Panorama

La Douane finlandaise teste le potentiel innovateur d’un Hackaton

20 juin 2017
Par Annukka Elonen, Département du commerce extérieur et de la taxation, Douane finlandaise

Les hackathons ne sont plus l’apanage des technophiles férus d’informatique. Plusieurs centaines de grandes entreprises dans des secteurs d’activité aussi variés que le transport aérien, les télécommunications, la bière, le secteur bancaire, les institutions gouvernementales et publiques, en organisent aujourd’hui. La Douane finlandaise a récemment participé à un hackathon au cours duquel elle a mis les participants au défi d’imaginer des solutions qui faciliteraient l’accès du public aux informations relatives aux règlementations et aux procédures douanières. L’expérience s’est révélée particulièrement utile et a permis à la Douane d’élargir ses horizons sur ce qu’il est possible de faire.

La Douane finlandaise est, depuis de nombreuses années, à la pointe du déploiement de services numériques. Elle a lancé son premier service en ligne pour la gestion des échanges commerciaux intracommunautaires en 1999. Les opérateurs économiques peuvent, en outre, soumettre leurs déclarations à l’importation sous format EDI depuis 1992, et sous format XML depuis 2009.

A l’heure actuelle, 90 % des services proposés sont numériques et ils sont disponibles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Par ailleurs, la Douane finlandaise investit 15 % de son budget d’exploitation dans la technologie de l’information et de la communication (TIC). La méthodologie sous-tendant le développement de projets TIC a été revue afin de l’épurer et de la rendre plus agile et de nouveaux profils métiers, tels que directeur de produit (product owner en anglais) ou designer de services, ont été introduits.

En 2016, le gouvernement finlandais a décidé de numériser tous les services publics. La même année, la Douane finlandaise a lancé un programme pour mettre sur pied des services numériques orientés clients qui, tout étant conviviaux, permettraient de minimiser l’interaction entre « clients » et fonctionnaires. Afin d’impulser l’établissement de tels services, elle a participé à l’automne 2016 à un hackathon dédié aux services publics et organisé en amont du lancement des festivités commémorant le centième anniversaire de l’indépendance de la Finlande.

La numérisation au sein de la Douane finlandaise : https://www.youtube.com/watch?v=utW1Z9IhJ1o

Le hackathon en action

Dans un pays aussi connecté que la Finlande, où 72% de la population utilise Internet au quotidien et où 2,2 millions de téléphones portables ont été vendus en 2015, le phénomène des hackathons est en pleine expansion. Mot tiré de l’anglais hack (bidouiller) et du mot marathon, un hackathon est un événement où des équipes constituées de développeurs, et parfois aussi de graphistes et de gestionnaires de projet, collaborent sur un projet informatique – en général, le développement d’un logiciel – pendant une période de temps très limitée (par exemple une semaine) dans le but de coder rapidement quelque chose de malin (d’où l’utilisation du mot hack) en travaillant de façon intensive et sans s’arrêter (d’où la référence au marathon). Il s’agit souvent d’une activité festive au terme de laquelle un jury se charge de désigner et de couronner les vainqueurs.

Au cours du hackathon dédié aux services publics dont il est question ici, vingt-six équipes internationales multidisciplinaires d’étudiants universitaires ont dû relever différents défis qui leur ont été lancés par le Projet Apotti, le Bureau des brevets et de l’enregistrement, le Conseil national de la police, la Défense, le Service des gardes-frontières, le ministère de l’Intérieur et la Douane. Ces diverses organisations gouvernementales ont demandé aux étudiants de mettre au point des solutions numériques qui permettraient de rendre leurs services plus faciles à utiliser et d’accroître le recours à Internet et aux dispositifs portables pour y accéder.

Au cours d’une première période de trois jours, les équipes d’étudiants ont eu la tâche de mettre au point un prototype en tenant compte des retours d’information et des orientations fournis par des superviseurs provenant des organisations gouvernementales participantes. Après ce hackathon à proprement parler, elles ont disposé de deux mois supplémentaires pour parachever leurs solutions avant de les présenter devant un jury. Comme le hackathon s’inscrivait également dans le cadre d’un programme universitaire, des cours magistraux en matière de conception de service, de technique de présentation, de conception des processus, de gestion de projet et de gestion du changement étaient également proposés au cours de l’événement.

Le défi lancé par la Douane finlandaise dans le cadre du hackathon s’articulait autour des questions suivantes : quand et comment le public devrait-il interagir avec les services en ligne de la Douane et comment cette interaction pourrait-elle être facilitée et minimisée ? Avec l’aide de six experts de la Douane, les étudiants ont été invités à proposer des solutions permettant à l’administration de mieux servir ses clients lorsqu’ils sont en déplacement, lorsqu’ils commandent des produits à l’étranger (achat sur le Web), ou encore lorsqu’ils reçoivent des cadeaux depuis l’étranger ou transportent des articles par-delà la frontière. Les solutions mises en avant devaient faciliter la vie des clients, être novatrices et conviviales, permettre une interaction facile avec les services numériques existants de la Douane et donner l’image d’une administration rajeunie, digitale et interactive.Dans la recherche de solutions, les experts douaniers ont encouragé les équipes d’étudiants à trouver le bon équilibre dans les interactions entre la douane et le client en insistant sur les éléments suivants :

• Il convient de mettre à la disposition des clients des informations et des orientations au bon moment et au bon endroit, en donnant si nécessaire la possibilité d’accéder à un service d’assistance-client.
• S’il est important que les services de la douane soient facilement accessibles, il s’agit de limiter toutefois au maximum le besoin d’interaction.
• Il s’agit de diminuer les contacts avec la clientèle grâce à la mise à disposition de services en ligne conviviaux et de solutions permettant l’échange électronique d’informations, solutions qui ne seraient pas nécessairement mises au point par la Douane.

À la fin des trois jours du hackathon, chaque équipe a défendu ses solutions en trois minutes et chaque organisation participante a alors pu sélectionner une équipe gagnante pour participer à la finale. Les superviseurs ont évalué les solutions sur la base de critères tels que la faisabilité, l’efficacité, l’impact, le caractère innovant et l’expérience clients. Les équipes ont dès lors dû fournir des descriptions détaillées des avantages des solutions présentées dans leurs rapports finaux. Elles ont également dû réfléchir à la façon dont ces avantages pouvaient faire l’objet d’une évaluation, établir les exigences requises pour la mise en œuvre de leur produit, prévoir les risques et planifier un budget.

Résultats

Les organisations participantes se sont confrontées à une nouvelle méthode consistant à mettre en place des services orientés clients en combinant conception de service, gestion simplifiée et numérisation. Les mots-clés dans ce processus étaient la réutilisation des données, le co-développement de services et la relocalisation des services vers là où se trouvent les clients et vers les plateformes médias qu’ils utilisent. Le principe révolutionnaire tiré de cette expérience est que les organisations ne doivent pas s’attendre à ce que le client vienne les trouver mais au contraire savoir où le client se trouve à un moment donné.

La meilleure équipe à avoir travaillé sur les défis douaniers était l’équipe « Voyager pratique ». La solution novatrice qu’elle a conçue permet de fournir de manière automatique des informations personnalisées sur les règles de voyage et les restrictions qui s’appliquent aux voyageurs. La solution offre des fonctionnalités permettant de soumettre une déclaration en ligne mais aussi de planifier son budget. L’équipe a choisi une application bancaire mobile comme plateforme de prestation de service au vu du nombre croissant d’utilisateurs de ce type de service. L’application peut être intégrée à d’autres plateformes telles que les applications dédiées aux voyages.

L’application se déclenche et devient donc interactive lorsque le voyageur entame son voyage, en lui proposant d’utiliser un dispositif de suivi de son budget et en fournissant des informations sur les restrictions douanières. À destination, l’utilisateur peut planifier son budget et visualiser les produits qu’il a achetés, y compris les taxes qui devront être payées. Si la limite budgétaire est dépassée, l’application lui envoie un message d’alerte par SMS. Lorsque l’utilisateur rentre chez lui, l’application lui conseillera, par exemple sur le voyage de retour, de soumettre, le cas échéant, une déclaration en douane. À son arrivée à destination, l’utilisateur peut alors acquitter les droits et taxes qui seront éventuellement dus.

Le nouveau parcours client

L’application profite à tous. D’une part, les personnes en déplacement ne devront plus faire de recherches sur la règlementation douanière qui s’applique et ont accès à un nouveau service ; d’autre part, le prestataire de service pourra offrir ce nouveau type de service à ses clients en déployant une solution à moindre frais. En outre, les clients seront davantage conscients des procédures douanières et autres règlementations et les taxes seront perçues de façon fiable et efficace, sans que l’administration douanière n’ait à encourir les frais de conception et de développement de la solution mise en place.

La palme du hackathon est revenue au ‘Service Ilona’ conçu pour le Projet Apotti. Il s’agit d’une application visant à améliorer la qualité de vie des personnes qui prennent soin d’un parent à la maison, et ce en les connectant à des prestataires de services publics et privés. Recourant à l’intelligence artificielle, l’application fonctionne sur la base de la technologie de reconnaissance vocale, recueille et analyse les données et aide les utilisateurs à améliorer leur vie sociale, par exemple, en leur suggérant différentes activités de loisir et en prenant pour eux les dispositions nécessaires pour trouver un aide-soignant qui pourra les remplacer.

Et après?

Un hackathon ne permet pas forcément de fournir des solutions prêtes à l’emploi pouvant être déployées immédiatement. Après l’engouement que l’événement a suscité, les obstacles sont revenus hanter les organisations participantes, comme notamment les problèmes liés à la législation, à l’architecture TIC, aux limites budgétaires et au cloisonnement des opérations. Par conséquent, un petit groupe d’experts en numérisation a été formé avec pour mission de dépasser ces obstacles et de veiller à réaliser concrètement les résultats du hackathon.

La valeur ajoutée d’un hackathon réside dans sa technique multidisciplinaire de résolution des problèmes et dans sa démarche systématique en matière de conception des services à l’ère numérique. Il a également donné aux organisations participantes la possibilité de prendre du recul pour se demander pourquoi elles font ce qu’elles font et s’il s’agit bien de la seule façon de faire. Les enseignements tirés du hackathon ont permis aux institutions de prendre conscience du fait que, lorsque de nouveaux services numériques sont développés, elles doivent tenter :

  1. d’être présentes sur l’application ou le site web que le public visé télécharge ou consulte (banques, pharmacies, aéroports, avions, boutiques en ligne) ;
  2. d’offrir des services à travers les médias qu’utilise l’utilisateur (téléphone mobile, e-services d’autres entités) ;
  3. de connaître les besoins et les pratiques de leurs clients (authentification, comparaison de prix comprenant les taxes et droits, méthodes de paiement) ;
  4. de co-développer les services avec d’autres opérateurs (opérateurs postaux ou aéroportuaires, ministères et agences gouvernementales, pharmacies) ;
  5. de résoudre les problèmes des clients avant même que ces derniers ne se rendent compte qu’ils ont un problème ;
  6. de travailler leur image – il est essentiel de rendre les services visuellement attrayants.

L’expérience du hackathon a amené la Douane à intégrer des plateformes de co-développement et à chercher des partenaires, ainsi qu’à envisager de nouvelles possibilités en commençant à explorer le recours à des technologies telles que l’authentification mobile, les agents conversationnels (chatbots), les assistants de requête, la ludification qui consiste à rendre les activités humaines ludiques, et les services mobiles. Il convient ici de souligner qu’il faut du courage et de la persévérance pour lancer des modèles expérimentaux souples à petite échelle plutôt que des projets à grande échelle, administrativement lourds et chronophages.

La Douane finlandaise est persuadée que les innovations qui déboucheront in fine sur une révolution de ses services ne verront le jour qu’en combinant l’expertise douanière avec celle des autres prestataires de service. Ainsi, les administrations douanières doivent se plonger pleinement dans les écosystèmes numériques existants et penser trans-sectoriel afin de rationaliser le parcours de leurs clients, et ce faisant, économiser les ressources, simplifier les processus et renforcer la conformité.

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annukka.elonen@tulli.fi
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