comment une opération douanière est devenue le moteur les efforts contre le commerce illicite de déchets, de substances appauvrissant la couche d’ozone et de gaz à effet de serre puissants
22 juin 2025
Par le Secrétariat de l'OMDAvec l’opération DEMETER, l’OMD veut doter les fonctionnaires des douanes des connaissances, des outils et des réseaux transfrontières dont ils ont besoin pour lutter avec agilité et précision contre la criminalité environnementale liée aux déchets, aux substances appauvrissant la couche d’ozone et aux gaz à effet de serre puissants.
L’OMD a lancé la première opération DEMETER en 2009, dans le but de mobiliser les administrations douanières aux fins de l’application de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (la « Convention de Bâle »). C’était la première fois qu’une opération internationale de contrôle était axée sur les déchets couverts par la Convention à l’époque, à savoir les déchets dangereux, les déchets ménagers et les cendres provenant d’incinérations.
Les saisies rapportées par les administrations douanières à l’occasion de cette première opération ont mis au jour le déversement de déchets contenant des produits chimiques toxiques dans les pays en développement, ainsi que des trafics de déchets ménagers et de déchets électroniques. L’opération a aussi mis en lumière de profondes divergences entre les législations nationales régissant les mouvements transfrontières de déchets, certains pays n’ayant encore adopté aucun texte pour appliquer la Convention de Bâle et sa procédure de notification et de consentement, le « consentement préalable en connaissance de cause » (PIC). L’OMD et la Douane chinoise, qui avait financé l’opération, ont décidé de répéter régulièrement l’exercice afin de continuer à mobiliser les administrations douanières sur la question des déchets illicites et de contribuer au renforcement de leur capacité de contrôle.
Élargissement du champ d’application
En 2019, les substances sujettes à des contrôles en vertu du Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone, y compris celles introduites par l’Amendement de Kigali cette même année, ont été ajoutées à la liste des produits ciblés. Il s’agit de près de 100 produits chimiques industriels, parmi lesquels des substances appauvrissant la couche d’ozone (SAO), comme les chlorofluorocarbones (CFC) et les hydrochlorofluorocarbones (HCFC), et les hydrofluorocarbones (HFC) qui sont de puissants gaz à effet de serre réglementés par l’Amendement de Kigali. Ensuite, en 2021, après l’entrée en vigueur des amendements à la Convention de Bâle sur les déchets plastiques, les administrations participantes ont été invitées à renforcer leurs contrôles sur les mouvements transfrontières de ces déchets. Les déchets électroniques ont aussi rejoint la liste des produits ciblés, et ce avant que les Amendements relatifs aux déchets électroniques, qui étend les contrôles de la Convention de Bâle aux déchets électroniques non dangereux, n’entrent en vigueur le 1er janvier 2025.
Axée à l’origine sur l’Asie et l’Europe, l’opération a rapidement accueilli des administrations d’Amérique du Sud, des Caraïbes et d’Afrique, où l’on a vu une nette augmentation du nombre de cas signalés suite aux ateliers de renforcement des capacités qui y ont été menés récemment et à au renforcement des contrôles . Cet élargissement du champ d’action de l’opération a permis à l’OMD de s’attaquer aux itinéraires de contrebande changeants et de ne laisser aucune région de côté.

Résultats
Dix opérations ont déjà eu lieu, et une nouvelle est prévue. La Douane chinoise a joué un rôle déterminant dans l’organisation de chacune d’elles, que ce soit en finançant des activités essentielles de renforcement des capacités ou en fournissant un soutien opérationnel sans faille. Le nombre d’administrations participantes a varié d’une édition à l’autre, mais le rapport saisies/administrations n’a cessé d’augmenter (voir le tableau 1). Au total, les participants ont saisi 519 millions de kg et 1,78 million de déchets, près de 553 000 kg de SAO et de HFC, ainsi que 28 152 kg et 12 195 équipements utilisant des SAO et des HFC.
Des documents d’orientation pour définir de profils de risque pour les déchets plastiques, les déchets électroniques, les SAO et les HFC ont été élaborés pour étayer l’analyse des risques et optimiser les ressources nécessaires au contrôle. L’OMD a formé plus de 300 agents, les dotant des outils et des connaissances dont ils ont besoin pour détecter et enrayer la criminalité environnementale aux frontières. Entre l’opération DEMETER VIII, menée en 2022, et l’opération DEMETER X, menée en 2024, le nombre de saisies signalées a augmenté de 223,7 %, ce qui témoigne d’un engagement plus fortet de la mise en place d’une approche plus stratégique des contrôles.

Mobilisation des parties prenantes
Ce qui n’était à l’origine qu’un mécanisme de signalement des saisies s’est mué en une initiative majeure de renforcement des capacités d’application du droit de l’environnement. L’opération a bénéficié de la participation des bureaux régionaux de liaison chargés du renseignement (BRLR) de l’OMD qui jouent désormais un rôle actif dans l’échange d’informations en temps réel et les opérations conjointes de lutte contre la fraude. Huit organisations internationales soutiennent également l’opération, en renforçant la coordination sur le plan opérationnel et en partageant leur expertise technique. Le tout premier atelier conjoint de l’OMD et de la Convention de Bâle, qui s’est tenu en 2024, a marqué une étape décisive en réunissant des agents des douanes et des agents chargés de l’environnement et en fixant un cap stratégique pour les futures actions conjointes dans le cadre de l’opération DEMETER.
Les organismes nationaux chargés des questions environnementales jouent également un rôle crucial. Les membres du Réseau de l’Union européenne pour la mise en œuvre de la législation communautaire environnementale et pour le contrôle de son application (IMPEL) ont soutenu leurs homologues des douanes aux frontières. Environnement et Changement climatique Canada a agi de concert avec l’Agence des services frontaliers du Canada, et diverses agences nationales chargées des questions environnementales, par exemple celle de la Gambie, ont apporté un soutien essentiel aux douanes.
Tendances de contrebande

Ces opérations ont permis de recueillir des informations précieuses, mais elles ont aussi montré que les contrebandiers ne cessaient de s’adapter et de faire évoluer leurs méthodes.
En ce qui concerne les déchets, à partir de l’opération DEMETER VII, en 2021, l’augmentation des saisies à l’exportation a constitué un changement notable, témoignant des efforts soutenus de répression et d’une sensibilisation croissante aux points de départ. Par ailleurs, lors de l’opération DEMETER X, en 2024, l’Afrique a détrôné l’Asie pour la première fois en tant que destination principale des envois illicites de déchets depuis l’Europe, ce qui s’explique probablement par l’inégalité des capacités de contrôle et les lacunes réglementaires dans les pays africains.
Le commerce illicite des HFC s’est intensifié en raison du fait que les calendriers de réduction progressive de leur utilisation ne sont pas les mêmes dans les pays développés et les pays en développement. La forte demande, associée aux tentatives de contournement des systèmes d’autorisation, a créé un marché noir lucratif. Les contrebandiers exploitent les pays qui disposent encore de quotas de production, d’utilisation et de consommation, en expédiant des substances interdites vers des régions où les quotas diminuent.
En outre, les fonctionnaires des douanes ont constaté une augmentation des saisies d’équipements anciens contenant des substances en cours d’élimination ou éliminés, ainsi que d’appareils neufs interdits à la vente pour réduire la demande de ces substances. Les équipements contenant des réfrigérants obsolètes peuvent relever à la fois de la Convention de Bâle (en tant que déchets électroniques) et du Protocole de Montréal, ce qui fait que les douanes et les autorités environnementales doivent collaborer étroitement pour classer les marchandises et prendre les mesures qui s’imposent.

Le renforcement des contrôles sur les déchets et les substances sujettes à des contrôles en vertu du Protocole de Montréal a poussé les contrebandiers à réacheminer les cargaisons, à falsifier des documents et à exploiter les zones de libre-échange et les points de transit. Les points de départ et les destinations des envois sont variés, et il est donc difficile d’établir des tendances. Par exemple, la plupart des substances réglementées au titre du Protocole de Montréal ont été interceptées lors de l’importation, et plus de la moitié des interceptions impliquaient des points de transit, ce qui témoigne de la complexité des itinéraires, même si les inspections dans les entrepôts, sur les marchés et dans les moyens de transport ont également porté leurs fruits.
Expérience des participants
La Douane belge, qui supervise les mouvements de marchandises passant à travers le port maritime d’Anvers, le deuxième plus grand d’Europe, participe aux opérations DEMETER depuis la première édition. Au fil des ans, en collaboration avec d’autres participants, elle a affiné les profils de risque. Au cours de la dernière opération, elle a arrêté de nombreux envois et repéré 37 infractions à l’’exportation et en transit.
Au cours des opérations DEMETER, la Douane gambienne a renforcé ses échanges (communication, coordination, consultation et mise en commun de renseignements) avec l’agence nationale de l’environnement, le bureau d’enregistrement des produits chimiques et des pesticides, le ministère du pétrole et de l’énergie, la police et d’autres services. Cela s’est révélé payant : au cours des opérations DEMETER IX et X, c’est la Douane gambienne qui a effectué le plus grand nombre de saisies.
Il arrive que l’on ne puisse pas contrôler ou arrêter à temps des conteneurs suspects en transit et en transbordement, et il est alors essentiel de pouvoir contacter le pays de transit ou d’importation. Les participants à DEMETER peuvent partager rapidement des informations de manière sécurisée, et ainsi s’avertir mutuellement. L’exemple qui suit montre combien cela peut être essentiel. Au cours de l’opération DEMETER X, au port de Rotterdam, l’Inspection de l’environnement humain et des transports et l’administration des douanes ont intercepté des cargaisons de déchets de batteries plomb-acide en provenance de la Jamaïque et de Porto Rico. La procédure PIC n’ayant pas été respectée, 30 conteneurs ont été stoppés, mais quatre sont passés entre les mailles du filet, à destination de l’Inde via le Sri Lanka. Les points de contact nationaux de l’Inde et du Sri Lanka ont été rapidement alertés. Grâce à un échange rapide d’informations, la Douane indienne a intercepté les quatre conteneurs en question.
Et maintenant ?
Les prochaines éditions de l’opération viseront à aider les participants à mieux analyser les données relatives à deux nouveaux produits, tels que les textiles, identifiés comme des enjeux par la dix-septième réunion de la conférence des parties de la Convention de Bâle. Elles seront aussi l’opportunités de déterminer les impacts d’initiatives telles que la directive (UE) 2024/1203 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Avec l’indéfectible soutien de ses partenaires, l’OMD veut doter les fonctionnaires des douanes des connaissances, des outils et des réseaux transfrontières dont ils ont besoin pour lutter avec agilité et précision contre la criminalité environnementale.
La participation active d’un plus grand nombre de Membres de l’OMD renforcerait considérablement l’impact de l’opération. Une autre opération DEMETER est prévue et tous les Membres de l’OMD sont chaleureusement invités à se joindre à cet effort international de contrôle, unique en son genre et efficace, et à montrer leur engagement en faveur de la protection de notre planète.
En savoir +
enforcement@wcoomd.org