La Douane mongole réforme son processus de contrôle a posteriori
31 octobre 2024
Par l'Administration générale des douanes de MongolieAu cours des deux dernières années, l’Administration générale des douanes de Mongolie (AGDM) s’est lancée dans une ambitieuse réforme de son processus de contrôle a posteriori (CAP) avec le soutien de l’OMD. Le présent article explique comment la réforme a pris forme et ce qui a été réalisé jusqu’à présent.
Le contrôle a posteriori (CAP) permet de mesurer et d’améliorer le niveau de conformité des opérateurs commerciaux. Le processus de CAP en soi désigne l’examen structuré des données commerciales pertinentes, des contrats de vente, des états financiers et des documents non financiers, de l’inventaire matériel et d’autres actifs de l’opérateur commercial, après que la douane a octroyé la mainlevée des marchandises. S’il est bien conçu et rodé, le processus est considéré comme étant la meilleure méthode pour recouvrer les recettes perdues en raison d’une sous-évaluation, d’une classification erronée ou d’une déclaration de l’origine incorrecte. La mise en place d’une procédure solide de CAP contribue également à la gestion des risques en offrant une évaluation réelle du niveau de conformité des opérateurs commerciaux soumis à un contrôle après dédouanement. Il permet en outre à une administration des douanes de mettre en place un programme de catégorisation des opérateurs afin de les distinguer en fonction de leur niveau de conformité respectif, contribuant ainsi à une gestion efficace des risques et réduisant la nécessité pour la douane d’intervenir à la frontière lorsqu’elle est en présence d’opérateurs respectueux de la réglementation. De surcroît, le CAP améliore la transparence des procédures de taxation de l’administration, ce qui contribue à renforcer de manière significative la confiance des entreprises vis-à-vis de la douane.
En 1996, l’Administration générale des douanes de Mongolie (AGDM) a créé une division CAP, faisant du contrôle a posteriori un élément essentiel de son processus de vérification des déclarations en douane. Le volume du commerce extérieur ayant considérablement augmenté au cours des décennies suivantes, l’Administration a reformulé ses objectifs stratégiques pour la période 2021-2024 et a décidé de revoir ses processus afin de déterminer la meilleure façon d’atteindre ces objectifs.
Après avoir examiné les normes internationales ratifiées par la Mongolie, telles que la Convention de Kyoto révisée (CKR) de l’OMD et l’Accord sur la facilitation des échanges (AFE) de l’OMC, l’Administration s’est rendu compte qu’il fallait apporter des améliorations substantielles au système de CAP. Elle a estimé qu’il était absolument crucial d’aligner les processus existants sur les Directives de l’OMD aux fins du CAP et sur l’article 7.5 de l’Accord de facilitation des échanges de l’OMC pour parvenir à un recouvrement juste et efficace des recettes.
En conséquence, en mars 2022, elle a demandé le soutien du Secrétariat de l’OMD à cet effet. Grâce au financement du Fonds de coopération douanière du Japon, un projet pluriannuel a été lancé pour renforcer les compétences de la division CAP de l’AGDM.
Évaluation de diagnostic et démarche suivie par l’équipe
Le Secrétariat de l’OMD a détaché une équipe d’experts pour réaliser une évaluation de diagnostic en août 2022. Les experts ont examiné le cadre juridique existant, les ressources humaines disponibles et les arrangements institutionnels en place, de même que les méthodologies et les techniques de CAP utilisées. Ils ont mis le doigt sur un certain nombre de lacunes et ont formulé plusieurs recommandations visant à aider l’AGDM à renforcer ses capacités en matière de CAP, conformément aux Directives de l’OMD et aux meilleures pratiques internationales. Sur la base de leurs conclusions, l’AGDM a élaboré un plan de travail pluriannuel d’activités de renforcement des capacités, qui a ensuite été approuvé par le Directeur général adjoint de l’Administration en décembre 2022.
L’AGDM a veillé à ce que l’initiative bénéficie de l’attention et des ressources nécessaires en désignant un correspondant principal chargé d’assurer la liaison avec les experts de l’OMD et en mettant en place une « équipe CAP » chargée de collaborer avec ces experts pour la mise en œuvre de leurs recommandations. Le correspondant a pu faciliter une communication et une collaboration sans faille avec les experts de l’OMD, tandis que l’équipe CAP s’est concentrée sur la mise en œuvre effective des mesures de réforme.
Formation technique
Le contrôle a posteriori est un processus technique et spécialisé. Outre des connaissances douanières approfondies, un certain nombre de compétences spécifiques sont requises, notamment en matière de comptabilité, d’analyse des données et de techniques d’audit. Les responsables du CAP au sein de l’AGDM avaient besoin de renforcer leurs connaissances et leur savoir-faire dans certains domaines, notamment sur les prix de transfert qui représentent un élément important pour le contrôle des entreprises multinationales. Leurs connaissances et leur expérience d’utilisation d’un système de traitement automatisé pour la sélection des entités à contrôler étaient également limitées et ils avaient tendance à se concentrer davantage sur les contrôles basés sur les transactions que sur les contrôles basés sur les systèmes (le CAP implique l’examen des systèmes et des registres des opérateurs, et pas seulement des données et des informations historiques relatives aux déclarations).
Pour améliorer les techniques des effectifs responsables du CAP, les experts de l’OMD ont organisé une formation en avril 2023 à l’intention non seulement des fonctionnaires chargés des activités relatives au CAP, mais aussi des cadres supérieurs et des chefs des services concernés afin de s’assurer qu’ils aient tous une bonne compréhension de certaines notions fondamentales telles que le cycle d’audit, l’approche de la conformité fondée sur le risque ou la catégorisation des opérateurs. Pour ce faire, ils ont abordé les techniques d’analyse des données et expliqué en quoi les indicateurs de risque utilisés pour les contrôles durant le processus de dédouanement diffèrent de ceux utilisés pour le CAP. Ils ont également insisté sur le besoin de mettre en place une coopération efficace et des mécanismes d’échange d’informations avec d’autres organismes gouvernementaux, en particulier avec l’administration fiscale.
Un autre cours de formation organisé en septembre 2023 a été l’occasion de lancer les travaux d’élaboration de procédures opérationnelles normalisées (PON). De plus, les participants ont discuté de la mise au point de stratégies de coopération et de communication avec les parties prenantes externes et avec l’administration fiscale, notamment aux fins de l’échange de renseignements dans le cadre des activités de CAP.
Analyse des procédures et des réglementations
Sur la base de son plan de travail, l’AGDM a créé un groupe de travail chargé de rédiger des propositions d’amendements à la loi mongole sur les douanes. Ensemble avec toute l’équipe douanière impliquée dans les travaux de réforme juridique, les experts de l’OMD ont examiné les procédures relatives à l’exécution d’un contrôle dans ses différentes phases (ciblage, planification, notification, réunions, rapports), les techniques et les méthodes utilisées (contrôles dans les locaux de l’Administration, contrôles sur place) ainsi que les différents types de contrôles (contrôles basés sur les transactions, contrôles intégrés, contrôles basés sur les systèmes).
Ils ont relevé plusieurs modifications à apporter à la législation nationale, notamment en ce qui concerne la manière dont un contrôleur doit exercer ses fonctions de manière à ne pas restreindre la liberté d’activité économique des opérateurs. Les experts ont également recommandé de bien séparer les fonctions de contrôle de celles relatives aux sanctions et aux poursuites judiciaires. L’objectif premier des contrôles a posteriori est d’améliorer le respect des règles dans le chef des importateurs. Lorsque les contrôleurs sont également chargés d’engager des poursuites et d’imposer des sanctions, il existe un risque de conflit d’intérêts qui renforce l’idée que les contrôles a posteriori sont uniquement punitifs. Une telle situation peut nuire à la coopération avec les importateurs. En séparant les contrôles a posteriori des procédures de sanction, les douanes peuvent promouvoir la coopération et le respect des règles par les opérateurs.
Il est également apparu que la loi douanière mongole ne contenait pas de dispositions facilitant la mise en conformité, comme la possibilité pour les opérateurs de modifier eux-mêmes leurs déclarations sans encourir de pénalités, ou l’application de pénalités en fonction de la gravité de la faute ou de l’infraction. Les experts de l’OMD ont donc recommandé de revoir le régime de sanctions et de mettre en œuvre des mesures encourageant le respect de la législation, telles qu’un programme de divulgation volontaire permettant aux déclarants de corriger leurs déclarations une fois que les marchandises ont été dédouanées sans encourir de sanctions, conformément aux normes 3.27[1], 3.28[2] et 3.39[3] du chapitre 3 de la Convention de Kyoto révisée de l’OMD et aux dispositions du paragraphe 3.6 de l’article 6[4] et du paragraphe 1.1 de l’article 12[5] de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges.
Élaboration de PON
Les experts de l’OMD ont travaillé avec le personnel de l’AGDM à l’élaboration de procédures opérationnelles normalisées (PON). Là encore, une formation a été organisée pour présenter les meilleures pratiques dans ce domaine et fournir aux contrôleurs des conseils pratiques, notamment un modèle de PON. Les procédures opérationnelles normalisées qui ont été conçues sont toutes conformes aux normes internationales et aux outils de l’OMD sur le CAP.
Elles tiennent également compte des préoccupations soulevées et des suggestions faites par le personnel grâce à un mécanisme de retour d’information mis en place par l’Administration. Ce retour d’information a été régulièrement examiné et évalué afin de s’assurer qu’il correspondait bien aux problèmes et aux besoins concrets des effectifs douaniers et il a ensuite été utilisé pour apporter les ajustements nécessaires aux procédures opérationnelles normalisées.
Programme de formation
L’AGDM a ensuite élargi sa division CAP et a engagé de nouveaux contrôleurs qui ont été recrutés sur la base de leur expérience. Un programme de formation sur mesure a été élaboré afin de permettre à l’Administration de former ces nouveaux auditeurs aux nouvelles procédures opérationnelles normalisées. Cette étape du plan de travail a impliqué les experts de l’OMD ainsi que ceux de l’AGDM.
Coopération
Les deux groupes d’experts se sont également penchés sur l’élaboration de stratégies de communication pour établir un dialogue avec les parties prenantes internes et externes. Ils ont examiné des schémas de collaboration efficaces avec diverses unités comme celles chargées de la gestion des risques, du dédouanement et des opérations transfrontalières.
La collaboration avec les parties prenantes externes, y compris avec l’autorité fiscale et les entreprises, a également été abordée. Les Directives visant à renforcer la coopération et l’échange d’informations entre les autorités douanières et les autorités fiscales au niveau national ont été présentées à cette occasion, en particulier la section relative au CAP. Il convient de noter que, bien que l’Administration des douanes mongole partage des informations avec l’Administration fiscale, cette dernière n’en fait pas autant, alors que les renseignements qu’elle recueille pourraient être très utiles à la création de profils d’opérateurs.
Les experts ont souligné qu’il était nécessaire de mettre en place des programmes de sensibilisation à l’intention des opérateurs économiques, notamment pour s’assurer qu’ils comprennent les procédures relatives au CAP mais aussi leurs droits et obligations, tels que la tenue de registres.
Enseignements tirés
Les représentants de l’AGDM et de l’OMD ont rencontré plusieurs difficultés lors du déploiement du plan de travail relatif au CAP et cette expérience leur a permis de tirer certains enseignements.
La direction des douanes doit reconnaître la nécessité d’une réforme et apporter son soutien aux efforts entrepris en ce sens
En Mongolie, la haute direction des douanes a joué un rôle essentiel en faveur de la création d’un environnement propice au changement. L’équipe de direction a notamment communiqué activement avec les parties prenantes internes et externes afin d’obtenir leur soutien en faveur des réformes. Cet appui indéfectible a été fondamental pour la réussite du projet.
Recevoir l’assistance des experts de l’OMD offre de multiples avantages
Si les administrations douanières doivent s’approprier leur programme de réforme et de modernisation, il peut être très utile de bénéficier d’une assistance extérieure. La participation des experts de l’OMD a été essentielle à la réussite de la mise en œuvre du plan de travail de l’AGDM concernant le CAP.
La mise en œuvre de réformes exige du personnel
L’un des principaux défis rencontrés au cours du processus de réforme a été le manque de personnel pour engager les changements nécessaires. Ce manque d’effectifs a fait obstacle à la prise en compte et à la mise en œuvre de tous les aspects du projet de réforme.
Les réticences au changement proviennent souvent d’un manque de compréhension et d’information
Le manque d’information et de compréhension a suscité des réticences de la part du personnel à adopter une nouvelle approche et de nouvelles méthodes de travail. Il était donc essentiel d’assurer une formation exhaustive des effectifs afin de les aider à comprendre pourquoi ces changements étaient nécessaires. Les experts de l’OMD ont eu des discussions approfondies avec les douaniers, ce qui a permis à ces derniers de partager leurs points de vue et leurs préoccupations afin d’éviter tout malentendu ou de désamorcer toute frustration éventuelle. Les experts, quant à eux, ont non seulement partagé leurs connaissances mais ils ont également répondu à tous les doutes et à toutes les inquiétudes. Cette communication ouverte a permis de générer le consensus, de renforcer la cohésion de l’équipe et d’assurer une démarche unifiée pour la mise en œuvre des réformes.
Le cadre légal doit être conforme aux normes internationales
L’application incohérente des lois et règlements relatifs au CAP posait un autre défi majeur. Des consultations approfondies ont été menées avec l’équipe juridique afin de modifier les lois et règlements et de s’assurer qu’ils étayent bien les nouvelles activités de CAP. L’alignement du cadre légal n’est pas encore totalement achevé et les travaux à ce titre se poursuivront à l’avenir.
La formation, encore et toujours
La formation continue et le développement professionnel sont essentiels pour permettre aux douaniers de se tenir au courant de l’évolution des questions liées au CAP, par exemple l’introduction de nouvelles méthodologies, technologies ou pratiques.
Flexibilité et adaptabilité, les mots d’ordre en matière de réforme
La flexibilité et l’adaptabilité sont des compétences essentielles pour les responsables chargés de piloter les réformes. Ces derniers doivent favoriser le dialogue et être disposés à ajuster le plan de réforme en fonction des réactions du personnel et de l’évolution de la situation.
Le processus de réforme doit être transparent
En adoptant une approche axée sur l’ouverture et la transparence, les organisations peuvent favoriser la mise en place d’un environnement propice à la réforme, instaurer une culture de la confiance et obtenir des résultats positifs. Il est essentiel d’organiser des discussions régulières et ouvertes avec le personnel et les parties prenantes afin de s’assurer que les opinions divergentes soient entendues, d’accroître le niveau de compréhension de toutes les parties et, en fin de compte, d’éviter les résistances au changement.
Réalisations et voie à suivre
La collaboration fructueuse entre le personnel de l’AGDM et les experts de l’OMD a permis de transformer radicalement le système de CAP en Mongolie, marquant ainsi une étape importante dans l’alignement des opérations douanières du pays sur les normes internationales.
Au début du mois d’octobre 2024, les deux parties ont examiné les réalisations de la Douane de Mongolie et les domaines où des améliorations et des actions supplémentaires s’imposent. Les principales réalisations ont été l’élaboration de nouvelles procédures opérationnelles normalisées, ainsi que la formation des auditeurs/contrôleurs, notamment des nouvelles recrues de la division CAP, dont les effectifs ont doublé entre 2022 et 2023.
L’AGDM travaille encore à la rédaction d’amendements à la loi mongole sur les douanes, notamment dans le cadre de la réforme de la procédure afférente au CAP. Une fois achevés, ces amendements seront soumis au Parlement national. Après leur approbation, la nouvelle loi sur les douanes reflétera les dispositions relatives au CAP prévues par la CKR, qui a été ratifiée par la Mongolie en 2006.
La Douane mongole a également revu sa stratégie de conformité basée sur le risque et élaboré un plan d’audit annuel. En outre, la division de gestion des risques de la Douane mongole est en train d’introduire un programme de catégorisation des opérateurs. Cette initiative se fonde sur un document de recherche rédigé il y a plusieurs années, dans le cadre du programme de développement de carrière de l’OMD, par l’experte associée de la Douane de Mongolie, qui est devenue entre-temps cheffe de la division de gestion des risques en 2023.
La révision du protocole d’accord (PDA) avec l’autorité fiscale est actuellement en cours, le but étant de renforcer les processus de liaison et d’échange de renseignements pour améliorer l’efficacité et les résultats de la mise en œuvre du CAP. Il est également prévu de formuler des stratégies concernant la coopération et le dialogue avec les parties prenantes extérieures.
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bdsh@customs.gov.mn
[1] « La douane permet au déclarant de rectifier la déclaration de marchandises qui a été déposée, à condition qu’au moment de l’introduction de la demande, elle n’ait commencé ni l’examen de la déclaration de marchandises ni la vérification des marchandises. » Norme 3.27, chapitre 3, CKR de l’OMD.
[2] « La douane permet au déclarant de rectifier la déclaration de marchandises s’il en fait la demande après le début de l’examen de la déclaration de marchandises, si les raisons invoquées par le déclarant sont jugées valables par la douane. » Norme 3.28, chapitre 3, CKR de l’OMD.
[3] « La douane n’inflige pas de lourdes pénalités en cas d’erreurs lorsqu’il est établi à sa satisfaction que ces erreurs ont été commises de bonne foi, sans intention délictueuse ni négligence grave. Lorsqu’elle juge nécessaire d’éviter toute récidive, elle peut infliger une pénalité qui ne devra cependant pas être trop lourde par rapport au but recherché. » Norme 3.39, chapitre 3, CKR de l’OMD.
[4] « Lorsqu’une personne divulguera volontairement à l’administration des douanes d’un Membre les circonstances d’une infraction à une loi, à une réglementation ou à une prescription procédurale en matière douanière avant que l’administration des douanes ne se rende compte de l’infraction, le Membre sera encouragé, dans les cas où cela sera approprié, à considérer ce fait comme un facteur atténuant potentiel pour l’établissement d’une pénalité à l’encontre de cette personne. » Paragraphe 3.6 de l’article 6, AFE de l’OMC
[5] « Les Membres conviennent qu’il est important de faire en sorte que les négociants connaissent leurs obligations en matière de respect des exigences, d’encourager le respect volontaire pour permettre aux importateurs, dans des circonstances appropriées, d’effectuer eux-mêmes des rectifications sans pénalité, et d’appliquer des mesures visant à assurer le respect des exigences pour prendre des mesures plus strictes à l’encontre des négociants qui ne respectent pas ces exigences. » Paragraphe 1.1 de l’article 12, AFE de l’OMC