Le désavantage inhérent d’être un pays archipélagique est que le coût des opérations de logistique y est très élevé. Composée de plus de 17 000 îles et avec des activités industrielles fortement centralisées dans certaines régions, l’Indonésie n’a pendant longtemps pas fait exception à cette règle, se classant plus bas que d’autres pays du Sud-est asiatique dans le Logistics Performance Index (LPI) de la Banque mondiale.
Consciente du fait qu’elle devait fournir de plus grands efforts pour accroître son efficacité logistique et réduire les coûts associés à la distribution des marchandises d’une région à l’autre, l’Indonésie a lancé plusieurs initiatives, notamment la numérisation des procédures liées au commerce international, avec son système douanier d’automatisation des informations CEISA et son guichet unique national qui permettent de traiter les déclarations en douane, les certificats portuaires/aéroportuaires, les licences et d’autres documents exigés à l’exportation et à l’importation.
Compte tenu de la complexité des opérations de logistique, toutefois, les goulets d’étranglement, tant au niveau international que national, ont persisté. Une analyse approfondie a mis en lumière de nombreux doublons et processus répétitifs dans les démarches administratives, une asymétrie d’informations entre les prestataires de services de logistique (PSL) et leurs clients, l’absence d’une plateforme logistique de bout à bout, et une infrastructure logistique inadéquate. Il était urgent de trouver une solution.
C’est ainsi que le 16 juin 2020, le président Joko « Jokowi » Widodo a signé le décret présidentiel n° 5 de 2020 en vue de mettre en place le National Logistics Environment (NLE). Le projet, qui a été imaginé par la Direction générale des douanes et des accises sous la tutelle du ministère des finances, s’inscrit dans la lignée des efforts entrepris par l’Administration pour faciliter le commerce et construire un environnement propice aux activités des opérateurs commerciaux.
D’ici à octobre 2024, les activités prévues dans le cadre du projet NLE auront été progressivement mises en œuvre dans 46 ports maritimes et six aéroports, couvrant respectivement 97 % du trafic de marchandises par fret maritime et 98 % du trafic de marchandises par fret aérien.
Les données de l’Agence nationale indonésienne de planification du développement (Bappenas) indiquent que la part des frais de logistique par rapport au PIB indonésien est tombée à 14,29 %. En outre, selon une enquête concernant l’efficacité des services NLE menée en 2023 dans le cadre du programme de partenariat Australie-Indonésie pour le développement économique (Prospera), la mise en œuvre du projet a permis de réduire le temps et le coût moyens de traitement des formalités de dédouanement des navires, de dédouanement des marchandises et d’octroi des licences de 57,7 % et 37,6 %, respectivement.[1]
La mise en œuvre du projet NLE a tout de même connu son lot de difficultés.
Les disparités de maturité entre les systèmes informatiques utilisés par les opérateurs économiques et les institutions gouvernementales, notamment, entravent l’interopérabilité. Certains opérateurs n’ont pas été en mesure de se connecter à la plateforme de collaboration logistique du NLE. Des ajustements ont été apportés pour couvrir un plus large éventail de systèmes informatiques, mais ce genre d’interventions exige du temps et des efforts car les systèmes doivent être actualisés à plusieurs reprises et les uns après les autres.
Il a également été difficile de garantir la coordination entre les différentes parties concernées, des prestataires de services logistiques aux institutions gouvernementales, pour trouver un consensus sur la meilleure façon d’harmoniser les systèmes, les réglementations et les processus opérationnels. En Indonésie, il n’existe pas d’institution gouvernementale à part entière qui se spécialise dans la gestion de la logistique. À la place, plus de 15 institutions gouvernementales interviennent d’une façon ou d’une autre dans ce domaine.
L’amélioration d’un écosystème logistique est un projet de grande envergure impliquant plusieurs parties. Pour qu’un tel projet puisse fonctionner correctement, il doit être mis en œuvre progressivement, pas à pas. Chaque détail doit être passé au crible afin de déterminer ce qu’il faut améliorer et comment, où mettre en œuvre les changements, quand commencer et qui impliquer. Chaque projet doit être organisé par étapes, de la phase pilote à l’évaluation, et tous les nouveaux processus doivent être mis en œuvre progressivement afin de laisser aux opérateurs le temps d’ajuster leurs propres systèmes.
Choisir la solution la mieux adaptée
Plusieurs programmes seront mis au point pour créer l’environnement logistique idéal, ce qui ne signifie pas qu’ils seront tous déployés à chaque point d’entrée. Afin de déterminer le programme à mettre en œuvre à un endroit spécifique, il convient de déterminer au préalable quelle sera la solution la plus adaptée. Le projet NLE tient compte des caractéristiques et des besoins de chaque environnement. Le système de portillons automatiques, par exemple, n’a de sens que dans les ports dont le trafic est important car il implique une augmentation des droits et des redevances portuaires pour couvrir les dépenses substantielles liées à son installation. La mise en place de portillons automatiques aux ports à faible trafic serait, par exemple, contre-productive car la valeur ajoutée serait minime par rapport au coût du projet.
Déterminer qui prendra les rennes
L’harmonisation des réglementations, des systèmes et des processus commerciaux aurait été moins longue et plus facile si l’Indonésie avait pu se reposer sur une agence chef de file chargée de synchroniser et de faire converger les politiques nationales liées à la logistique.
Comme indiqué plus haut, les évaluations d’impact concernant le projet NLE montrent des résultats positifs, même si certains éléments sont encore en cours de déploiement. Les fonctionnalités de la plateforme de collaboration logistique, par exemple, sont en train d’être testées avec les parties prenantes qui ont été choisies pour participer au projet (PSL, opérateurs commerciaux, banques, compagnies maritimes, etc.).
D’autres éléments seront ajoutés au projet dans le but de favoriser la numérisation des opérations commerciales de bout à bout et d’accroître encore la transparence du processus logistique, notamment entre l’offre et la demande de services logistiques. Un tableau de bord national des marchandises est en cours de développement, par exemple. Il permettra aux usagers de connaître les mouvements des marchandises sur le territoire indonésien et de consulter des informations relatives au type de produits, aux volumes, à la ville d’origine et à la ville de destination. Il apportera une valeur ajoutée aux PSL puisqu’il leur permettra d’optimiser les itinéraires de transport, de planifier les capacités et le stockage, d’envisager de nouvelles routes et de s’adapter aux fluctuations de la demande sur le marché.
En savoir +
adm.nle@customs.go.id
nle.kemenkeu.go.id
[1] https://www.beacukai.go.id/berita/diseminasi-hasil-survei-prospera-layanan-nle.html