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Dossier: Mesurer la performance

Le parcours de l’Inde en matière de facilitation des échanges sous l’angle de l’étude nationale sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises

24 juin 2024
Par Vijay Singh Chauhan, Directeur principal des douanes (à la retraite) and Sruti Vijayakumar, Vice-Directrice des douanes à la Central Board of Indirect Taxes & Customs (Direction centrale des impôts indirects et des douanes), Inde

Le commerce international joue depuis longtemps un rôle essentiel pour la promotion du développement économique et la réduction de la pauvreté dans les économies les moins développées et en développement. Conscients des effets bénéfiques d’un commerce international juste et équitable, les nations, les groupements économiques et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont engagés dans diverses initiatives pour promouvoir le commerce international. Citons, par exemple, la négociation fructueuse et la mise en œuvre actuellement en cours de l’Accord de facilitation des échanges (AFE) de l’OMC, qui préconise « la simplification, la modernisation et l’harmonisation des procédures d’exportation et d’importation ». Le Comité national de la facilitation des échanges (CNFE), créé pour piloter la mise en œuvre des engagements pris par l’Inde au titre de l’AFE, a élaboré un plan d’action national pour la facilitation des échanges (NTFAP) assorti d’un calendrier à cet effet. Le NTFAP prévoit également, sous la rubrique des mesures « AFE plus », des initiatives pour le développement des infrastructures et l’amélioration des technologies de l’information, qui ne sont pas couvertes par l’AFE mais qui sont une priorité pour l’Inde, compte tenu de leur rôle en faveur de la facilitation du commerce.

Parmi les incitants qui ont poussé l’Inde à adopter l’AFE figurent les estimations de l’Organisation mondiale du commerce qui « montrent que la mise en œuvre intégrale de l’AFE pourrait réduire les coûts du commerce de 14,3% en moyenne, et accroître le commerce mondial de 1 000 milliards de dollars [des États-Unis] par an, les pays les plus pauvres enregistrant les gains les plus importants »[1]. La facilitation des échanges réduit les coûts liés au commerce, à la fois directement et indirectement, notamment parce qu’elle contribue à diminuer le temps nécessaire pour mener à bien une transaction commerciale, et l’on sait depuis longtemps que ces intervalles de temps se prêtent mieux à des exercices de mesure. C’est pourquoi l’Organisation mondiale des douanes (OMD) a mis au point l’étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises (ou étude TRS, de son acronyme anglais).

L’article 7.6 de l’AFE intitulé « établissement et publication des temps moyens nécessaires pour la mainlevée »[2] reconnait l’importance de la mesure de la performance et l’utilité de la TRS en tant qu’outil pour la mesurer. Il encourage les Membres « à mesurer et à publier le temps moyen qui leur est nécessaire pour la mainlevée des marchandises, périodiquement et d’une manière uniforme, au moyen d’outils tels que, entre autres, l’Étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée de l’Organisation mondiale des douanes » et « à faire part au Comité [de la facilitation du commerce de l’OMC] de leurs expériences en matière de mesure des temps moyens nécessaires à la mainlevée, y compris les méthodes utilisées, les goulets d’étranglement identifiés, et toutes répercussions sur le plan de l’efficacité. »

L’Inde figure parmi les pionniers de la facilitation des échanges, ayant rempli tous ses engagements dans les délais impartis[3] en février 2022. L’Inde a en même temps mené une TRS tous les ans, centré au début sur le Jawaharlal Nehru Custom House (JNCH), qui est le plus grand bureau de douane du pays et qui dessert le port Jawaharlal Nehru, qui représente, quant à lui, le 30e plus grand port de conteneurs au monde. Depuis 2021, une TRS à l’échelle nationale est réalisée chaque année, couvrant 15 ports maritimes majeurs, les ports secs intérieurs (officiellement désignés sous l’appellation de dépôts intérieurs de conteneurs ou ICD), les complexes de fret aérien (ACC) et les postes de douane terrestres, appelés postes de contrôle intégrés (ICP). Par ailleurs, l’Inde a partagé ces études formelles sur l’espace public[4], en a fait rapport au Comité de la facilitation des échanges de l’OMC[5] et a envoyé rapidement la TRS menée au JNCH en 2018 au Secrétariat de l’OMD pour inclusion sous la section « Expériences des Membres » du Guide sur la TRS 2018[6].

Le présent article fait fond sur un article précédent, intitulé « Évaluer le processus de dédouanement : l’expérience de l’Inde, qui a été publié en 2018[1] et qui présentait les principaux points forts de l’expérience initiale de l’Inde en matière de mesure des temps moyens de mainlevée, y compris les méthodologies utilisées, les goulets d’étranglement identifiés et les répercussions sur le plan de l’efficacité.

Ce qui se mesure bien se fait bien

Le gouvernement indien a reconnu l’importance de la facilitation des échanges et de la mesure de la performance en la matière, sur la base de divers indicateurs.  Les co-auteurs du présent article, Vijay Singh Chauhan et Sruti Vijayakumar, s’étaient déjà penchés sur plusieurs indicateurs relatifs à la facilitation du commerce publiquement disponibles concernant l’Inde dans un document intitulé Measuring Trade Facilitation : Evidence from India[2]. En analysant les résultats de six indicateurs composites de performance pour l’Inde, ils avaient constaté une amélioration avérée des temps nécessaires pour la mainlevée des marchandises, en se basant en particulier sur des études fondées sur des données facilitées par la technologie ; ces études avaient permis de mesurer de manière plus probante la performance des organismes et des pratiques de gestion des frontières que les indicateurs représentant les « catalyseurs » de la facilitation des échanges, fondés sur des enquêtes de perception. Dans ce document, les co-auteurs plaidaient aussi vigoureusement en faveur de l’utilisation du temps nécessaire à la mainlevée en tant qu’indicateur de performance privilégié sur la facilitation des échanges, dans la lignée de la recommandation de l’OMD et de l’OMC.

La mesure régulière de la performance exige évidemment la définition d’objectifs précis et raisonnables. En conséquence, le plan d’action national pour la facilitation des échanges (NTFAP) prescrit, entre autres, des délais moyens pour la mainlevée de 48 heures à l’importation et de 24 heures à l’exportation pour les ports maritimes, les ports secs et les postes de douane terrestres, et de 24 et 12 heures respectivement pour le fret aérien. Le CNFE a également chargé la Direction centrale des impôts indirects et des douanes (CBIC) de diriger les travaux de conduite des TRS nationales (ci-après NTRS).

Ainsi, la CBIC mène des études annuelles depuis 2019, en se basant sur une analyse détaillée des bills of entry (c’est-à-dire des déclarations d’importation) et des shipping bills (soit des déclarations d’exportation) soumises au cours de la première semaine de l’année civile, et en suivant une méthodologie normalisée qui a évolué avec le temps, compte tenu des TRS menées à certains ports locaux, en particulier la TRS réalisée au JNCH mentionnée plus haut, et la TRS effectuée au Complexe de Fret Aérien (ACC) de Bombay en 2020.

La CBIC publie également des rapports moins exhaustifs mais plus fréquents sur le temps moyen nécessaire à la mainlevée, en s’appuyant sur des données détaillées au niveau des transactions obtenues par le biais du système automatisé des douanes (qui est la plateforme où les déclarations d’importation et d’exportation sont soumises et traitées) :

1)         Les rapports mensuels des temps d’immobilisation (Monthly Dwell Time Report[3] ou DTR) pour les importations, depuis juillet 2015, qui couvrent toutes les déclarations soumises à l’importation, avec un décalage de trois mois.

2)         ICEDASH[4] – l’outil de suivi quotidien de la performance pour les importations et les exportations, qui couvre les déclarations d’importation ou d’exportation ayant fait l’objet d’un dédouanement à une date donnée, avec un décalage d’un jour.

Étant donné que la NTRS offre les informations les plus complètes et les plus riches parmi tous ces rapports, le présent article se limite aux résultats obtenus à travers la TRS, sachant que ces résultats se basent sur un échantillon de données couvrant une semaine et qu’ils constituent un indicateur non biaisé des tendances annuelles en matière de performance.

Le parcours de l’Inde en matière de TRS – sur la voie de grandes avancées

En Inde, les premiers efforts pour mesurer régulièrement le temps moyen nécessaire à la mainlevée ont commencé en 2013[5], avec la TRS menée au JNCH. Au fur et à mesure que les initiatives de facilitation des échanges ont progressé, les méthodes de mesure se sont affinées, notamment grâce à l’adoption d’une démarche axée sur une TRS annuelle, afin de suivre le traitement des déclarations d’importation et d’exportation soumises dans le pays au cours d’une période d’échantillonnage d’une semaine. Le JNCH a encore une fois fait figure de pionnier dans la conduite de la TRS annuelle en 2017, suite à l’entrée en vigueur de l’AFE. La TRS de 2018 s’est fondée sur la définition du temps moyen nécessaire pour la mainlevée préconisée par l’OMD et qui correspond à la moyenne arithmétique du temps écoulé entre l’arrivée de la cargaison, c’est-à-dire à peu près le moment où le navire reçoit l’autorisation d’entrer dans le port, et sa mise à la consommation finale sur le marché national, c’est-à-dire le moment où la douane libère la cargaison, étant entendu que plus le délai est court, meilleure sera la performance. Depuis lors, la CBIC réalise non plus des TRS aux ports locaux, mais bien des TRS nationales (NTRS), en adoptant la méthodologie normalisée mise au point au JNCH.

Temps nécessaire pour la mainlevée des importations – une amélioration soutenue

La NTRS 2024 étant en cours de préparation, le présent article s’appuie sur les informations tirées de la NTRS 2023 pour présenter des données moyennes sur les délais de mainlevée à l’exportation et à l’importation pour quatre types d’infrastructure, sur la base d’un échantillon de quatre ports maritimes, six complexes de fret aérien, trois dépôts intérieurs de conteneurs (ICD) et deux postes de contrôle intégrés (ICP), répartis dans tout le pays et représentant collectivement environ 80 % des déclarations d’importation et 70 % des déclarations d’exportation à l’échelon national.

Il est évident que les efforts ciblés visant à faciliter les échanges, qui englobent la mise en œuvre intégrale de toutes les dispositions énoncées dans l’AFE et qui s’inspirent des instruments de l’OMD, ont permis d’améliorer sensiblement les temps moyens nécessaires pour la mainlevée des importations dans toutes les catégories de ports, comme le montre le diagramme ci-dessous.

Diagramme 1 : Temps moyen nécessaire pour la mainlevée des importations – par catégorie de port (en heures, arrondies)

Le temps moyen pour la mainlevée des importations au JNCH a été inclus pour montrer l’amélioration significative qui est susceptible d’être intervenue dans d’autres ports/catégories. Les améliorations substantielles qui apparaissent sont le fruit d’une série de mesures, notamment le respect de tous les engagements pris au titre de l’AFE concernant l’harmonisation et la rationalisation des processus de dédouanement des marchandises, l’adoption plus large de la technologie et une action concertée de sensibilisation du public pour garantir la participation des opérateurs aux mesures de facilitation des échanges.

La NTRS 2023 a également conclu que « l’amélioration du temps moyen de mainlevée s’accompagne également d’un écart-type plus faible, ce qui permet d’assurer avec plus de certitude le dédouanement rapide des marchandises ».[12] Toutefois, il est évident qu’en dépit de résultats tout à fait respectables, les objectifs cibles du NTFAP n’ont pas été atteints à la fin de la période 2020-2023 couverte par le deuxième plan d’action. Ces études ont donc tenté de déterminer les mesures qui ont été couronnées de succès et, plus important encore, les défis et les obstacles rencontrés.

Avant de les examiner dans la section suivante, passons brièvement en revue les progrès relevés par un autre indicateur de performance, à savoir la « distance parcourue pour atteindre l’objectif cible du NTFAP ». Cet indicateur, qui calcule en pourcentage la part des déclarations d’importation traitées le plus rapidement et pour lesquelles le temps moyen de mainlevée se situe dans les limites de l’objectif cible du plan d’action applicable, montre également une amélioration significative.

Diagramme 2 : Temps moyen nécessaire pour la mainlevée des importations – Distance parcourue pour atteindre l’objectif visé par le NTFAP Source : Compilation par les auteurs des données des NTRS 2021, 2022 et 2023. 

Le « Path to Promptness » – le chemin vers la rapidité

La TRS menée en 2018 au JNCH avait permis de définir un « chemin vers la rapidité » fondé sur quatre piliers, comprenant :

  1. le traitement préalable à l’arrivée moyennant le dépôt des déclarations d’importation avant l’arrivée des marchandises ;
  2. la facilitation basée sur le risque des déclarations volontaires d’importation sans examen documentaire manuel ni vérification matérielle ;
  • l’inscription au régime d’opérateur économique agréé (OEA) fondé sur la confiance ;
  1. le régime de dédouanement direct au port (DPD), introduit dans les ports maritimes disposant de centres de groupage et d’empotage, qui permet aux envois facilités d’être libérés directement depuis les locaux du terminal.

Des études ultérieures ont été menées pour continuer à suivre les progrès réalisés ; elles confirment les effets positifs de ces quatre mesures. Ces effets, relevés par la NTRS 2023, sont résumés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 1 : Temps moyen nécessaire à la mainlevée des importations pour les différentes catégories de déclarations à l’importation (en heures arrondies) Source : Compilation par les auteurs des données des NTRS 2021, 2022 et 2023

La garantie d’un traitement préalable à l’arrivée – recommandée par l’AFE et la Convention de Kyoto révisée (CKR) de l’OMD – grâce à la soumission anticipée des déclarations d’importation constitue un outil majeur de réduction du temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises. En même temps, en alliant l’intelligence humaine aux outils plus évolués d’analyse des données[13], le système de gestion des risques de la CBIC a permis d’accélérer la mainlevée du fret. Tous ces éléments ont contribué à améliorer de manière impressionnante le temps moyen nécessaire pour la mainlevée.

Consciente du rôle vital de la facilitation du commerce basée sur la confiance, la CBIC a introduit en 2016 un régime remanié d’opérateur économique agréé (OEA) à trois niveaux, afin d’offrir une série d’avantages progressifs, notamment : 1) des niveaux de facilitation plus élevés, 2) une mainlevée plus rapide des marchandises, 3) une plus grande certitude quant à l’obtention d’un dédouanement rapide et 4) des coûts moins élevés grâce au paiement différé des droits et à la dispense de garanties bancaires. Le temps moyen de mainlevée pour les déclarations d’importation facilitées à l’avance, soumises par les opérateurs économiques agréés a atteint l’objectif visé par le plan d’action national pour les quatre catégories de ports. Toutefois, malgré les avantages susmentionnés, la réaction des opérateurs à ces dispositions habilitantes est loin d’être unanime et reste particulièrement peu enthousiaste en ce qui concerne le régime d’OEA, comme l’illustre la part des déclarations à l’importation soumises par les clients OEA dans l’échantillon de déclarations d’importation couvert par la NTRS, qui stagne à environ 35 %. C’est pourquoi les NTRS menées plus récemment se sont penchées avec plus d’attention sur ces limites, que nous examinons dans la section ci-après.

Mesures de dissipation d’impact et queue épaisse

La NTRS 2023 a relevé deux actions majeures de dissipation d’impact qui amoindrissent les effets bénéfiques des diverses mesures de facilitation des échanges :

  1. les retards dans le paiement des droits ;
  2. les modifications apportées à la déclaration d’importation après sa soumission, qui sont atténuées par une combinaison de mesures politiques et administratives.

L’étude a également mis en évidence un phénomène statistique appelé la « fat tail » ou queue épaisse, qui implique une plus grande probabilité d’événements extrêmes que dans le cas d’une distribution normale, dans laquelle toutes les valeurs de l’échantillon sont réparties de manière égale au-dessus et au-dessous de la moyenne. Des études ultérieures devraient permettre de déterminer les raisons qui expliquent la persistance de ce phénomène et de le résoudre.

Temps nécessaire pour la mainlevée des exportations – sur la bonne voie

Pour tirer pleinement parti de la facilitation des échanges, il est important que le temps nécessaire pour la mainlevée des exportations diminue également de manière significative, comme le souligne le NTFAP indien, qui établit un objectif cible à cet égard correspondant à la moitié du temps nécessaire pour la mainlevée des importations.

Toutefois, pour diverses raisons, notamment compte tenu des difficultés rencontrées pour obtenir des données et du rôle nettement moins important joué par les autorités réglementaires, ce n’est qu’avec la TRS de 2018 au JNCH que le temps pour la mainlevée des exportations a commencé à être mesuré. Les premières initiatives de TRS s’appuyaient sur des données tirées du système automatisé des douanes, se concentrant principalement sur le temps écoulé entre la soumission de la déclaration d’exportation et l’octroi du Let Export Order (LEO), un document délivré lorsque la douane est satisfaite des résultats de l’évaluation de la valeur des marchandises et de leur inspection. Toutefois, étant donné que les déclarations d’exportation sont soumises bien avant l’arrivée des marchandises aux bureaux de douane et que diverses procédures chronophages interviennent après l’octroi du LEO, la NTRS mesure le temps écoulé entre l’arrivée des marchandises au bureau de douane et le départ du navire/de l’avion/du camion ou le chargement à bord du wagon. Pour réaliser cet exercice de mesure global, les données provenant du système automatisé des douanes et des systèmes informatiques des dépositaires concernés sont fusionnées en utilisant la déclaration d’exportation comme identifiant.

La NTRS tient compte de la distinction entre le dédouanement réglementaire (également désigné comme mainlevée), qui s’achève avec l’octroi du LEO, et le dédouanement matériel dans son sens plus large, qui s’achève avec le départ du navire/transporteur avec les marchandises. En adoptant cette catégorisation et la définition de l’OMD du temps moyen nécessaire pour la mainlevée, les données présentées par la NTRS de 2023 ont révélé que le délai moyen de mainlevée des exportations s’est généralement amélioré en 2023 par rapport à 2021, même s’il a connu une détérioration générale en 2022.

Tableau 2 : Temps moyen nécessaire à la mainlevée des exportations (de l’arrivée des marchandises au port jusqu’à leur départ ; en heures) Source : Compilation par les auteurs des données des NTRS 2021, 2022 et 2023.

Comme le montrent clairement les résultats de la NTRS 2023, la raison principale qui explique pourquoi la mainlevée des exportations prend si longtemps est le temps écoulé après le dédouanement règlementaire, depuis le moment qui suit l’octroi du LEO jusqu’au départ des marchandises exportées ; le tableau ci-dessous résume la situation.

Tableau 3 : Temps moyen nécessaire à la mainlevée des exportations – retards après l’octroi du LEO (en heures) Source : Compilation par les auteurs des données des NTRS 2021, 2022 et 2023.

 

On observe que le délai moyen d’octroi des autorisations réglementaires est largement conforme aux objectifs cibles du NTFAP. Toutefois, le temps nécessaire pour la mainlevée des exportations est nettement supérieur aux objectifs visés par le plan d’action national. Ce décalage est dû principalement au laps de temps qui s’écoule après le dédouanement réglementaire et qui est lié en grande partie aux problèmes de logistique et d’infrastructure propres aux ports, ainsi qu’à la nature de la marchandise exportée. Les échanges avec les parties prenantes révèlent que le temps écoulé entre l’octroi du LEO et le départ dépend également de la fréquence et de la contrôlabilité des mouvements du navire, de l’avion, du train ou du camion. L’étude met l’accent sur le rôle essentiel du développement des infrastructures dans l’amélioration des délais de mainlevée et montre que le lancement de projets nationaux et locaux, dans le cadre de divers programmes gouvernementaux, permettrait de réduire davantage le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises.

La TRS – un outil polyvalent

L’expérience de l’Inde confirme l’utilité de la TRS en tant qu’outil pour une politique publique fondée sur des données probantes, facilitant la formulation de mesures au niveau macro et la mise en œuvre de changements administratifs au niveau micro, en vue de promouvoir la facilitation des échanges. Étant donné que le dédouanement des marchandises se fait en plusieurs étapes, la hiérarchisation des initiatives gouvernementales par ordre de priorité sur la base d’éléments concrets contribue à améliorer leur efficacité globale. Le succès de la facilitation des échanges dépend de l’adoption de nouvelles mesures statutaires et administratives. Ces dernières peuvent être promues à travers des programmes de sensibilisation des agences gouvernementales, sur la base de preuves empiriques concernant les avantages substantiels à tirer et qui inspirent la confiance des parties prenantes. L’analyse des données permet de formuler des mesures incitatives adaptées, voire d’apporter les modifications nécessaires aux dispositions légales. L’implication de tous les acteurs concernés dans la conduite de la TRS peut contribuer à une meilleure coordination de la gestion des frontières aux niveaux national, régional et international, favorisant ainsi la coopération inter-institutions.

Mesurer ce qui compte

La conduite régulière de la TRS a mis en évidence les avancées de l’Inde en matière de facilitation du commerce, d’autant que l’étude peut s’appuyer de plus en plus aujourd’hui sur la publication et la communication en temps opportun des données y afférentes. La TRS montre aussi que la mesure de la performance constitue un fondement indispensable pour des administrations douanières modernes, puisqu’elle sous-entend un travail de suivi et de notification des progrès accomplis aux fins de la réalisation des objectifs d’une organisation. Pour permettre l’élaboration des politiques fondées sur les faits, la mesure de la performance doit être régulière et solide et elle doit être étayée par un mécanisme de retour d’information efficace, qui permet d’amender facilement les politiques en fonction des besoins et de recourir à des outils et à des méthodes de mesure de la performance de plus en plus sophistiqués.

Quid de l’avenir

Il est à parier que la contribution de la mesure de la performance à la facilitation des échanges continuera d’être reconnue et que les Membres, les organisations multilatérales et les entités privées présenteront dans leurs rapports divers indicateurs suivant des méthodologies très variées.

L’OMD a récemment proposé un mécanisme de mesure de la performance (MMP) qui pose un cadre global permettant d’évaluer l’efficacité douanière. Les objectifs du MMP pour le volet de la « Facilitation des échanges et compétitivité économique » comprennent l’objectif d’une « Circulation plus fluide des marchandises », s’appuyant sur trois KPI : le temps nécessaire pour la mainlevée matérielle à l’importation, le temps nécessaire pour la mainlevée matérielle à l’exportation à partir du moment du dépôt de la déclaration d’exportation, et le temps nécessaire pour la mainlevée matérielle à l’exportation à partir de l’arrivée des marchandises dans les locaux placés sous contrôle douanier. Á ce titre, la TRS représente notamment une source de vérification pour chacun de ces KPI. La TRS est une fois de plus reconnue comme un outil incontournable de mesure de la performance en matière de facilitation des échanges et, étant donné qu’elle est promue explicitement par un accord international, elle devrait devenir l’outil privilégié par les douanes.

La CBIC souhaite vivement participer au MMP ; il sera effectivement intéressant de voir comment le MMP évoluera pour se positionner comme référence à part entière parmi les différents systèmes de mesure de la performance, tels que la série d’indicateurs de facilitation du commerce (TFI) de l’OCDE et le Logistics Performance Index (LPI) de la Banque mondiale.

En savoir +
vschauhan67@hotmail.com
sruti.vijayakumar@gov.in

[1] https://www.wto.org/french/tratop_f/tradfa_f/tradfa_f.htm#III

[2] https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/tfa-nov14_f.htm#art7

[3] https://www.tfadatabase.org/fr/members/india

[4] Voir le site du JNCH à l’adresse https://www.jawaharcustoms.gov.in/searchResult.aspx?SearchQry=Time%20Release%20Study et le site de la CBIC à l’adresse https://www.cbic.gov.in/entities/cbic-content-mst/NTE2

[5] https://www.tfadatabase.org/fr/trade-facilitation-committee/experience-sharing/all

[6]https://www.wcoomd.org/-/media/wco/public/fr/pdf/topics/facilitation/instruments-and-tools/tools/time-release-study/trs-guide_fr.pdf

[7]https://mag.wcoomd.org/fr/magazine/omd-actualites-86/evaluer-le-processus-de-dedouanement-lexperience-de-linde/

[8] https://carnegieindia.org/2021/05/17/measuring-trade-facilitation-evidence-from-india-pub-84456

[9] https://www.cbic.gov.in/entities/cbic-content-mst/MjEwMDA%3D

[10] Les données rapportées ne sont pas comparables au temps moyen nécessaire à la mainlevée établi par le biais de la NTRS et au temps moyen d’immobilisation obtenu par le biais du DTR, puisque ICEDASH recueille le temps moyen nécessaire pour dédouaner le fret au cours d’une journée spécifique.

[11] Cela dit, la première évaluation quantitative du temps moyen nécessaire pour la mainlevée des importations est documentée dans le « Performance Audit Report » de 2015 publié par le Contrôleur et Auditeur général de l’Inde pour l’exercice 2010-2011.

[12] NTRS 2023, page 7. Traduction de l’OMD.

[13] Voir l’article publié dans le numéro 3 / 2023 de l’OMD Actualités : https://mag.wcoomd.org/fr/magazine/wco-news-102-issue-3-2023/how-indian-customs-leverages-data-analytics-for-efficient-risk-management/