Mobiliser les recettes douanières dans un bureau des douanes de l’hinterland : immersion au Bureau de Bertoua au Cameroun
27 octobre 2025
Par Bertolus Kengni Mbom, inspecteur principal, chef du bureau principal de Bertoua, Douane du CamerounDans de nombreux pays, la Douane est non seulement présente aux points d’entrée clés des marchandises, mais aussi dans des zones éloignées des principales routes commerciales. Bertoua, ville située dans la région éponyme à l’Est du Cameroun, fait partie de ces zones reculées disposant d’un bureau principal. Si les autres bureaux de la région sont positionnés à la frontière de la République Centrafricaine (RCA) et de la République du Congo, le Bureau de Bertoua est, lui, très éloigné des frontières terrestres. Peu praticables, les routes les plus rapides pour rejoindre le Congo et la RCA depuis la ville sont respectivement de 410 et de 246 km.
Les objectifs de recettes mensuels et annuels assignés au bureau des douanes de Bertoua sont pourtant souvent de même ordre de grandeur que ceux des bureaux frontaliers. En outre, si trois brigades de surveillance mobiles, qui lui sont rattachées et qui ont vocation à lutter contre le commerce illicite, devraient lui servir de « bras armés » dans le cadre de la mobilisation des recettes, elles ont elles aussi leurs propres objectifs en termes de recouvrement.
Devant une telle mise en concurrence, le bureau principal de Bertoua a dû s’adapter pour arriver à satisfaire les objectifs de recettes dans un environnement de rareté de la matière taxable.
Effectifs, ressources et missions
Un Chef du bureau de douane, son adjoint et quatre agents des douanes en tenue constituent l’effectif du bureau. La plupart proviennent d’autres unités douanières de la région et, s’ils ont parfois changé d’affectations au sein du secteur de Bertoua, ils s’y sont établis avec leurs familles depuis longtemps. Une majorité d’entre eux sont dans la région, et parfois dans le bureau de Bertoua, depuis plus de cinq ans. Leurs missions consistent principalement à vérifier les déclarations, liquider les droits et taxes et procéder à l’archivage dans un ordre chronologique mensuel des déclarations douanières[1] ainsi qu’à tenir les registres comptables du bureau des douanes.
Le bureau ne dispose pas de matériel roulant mais est doté d’équipements informatiques permettant des procédures douanières automatisées et d’une connexion internet adéquate pour couvrir l’ensemble du processus de dédouanement de la prise en charge des marchandises jusqu’à leur mainlevée au profit des usagers.
Les pistes explorées en vue de la mobilisation optimale des recettes
Durant ces trois dernières années, trois activités piliers ont été privilégiées.
Le suivi très minutieux de l’apurement des régimes suspensifs
En 2019, le Cameroun a accueilli la Coupe d’Afrique des nations (CAN 2019). Plusieurs chantiers ont été lancés pour réhabiliter les stades d’entraînement et construire des stades un peu partout dans le pays. Des engins de travaux publics ont été introduits au Cameroun par les sociétés impliquées dans ces chantiers sous le régime de l’Admission Temporaire Spéciale. Cette facilité douanière cautionnée concédée aux entreprises de travaux publics leur permet d’introduire sur le territoire des engins sous réserve du paiement échelonné sur cinq années des droits de douanes, la première annuité étant due dès l’introduction des engins sur le territoire.
Dans la région de Bertoua, de nombreuses sociétés ont fait venir du matériel roulant depuis la République du Congo. La tâche principale du bureau des douanes aura donc consisté à veiller au respect du paiement des annuités dues à échéance par les entreprises. Un tableau annuel de suivi des échéanciers a été élaboré à cet effet par le bureau afin de relancer avant échéance les entreprises. Celles n’ayant pas respecté leurs engagements ont été sanctionnées. Le recouvrement des droits de douanes et des amendes liées au retard de paiement a ainsi permis d’engranger des recettes.
Le contrôle des matériels et engins des sites miniers
Le Cameroun est riche en ressources minières, notamment en or qui est principalement extrait dans la région de l’Est. Une mission pilotée par le bureau des douanes depuis 2022 sur l’ensemble des sites miniers installés dans le secteur des Douanes de l’Est a contribué de manière substantielle à la mobilisation des recettes. Il s’est agi de procéder au recensement de l’ensemble des engins utilisés par les chercheurs d’or, de pierres et métaux précieux en activité dans la Région afin non seulement d’en constituer un fichier mais également de procéder à la vérification de la régularité de leur situation douanière.
Des équipes de douaniers ont fait des descentes dans les sites miniers pour répertorier les engins roulants en circulation et autres matériels et identifier leurs propriétaires. Grâce à l’application informatique « Cosmos » conçue par le service informatique de la Direction Générale des Douanes, il suffisait aux équipes d’entrer le numéro du châssis des engins dans ladite application pour obtenir les informations sur leur situation douanière. Les types de fraude constatés portaient en majorité sur la contrebande, certains engins et matériels n’ayant jamais été déclarés. Les agents ont également contesté certaines valeurs déclarées lors de l’importation et ont effectué des redressements tout en rapportant ces cas de fraude au service central du contentieux afin qu’il en tire des informations utiles à tous les bureaux.
L’impact positif de la mission HALCOMI
La Douane camerounaise est fortement engagée depuis environ une décennie dans un vaste chantier de lutte contre le commerce illicite. Elle a notamment mis au point depuis fin 2016 sa propre opération de lutte contre la fraude dénommée HALCOMI qui a été présentée dans le numéro 106 d’OMD Actualités. Le bureau de Bertoua en a grandement bénéficié car les montants des droits éludés et des amendes recouvrés par le personnel de l’opération HALCOMI dans le secteur des douanes de l’Est sont comptabilisés dans les recettes du bureau. Les relations entre les agents ont été harmonieuses, d’autant plus que les agents du bureau des douanes étaient parfois associés aux activités HALCOMI sur le plan opérationnel et dans le cadre du partage de renseignement. De nombreux cas de fraudes ont été mis en lumière grâce à la coopération établie entre les équipes. Il s’agissait principalement de sous-évaluation et de contrebande sur les véhicules importés à partir du Bénin.
Conclusion
En matière de recouvrement des recettes, les bureaux des douanes de l’hinterland doivent percevoir leur situation non comme un handicap mais comme une opportunité d’explorer les alternatives possibles comme nous avons pu le démontrer plus haut. Revers de la médaille, les recettes exceptionnelles enregistrées par le bureau de Bertoua en faveur d’opérations occasionnelles ont eu pour effet une augmentation des objectifs en matière de recettes, et ce alors que nous nous attendions à ce que les opérateurs économiques accroissent leur conformité. Il va donc falloir être encore plus ingénieux et vigilants.
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[1] Les procédures sont toutes automatisées mais les archives sont encore physiques.