Panorama

Assurer l’égalité homme-femme en garantissant une égalité de rémunération: la Douane islandaise en pole position

21 juin 2017
Par Unnur Ýr Kristjánsdóttir, Directrice des ressources humaines, Douanes islandaises

L’égalité des sexes est devenue une question de société majeure dans le monde entier, question dont se sont emparés, chacun à leur manière, organisations internationales, gouvernements et industrie. Le monde de la Douane s’attaque lui aussi au problème, s’efforçant d’appliquer le principe de « prise en compte systématique du souci de l’égalité des sexes » que l’OMD défend pour favoriser l’équité homme-femme. La Douanes islandaise fournit un exemple parfait d’une administration ayant pris ce thème à bras-le-corps. Elle s’est notamment évertuée à ancrer cette notion grâce à l’adoption d’une « norme d’égalité salariale » en 2016. Dans cet article, nous suivrons le cheminement de cette norme : de sa conception à sa mise en œuvre, en passant par la reconnaissance de la procédure de certification.

Conception et publication

En décembre 2012, l’organisme Icelandic Standards publiait la « norme ÍST 85 : 2012 – Système de gestion de l’égalité salariale – Conditions et conseils », communément appelée « norme d’égalité salariale ». L’idée était de créer un système permettant d’attester que les femmes et les hommes travaillant pour un même employeur perçoivent un salaire égal et bénéficient de conditions de travail équivalentes pour des fonctions identiques ou de même valeur.

Cette volonté d’atteindre l’égalité salariale entre les femmes et les hommes n’était toutefois pas neuve en Islande. Plusieurs conventions collectives, signées entre les principaux acteurs du marché privé du travail, contenaient déjà une clause prévoyant la mise en place d’un système de certification en la matière, puis une disposition provisoire fut intégrée dans la loi islandaise sur l’égalité des sexes n° 10/2008.

Il manquait cependant encore une norme applicable à tous les niveaux par toutes les organisations. Ce constat a conduit le Ministère islandais des affaires sociales à entamer les travaux d’élaboration de la norme d’égalité salariale en collaboration avec la Confédération syndicale et la Confédération des employeurs islandais, à l’automne 2008.

L’organisme Icelandic Standards a accepté de superviser le projet en créant un comité technique chargé de surveiller les travaux. Ce comité regroupait des partenaires soutenant le projet, ainsi que des représentants du Centre pour l’égalité hommes-femmes, du Ministère des finances, de la Fédération des fonctionnaires nationaux et municipaux, de l’Association des universitaires, de l’Association islandaise des femmes chefs d’entreprise, de la Fédération des collectivités locales d’Islande et de quelques entreprises privées.

Le comité technique a ensuite mis sur pied un groupe de travail chargé de préparer le texte de la norme avec l’aide d’experts dans les domaines sélectionnés. Le groupe a décidé de prendre comme modèles les Normes internationales de systèmes de management ISO (telles que la norme ISO 9001 sur les systèmes de management de la qualité, ou encore la norme ISO 14001 sur les systèmes de management environnemental).

La norme d’égalité salariale expliquée

La norme d’égalité salariale décrit le processus que les entreprises et les institutions peuvent suivre pour garantir l’égalité salariale au sein de leur organisation. Elle vise en outre à mettre en place des méthodes de décision efficaces et professionnelles pour ce qui a trait aux rémunérations, ainsi que des mécanismes pratiques de révision des salaires. Elle peut s’appliquer à toutes les entreprises et institutions, peu importent leur taille, leur domaine d’activité ou la proportion d’hommes et de femmes au sein du personnel.

Les entreprises et les institutions qui appliquent la norme et obtiennent la certification requise peuvent ainsi améliorer leur gestion des ressources humaines et leurs politiques de rémunération. De plus, la norme permet de prévenir et d’éliminer toutes les formes de discrimination et d’améliorer l’image de l’employeur.

L’organisation qui adopte la norme doit commencer par évaluer ses politiques salariales en vigueur, catégoriser ses emplois en fonction du principe d’égalité de valeur, puis procéder à une étude des salaires selon les différentes catégories d’emplois identifiées. Elle doit ensuite stipuler de manière officielle les politiques et processus liés aux décisions en matière de rémunération. Ces diverses opérations doivent être revues régulièrement, contrôlées et validées par la direction. Dès que les nouvelles mesures sont effectives, l’organisation peut demander la certification de son système salarial.

Le classement des emplois est une étape cruciale dans l’application de la norme. Elle est en soi extrêmement utile à la gestion générale des ressources humaines, notamment lorsqu’il s’agit d’analyser la main-d’œuvre, de recruter, d’élaborer des plans de création d’emplois et d’évaluer les performances.

Les objectifs de la norme d’égalité salariale sont de :

  • créer un système garantissant que les femmes et les hommes travaillant pour un même employeur reçoivent des salaires égaux et bénéficient de conditions de travail équivalentes pour des fonctions identiques et de même valeur ;
  • servir d’instrument d’élimination de toutes les formes de discrimination, vu qu’elle oblige les employeurs à voir leur système salarial dans sa globalité ;
  • permettre à la Douane islandaise de prouver qu’elle s’acquitte de ses obligations légales de payer des salaires égaux pour des emplois identiques ;
  • garantir l’égalité, y compris sur le marché du travail, qui, au sens large du terme, est un élément essentiel d’une société juste et équitable ;
  • servir d’outil de lutte contre les discriminations salariales fondées sur le sexe.

Puisque cette norme était une nouveauté et qu’aucun modèle de référence n’existait avant son élaboration, la Douane islandaise a fait œuvre de pionnier. Aujourd’hui, les autorités islandaises considèrent que cette norme apporte une contribution précieuse au dialogue mondial sur l’égalité hommes-femmes, dialogue auquel la Douane islandaise se réjouit de participer compte tenu de son engagement ferme en faveur de l’égalité et de l’équité sur le lieu de travail.

Étapes de la mise en œuvre

La Douane islandaise a d’abord mis sur pied un groupe de projet constitué de spécialistes des ressources humaines dont la tâche principale était de proposer des définitions et des critères permettant de classer les emplois.

Un groupe de discussion, constitué de cadres supérieurs et moyens, a ensuite été créé. Ces derniers ont étudié puis validé les définitions et les critères afin de garantir une compréhension commune de tous les éléments de langage. Il est important de rappeler ici que l’adhésion de la direction est un facteur vital pour la réussite d’un tel projet.

Une fois les critères et les définitions validés, le travail de classement en lui-même a pu commencer. Ce fut une tâche énorme, mais très enrichissante. Elle a permis au groupe de travail d’obtenir un large aperçu de tous les emplois existants au sein de la Douane, et de la valeur qui leur était attribuée. Il est important de rappeler que ce sont les emplois, et non les employés, qui sont évalués et catégorisés.

À la fin de ces travaux, tous les emplois étaient catégorisés sur la base des principes de comparabilité et d’égale valeur. La phase de mise en œuvre de la norme fut purement et simplement une phase de gestion de la qualité, processus qui permet de s’assurer que le projet répond aux attentes sur lesquelles il a été fondé. Il faut donc appliquer les méthodes de travail de la gestion stratégique et de la gestion de la qualité pour se conformer aux exigences de la norme.

La norme inclut certaines obligations à respecter. Par exemple :

  • une stratégie sur l’égalité, englobant l’égalité salariale, doit être en place ;
  • il doit exister un plan d’application des principes d’égalité des droits ;
  • un administrateur chargé de l’égalité des droits doit établir un rapport annuel sur les questions d’égalité hommes-femmes ;
  • ce rapport annuel doit être consultable par tout le personnel.

Dans le cadre du processus de mise en œuvre, la Douane islandaise a donc dû définir et mettre par écrit un système d’égalité salariale, une stratégie d’égalité salariale et une stratégie d’égalité des droits. Elle a aussi nommé un administrateur chargé de l’égalité des droits, qui doit notamment suivre ces questions et établir des rapports à leur sujet.

Comme pour d’autres normes de gestion, la certification passe par un organisme tiers indépendant et accrédité. Pour l’obtenir, la Douane islandaise a dû se soumettre à un audit de conformité, dont l’objectif était de vérifier qu’elle respectait pleinement les exigences de la norme. Ce processus de certification, premier du genre, fut mené en septembre 2016.

La Douane islandaise est donc le premier organisme à être certifié conformément à la norme d’égalité salariale. La mise en œuvre de cette norme a pris beaucoup de temps, mais la Douane considère que le jeu en valait la chandelle compte tenu des nombreux avantages qui en découlent. Elle bénéficie notamment désormais :

  • d’un système certifié de gestion des salaires et des principes d’égalité des droits du personnel ;
  • de plus de transparence et de prévisibilité ;
  • d’une grande facilité à préparer des contrats et des descriptions de fonction ;
  • d’une culture organisationnelle renforcée, grâce à l’accent mis sur la transparence et la confiance ;
  • de la possibilité d’y voir plus clair sur des questions telles que la ségrégation selon le sexe sur le marché du travail, ou encore les comportements différenciant le genre au travail.

En appliquant la norme, la Douane islandaise a démontré qu’elle était un employeur juste et équitable, avec pour résultat que ses salariés sont désormais fermement convaincus que le système salarial en place est transparent, prévisible et fondé sur l’égalité et l’équité. La norme aidera également la Douane à gérer les questions de ressources humaines plus efficacement, notamment pour ce qui est du recrutement.

La norme est en cours de traduction en anglais, ce qui permettra à des organismes hors Islande de l’exploiter pour évaluer leurs politiques salariales et les questions d’égalité. Nous l’avons déjà dit mais tenons à le redire : elle a été élaborée de façon à pouvoir être utilisée par n’importe quelle entreprise ou institution, quels que soient sa localisation, sa taille ou son champ d’action.

Reconnaissance de la certification

Très tôt, les participants ont exprimé le souhait de bénéficier d’une sorte de reconnaissance de leur certification. Ils voulaient un logo ou une distinction qu’ils pourraient afficher pour attester de leur éthique en matière d’égalité salariale.

Un concours a donc été organisé en 2014 en collaboration avec l’Iceland Design Centre en vue de concevoir un logo représentant l’égalité salariale. Le logo a été choisi parmi 156 propositions, une participation record en Islande.

Le jury, composé de trois designers et de deux représentants du Groupe d’action pour l’égalité salariale, s’est montré unanime, considérant que le logo choisi représentait l’essence profonde de la notion d’égalité salariale, à savoir deux individus différents mis sur un pied d’égalité. Il a également avancé les arguments suivants :

« Dans le logo, on peut voir une boussole, un cachet, une représentation runique et les visages souriants de deux personnes différentes. Sa forme, une pièce de monnaie, renvoie au fait que ces deux individus ont été évalués de manière équitable au niveau salarial. Universel de par son message, tout en étant typiquement islandais, ce logo peut être utilisé dans le monde entier. »

Le logo de l’égalité salariale transmet plus généralement l’idée de la lutte contre toutes les formes de discrimination, pas uniquement entre les hommes et les femmes, mais aussi les discriminations fondées sur l’origine, la religion, l’orientation sexuelle, etc. Il peut aussi être vu comme un « smiley » ou un tampon, utilisable dans le monde entier. L’Islande espère que ce logo sera reconnu à l’échelle internationale comme une marque d’égalité recherchée par des institutions et des entreprises de toutes les tailles et toutes les formes.

Pour attester que la Douane islandaise non seulement respectait les exigences de la norme d’égalité salariale mais était aussi le premier organisme à obtenir la certification, le Ministère des affaires sociales lui a donné le droit d’utiliser le logo de l’égalité salariale. Elle l’affiche désormais fièrement comme un insigne d’honneur pour montrer à tous qu’elle est un employeur juste et équitable.

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unnur.kristjansdottir@tollur.is