Dossier: Changer la donne

Collaborer avec les entreprises pour créer un environnement commercial sûr et favorable : la Douane nigériane lance son programme d’OEA

6 mars 2025
Par Mme Nnenna Ugo AWA, Responsable OEA, Service des douanes du Nigeria (NCS)

Le Nigeria est la quatrième économie d’Afrique. Compte tenu de la taille de son marché et de sa position stratégique sur le continent africain, le commerce international joue un rôle clé dans son économie et les ports, aéroports et frontières du pays sont particulièrement fréquentés. Ces dernières années, le gouvernement s’est donné pour mission de stimuler les exportations non pétrolières, de renforcer les chaînes de valeur agricoles et d’améliorer la compétitivité du secteur manufacturier. Cependant, les acteurs de la chaîne logistique tels que les importateurs, les exportateurs ou les transporteurs se heurtent à des coûts élevés qui sont en partie dus à la lourdeur des procédures et des contrôles douaniers et portuaires.

Le contexte nigérian : le programme d’OEA vient changer la donne

Soucieux de créer un environnement efficace et sûr permettant au commerce légitime de prospérer, le Service des douanes du Nigeria (NCS) a lancé le 14 février 2025 un programme d’Opérateur économique agréé conforme aux dispositions du Cadre de normes SAFE de l’OMD visant à sécuriser et à faciliter le commerce mondial.

 

Le programme d’OEA est appelé à remplacer le Fast Track Scheme (FTS), introduit en 2003, qui était axé sur la conformité et ouvert uniquement aux fabricants, avec pour principal avantage de permettre aux marchandises arrivant au Nigeria d’être immédiatement transférées dans les locaux d’un opérateur sous l’escorte du NCS.

Désormais, tout opérateur actif dans la chaîne logistique peut prétendre au statut d’OEA au Nigeria s’il peut prouver qu’il respecte la réglementation douanière, qu’il est capable de sécuriser ses installations et ses opérations et qu’il adhère à des normes strictes en matière de comptabilité, de logistique et de contrôles internes. En contrepartie, les OEA se voient proposer une série de mesures visant à accélérer et à faciliter les opérations transfrontalières. Les économies et les gains d’efficacité réalisés par nos entreprises certifiées OEA devraient se répercuter sur les consommateurs, contribuant ainsi à réduire les coûts des marchandises et des services dans tout le pays.

Cela augure une réorientation stratégique de l’administration des douanes, qui passera d’un contrôle traditionnel basé sur les transactions à un système plus sophistiqué de gestion globale de la conformité.

Les fondements : le Comité directeur et le Groupe de travail technique sur les OEA

L’une des étapes importantes du projet a été la cérémonie d’inauguration, tenue le 2 août 2023, du Comité directeur et du Groupe de travail technique sur les OEA. L’événement était empreint d’optimisme et animé par un objectif commun, les participants reconnaissant le potentiel du programme à remodeler le paysage commercial du Nigeria.

Le Comité directeur sur les OEA, qui rassemble des parties prenantes issues d’agences gouvernementales, du secteur privé et de partenaires internationaux, a été chargé de fournir une orientation stratégique et de superviser la mise en œuvre du programme.

Le Groupe de travail technique sur les OEA, quant à lui, était chargé de gérer les aspects techniques du programme, depuis la formulation de directives jusqu’à la mise en place des formations et des systèmes informatiques nécessaires.

Renforcer les capacités techniques

Dans son cheminement vers un programme d’OEA complet, le NCS a pu compter sur l’assistance technique du Programme Accélérer la facilitation des échanges de l’OMD, financé par l’Administration fiscale et douanière du Royaume-Uni (HMRC) et conçu pour aider les pays en développement à renforcer leur capacité douanière en vue d’une mise en œuvre efficace de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges (AFE).

Les activités proposées comprenaient des diagnostics consécutifs sur les OEA et les contrôles a posteriori (CAP), une formation sur site à la validation des OEA et des sessions de travail en distanciel au cours desquelles le NCS a reçu des conseils pour la rédaction d’un manuel opérationnel sur les OEA. Des visites d’étude au Royaume-Uni et en Afrique du Sud ont également été organisées, permettant aux fonctionnaires du NCS d’acquérir une expérience pratique et des connaissances concrètes sur les programmes d’OEA, le CAP et les techniques de gestion des risques à intégrer dans les procédures opérationnelles normalisées (PON) et le manuel opérationnel sur les OEA. Parmi les pratiques que le NCS a décidé de reproduire figurent la création d’un bureau des PME et la mise en œuvre d’un programme de divulgation volontaire.

Le projet pilote d’OEA : des débuts prometteurs

Le 15 avril 2024, un projet pilote a été lancé pour tester les PON et les nouvelles méthodes de travail avec les opérateurs économiques nigérians et pour affiner les aspects opérationnels du programme OEA avant d’entamer un déploiement à grande échelle.

Six entreprises, couvrant divers secteurs de l’économie nigériane et sélectionnées pour leurs antécédents en matière de conformité, ont participé à la première phase de ce projet pilote, au cours de laquelle leur admissibilité au statut d’OEA a été évaluée.

Deux des entreprises sélectionnées étaient des PME dans la mesure où le NCS souhaitait que le programme d’OEA soit le plus inclusif possible et sensibiliser les PME à la nécessité de renforcer davantage leurs pratiques en matière de conformité et de sécurité. Les PME constituent une part importante du tissu économique du Nigeria, contribuant à hauteur de 48 % à la croissance du PIB du pays et employant 84 % de la main-d’œuvre nigériane, selon les rapports du Bureau national des statistiques (NBS).

La formation à la validation des OEA a réuni les experts de l’OMD provenant des administrations des douanes du Brésil et de l’Ouganda, les validateurs d’OEA du NCS et les représentants des entreprises participant au projet pilote. Ensemble, ils ont évalué les risques auxquels chaque opérateur était exposé, ainsi que l’efficacité des mesures d’atténuation. À l’issue des processus de validation, les six entreprises, y compris les deux PME, ont été jugées conformes aux exigences des OEA.

Les avantages du statut d’OEA accordés par le NCS sont les suivants :

  • un faible taux d’inspections matérielles et d’examens ;
  • le dédouanement et la mainlevée accélérés des marchandises ;
  • le contrôle douanier après dédouanement dans les locaux ;
  • l’accès à des fonctionnaires des douanes spécialisés, appelés gestionnaires de relations ;
  • l’utilisation prioritaire de l’inspection non intrusive si le fret est sélectionné pour un contrôle aléatoire ;
  • l’utilisation de barges et du transport ferroviaire pour accélérer la mainlevée du fret par des itinéraires spécifiques ;
  • des places de stationnement réservées.

Le projet pilote a permis d’obtenir des informations précieuses sur les domaines à améliorer et à adapter en vue d’un déploiement plus large. Il a permis au NCS de confirmer que les différents opérateurs économiques pouvaient satisfaire aux exigences des OEA, d’estimer le niveau des ressources nécessaires pour pouvoir effectuer les validations, ainsi que les procédures et ressources internes requises pour offrir aux OEA les avantages escomptés. En outre, il a permis de clarifier les délais d’exécution de la procédure d’OEA de bout en bout et a permis au NCS de mesurer l’impact des avantages.

Tirer parti de l’aide extérieure tout en s’appropriant le projet

Lors de la conception et du déploiement de son programme d’OEA, le NCS a largement bénéficié du soutien de partenaires internationaux qui occupent depuis longtemps une place de premier plan dans la facilitation des échanges mondiaux.

Comme expliqué plus haut, l’assistance technique et les conseils fournis par les experts dans le cadre du Programme « Accélérer la facilitation des échanges » de l’OMD ont été absolument essentiels. Le partenariat établi dans le cadre de ce programme ne s’est pas limité à la mise en œuvre des normes et des pratiques recommandées de l’OMD. Il a également soutenu l’innovation et la transformation en renforçant les compétences des employés en matière de gestion et de leadership. Conscient que, quelle que soit la solidité des procédures opérationnelles normalisées (PON), sans leadership, toute initiative est vouée à l’échec, le NCS a demandé à bénéficier du Programme sur le leadership et le perfectionnement du personnel d’encadrement (LMD) de l’OMD. Le Contrôleur général des douanes, Bashir Adewale Adeniyi, et plusieurs autres hauts fonctionnaires ont participé aux activités liées au LMD, qui ont été considérées par le NCS comme un véritable tournant, améliorant considérablement l’environnement de travail et comblant le fossé entre ceux qui dirigent et ceux qui sont dirigés. Les agents se sont sentis plus à l’aise pour exprimer leur créativité afin de trouver des solutions optimales aux défis, et il ne fait aucun doute que le nouvel état d’esprit de l’organisation et la confiance des agents ont contribué à la réussite du projet sur les OEA et à la durabilité du programme. Dans l’ensemble, les activités LMD ont renforcé la capacité du NCS à gérer les opérations et les réformes de manière plus efficace, plus inclusive et plus transparente.

Si une aide extérieure peut s’avérer grandement utile, il ne fait aucun doute que l’appropriation de la réforme par le NCS et la création d’un environnement propice au changement par l’équipe de direction ont joué un rôle fondamental dans la réussite du projet sur les OEA. Le partenariat établi entre le NCS et le Programme « Accélérer la facilitation des échanges » de l’OMD a également été structuré de manière à ce que le NCS soit responsable des résultats escomptés pour chacune des activités de renforcement des capacités et d’assistance technique.

Le programme d’OEA du NCS a également bénéficié du soutien de la Banque mondiale dans le cadre de son Programme visant à augmenter les recettes, qui se concentre sur tout processus douanier directement lié à la génération de recettes. En accélérant les opérations commerciales, le programme d’OEA devrait se traduire par une augmentation des opérations commerciales et du montant des recettes collectées.

Évaluer l’impact du programme

La réalisation régulière d’études sur temps nécessaire pour la mainlevée (TRS) est une autre initiative entreprise par le NCS avec le soutien du Programme « Accélérer la facilitation des échanges » de l’OMD. Cela permettra à l’administration de mesurer l’impact de nombreuses initiatives, notamment du programme d’OEA.

Les opérateurs commerciaux participant au projet pilote d’OEA ont commencé à bénéficier de tous les avantages en septembre 2024. Les données extraites pour établir le temps nécessaire pour la mainlevée au profit des OEA ont montré que le délai moyen nécessaire à la mainlevée de leurs envois était de 43 heures. Ce délai est inférieur de 5 heures à l’objectif de 48 heures et représente une réduction de 66,9 % par rapport au délai moyen de dédouanement d’un envoi, qui est de 168 heures (7 jours). Par ailleurs, trois des entreprises ont déjà fait état d’une économie combinée de cent millions de nairas au cours de la période allant de septembre à décembre 2024.

En outre, le succès ne se mesure pas seulement en termes de chiffres, mais aussi par la qualité des relations établies par le NCS. La manière dont les OEA ont adopté le principe d’autorégulation en est un exemple probant. Deux des entreprises participant au projet pilote ont fait preuve d’une intégrité exceptionnelle en révélant volontairement un paiement insuffisant de droits s’élevant à plusieurs millions de nairas. Ce niveau de confiance et de transparence – lorsque les partenaires s’auto-contrôlent et signalent les erreurs et omissions à l’administration – illustre l’essence même du programme d’OEA.

Tirer profit des normes de l’OMD

De nombreux partenaires du développement international soutiennent le NCS dans diverses initiatives de réforme. Chacun d’entre eux a un point de vue unique sur la manière dont les réformes douanières devraient se dérouler. Les administrations des douanes devraient tenir compte des différents atouts, compétences et modalités de fonctionnement de chacun d’entre eux, tout en gardant un esprit critique et en veillant à ce que les réformes soient alignées sur les normes douanières internationales recommandées et adoptées par l’OMD.  L’appropriation et la coordination au niveau national restent essentielles pour éviter des interventions bien intentionnées mais parfois désordonnées de la part des acteurs internationaux.

Perspectives

Les résultats du suivi et de l’évaluation de la phase pilote montrent qu’il est nécessaire d’intégrer les autres organismes gouvernementaux (AOG) essentiels qui opèrent dans les ports afin de simplifier le traitement du fret des OEA et de promouvoir la participation des PME. Le programme a déjà posé les jalons d’un écosystème commercial plus sûr et plus efficace et promet de transformer le secteur commercial du pays et de contribuer à la croissance économique globale.

À mesure qu’un plus grand nombre d’entreprises obtiendront la certification OEA, le Nigeria peut s’attendre à une augmentation des volumes des échanges et à un renforcement de la compétitivité de tous les acteurs de la chaîne logistique. Grâce à des partenariats stratégiques avec l’OMD et la Banque mondiale, le Nigeria prépare le terrain pour un avenir où ses entreprises prospéreront dans un environnement commercial compétitif, sûr et efficace.

En savoir plus
Reportage de TVC News Nigeria sur le lancement du programme
https://youtu.be/kimTTY_2qQQ?si=qU1X6gRrQfLG3T_1