Sonder les parties prenantes pour évaluer les procédures : aperçu d’une étude de terrain menée aux frontières éthiopiennes
31 octobre 2024
Par Daniel Tsegaye, consultant, Addis-Abeba, ÉthiopieLe présent article vise à offrir un aperçu des constatations d’une étude de terrain menée en 2021 aux postes frontières de l’Éthiopie avec le Kenya, Djibouti et le Somaliland. Durant l’étude, des représentants gouvernementaux ainsi que du secteur privé ont procédé à des échanges de vues et d’opinions sur la gestion des frontières. Des thèmes, des idées et des pratiques récurrentes ont ainsi pu être dégagés. Nous les présentons ci-dessous. Dans l’ensemble, l’étude montre à quel point il est important de mettre en place des mécanismes formalisés de consultation et de dialogue avec les parties prenantes pour améliorer les procédures douanières.
Les études empiriques mettent en lumière d’importants problèmes concernant les pratiques de gestion des frontières en Éthiopie, notamment les failles au niveau de l’infrastructure et les obstacles bureaucratiques[1]. Le dédouanement semble prendre énormément de temps et les activités de commerce informel sont florissantes[2].
Toutefois, au cours des dernières années, d’importantes réformes ont permis de transformer les régimes douaniers dans l’ensemble de l’Afrique orientale, en particulier en Éthiopie, au Kenya, au Somaliland et à Djibouti. En Éthiopie, les processus de dédouanement ont été uniformisés et numérisés, contribuant à une plus grande efficacité et à une réduction des temps d’attente[3]. Le Kenya a adopté une approche axée sur le risque[4]. Le Somaliland poursuit ses efforts de modernisation, se centrant sur l’augmentation de la transparence en matière de règlementation et sur l’accélération du dédouanement du fret, bien qu’il reste encore quelques problèmes au niveau de la mise en œuvre[5]. Djibouti, qui occupe une position stratégique en tant que passerelle commerciale, profite d’une règlementation douanière conçue pour faciliter le traitement rapide des marchandises s’appuyant sur l’importante capacité de son port.[6]
Pour mieux comprendre la situation, en 2021, dans le cadre de mes études universitaires, j’ai effectué une étude de terrain dans trois bureaux de douane éthiopiens : à Tog Wajaale à la frontière avec le Somaliland, à Galafi à la frontière avec Djibouti et à Moyale à la frontière avec le Kenya. Les études en logistique et gestion de la chaîne d’approvisionnement que j’avais entamées à l’Université d’Addis-Abeba en 2016 m’avaient amené à m’intéresser à la gestion des frontières. L’étude de terrain constituait le mémoire que j’allais remettre pour obtenir mon diplôme de maîtrise.
J’ai choisi ces trois postes frontières compte tenu de leur importance pour le commerce infrarégional. Tog Wajaale, Galafi et Moyale constituent des points de transit essentiels pour la circulation des marchandises et des personnes entre l’Éthiopie et les pays voisins. Du fait de leur position stratégique, ils jouent un rôle pivot dans la dynamique économique de la Corne de l’Afrique.
J’ai adopté une démarche de recherche basée sur l’observation pour mener l’étude et j’ai donc examiné les pratiques des services présents aux frontières sans intervenir directement dans les processus ; j’ai également sondé 208 parties prenantes impliquées dans le commerce transfrontalier et la gestion des frontières afin de recueillir des informations sur leurs expériences et sur la façon dont elles percevaient la gestion des frontières. Les enquêtes ont été menées sur la base de questionnaires structurés qui ont été remplis soit lors d’entretiens en face à face soit sous format électronique.
J’ai également interviewé 15 représentants gouvernementaux, douaniers et experts en facilitation des échanges. Ces entretiens étaient semi-structurés et ont été menés avec une certaine souplesse pour pouvoir explorer les thèmes et problèmes qui se présentaient au fil des conversations. Ils ont permis de tirer des constats concernant les perspectives politiques, les défis opérationnels et les solutions éventuelles. Des réunions ont également été menées avec des agents des bureaux de douane d’Addis-Abeba et d’Adama ainsi qu’avec des commissionnaires en douane et des représentants de sociétés de transitaires et de l’Ethiopian Shipping and Logisitics Services Enterprise (ESLSE). Les informations recueillies ont ensuite fait l’objet d’une analyse thématique. Des thèmes communs ont ainsi pu être dégagés. Nous les présentons ci-dessous.
Infrastructure informatique et services numériques
L’Ethiopian Revenues and Customs Authority (ERCA) utilise le Système douanier automatisé (SYDONIA) pour traiter les déclarations en douane ainsi que d’autres solutions informatiques pour suivre les envois et gérer les droits de douane. Elle recourt aussi à des systèmes de gestion documentaire pour stocker des documents tels que les permis d’importation/d’exportation et les factures, ainsi que pour les consulter et pour les récupérer en cas de besoin. Enfin, le système informatique douanier a été intégré aux systèmes utilisés par les autres services gouvernementaux, par les autorités portuaires et par les sociétés de logistique en vue de faciliter les activités aux frontières et de les rendre plus fluides et transparentes.
Aux postes frontières éthiopiens de Tog Wajaale (à la frontière avec le Somaliland), de Galafi (à la frontière avec Djibouti) et de Moyale (à la frontière avec le Kenya), une connexion sans fil assure l’accès vital à Internet et permet aux négociants, aux fonctionnaires des douanes et aux autres parties prenantes impliquées dans la gestion des frontières d’échanger des données par voie électronique.
Toutefois, malgré toutes ces avancées, plusieurs problèmes persistent.
Les limites de l’infrastructure TI constituent un véritable problème en Éthiopie, en particulier dans les régions reculées qui manquent d’électricité. Les fréquentes pannes du système et la faible vitesse de la connexion Internet perturbent les activités et créent des retards dans les opérations de dédouanement.
De nombreux douaniers sont confrontés à d’importants défis dus à la numérisation incomplète des procédures et à un manque de compétences en matière de TI. Plusieurs agents se sont plaints de ne pas avoir les connaissances suffisantes pour utiliser les services informatiques disponibles, ce qui les empêche de traiter efficacement les transactions douanières. Les lacunes en matière de compétences contribuent à une performance inégale dans le traitement des opérations, les agents ayant du mal à gérer des systèmes numériques complexes et les formalités administratives manuelles. Le recours à des procédures papier non seulement augmentent la charge administrative mais rallongent aussi les délais nécessaires pour octroyer les autorisations, causant ainsi des retards dans les activités douanières. La situation est encore exacerbée par le manque de personnel et de ressources qui ne fait que grever encore le système et amplifier les conséquences du manque de compétences. Pour endiguer ces problèmes, il conviendrait de lancer des programmes de formation ciblés pour améliorer la maîtrise du numérique parmi les douaniers et d’investir dans la mise à niveau de l’infrastructure en vue de rendre le travail des douanes plus efficace.
L’incompatibilité des systèmes utilisés par les agences nationales de gestion des frontières en Éthiopie, au Kenya, à Djibouti et au Somaliland constitue un autre problème de taille. L’absence d’interopérabilité implique que les postes frontières ne peuvent pas échanger de données, ce qui crée des inefficacités.
Durant les entretiens, les opérateurs commerciaux ont exprimé de nombreuses inquiétudes quant à leur capacité à utiliser un logiciel sophistiqué, compte tenu de leur manque de formation. La probabilité qu’une entreprise s’engage sur la voie de la numérisation dépend grandement de sa taille. Les plus grandes sociétés sont généralement mieux loties au niveau technologique et des compétences numériques nécessaires, mais les petits commerçants sont souvent confrontés à d’importants obstacles. Ils ne sont souvent pas équipés du matériel informatique de base dont ils auraient besoin, comme un ordinateur et une connexion Internet fiable, à cause de problèmes financiers essentiellement. Ils sont donc nombreux à utiliser encore des méthodes basées sur les documents papier pour mener leurs activités commerciales.
Le recours à des processus manuels peut être attribué, du reste, à divers facteurs. Pour certains, il émane d’une sorte de « résistance culturelle » face au changement : les opérateurs, qui utilisent certaines pratiques de longue date et ont l’habitude des méthodes traditionnelles, ont du mal à passer au numérique. Pour d’autres, l’accès limité à la technologie et une formation inadéquate ne font qu’aggraver le problème.
Concernant le potentiel de contrebande, il est fondamental de tenir compte du fait que, même si certains négociants peuvent s’engager dans des activités illicites, le principal problème mis en lumière par les entretiens a trait aux difficultés pratiques que rencontrent les opérateurs commerciaux et à leur résistance face à la numérisation. Il n’existe pas forcément de lien direct entre la réticence à utiliser des outils numériques et les activités de contrebande, même si les inefficacités dans le travail douanier peuvent parfois créer des conditions favorables à la conduite d’activités illégales.
Des procédures spécifiques destinées aux petits négociants sont souvent mises en place pour tenir compte de leurs limites. Ces procédures, qui peuvent inclure des régimes simplifiés concernant les documents exigés ou encore la prorogation des délais aux fins de la conformité, visent à trouver un équilibre entre le besoin d’appliquer la règlementation et les défis pratiques que rencontrent les plus petites entreprises.
Le manque de confiance semble être un problème récurrent. Certains opérateurs commerciaux s’inquiètent de la sécurité des données et de la fiabilité du système et craignent que leurs données ne soient perdues. D’autres disent ouvertement qu’ils ne font pas confiance aux autorités et ont peur de se voir imposer de lourdes amendes s’ils ne sont pas en situation régulière.
Coopération interservices
La pandémie de COVID-19 a eu de sérieuses conséquences sur la coopération interservices aux frontières de l’Éthiopie avec le Somaliland, Djibouti et le Kenya et a aggravé les problèmes préexistants.
C’est particulièrement le cas entre les autorités sanitaires et douanières. En réponse à la pandémie, les autorités sanitaires ont mis en place des stations de contrôle sanitaire aux frontières, obligeant les voyageurs à se soumettre à des examens de santé et à des contrôles de leur température. Les autorités douanières ont été chargées d’appliquer les dispositions sanitaires tout en gérant simultanément les flux commerciaux. Des solutions novatrices, telles que le recours aux passes sanitaires numériques et l’acceptation de documents électroniques au lieu du format papier, ont été introduites pour fluidifier les procédures, facilitant ainsi le dédouanement tout en garantissant le respect des directives sanitaires.
Cependant, les personnes qui ont été interviewées ont fait état d’un manque de communication claire et cohérente entre les autorités sanitaires et les douanes, causant de la confusion à propos des protocoles à suivre et des responsabilités. Les procédures variaient en fonction des postes frontières et les changements rapides qui ont été apportés à la législation en lien avec la pandémie ont suscité un sentiment d’incertitude tant parmi les négociants que les douaniers. Les ressources douanières ont été mises à rude épreuve et n’ont pas pu assurer le respect des nouvelles exigences concernant les tests sanitaires sans causer de retards dans le traitement des déclarations, entraînant par la même occasion une accumulation de marchandises aux postes-frontières.
Corruption
La corruption reste un problème important aux frontières de l’Éthiopie. De nombreux négociants et transporteurs ont avoué qu’ils essayaient d’éviter de payer les taxes élevées imposées sur le commerce légal en soudoyant les agents, ajoutant qu’il s’agissait tout bonnement d’une question de survie. Il convient de noter que la traite d’êtres humains a également été observée à ces frontières.
Lors des entretiens, tant les opérateurs commerciaux que les douaniers ont exprimé leur forte inquiétude concernant les effets pervers de la corruption sur leurs activités. Ils conviennent tous que la corruption favorise l’émergence d’un environnement trouble où les activités illicites peuvent se développer, débouchant sur l’application incohérente des règlementations et sur des opérations illégales qui ne font l’objet d’aucun contrôle.
Les négociants se sentent souvent dans l’incapacité de faire rapport des pratiques corrompues par peur des représailles et par manque de confiance dans les mécanismes de signalement. Ils craignent qu’en dénonçant la corruption, ils ne soient soumis à des contrôles accrus ou à du harcèlement. Malgré ces craintes, ils souhaitent fortement que des réformes soient lancées pour améliorer la transparence et harmoniser les procédures douanières.
Les douaniers font face à des problèmes similaires, dans la mesure où ils sont confrontés à une corruption systémique qui sape leur capacité à faire respecter les réglementations et peut les contraindre à se rendre complices d’activités illégales. Le signalement des cas de corruption représente pour eux un vrai parcours du combattant et nombreux sont ceux qui en craignent les répercussions et ont peur de ne pas être suffisamment protégés.
Les deux groupes plaident en faveur de réformes approfondies du système, soulignant qu’il est essentiel de mettre en place des contrôles internes, d’améliorer la surveillance et de créer un environnement plus transparent et responsable. Les mécanismes de signalement varient : des canaux formels, comme les programmes de protection des lanceurs d’alerte, existent sur le papier mais ils sont loin d’être effectifs dans la pratique ; le signalement informel à travers les réseaux semble être plus courant, mais aussi moins sûr.
Gestion des risques
Les entretiens avec les bureaux de douane et avec les transitaires en Éthiopie et dans les pays voisins ont révélé que les contrôles sont stricts et prennent beaucoup de temps, créant des goulets d’étranglement et des retards dans le flux de marchandises légitimes et poussant involontairement les opérateurs commerciaux à prendre le chemin du commerce informel.
Même si certaines administrations des douanes sont en train d’adopter des technologies plus sophistiquées et favorisent la coopération transfrontalière pour améliorer la gestion des risques, les lacunes restent nombreuses au niveau de l’utilisation des outils d’évaluation des risques. Les douaniers reçoivent généralement des directives de la part du siège central sur les inspections du fret, basées sur des facteurs de risque comme l’origine de l’envoi et le type de marchandise. Les systèmes de pointe peuvent exploiter les outils d’évaluation des risques pour établir un ordre de priorité dans les inspections, mais les agents exercent parfois leur pouvoir discrétionnaire dans le cadre des directives qui leur ont été communiquées.
Leurs activités sont surveillées via des audits internes, des indicateurs de performance et un contrôle du respect des procédures. Certaines régions ont recours également à un contrôle externe pour ajouter une couche supplémentaire de transparence au processus. Mais, malgré toutes ces mesures, les contrôles douaniers ne sont pas toujours suffisamment sélectifs et rendent le processus d’inspection moins efficace.
Pour changer la donne, les autorités douanières devraient harmoniser les règlementations, partager les données, former leur personnel à l’évaluation des risques, utiliser des technologies qui permettent de surveiller les marchandises en temps réel et promouvoir la conformité de la part des opérateurs commerciaux en augmentant la transparence au niveau réglementaire et en offrant des formations et des conseils. La mise en place de mécanismes de rétroaction avec les opérateurs commerciaux contribuerait aussi à améliorer les évaluations de risque dans la mesure où ces dispositifs permettraient de recueillir des informations de terrain sur les difficultés que ces opérateurs rencontrent pour assurer leur conformité.
Les efforts en cours pour améliorer la conformité des échanges commerciaux se centrent de plus en plus sur des partenariats public-privé et sur la coopération avec les opérateurs informels. Les partenariats public-privé (PPP) visent à réunir des autorités publiques et des entités du secteur privé en vue de renforcer la facilitation des échanges et la conformité en tirant parti de leurs ressources combinées pour uniformiser les processus et améliorer les cadres règlementaires. Ces PPP peuvent se baser sur des initiatives telles que des plateformes technologiques communes et des programmes de formation conjoints, bien qu’il reste encore de nombreux défis à relever pour aligner les intérêts parfois divergents des deux parties et garantir la transparence. La coopération et le dialogue avec les opérateurs informels visent à faire en sorte que ces derniers entrent dans l’économie formelle en simplifiant les procédures réglementaires et en offrant un soutien et des incitants à la conformité. Si cette approche permet de s’attaquer aux obstacles pratiques et à la réticence des opérateurs vis-à-vis de la formalisation de leurs activités, elle exige une bonne compréhension de leur situation ainsi que des stratégies nuancées. L’amélioration effective du respect des règles du commerce dépend donc de l’adoption de stratégies globales et d’un engagement durable, tant des pouvoirs publics que du secteur privé à relever ces défis et à faciliter des échanges commerciaux plus fluides et conformes à travers les régions.
Coopération douanière
Les opérateurs commerciaux et les douaniers ont fait état de grandes inefficacités dues à l’incohérence des contrôles et au manque de coordination entre les administrations des douanes des deux côtés de la frontière. Les négociants sont souvent soumis à des inspections de la part des autorités du pays de départ et du pays de destination pour une même transaction, ce qui crée de la redondance dans les vérifications et suscite des retards. La traversée de la frontière implique typiquement plusieurs étapes : tout d’abord, le négociant doit soumettre les documents exigés et la déclaration de chargement aux autorités douanières du pays de départ. L’envoi est ensuite inspecté et, s’il est dédouané, il part vers le point de passage frontalier. À l’arrivée à la frontière du pays de destination, le négociant présente les mêmes documents et se soumet à un contrôle semblable à celui qu’il a passé dans le pays de départ.
Les personnes interrogées ont proposé plusieurs solutions lors des entretiens : harmoniser les règlementations et les procédures opérationnelles normalisées (PON), intégrer les systèmes informatiques de gestion des frontières, organiser des formations conjointes, établir des postes frontières intégrés, coordonner les contrôles, partager les ressources, recueillir et divulguer les meilleures pratiques, offrir conjointement des formations aux opérateurs commerciaux et établir un dialogue coordonné avec les opérateurs commerciaux.
Facteurs culturels
La diversité culturelle influence énormément les opérations douanières en Afrique orientale et, par conséquent, des démarches distinctes sont adoptées localement reflétant les valeurs, les normes et les pratiques des diverses communautés.
Par exemple, dans les régions où le commerce informel est profondément ancré dans l’économie locale, les douaniers peuvent adopter des politiques plus flexibles qui tiennent compte des pratiques traditionnelles. Cette approche incite les commerçants locaux, qui pourraient autrement se montrer réfractaires aux réglementations officielles, à faire preuve de bonne volonté et à respecter les règles.
À l’inverse, dans les régions où les habitants préfèrent de loin la transparence et la conformité aux lois – ce qui renvoie souvent à des expériences historiques de corruption et de manque de gouvernance – les douaniers suivent scrupuleusement les procédures et les règles et les entreprises n’ont pas d’autre choix que d’aligner leurs pratiques en conséquence.
Les personnes interrogées indiquent que les décideurs doivent comprendre et prendre en compte cette dynamique culturelle pour pouvoir élaborer des stratégies adaptées aux communautés visées, les encourageant à satisfaire les règles dans le respect de leurs pratiques locales. Cette sensibilité aux cultures locales permettrait non seulement de promouvoir une plus grande conformité mais aussi de renforcer la relation entre les autorités douanières et les populations locales, contribuant au final à créer un environnement commercial plus harmonieux et efficace.
Secteur informel
Le commerce informel désigne les activités commerciales qui se produisent en dehors du cadre règlementaire formel et qui sont menées par des entreprises non déclarées qui ne remplissent pas les exigences fiscales et juridiques établies. Les opérateurs informels englobent une vaste gamme d’individus allant de vendeurs de rue travaillant à petite échelle à des négociants relativement grands, en passant par des petits paysans et micro-entrepreneurs.
La nature du commerce informel peut varier énormément. Certaines activités peuvent être parfaitement inoffensives, comme les artisans locaux qui vendent des produits faits main ou des paysans qui écoulent leur surplus de production directement auprès des consommateurs. D’autres, par contre, peuvent être liées à des transactions illicites, comme la contrebande de marchandises volées ou illégales.
Durant les entretiens, certains négociants informels ont expliqué qu’ils restaient en dehors de l’économie formelle à cause des difficultés qu’ils rencontrent pour formaliser leurs activités, notamment les coûts élevés d’enregistrement de leur entreprise, le manque d’informations concernant la procédure d’inscription et la complexité des exigences réglementaires. Certains ont indiqué qu’ils n’étaient pas au courant des avantages qu’ils pourraient tirer de l’établissement d’une entité formelle, comme un accès accru au marché, la protection de leurs droits et l’éligibilité aux mesures de soutien de l’État, comme les régimes d’allègement fiscal ou l’accès à la microfinance.
Valider les constatations
Pour assurer l’exactitude et l’actualité des constatations tirées, j’ai contacté les administrations des douanes dans chacun des pays à l’examen. J’attends encore le retour de l’Éthiopie, même si un premier contact a été pris pour clarifier certains points concernant les réformes procédurales et le manque d’harmonisation et de coopération au niveau des frontières. Le Kenya a confirmé qu’il a mis en place un modèle de lutte contre la fraude basé sur le risque ainsi que des innovations technologiques, plus récemment, mais les autorités reconnaissent que certains problèmes persistent au niveau du manque de coordination et de l’échange de données entre les services déployés aux frontières. Le Somaliland doit encore renvoyer des réponses plus détaillées concernant ses initiatives de modernisation, en particulier les efforts menés pour pallier les inefficacités concernant les contrôles aux frontières et pour améliorer le partage de données. Les procédures de traitement accéléré ont été validées à Djibouti, ce qui corrobore les constatations de l’étude relatives à l’amélioration des opérations maritimes, mais Djibouti a également fait état de problèmes concernant la coordination transfrontalière et du besoin de mieux harmoniser les procédures avec les pays voisins. Ces réponses reflètent le problème plus général du manque de coopération et d’échange de données, qui continue de compromettre l’efficacité et l’effectivité de la gestion des frontières partout dans la région.
Voie à suivre : promouvoir la coopération avec les parties prenantes
Il convient de noter qu’il a été difficile de trouver des douaniers et des opérateurs commerciaux qui étaient prêts à répondre aux questionnaires, compte tenu de leur charge de travail et des obstacles bureaucratiques. La conduite d’une étude telle que celle-ci a exigé un suivi continu et l’établissement de réseaux de contact personnels. Il a également été essentiel d’obtenir les autorisations et les habilitations nécessaires et l’université a été d’un grand secours pour relever ces défis.
L’étude de terrain a mis en exergue le besoin d’ouvrir un dialogue avec les parties prenantes dans le cadre des efforts de modernisation douanière et elle a aussi montré que les consultations menées en Éthiopie ne sont pas formalisées actuellement, ce qui limite leur efficacité. Bien qu’elle n’ait pas encore renvoyé son retour détaillé, l’Administration des douanes reconnaît que ces consultations sont extrêmement importantes et s’intéresse aux résultats de l’étude.
En savoir +
dnltsegaye@gmail.com
[1] Cfr Brown, L., & Johnson, R. « Border Security and Informal Trade in the Horn of Africa », Journal of Security Studies, 2018, 12(2), 89-106, et Tesfaye, A. « Customs and Border Management Challenges in the Horn of Africa: Case Studies from Ethiopia. » African Journal of International Affairs, 2017, 5(1), 78-95.
[2] Cfr Girma, E., & Abebe, Y. « Policy Interventions and Trade Facilitation in Ethiopia: A Case Study of Border Management. » Ethiopian Journal of Economics, 2016, 24(2), pp. 189-210.
[3] Cfr Banque mondiale. Doing Business 2021: Comparing Business Regulation in 190 Economies, 2021.
[4] Cfr Organisation mondiale des douanes. La gestion des risques dans les administrations des douanes, 2020.
[5] Cfr Banque africaine de développement. Enhancing Trade Facilitation in the Horn of Africa, 2019.
[6] Cfr Organisation maritime internationale. Maritime and Trade Facilitation Report on Djibouti, 2021.