Panorama

Le programme d’OEA de la Communauté d’Afrique de l’Est: un modèle pour l’intégration régionale et la facilitation des échanges

21 juin 2017
Par Richard Chopra, Directeur du programme OMD-Suède, and Martin Ojok, responsable de projet pour la région CAE

Les États partenaires de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) ont mis au point un programme régional d’opérateur économique agréé (OEA) avec le soutien de l’OMD et en partenariat avec le Secrétariat de la CAE. Le dispositif prévoit que les OEA régionaux seront mutuellement reconnus dans tous les États partenaires et qu’ils recevront les mêmes avantages. Grâce à la mise en œuvre de ce programme régional et à une bonne gestion des données, les douanes des États partenaires de la CAE pourront fournir aux entreprises en activité dans leurs pays respectifs ce qu’elles recherchent, et ce, de la façon la moins contraignante possible et tout en réduisant les coûts d’exploitation.

La CAE compte six pays – le Burundi, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie, l’Ouganda et, plus récemment, le Soudan du Sud – dont la population totale cumulée s’élève à plus de 145 millions d’habitants. Avec l’instauration, en 2005, d’une union douanière, ces États ont pu échanger marchandises et certains services les uns avec les autres sans avoir à payer de droits de douane, la plupart de temps. Ils ont par ailleurs aligné, voire réduit, la plupart de leurs tarifs externes, ce qui a fait baisser le coût des échanges internationaux hors CAE et atténué le risque de voir l’un des pays d’Afrique de l’Est se lancer dans une guerre commerciale onéreuse avec un ou plusieurs de ses voisins.

En avril 2012, les États partenaires de la CAE ont décidé de mettre en place un Territoire douanier unique – l’une des étapes vers la pleine réalisation de l’Union douanière – qui impose de supprimer les réglementations restrictives et/ou de limiter les contrôles aux frontières intérieures pour les marchandises échangées entre États partenaires, l’objectif final étant la libre circulation de celles-ci. Ils se sont également accordés sur le principe de l’adoption du « Destination Model » pour le dédouanement des marchandises, qui permet d’estimer et de recouvrer les recettes au premier point d’entrée.

Dans cette perspective, et afin de sécuriser et de faciliter les échanges conformément aux dispositions du Cadre de normes SAFE de l’OMD que tous les États partenaires de la CAE se sont engagés à mettre en application, plusieurs mesures ont été prises par les douanes de ces pays.

L’une de ces mesures consiste à déployer des programmes d’OEA à l’échelon national ; pour rappel, aux termes de ces programmes, les opérateurs économiques reçoivent divers avantages en matière de facilitation des échanges à condition qu’ils puissent démontrer que leurs procédures douanières et leurs pratiques commerciales sont efficaces et respectueuses des lois et qu’ils répondent aux normes minimales de sécurité de la chaîne logistique.

En 2008, tout en travaillant au déploiement de leurs propres mécanismes nationaux, les États partenaires auprès de la CAE ont commencé à élaborer, avec l’aide du Secrétariat de la CAE et de l’OMD, un programme régional d’OEA en vertu duquel les OEA seront mutuellement reconnus dans chacun des six États partenaires et recevront les mêmes avantages.

L’OMD apporte son soutien dans le cadre du projet douanier pour le commerce régional en Afrique de l’Est. Financé par la Suède dans le cadre du programme Suède-OMD, le projet vise à contribuer aux efforts déployés pour éradiquer la pauvreté dans la région d’Afrique de l’Est en y favorisant le développement économique grâce à une meilleure facilitation des échanges et à des contrôles plus efficaces.

Les étapes de la mise en œuvre

Le programme régional d’OEA a été déployé en deux étapes. Au cours de la première, qui s’est étalée de 2008 à 2013, une équipe d’experts de la CAE, soutenue par l’OMD, a effectué des missions de diagnostic et établi un programme pilote, qui a permis d’accréditer 13 OEA provenant de l’ensemble de la région.

Les avantages pour les sociétés qui ont pris part au pilote étaient évidents : elles ont indiqué avoir économisé entre 100 et 400 dollars des États-Unis par envoi. Comme ces sociétés traitent plus de 10 000 envois par mois, le montant total des économies se situerait quelque part entre un et quatre millions de dollars des États-Unis par mois.

Cet argent doit en principe être réinvesti dans les activités des sociétés afin que celles-ci puissent se développer et se moderniser, puis créer des emplois. C’est ainsi qu’un fabricant de matière plastique a pu, grâce aux économies réalisées, ajouter une ligne de production, recruter dix personnes de plus et mettre en place une ligne de recyclage du plastique, ce qui non seulement a créé des emplois mais aussi contribue à la protection de l’environnement.

Au cours de la deuxième étape, qui a démarré en 2014 et s’achèvera en 2018, les experts régionaux de la CAE se sont efforcés de renforcer les bases du programme régional d’OEA et d’accroître le nombre d’OEA dans l’ensemble de la région. Jusqu’à présent, avec l’aide technique et les conseils de l’OMD, l’équipe de la CAE est parvenue à :

  • examiner et actualiser les avantages et les critères liés au programme en les alignant sur le cadre réglementaire de la CAE et en tenant compte de la création du Territoire douanier unique ;
  • élaborer un Manuel régional des procédures opérationnelles standard décrivant le processus de validation OEA et la gestion post-validation ;
  • constituer un Groupe de travail régional OEA composé de représentants des douanes et du secteur privé ;
  • adopter un code d’identification pour les OEA régionaux leur permettant d’être reconnus par les systèmes informatiques des douanes ;
  • rédiger un Plan de visibilité et de communication permettant de mieux faire connaître le programme ;
  • lancer les travaux pour la conception d’un cours sur le processus de validation des OEA qui sera basé sur les normes de l’OMD et intégré dans le programme de formation douanière de la CAE ainsi que dans les programmes nationaux de formation ;
  • mettre en place un « tableau de bord » stratégique permettant de suivre le succès et les résultats du programme.

La dimension régionale

Le programme d’OEA étant régional, le Secrétariat de la CAE l’a intégré dans ses activités et il figure maintenant parmi les points permanents inscrits à l’ordre du jour des réunions du Comité des douanes de la CAE. Sa gestion et sa mise en œuvre ont aussi été incorporées dans le programme de travail des services douaniers des États partenaires.

Enfin, le Groupe de travail OEA, qui se compose de représentants des douanes et du secteur privé de la région, joue le rôle d’organe consultatif et contribue en tant que tel à la gestion de ce programme. En outre, la « coopération Sud-Sud » a été encouragée au cours des travaux, les experts de l’OMD ayant apporté un soutien étant originaires d’Inde, d’Afrique du Sud et du Swaziland.

Le suivi de la performance

Mettre en place un programme régional d’OEA comporte de nombreuses subtilités. Pour appuyer les décisions prises à chaque étape de ce programme (validation/rejet et suivi du respect des lois après la validation) et pour permettre l’évaluation d’impact, il faut mettre l’accent sur l’analyse des données. C’est pour cela qu’a été créé un tableau de bord stratégique régional, qui fournit un rapide état des lieux des différents aspects du programme.

Il va sans dire qu’il faut absolument, à l’appui du programme, que les États partenaires de la CAE échangent des informations de qualité et des données commerciales sur les OEA. Une telle entreprise exige volonté, diligence et capacités opérationnelles. Si la volonté et la diligence sont deux éléments qui peuvent aisément faire l’unanimité et incomber aux États partenaires de la CAE, la capacité de collecter et d’analyser des données requiert une infrastructure de support informatique.

Conclusion

Les dispositifs comme celui établi par les programmes OEA, qui offrent aux administrations douanières un certain degré de certitude quant aux acteurs de la chaîne logistique, sont considérés comme faisant partie de la solution qui permet aux douanes d’octroyer des avantages en matière de facilitation des échanges à des opérateurs fiables et respectueux des lois. En mettant en œuvre un programme régional d’OEA étayé par une gestion fiable des données, les services douaniers des États partenaires de la CAE seront en mesure de fournir aux entreprises des divers pays ce qu’elles recherchent : un environnement commercial transparent et prévisible.

Même s’il est relativement nouveau, ce programme a déjà suscité quelques résultats intéressants, dont le plus parlant est le suivant : les OEA régionaux sont maintenant au nombre de 46 et gèrent 5,6 % des transactions effectuées au sein de la CAE en valeur – environ un milliard de dollars des États-Unis par mois. Autre élément intéressant : les inspections réalisées sur les envois des OEA ou les autres contrôles portant sur leurs transactions n’ont à ce jour pas encore donné lieu à une procédure de contentieux.

Kenneth Bagamuhunda, directeur général « Douanes et commerce » au Secrétariat de la CAE, a récemment exprimé son optimisme à l’égard de ce dispositif : « le déploiement du programme régional d’OEA, qui est l’une des initiatives de modernisation prioritaires des douanes de la région, a été entièrement intégré au Plan stratégique de la CAE. Vu les résultats obtenus jusqu’à présent, j’estime que le programme sera pertinent et qu’il apportera aux entreprises de toute la région des améliorations concrètes et des avantages en termes de facilitation ».

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capacity.building@wcoomd.org