Il y quelques années, l’OMD avait pris l’initiative de rassembler les principales parties impliquées dans la gestion des carnets ATA pour aborder la question de la création d’une solution électronique. L’ICC avait présenté son concept de carnet e-ATA à l’OMD en 2016 et, avec le soutien de cette dernière, elle avait mené un projet pilote dans quatre pays. La phase de test étant terminée, les parties prenantes peuvent à présent commencer à se préparer à passer au carnet ATA numérique via le Système de carnets ATA. Le présent article explique ce que la transition vers un processus numérique implique côté douane.
Accepté dans 81 pays et territoires douaniers, le carnet ATA est le document le plus largement utilisé par le secteur privé dans le cadre de leurs opérations internationales impliquant l’admission temporaire de marchandises en franchise de droits. Il donne la possibilité aux pays, aux entreprises et aux services présents aux frontières d’accélérer le processus douanier en recourant à un formulaire de déclarations unifié et prêt à l’emploi qui élimine le besoin de déposer une garantie, une soumission ou encore une caution en espèces dans le pays d’importation temporaire ou de transit.
Le carnet ATA est encore un document papier mais, en 2019, la Chambre de commerce internationale (ICC) a lancé le Système de carnets ATA sous la forme d’une expérience pilote. Le Système a d’ailleurs été présenté aux lecteurs de l’OMD Actualités dans un article publié en février 2021. Après des améliorations continues de 2019 à 2023, la version pilote du Système de carnets ATA a été peaufinée pour atteindre le niveau de production requis en juillet 2023. Cette mise à niveau marque la fin de la phase pilote du projet e-ATA et le début de la phase de préparation en vue de passer au nouveau Système à l’échelle mondiale. Les parties prenantes peuvent donc dès à présent prendre les dispositions nécessaires pour assurer l’acceptation officielle des carnets ATA numériques. Le présent article se centre plus spécifiquement sur les différentes mesures que les douanes doivent prendre pour s’intégrer au Système.
Qu’est-ce que le Système de carnets ATA ?
Dans chacun des pays ou territoires qui ont mis en œuvre la procédure de carnet ATA, l’autorité douanière désigne une association nationale qui garantit le paiement des droits et taxes exigibles à l’importation, en coopération avec les associations garantes d’autres pays partout dans le monde. Sous la tutelle des associations garantes, il peut y avoir dans chaque pays plusieurs associations « émettrices » chargées de traiter les demandes de carnet. Elles exigent des frais de traitement ainsi que le dépôt d’une garantie/d’une caution, qui est rendue si le carnet est utilisé correctement. La Chambre de Commerce Internationale (ICC), qui est le représentant institutionnel de plus de 45 millions d’entreprises dans le monde, se charge d’administrer la chaîne de garantie mondiale à laquelle sont affiliées toutes les associations garantes nationales.
Une opération dans le cadre d’un carnet ATA implique donc trois parties : les titulaires du carnet ATA et leurs représentants, les associations émettrices et les associations garantes nationales, et enfin, les autorités douanières. En conséquence, le Système de carnets ATA a été construit sur un ensemble d’outils numériques qui ont été personnalisés en fonction des différentes parties prenantes.
Le système comprend :
- Une application pour smartphone, l’appli ATA Carnet, qui permet aux titulaires de carnet d’avoir toujours sous la main la version numérique de leurs documents douaniers et faire des déclarations.
- Une application baptisée ATA Carnet Customs (ACC), qui permet aux douaniers de vérifier les carnets et d’approuver par voie numérique les transactions déclarées.
- L’ATA Carnet Core, qui est le moteur central du système de carnets ATA mais aussi une base de données mondiale utilisée par les associations garantes nationales.
- L’ATA Gateway, qui est le module d’émission léger mis à la disposition des associations garanties nationales et des associations émettrices pour délivrer les carnets papier et numériques.
Le processus numérique, depuis le moment de la délivrance du carnet électronique jusqu’à sa déclaration et son traitement, s’articule comme suit :
Étape 1 – Une association garante nationale (AGN) émet un carnet ATA numérique depuis son système national d’émission et de gestion des litiges, qui est intégré au ATA Carnet Core.
Étape 2 – Le requérant (ou titulaire du carnet ATA) télécharge alors le carnet sur son smartphone, dans l’appli ATA Carnet. Le carnet commandé devra être stocké dans le portefeuille de l’appli. Le cas échéant, le carnet peut être partagé avec un représentant en douane. Le carnet est sauvegardé sous format chiffré à des fins de sécurité et n’est jamais transmis en format ouvert sur le réseau.
Étape 3 – Chaque fois qu’il traverse une frontière, le titulaire du carnet e-ATA, ou son représentant en douane, prépare une déclaration en utilisant l’appli ATA Carnet. Un code QR est généré pour chaque déclaration afin que le titulaire, ou son représentant, puisse le présenter au fonctionnaire des douanes.
Étape 4 – Le douanier scanne le code QR à l’aide de l’appareil photo intégré à son instrument de travail ou d’un lecteur de code QR externe. Il a ainsi accès aux données du carnet e-ATA via l’application ACC et peut déterminer si la déclaration est correcte ou pas. Les données de l’appli douanière et les données déclarées par le titulaire du carnet sont automatiquement mises en correspondance, mais le douanier devra tout de même procéder à certaines vérifications, par exemple pour confirmer que les marchandises et leur usage prévu sont bien acceptables. Si la déclaration est acceptée, le douanier valide/engage la transaction via l’application. Si l’agent n’est pas équipé d’un lecteur de code QR, il devra tout simplement saisir manuellement le code alphanumérique de la transaction dans l’application.
Étape 5 – La transaction est enregistrée et une confirmation est envoyée au titulaire ou à son représentant sur son smartphone.
Préparation des douanes au nouveau système
Comme expliqué, le Système de carnets ATA offre aux douanes une application spéciale clé en main leur permettant de traiter et gérer les carnets numériques : l’ATA Carnet Customs ou ACC. Les différentes étapes que les douanes doivent suivre pour utiliser l’application sont présentées ci-après.
Étape préliminaire : Désigner un correspondant unique
Nous recommandons fortement à chaque pays ou territoire douanier de désigner un correspondant unique, qui agira en tant que gestionnaire de projet. Ce dernier devrait être capable de bien communiquer en anglais puisqu’il (ou elle) se chargera d’assurer la coordination entre toutes les parties impliquées dans le projet et sera le point de contact pour l’ICC et l’OMD.
L’Administration douanière devra communiquer à son association garante nationale (AGN) le prénom, le nom, le courriel, le numéro de téléphone et le titre de fonction de leur correspondant. Ce faisant, elle permettra à l’AGN de créer les comptes nécessaires à des fins d’administration et de soutien.
Étape 1 : Fixer une date numérique provisoire
La notion de « date numérique » fait référence à une date à partir de laquelle toutes les déclarations de carnets dans un pays/territoire douanier donné devront être effectuées numériquement à l’aide du Système de carnets ATA, tel que déployé par l’ICC. Chaque administration douanière doit examiner son niveau de préparation et estimer le temps qui lui sera nécessaire pour achever ses préparatifs, avant de fixer ensuite une date provisoire aux fins de sa transition vers le système e-ATA. Cette date doit impérativement être communiquée par le correspondant unique à l’ICC et à l’OMD, au moins cinq mois à l’avance.
Étape 2 : Préparatifs d’ordre administratif
Les préparatifs d’ordre administratif se réfèrent à tous les travaux menés par les administrations des douanes pour s’assurer que leurs fonctionnaires maîtrisent suffisamment le maniement de l’appli ACC, sachent quoi faire en cas de problème technique et puissent accéder à l’application moyennant leur compte individuel.
Cette étape couvre trois tâches principales :
- Mise à jour du cadre de formation : les programmes de formation doivent inclure des cours sur la manière de traiter les carnets numériques et d’en assurer le suivi.
- Mise à jour du cadre d’assistance : les douaniers qui rencontrent des problèmes avec l’ACC doivent disposer d’instructions claires sur la façon de demander de l’aide via le réseau d’assistance mondiale e-ATA établi par l’ICC.
- Mise sur pied du portail web ACC national en fournissant des données sur les régions, les bureaux et les usagers s’occupant du carnet ATA dans un pays ou territoire donné. Chaque administration peut choisir de créer des régions, des bureaux ou des comptes d’utilisateurs un par un. Elle peut aussi recourir à la fonction d’importation en bloc qui est également disponible sur l’appli. L’ACC est une application en ligne exposée à Internet. Les comptes d’utilisateurs doivent être correctement gérés et protégés en conséquence. La meilleure pratique en la matière consiste à passer par des comptes individuels et à activer l’une des options d’authentification multi-factorielle (AMF) proposées par l’outil.
L’ACC est un portail web prêt à l’emploi, fourni comme une application clé en main. Les administrations douanières n’ont pas besoin d’investir dans son développement ou sa maintenance. Les fonctionnaires n’ont besoin que d’un accès à Internet et d’un équipement de base pour commencer à l’utiliser :
- Un accès à Internet ;
- Un appareil de type ordinateur de bureau, ordinateur portable, téléphone portable intelligent ou tablette ;
- Un scanneur de codes QR (facultatif).
Une fois les cadres de formation et d’assistance mis à jour et les comptes d’utilisateurs créés et prêts à être utilisés, les douanes peuvent commencer à organiser des sessions de formation pour leurs fonctionnaires. Il est fortement conseillé d’effectuer des séances approfondies et de procéder à des exercices pratiques afin d’éviter toute surprise lors des transactions numériques réelles à la frontière.
Certaines administrations des douanes auront davantage de bureaux et d’agents à former. Il incombe au correspondant unique d’assurer la coordination interne afin de déterminer la liste des employés à former, ainsi que l’ampleur et la fréquence de la formation. D’après les informations fournies par les pays pilotes, les sessions de formation en petits groupes, avec des appareils et des carnets de démonstration, sont beaucoup plus efficaces que les sessions en grands groupes sans exercice pratique. Les expériences pilotes indiquent qu’il est préférable de former des groupes de 15 personnes. Une mise à jour régulière des connaissances est essentielle au succès de la formation.
Du matériel de formation est disponible sur l’appli ACC, sous la section « Help ». Les douanes sont instamment invitées à contacter leur association nationale garante pour qu’elle les aide à former le premier groupe d’agents. Ces premiers apprenants pourront ensuite servir eux-mêmes de formateurs afin d’accélérer le processus de formation. Cette approche, basée sur le retour d’information et l’expérience, est nettement plus efficace que le recours à un seul formateur pour tout le monde.
Étape 5 : Liste de contrôle de l’état de préparation et confirmation de la date numérique
Une fois toutes les étapes précédentes terminées, l’administration douanière est presque prête à passer au Système e-ATA et il est alors temps de confirmer la date numérique en utilisant le modèle de texte qui a été approuvé par le Comité de gestion de la Convention ATA/Convention d’Istanbul de l’OMD. Afin de gérer au mieux toutes les tâches, nous recommandons que le correspondant unique désigné crée une liste de contrôle pour veiller à leur exécution. Un modèle de liste contrôle est disponible à l’adresse https://iccwbo.org/business-solutions/ata-carnet/eata-carnet.
Pour confirmer la date numérique, le correspondant unique doit envoyer un courriel officiel à l’ICC et à l’OMD trois mois avant la date numérique provisoire. Si les préparatifs douaniers ne sont pas terminés à temps, le correspondant unique devra informer l’ICC et l’OMD que la date numérique provisoire ne pourra pas être respectée et il devra fournir une nouvelle date numérique provisoire. L’état de préparation devra être à nouveau confirmé trois mois avant la nouvelle date numérique provisoire.
Étape 6 : Go live ! ou mise en service
« Go live » est l’expression utilisée pour se référer à la mise en service du Système, c’est-à-dire à l’acceptation officielle des carnets numériques via l’application ACC de l’ICC. La date de la mise en service est donc la « date numérique » officielle.
Nous espérons que cet article aidera les administrations douanières à mieux comprendre les étapes nécessaires à la numérisation des carnets ATA. Un Guide de préparation douanière détaillé est également disponible (en anglais) sur le site Web de l’ICC à l’adresse iccwbo.org.
Nous espérons que le premier groupe de douanes pourra passer au système e-ATA d’ici 2025 et que tous les autres pays membres du réseau ATA pourront s’y joindre d’ici 2027, comme attendu par le Comité de gestion de la Convention ATA/Convention d’Istanbul.
Le carnet ATA est le document d’admission temporaire le plus largement utilisé depuis 1963. À ce titre, nous nous réjouissons de lancer cette initiative commune qui vise à garantir que le carnet ATA reste en phase avec son temps et soit adapté à l’ère numérique.
En savoir +
eATA Carnet – ICC – International Chamber of Commerce (iccwbo.org)
wcf-ata@iccwbo.org
facilitation@wcoomd.org