Coopérer avec les partenaires pour avancer sur les questions d’égalité de genre et de diversité en douane
31 octobre 2024
Par Johanna Törnström, Cheffe de projet et experte EGS, Direction du renforcement des capacités, Secrétariat de l’OMDDans la lignée du thème de l’OMD pour 2024, « Pour une douane mobilisant ses partenaires historiques et nouveaux autour d’objectifs clairs », le Secrétariat de l’Organisation a récemment collaboré avec plusieurs entités en vue d’avancer sur le front de l’égalité de genre et de la diversité (EGD) en douane.
Adopter une démarche entre pairs en matière de renforcement des capacités pour permettre l’apprentissage mutuel
En 2022, pour répondre aux demandes croissantes des Membres de l’OMD en matière de soutien dans le domaine de l’EGD, le Secrétariat a commencé à travailler sur la constitution d’un vivier « d’experts reconnus ». Un profil d’expert a été mis au point en vue de déterminer les qualifications et les compétences requises, puis un appel à candidatures a été lancé auprès des Membres. Deux ateliers de formation des formateurs ont été organisés en conséquence, le premier en mars 2023 pour les candidats sélectionnés des pays anglophones et le deuxième en avril 2024, à l’intention des candidats choisis parmi les pays francophones. Pour compléter le processus de certification et obtenir le statut d’expert reconnu, les candidats doivent dispenser des activités de renforcement des capacités menées par le Secrétariat de l’OMD. À ce jour, l’Organisation compte six experts reconnus.
Ce recours à des pairs pour mener des activités de renforcement des capacités a notamment pour avantage de mettre tant les experts que les participants en situation d’apprentissage. Goitseone Lenyatso, experte douanière principale au Botswana Unified Revenue Service (BURS), s’est occupée d’une mission de renforcement des capacités en matière d’EGD au Ghana en mars 2024. Elle explique qu’elle est rentrée chez elle la tête pleine d’idées. « Le Comité national de la facilitation des échanges (CNFE) au Ghana dispose d’un sous-comité sur le commerce et le genre et ce serait vraiment quelque chose que nous pourrions aussi mettre en place au Botswana », indique-t-elle. « Les conversations que nous avons eues avec les petits opérateurs commerciaux ont été un autre grand moment pour moi. Ils ont partagé leur expérience avec nous et nous ont parlé de leurs besoins, ce qui montre clairement que le fait d’ouvrir un dialogue inclusif avec les parties prenantes est essentiel pour renforcer la facilitation des échanges et la conformité », ajoute-t-elle.
Jonathan Bouchard, chef des opérations de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qui a co-dispensé deux ateliers, en Côte d’Ivoire et au Nigeria, décrit également son expérience des activités de renforcement des capacités de l’OMD comme extrêmement gratifiante. « J’ai non seulement rencontré des experts extraordinaires de l’OMD, mais j’ai également beaucoup appris des administrations à qui nous apportions notre soutien et j’ai ramené dans mon administration des idées très novatrices », conclut-il.
Partenariat avec le Programme sur la sécurité en Afrique occidentale pour mettre à jour l’Outil d’évaluation de l’égalité de genre dans les organisations (GEOAT)
Une version actualisée du GEOAT a été publiée en décembre 2023 grâce à la contribution des Membres de l’OMD et au financement apporté par le biais du Programme sur la sécurité en Afrique occidentale (PS-AO), programme qui est mené par le Secrétariat de l’OMD avec le soutien financier du ministère des Affaires étrangères allemand.
Le GEOAT inclut à présent un document-type que les administrations peuvent utiliser en tant que modèle pour évaluer elles-mêmes leurs politiques et procédures en matière d’égalité de genre et de diversité et répertorier les domaines qui exigent des améliorations.
Un chapitre sur la sûreté et la sécurité a également été ajouté à l’Outil. Ce chapitre inclut des indicateurs incitant les administrations à :
- établir des profils de risque basés sur les données ventilées en fonction du sexe ;
- collaborer avec d’autres agences présentes aux frontières pour traiter de questions telles que la migration et la traite d’êtres humains ;
- promouvoir l’harmonisation des aspects EGD dans le cadre des politiques de sécurité et de sûreté, ainsi que les procédures appliquant une perspective du genre et de la diversité, dans le but de sensibiliser les parties prenantes aux risques auxquels différents groupes sont exposés ;
- consulter les voyageurs et les négociants qui traversent la frontière ainsi que les communautés locales concernant les problèmes de sécurité, pour s’assurer que leurs inquiétudes sont bien prises en compte ;
- déployer des infrastructures adéquates à la frontière, compte tenu des besoins spécifiques des différents groupes, notamment des femmes, des enfants et des personnes handicapées ;
- garantir l’équilibre de genre parmi le personnel ayant des fonctions en lien avec la lutte contre la fraude, les enquêtes et la sécurité aux postes-frontières et dans les comités traitant des questions relatives à la sécurité.
Partenariat avec les autres programmes de l’OMD financés par les donateurs afin de faire connaître les outils de l’OMD
L’OMD recommande d’appliquer les principes de l’égalité de genre et de la diversité (EGD) de manière transversale dans le cadre des politiques internes (gestion des ressources humaines), des politiques extérieures (activités aux frontières et coopération avec les parties prenantes) et des mécanismes généraux de coordination, de suivi et d’évaluation.
Plusieurs programmes de renforcement des capacités financés par les donateurs et menés par le Secrétariat de l’OMD[1] avaient fait part du souhait des administrations, avec lesquels ils travaillaient, de mieux comprendre comment utiliser le GEOAT. Avec leur soutien, des sessions virtuelles d’introduction à l’outil et à son utilisation ont été organisées les 5 et 6 juin 2024 avec des représentants de 27 administrations des douanes. Les participants ont appris à utiliser le GEOAT afin de dresser un diagnostic de leur organisation et de mettre au point un plan d’action spécifiquement axé sur l’EGD.
De plus, au titre du Programme sur la sécurité en Afrique occidentale, deux ateliers sous-régionaux ont été organisés pour les pays partenaires au programme, au Nigeria en avril 2024 et en Côte d’Ivoire en juillet 2024. La version actualisée du matériel de l’OMD pour les formations d’une semaine sur la promotion de l’égalité de genre et de la diversité en douane a servi de base aux intervenants. Grâce au soutien de deux autres programmes de renforcement des capacités, à savoir le Programme Accelerate Trade Facilitation et le Programme anti-corruption et de promotion de l’intégrité (A-CPI), d’autres pays non-partenaires ont pu participer à ces ateliers.
Aider les administrations des douanes à dialoguer et à coopérer avec les parties prenantes
Le Secrétariat de l’OMD a également organisé, en collaboration avec des administrations douanières, deux séminaires nationaux de coopération et de dialogue avec les parties prenantes qui ciblaient les petites et moyennes entreprises (PME), et en particulier les femmes commerçantes. Le premier s’est déroulé à Accra, au Ghana, en mars 2024, et le second à Abidjan, en Côte d’Ivoire, en juillet 2024.
Ces activités ont été menées au titre du composant sur l’égalité de genre et de la diversité du Programme sur la sécurité en Afrique occidentale. Ses concepteurs estiment en effet que l’élaboration et la mise en œuvre de politiques inclusives constituent une condition sine qua non pour arriver à une paix durable et à une sécurité pérenne.
Les études ont montré que les PME impliquées dans le commerce transfrontalier, et en particulier celles gérées par des femmes, rencontrent des problèmes spécifiques qui ne sont généralement pas pris en compte par les douanes. Par exemple, elles connaissent souvent très mal non seulement les politiques et procédures douanières mais aussi leurs droits et leurs obligations. Elles sont fréquemment exposées à des risques tels que la corruption et le harcèlement. Par ailleurs, elles ne font souvent pas confiance aux fonctionnaires de l’État et ont peur des douaniers.
Les séminaires avaient pour but d’établir une compréhension mutuelle et d’améliorer les relations entre les deux parties. Les douaniers ont expliqué les politiques et les procédures s’appliquant à l’importation et à l’exportation, en mettant un accent particulier sur les possibilités qu’offre la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ainsi que l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la facilitation des échanges (AFE). Les participants ont aussi pris connaissance du rôle de la douane dans le recouvrement des recettes, la facilitation des échanges, la sûreté et la sécurité, la protection de la société. Les défis qu’elle doit relever et l’importance de la conformité ont également étaient abordés.
Les petits et moyens opérateurs ont, quant à eux, parlé de leur expérience et des problèmes qu’ils rencontrent du fait des règlementations et des procédures actuelles et ils ont eu l’occasion de poser des questions aux représentants de la douane. De ces échanges, il est ressorti que les opérateurs ne savent pas comment déclarer adéquatement leurs marchandises en douane ni déposer une plainte auprès de l’administration douanière. A également été mise en évidence la dépendance des négociants envers les transitaires et commissionnaires en douane, dépendance qui peut aggraver leur situation dans certains cas en favorisant confusion et malentendus.
Certaines participantes au séminaire qui s’est déroulé au Ghana appartiennent à l’Organisation des femmes dans le commerce international. L’une d’elles s’est dite particulièrement satisfaire de la rencontre, ajoutant que « le séminaire nous a permis de mieux comprendre les processus douaniers et pourquoi il est important de soumettre les bonnes déclarations. Nous comprenons maintenant la raison d’être de certains aspects qui ont des effets négatifs sur nos activités, en particulier les droits de douane pour l’importation de marchandises, qui sont parfois élevés et que les douaniers doivent percevoir sur toutes les transactions. »
D’autres sujets importants qui ont été débattus avaient trait à la sûreté et à la sécurité. Les échanges ont notamment permis de souligner qu’il est essentiel de disposer d’une infrastructure appropriée qui tienne compte des besoins des femmes et d’autres groupes, tels que les personnes handicapées. Des recommandations ont ainsi pu être formulées, notamment sur la mise en place d’aménagements sanitaires séparés, de salles d’inspection et d’un éclairage appropriés la nuit, ainsi que d’espaces de détention sûrs et adaptés en fonction du sexe et de l’âge des personnes visées. Les participants ont également discuté de questions telles que le harcèlement et la violence de genre et ils ont souligné qu’il était utile de compter sur la présence de femmes douanières aux frontières, non seulement pour effectuer les fouilles corporelles sur les femmes mais aussi pour garantir l’équité dans l’application des règlements.
Les séminaires ont abouti à la rédaction de recommandations qui aideront la Ghana Revenue Authority et la Douane ivoirienne à renforcer leur collaboration avec les parties prenantes rencontrées, le but étant en définitive de rendre l’environnement commercial plus inclusif. Parmi les recommandations formulées, il a été suggéré d’organiser ce type d’événements plus régulièrement et de les intégrer dans la politique de dialogue et de consultation des parties prenantes.
Mobilisation des organisations promouvant l’EGD au niveau national et international
L’organisation de ces événements a été l’occasion pour le Secrétariat de l’OMD de développer de nouveaux partenariats. Le séminaire au Ghana a bénéficié de la collaboration du sous-comité sur le commerce et le genre du Comité national de la facilitation des échanges (CNFE) ghanéen. Quant à celui organisé en Côte d’Ivoire, il a reçu le soutien de l’antenne d’ONU Femmes à Abidjan qui a mobilisé ses contacts auprès des ministères et des associations de femmes commerçantes.
La collaboration avec ces organisations s’est révélée précieuse, non seulement pour s’assurer que les bons groupes cibles soient invités aux séminaires mais aussi pour initier des partenariats entre la Douane et des interlocuteurs nationaux clés et ouvrir ainsi la voie à d’autres initiatives visant à assurer l’EGD en douane. L’OMD plaide fermement en faveur d’une plus grande collaboration sur le thème de l’EGD, que ce soit avec d’autres agences gouvernementales ou avec les parties prenantes nationales ou internationales, dans la mesure où cette coopération peut aider les douanes à renforcer leurs efforts en matière d’EGD.
Le Secrétariat de l’OMD redouble en outre d’efforts pour nouer des relations avec des partenaires internationaux du développement travaillant dans le domaine de l’EGD et du commerce. Le nombre de partenaires avec lesquels le Secrétariat est en contact régulier sur le thème de l’EGD a considérablement augmenté ces dernières années et des synergies et des possibilités de collaboration sont examinées avec plusieurs d’entre eux, notamment dans le cadre de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) ou encore avec Expertise France, l’Agence allemande de coopération internationale (GiZ), le Centre du commerce international (CCI), INTERPOL, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la CNUCED, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ONU Femmes, le Groupe de la Banque mondiale (GBM) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
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Activités et outils de l’OMD sur l’EGD
[1] Il s’agit du programme Accelerate Trade Facilitation, du Programme anti-corruption et de promotion de « l’intégrité » (A-CPI), du Programme sur la facilitation du commerce international (GTFP) SECO-OMD, du Programme sur la facilitation des échanges et la modernisation douanière de l’OMD-Sida et du Programme sur la sécurité en Afrique occidentale (PS-AO).