Innovation numérique et commerce électronique : la démarche du Service de la douane de Corée
26 octobre 2025
Par Ms. Lim,Ju-yeon, Directrice de la Division des relations extérieures du Service de la douane de CoréeLe commerce électronique s’est imposé comme l’une des principales modalités du commerce transfrontalier en Corée. Le présent article met en lumière les initiatives adoptées par l’Administration des douanes coréenne pour accroitre ses capacités de lutte contre la fraude dans ce domaine tout en facilitant le dédouanement, afin de répondre aux attentes de la population.
Le Service des douanes de Corée (KCS) définit les biens relevant du commerce électronique comme des « produits faisant l’objet d’une transaction électronique par l’intermédiaire d’entreprises ayant une présence en ligne, comme les places de marché en ligne ou les cyber-centres commerciaux ». À l’aune de cette définition, même les opérateurs économiques étrangers vendant des articles en ligne et souhaitant envoyer des produits vers la Corée sont tenus d’enregistrer leur entreprise en Corée.
Avec l’expansion rapide de l’économie numérique, le nombre de transactions de commerce électronique impliquant des marchandises entrant sur le territoire coréen ou en sortant a été multiplié par trois, passant de 63 millions en 2021 à 180 millions en 2024.
Cette croissance soudaine pose de nouveaux défis. Tant les tentatives de contrebande exploitant les procédures de dédouanement simplifié que les cas de préjudices causés aux consommateurs sont en hausse. Par exemple, le volume de stupéfiants retrouvés dans des envois transportés via les opérateurs postaux ou les sociétés de messagerie, qui représentent un mode majeur de transport pour les marchandises du commerce électronique entrantes, est 2,2 fois plus élevé en 2024 qu’en 2021. Cette augmentation peut s’expliquer en partie par de meilleures capacités de ciblage, mais elle est aussi clairement liée à un accroissement du volume de transactions.
Sélection fondée sur l’IA
Face à cette réalité, le KCS a mis sur pied le Centre de ciblage douanier aux frontières en 2017 ; puis, conscient du fait que l’analyse assistée par les outils de l’intelligence artificielle (IA) est essentielle pour des activités douanières modernes, il a lancé en 2018 un projet de gestion des risques intégrée basée sur l’IA.
Ce système recourt à l’apprentissage automatique et à l’apprentissage profond pour traiter de grandes quantités de déclarations, en tirant parti des bases de données reprenant l’historique des saisies. Il vient compléter les outils traditionnels comme l’analyse basée sur des règles et sur l’exploration de données. En 2025, l’accent a été mis sur les envois transportés par les opérateurs postaux et les services de livraison express. Le modèle d’IA analyse les données historiques pour chaque catégorie d’indicateurs, comme les modalités d’entrée, par exemple.
Établir un système de gestion des risques intégrée basée sur l’IA
Bien que les importations liées au commerce électronique aient été multipliées par 2,85 au cours des cinq dernières années, passant de 64 millions à 181 millions d’envois, le temps nécessaire à l’analyse des marchandises à haut risque est passé d’environ une heure à moins d’une minute. Le fret à faible risque est dédouané sans le moindre retard, aboutissant à des économies annuelles pour le KCS de quelque 125,7 milliards de KRW.
Reconnaissance automatique de la menace
Tous les articles transportés via la chaîne postale ou la chaîne du fret express passent par un scanner à rayons X. En 2017, un projet de recherche a été lancé afin de voir s’il était possible de développer un algorithme efficace de reconnaissance automatique des objets qui permettrait aux scanners de reconnaître les produits, de se connecter au système de ciblage automatisé et d’afficher le nom de ces articles au-dessus de l’image scannée afin d’aider les analystes d’images.
En 2019, le KCS a commencé à mettre en place l’infrastructure technique nécessaire à cette fin et, en 2020, il a entraîné la machine afin qu’elle puisse reconnaître certains articles d’intérêt, tels que les armes à feu. L’algorithme analyse les images en fonction de leur forme, de leur densité, de leur texture et même de leur numéro atomique.
Depuis 2023, une solution basée sur l’IA intégrant les images radiographiques générées par les équipements d’inspection non intrusive et les données des manifestes de chargement dans un seul affichage a été déployée aux principaux points d’entrée, notamment aux centres logistiques internationaux de la poste et des livraisons express.
La poursuite des essais sur le terrain, associée à l’amélioration du modèle d’IA, devrait permettre à ce système de s’imposer comme un outil d’aide précieux pour les agents de contrôle sur le terrain et de contribuer de manière significative à la prévention de la contrebande d’articles interdits.

Plateforme de dédouanement spécifique pour le commerce électronique
Actuellement, les informations relatives à un achat sont transmises à la douane par la société de livraison et par le déclarant, qui les recueille auprès de l’acheteur ou du vendeur. Le KCS reprend les données et les analyse grâce à son système de ciblage automatisé. Les opérateurs postaux et les transporteurs express sont tenus d’envoyer, par voie électronique, les informations requises aux fins du dédouanement afin de permettre à la douane d’envoyer des notifications préalables et de procéder au pré-dédouanement éventuel des articles. Pour ce faire, les opérateurs postaux utilisent la version électronique des formules CN 22 et CN 23 élaborées par l’OMD et l’Union postale universelle (UPU).
Depuis 2014, les prestataires de services de livraison doivent également communiquer au KCS la destination réelle des colis express, une fois la livraison effectuée. L’objectif est d’empêcher tout abus du régime de minimis par des vendeurs qui fractionnent leurs envois afin de profiter délibérément du système d’exonération fiscale et des procédures simplifiées dont bénéficient les marchandises de faible valeur. Une fois la livraison effectuée, les informations sont à nouveau introduites dans le système de ciblage automatisé, qui procède à une nouvelle analyse des risques en se concentrant sur l’adresse de livraison.
Le KCS envisage actuellement de mettre en place un nouveau système de dédouanement adapté aux transactions de commerce électronique. Au cœur du système se trouve une plateforme informatique qui permettra au KCS de recueillir :
- Les données soumises via de nouveaux formulaires de déclaration à l’importation adaptés à chaque modèle commercial et au niveau historique de conformité des vendeurs en ligne.
- Les informations relatives aux commandes et aux paiements détenues par les plateformes d’achat en ligne.
Un portail dédié au commerce électronique et une application mobile seront développés afin de fournir aux particuliers des services conviviaux, notamment un accès aux informations relatives au dédouanement, aux canaux de communication et de demande de renseignements, ainsi qu’aux données statistiques. Des mesures d’authentification personnelle, telles que la vérification des adresses électroniques, seront mises en œuvre afin de renforcer la protection des informations personnelles.
Enfin, un système de gestion des risques basé sur la chaîne logistique sera mis en place permettant de concentrer les contrôles sur les marchandises à haut risque.
Une fois que la plateforme sera au point, le KCS sera en mesure de créer un environnement commercial plus sûr et plus efficace pour le commerce électronique transfrontalier.

Le portail Big Data
On entend par big data (ou mégadonnées) des ensembles de données dont la taille ou le type ne peut être saisi, géré ou traité par les bases de données relationnelles traditionnelles. En 2020, le KCS a créé une division chargée de l’analyse des mégadonnées et a lancé le portail Big Data afin de permettre la collecte, le stockage et l’analyse de jeux de données à grande échelle ainsi que l’intégration de diverses données non structurées, ces tâches ne pouvant pas être traitées efficacement par l’entrepôt de données douanières existant.
Le travail de la Division d’analyse des mégadonnées consiste à examiner les problèmes spécifiques que le KCS souhaite résoudre et les principales données qui sont nécessaires pour y parvenir. Une fois toutes les données collectées, l’équipe élabore des modèles d’analyse. À ce jour, plus de 30 modèles analytiques ont été créés, intégrant des techniques statistiques avancées, l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond. Cette solution permet aux douaniers qui ne possèdent pas d’expertise technique spécialisée d’utiliser l’analyse des mégadonnées pour mener à bien leur travail. Si aucun modèle prédéfini n’est disponible, les douaniers peuvent envoyer une demande via le portail, et la Division d’analyse des mégadonnées développe alors un modèle analytique.
En ce qui concerne les transactions de commerce électronique, le KCS a estimé qu’il était nécessaire de recueillir des données spécifiques pour chaque vendeur en ligne et les analystes ont travaillé sur un « modèle d’analyse par code douanier personnel » qui exploite les données relatives aux paiements en devises étrangères et aux antécédents en matière d’infractions de chaque vendeur en ligne enregistré.
En outre, afin de renforcer sa capacité de gestion des risques sur tous les flux commerciaux, le KCS a lancé son initiative d’innovation orientée IA en douane. À l’heure actuelle, seul un groupe restreint d’experts (des analystes de données) dispose des outils et des compétences nécessaires pour poser des questions relatives aux données, analyser les informations et générer des rapports/conclusions sur la base de ces constatations. Cette initiative vise à appliquer l’IA générative à l’analyse des données, permettant ainsi à tout douanier de poser ses propres questions ou d’effectuer des analyses de données dans le cadre de son travail. L’IA générative a trait à des modèles linguistiques et multimodaux de grande envergure qui peuvent créer du contenu original tel que du texte, des images, des vidéos, des fichiers audio ou des codes logiciels en réponse aux demandes des utilisateurs. Les douaniers pourraient l’utiliser pour accéder rapidement aux informations d’une entreprise contenues dans ses déclarations à l’importation, par exemple.
Partager les données avec les transporteurs express
Le KCS estime que la coopération et l’échange de renseignements avec les transporteurs express est primordiale pour arriver à un dédouanement accéléré et à une gestion des risques efficace. Les transporteurs express doivent signer un protocole d’accord avec la douane afin de pouvoir appliquer les procédures de dédouanement du fret express.
Le KCS a également inscrit dans la Loi sur les douanes des dispositions relatives à la coopération entre les bureaux de douane locaux et les transporteurs express.
Cette loi exige du KCS :
- Qu’il partage les informations relatives aux saisies de stupéfiants, d’armes à feu et d’articles dangereux qui menacent la santé publique, et qu’il fournisse du matériel permettant aux transporteurs de former leur personnel à la détection de marchandises suspectes.
- Qu’il attribue des taux d’inspection aux transporteurs en fonction de leur niveau de risque.
- Qu’il évalue périodiquement le niveau de conformité de chaque transporteur, y compris le respect de ses obligations.
Quant aux transporteurs express, ils doivent :
- Fournir à la Douane les informations obtenues dans le cadre de leurs activités commerciales, garantir l’exactitude des déclarations et former leurs employés.
- Faire rapport des taux d’inspection des marchandises.
Exploiter les informations émanant des organismes de surveillance du marché
Le KCS coopère également avec d’autres organismes gouvernementaux en vue d’améliorer ses capacités de lutte contre la fraude. Il demande, par exemple, aux autorités chargées de contrôler le respect des normes de sécurité et de qualité des produits importés de faire rapport de tous les cas de marchandises illégales, défectueuses ou dangereuses. Ces mécanismes de coopération sont définis par des accords interinstitutionnels qui garantissent le partage d’informations et des compétences en matière de risques entre les ministères, encouragent la conduite d’analyses conjointes et permettent de détacher des experts en fonction des besoins.
Conclusion
Les importations de commerce électronique représentent aujourd’hui plus de 90 % des marchandises entrant sur le territoire coréen et ce pourcentage ne cesse d’augmenter chaque année. Le KCS s’est constamment attaché à améliorer le contrôle de ces flux de marchandises, en tirant parti des innovations technologiques et des réformes institutionnelles pour se positionner en tant modèle et chef de file du dédouanement des marchandises relevant du commerce électronique. Toute stratégie de gestion des risques basée sur les informations recueillies au niveau national présente toutefois des limites et le KCS estime qu’il est essentiel de renforcer le partage de renseignements et les cadres de coopération entre douanes, sous la férule de l’OMD, pour garantir la sécurité et la fluidité du commerce transfrontalier.
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