Panorama

Numérisation du commerce : TradeTrust ouvre la voie

23 juin 2025
Par la Douane de Singapour

Présenté pour la première fois dans OMD Actu, en 2021, TradeTrust a continué à faire progresser le mouvement mondial vers des documents commerciaux numérisés, compatibles entre eux et juridiquement valables. Développé par l’Infocomm Media Development Authority (IMDA) de Singapour, l’outil a dépassé le stade des essais et rend possible aujourd’hui de nombreuses transactions commerciales et financières, faisant de la promesse d’échanges commerciaux sans papier une réalité.

TradeTrust est un cadre de normes et de composants logiciels acceptés dans le monde entier qui permet la création, la vérification et même l’exploitation de documents commerciaux électroniques (tels que les certificats d’origine et les connaissements[1]) sur plusieurs plateformes. Initiative au code source ouvert conçue pour permettre à ceux qui l’adoptent de gérer des documents électroniques transférables conformes aux exigences de la Loi type de la CNUDCI sur les documents transférables électroniques (LTDTE), TradeTrust permet à ces documents numériques de fonctionner comme leurs équivalents papier. L’outil répond à des problèmes qui se posent depuis longtemps dans le secteur privé, par exemple le manque d’interopérabilité entre les systèmes, le risque intrinsèquement élevé de fraude et la nécessité d’un traitement plus rapide et plus efficace des documents – ce qui est particulièrement important pour le financement du commerce.

L’une des caractéristiques uniques de TradeTrust est qu’il permet aux autorités frontalières de travailler sans discontinuité sur le même connaissement électronique (eBL) que celui que s’échangent les exportateurs, les importateurs et les banques, sans compromettre le contrôle de ces parties sur le titre de propriété des marchandises.

La publication des conditions types d’utilisation des connaissements électroniques TradeTrust, rédigées par le cabinet d’avocats international Watson Farley & Williams (WFW) et consultables ici (en anglais), a été une avancée majeure en 2025. Ce cadre juridique contient les éléments qui permettent de répondre aux questions sur l’interopérabilité et la responsabilité, à savoir :

  • des définitions normalisées, de sorte que tout soit bien clair pour les utilisateurs ;
  • les conditions d’utilisation qui régissent les relations entre les utilisateurs et les plateformes commerciales numériques, traitant par exemple des responsabilités, du rejet de l’eBL ou encore du passage au papier ;
  • les clauses qui doivent figurer dans tout eBL TradeTrust.

Grâce aux clauses normalisées prévues dans les conditions types TradeTrust, les intervenants seront plus enclins à utiliser les eBL quels que soient les plateformes et les pays, ouvrant la voie vers une adoption plus large de ces documents dans les processus de financement du commerce pour lesquels certitude et respect des règles sont des maîtres-mots.

TradeTrust est passé de la théorie à la pratique et permet dans certains cas des transactions transfrontières qui intègrent des processus de financement du commerce. Les cinq exemples présentés ci-après sont particulièrement parlants.

Utilisation de documents vérifiables

Certificats d’origine électroniques améliorés par TradeTrust

GUUD, une entreprise technologique qui fournit des plateformes pour la gestion des certificats d’origine électroniques (eCO), a intégré dans ses solutions les composants logiciels open source de TradeTrust et les normes internationalement reconnues. Elle peut ainsi offrir à ses clients une solution efficace pour gérer l’authenticité et la vérifiabilité des eCO par-delà les frontières, réduire les coûts opérationnels et mieux se conformer aux exigences du commerce international.

Utilisation de documents transférables

Coopération entre Singapour et la Chine au moyen d’eBL (avril 2025)

Au cours de la deuxième phase d’un projet pilote sur les documents numériques interopérables contre paiement (D/P), un envoi de conserves alimentaires depuis Xiamen vers Singapour a été exécuté au moyen d’un eBL émis, transmis et vérifié par une chaîne de blocs et sur plusieurs plateformes numériques adaptées à la solution TradeTrust en Chine et à Singapour.

Sous la direction de l’IMDA de Singapour et du Gouvernement populaire de la municipalité de Beijing, les échanges ont impliqué les entités suivantes : COFCO Industrial Food, transformateur, producteur et négociant de produits alimentaires en Chine, Yit Hong Pte Ltd, distributeur de produits alimentaires à Singapour, Pacific International Lines, fournisseur de services logistiques, la Banque de Chine et la Banque industrielle et commerciale de Chine, en tant que banques remettantes, et DBS et United Overseas Bank, à Singapour, en tant que banques chargées de l’encaissement.

Toutes les procédures à suivre par les vendeurs et les acheteurs, notamment la signature des contrats, les dédouanements, les transferts de propriété et les paiements, étaient entièrement dématérialisées. Cette collaboration a montré que la numérisation du commerce était viable et qu’il était possible de garantir l’interopérabilité à tous les niveaux de l’écosystème. Elle a aussi renforcé le rôle que peut jouer TradeTrust lorsqu’il s’agit de faire des économies et de gagner en efficacité et en transparence dans les opérations.

Couloir commercial numérique entre Singapour et l’Inde (août 2023)

Un autre projet pilote portait sur une transaction transfrontière qui a impliqué l’échange d’eBL et des processus de financement du commerce entre l’Inde et Singapour. Un conteneur de ferraille a été expédié de Miami à Gujarat. Le prestataire logistique a émis un eBL en utilisant le portail TradeTrust. Le document a ensuite été présenté par la DBS Bank à Singapour et accepté par l’ICICI Bank en Inde dans le cadre d’une lettre de crédit émise au profit de l’acheteur, Jindal Stainless.

Ont participé à ce projet pilote la DBS Bank, l’ICICI Bank, A.P. Moller-Maersk, Jindal Stainless (Inde), Maptrasco (Singapour), l’IMDA, le ministère du commerce et de l’industrie de Singapour et le groupe de réflexion indien NITI Aayog.

Ce projet a permis de raccourcir les délais d’exécution, de réduire à un minimum les erreurs manuelles et d’accroître la confiance dans les documents. Il a été salué pour sa conformité aux principes de haut niveau du G20 sur la numérisation des documents commerciaux et a établi une référence en matière d’interopérabilité juridique et d’acceptation commerciale.

Plateforme pour le financement du commerce (TFAP) de GUUD intégrant les eBL de TradeTrust (2023)

Mise au point par la société technologique singapourienne GUUD, la TFAP est une plateforme numérique multi-banques de financement du commerce conçue pour simplifier et accélérer la demande, le traitement et la présentation des instruments de financement du commerce, parmi lesquels les lettres de crédit (LC).

Depuis son lancement, en 2019, la TFAP a embarqué 11 banques et permis aux exportateurs et aux importateurs de gérer numériquement les processus relatifs aux LC. GUUD a intégré TradeTrust pour prendre en charge l’endossement et la vérification des eBL, ce qui permet les transferts de titres et la présentation de documents aux banques dans un format juridiquement vérifiable et infalsifiable. Cette intégration comble le fossé entre la numérisation des documents et l’exécution du financement du commerce – réduisant le délai de traitement de bout en bout de 10-14 jours à moins de 30 minutes – tout en améliorant la transparence, l’intégrité des documents et la confiance transfrontière dans les transactions commerciales financées.

Projet pilote de financement du commerce entre les pays aux réglementations conformes à la LTDTE

L’IMDA de Singapour, l’Autorité monétaire de Singapour (MAS) et l’Autorité de régulation des services financiers (FSRA) d’Abu Dhabi Global Market (ADGM), en collaboration avec les partenaires commerciaux DBS Bank, Emirates NBD et Standard Chartered, ont participé à un projet pilote visant à démontrer la possibilité pour les pays aux réglementations conformes à la LTDTE d’échanger des lettres de crédit et des documents relatifs à la chaîne d’approvisionnement sur la base du cadre TradeTrust. Les contreparties commerciales et les banques effectuant les transactions ont pu valider les documents numériquement et en toute sécurité, même lorsqu’elles se trouvaient sur des plateformes de financement du commerce différentes. TradeTrust démontre que la gestion 100 % numérique et légalement reconnue du processus de financement du commerce est non seulement possible, mais qu’elle est déjà une réalité.

Bien public numérique

Cette année (2025), TradeTrust a demandé à être reconnu comme un bien public numérique par la Digital Public Goods Alliance, une initiative multipartite, approuvée par les Nations Unies, qui facilite la découverte, le développement et l’utilisation de solutions open source qui respectent les normes et les meilleures pratiques et qui soient utiles pour atteindre les objectifs de développement durable, ainsi que les investissements dans ces solutions.

Alors que les pays continuent d’harmoniser leurs cadres juridiques avec la LTDTE et que les entreprises numérisent leurs opérations, TradeTrust se positionne comme un catalyseur essentiel d’un écosystème commercial numérique caractérisé par sa sécurité, son interopérabilité et son efficacité.

En savoir +
https://tradetrust.io/

[1] Document que le transporteur émet pour accuser réception d’une cargaison en vue de son expédition, le connaissement a trois fonctions : il sert de reçu, il contient la preuve du contrat de transport ou constitue cette preuve et il sert de titre de propriété.