Le personnel de la Direction des douanes de la GRA possède sa propre Association du personnel des douanes (CSA en anglais), dont la mission est d’encourager en continu les travaux visant à renforcer les capacités, la discipline et l’esprit de corps, résoudre les difficultés que peuvent rencontrer les effectifs, combler le fossé entre le personnel subalterne, les cadres moyens et les cadres supérieurs, de promouvoir la mise en réseau et la collaboration entre les employés par le biais d’activités sociales. Bien que l’association ne dispose pas d’un certificat de négociation collective, elle est représentée au sein de l’équipe « FIT for Integrity ».

Les relations entre le GRAWU et la CSA sont tendues. Cette dernière fait valoir que la Douane est une branche paramilitaire de la GRA et que, par conséquent, la loi ne soutient pas l’affiliation des douaniers à un syndicat. Il y a quelques années, elle a demandé à la Cour suprême du pays d’ordonner que tous les douaniers membres du GRAWU s’en désaffilient. La Cour n’a pas encore rendu son verdict.

Malgré la querelle persistante entre les deux parties, toutes deux se réunissent pour discuter des mesures susceptibles d’avoir une incidence sur le bien-être des douaniers et du personnel de la GRA en général. Les opinions et les décisions prises par consensus sont ensuite présentées par le GRAWU à l’autorité compétente.

Enseignements tirés

La mobilisation des syndicats du personnel dans la lutte contre la corruption et la promotion de l’éthique est bénéfique pour toutes les parties prenantes. Dans le cas de la GRA, cette démarche permet à l’équipe de direction de s’assurer que les réformes sont mieux comprises et acceptées par le personnel, donne au GRAWU la possibilité de renforcer son rôle et sa crédibilité, offre aux employés des garanties en termes de transparence et d’équité, ainsi qu’un soutien et une protection, aide les opérateurs commerciaux à prévenir ou à réduire les pratiques illégales, et donne à l’Administration les moyens d’offrir une meilleure qualité de service.

Nous présentons ci-dessous quelques-uns des enseignements tirés de ce processus.

S’attendre à des désaccords et à des impasses

Le travail d’équipe est l’une des cinq valeurs fondamentales de la GRA, avec l’équité, l’éthique, la réactivité et le sens du service. Un proverbe africain dit que « Qui veut aller vite, marchera seul ; qui veut aller loin, marchera ensemble avec les autres ». Ce proverbe trouve un profond écho au sein de la GRA. Les discussions entre les représentants du GRAWU et l’équipe de direction de la GRA peuvent parfois être difficiles mais elles valent bel et bien tous les efforts déployés car elles permettent le plus souvent d’aboutir à des solutions plus innovantes et à des décisions plus justes.

Partir de ce qui existe déjà pour s’améliorer progressivement

Le Code de déontologie et d’éthique, entré en vigueur en 2009, était une première pour la GRA, et chaque partie impliquée dans son élaboration et sa révision a été invitée à en signaler les lacunes et les points à améliorer. Neuf ans plus tard, une première mise à jour a été publiée et un nouveau cycle de révision est en cours.

La coopération et le dialogue en temps utile : un impératif

Il existe toujours un risque que les représentants syndicaux rejettent des modifications apportées aux pratiques existantes ou de nouvelles politiques s’ils les perçoivent comme une menace pour les intérêts du personnel. Compte tenu de leur poids, ils peuvent influencer d’autres personnes et les convaincre de s’opposer également à des changements qui sont pourtant positifs. Les équipes de direction doivent donc impliquer les syndicats dès le début d’un projet afin de garantir leur participation active et de leur permettre d’y adhérer en connaissance de cause. Il s’agit aussi d’asseoir la crédibilité du projet auprès de leur personnel et de convaincre leurs effectifs des avantages qu’ils en tireront.

Concilier les intérêts tout en restant crédible : un équilibre parfois difficile à trouver

En cas d’intérêts contraires, il est essentiel de veiller à trouver un équilibre et de déterminer ceux qui doivent prévaloir lorsque les besoins de toutes les parties ne peuvent être pleinement satisfaits. L’équipe de gestion de la GRA et le GRAWU ont établi de bonnes relations de travail au fil du temps et le syndicat des travailleurs soutient, dans l’ensemble, les initiatives de la direction. Toutefois, cet alignement peut être mal perçu par le personnel, qui peut accuser les délégués syndicaux d’être de mèche avec la direction. Les représentants syndicaux peuvent alors être victimes de représailles, de harcèlement et/ou d’intimidations. Pour apaiser ces craintes, il est fondamental que les deux parties rassurent leurs effectifs et insistent sur le fait qu’elles ont à cœur les intérêts de tout un chacun (personnel et direction), comme convenu dans la convention collective, et aussi qu’aucun acte de représailles ne sera toléré, sous quelque forme que ce soit. Il faut également rappeler à tous les employés que la loi est de leur côté pour autant qu’ils suivent la bonne voie dans la promotion de l’éthique et la lutte contre la corruption.

L’intérêt d’une relation solide pour obtenir un soutien extérieur

La GRA et le GRAWU disposent de ressources limitées à consacrer à leurs efforts de lutte contre la corruption. En établissant de bonnes relations de travail, les deux parties sont en mesure de collaborer pour obtenir le soutien des donateurs et des organisations internationales. Lorsque le syndicat et la direction font preuve de bonne volonté, de respect et de confiance et qu’ils sont convenus du besoin de lutter contre la corruption et de promouvoir l’éthique, ils peuvent travailler ensemble pour obtenir l’aide et le soutien dont ils ont besoin pour les stratégies qu’ils élaborent à cette fin.

Conclusion

L’expérience du Ghana montre que l’implication des syndicats du personnel dans les stratégies douanières en faveur de l’éthique est non seulement possible mais souhaitable, à condition qu’un cadre de bonne gouvernance puisse être mis en place. Le défi consiste à passer d’une logique de méfiance à une coopération constructive et à une collaboration autour d’objectifs communs. En fin de compte, la participation des syndicats du personnel aux efforts de lutte contre la corruption n’est pas seulement un impératif moral mais aussi une nécessité stratégique pour les administrations douanières. En s’associant aux syndicats du personnel, les équipes de direction peuvent tirer parti de leur expertise, de leur influence et de leur champ d’action pour promouvoir l’éthique, prévenir la corruption et contribuer à l’avènement d’une organisation plus transparente et plus responsable.

La GRA encourage les administrations douanières à institutionnaliser ce type de dialogue social avec les représentants du personnel afin de renforcer durablement la culture de l’éthique au sein de leur organisation. Alors que nous nous efforçons de mettre en place des administrations plus efficaces et plus performantes, il est essentiel d’impliquer les syndicats du personnel dans le processus. Il est clair que la lutte contre la corruption en douane requiert un effort collectif, qui inclut la participation des syndicats du personnel. En travaillant ensemble, nous pouvons promouvoir une culture de l’éthique, de la transparence et de la responsabilité et veiller à ce que les administrations douanières servent l’intérêt public et contribuent non seulement à un environnement commercial juste et efficace mais aussi, en fin de compte, à une société plus prospère et plus équitable.