Dossier: Mobiliser les partenaires

La région de l’Afrique occidentale et centrale intensifie sa mobilisation des parties prenantes dans la lutte contre la corruption

21 février 2024
Par l’équipe du Secrétariat de l'OMD chargée du Programme anti-corruption et promotion de l’intégrité (A-CPI)

Dans ses efforts de lutte contre la corruption et de promotion de l’éthique, l’OMD a toujours préconisé la création de partenariats, en particulier avec le secteur privé comme le stipule la Déclaration d’Arusha révisée concernant la bonne gouvernance et l’éthique en matière douanière sous le facteur clé 10 « Relations avec le secteur privé ». Ces dernières années, l’OMD a encouragé les administrations douanières à tirer parti de « l’action collective », cette expression étant utilisée pour décrire les initiatives entre plusieurs parties prenantes dans lesquelles tous les participants sont appelés à adopter une position active.  L’édition de juin 2017 du magazine s’est intéressée à la manière dont ce processus de collaboration est utilisé pour traiter les multiples dimensions de la corruption, s’attaquer à leurs causes et trouver les moyens d’y remédier.

Depuis 2019, certains pays d’Afrique occidentale et centrale collaborent avec le Secrétariat de l’OMD pour mettre en œuvre des actions collectives dans le cadre du Programme anti-corruption et promotion de l’intégrité (A-CPI). Le présent article se penche sur celles entreprises par le Ghana et le Mali, puis met ensuite en lumière les efforts en cours dans la région pour créer des communautés de pratiques.

L’action collective du Ghana pour lutter contre la corruption en douane

Au cours du travail exploratoire réalisé dans le cadre du programme A-CPI de l’OMD, la Ghana Revenue Authority (GRA) a pris acte du fait qu’il lui fallait mobiliser ses divers partenaires de manière plus active et percutante. Tirant parti du fait que les fonctionnaires ayant des responsabilités en matière de coopération avec les parties prenantes et qui sont en mesure d’influencer, de changer ou de favoriser le changement organisationnel avaient bénéficié d’une série d’activités de formation, elle a décidé de passer à la vitesse supérieure à cet égard.

Pour ce faire, la GRA a invité non seulement les parties prenantes traditionnelles – les entités du secteur privé – mais aussi des partenaires « moins connus » à créer un Comité de pilotage pour l’action collective contre la corruption en douane. Composé de représentants de la GRA elle-même, de la Commission des droits de l’homme et de la justice administrative (CHRAJ)[1], du Comité de l’association des transitaires (CoFFA)[2], de l’ONG Ghana Integrity Initiative (GII) et du Bureau du chef de la fonction publique (OHCS), le Comité a pour objectif de dégager les mesures à mettre en œuvre collectivement ou en parallèle pour lutter contre la corruption, promouvoir l’éthique et, en définitive, rendre l’environnement commercial ghanéen plus propice au commerce transfrontalier. Le Comité s’engage à favoriser un dialogue constructif entre les partenaires, à recueillir des points de vue extérieurs au groupe et à faire participer tous les partenaires à la conception et à la mise en œuvre des initiatives de réforme et de modernisation.

Le Comité de pilotage ne part en aucun cas de zéro : la GRA et ses partenaires ont déjà obtenu des résultats, la GII ayant notamment aidé la GRA à développer son mécanisme de signalement des cas de corruption. Le mécanisme permet au personnel de la GRA et à toute personne ou organisation associée à la GRA de signaler les actes de corruption, les fautes professionnelles ou les mauvaises pratiques par le biais d’une plateforme indépendante supervisée par la GII.

En juin 2023, les partenaires ont organisé le Ghana Collective Action Event for Integrity in Customs au cours duquel ils ont présenté leurs réalisations à ce jour et leurs promesses d’action pour l’avenir. À titre d’exemple :

  • Le CoFFA veillera à ce que ses membres utilisent des mécanismes de signalement pour dénoncer la corruption, les fautes professionnelles et les mauvaises pratiques, automatisent leurs procédures pour minimiser les interactions humaines, renforcent leurs capacités en matière de conformité et développent les connaissances de leur personnel et de leurs clients en matière d’éthique et de respect des lois.
  • L’OCHS se concentrera sur le renforcement des cadres institutionnels de signalement, offrira des incitants pour encourager le signalement d’actes contraires à l’éthique et encouragera les comportements intègres dans le chef de l’ensemble du personnel de la fonction publique.
  • La CHRAJ poursuivra la mise en œuvre du plan d’action national anti-corruption du Ghana (NACAP), une feuille de route contenant 135 actions axées sur le renforcement des capacités publiques pour condamner et combattre la corruption, institutionnaliser l’efficacité, la reddition de comptes et la transparence, impliquer à la fois les individus, les médias et les organisations de la société civile dans le signalement et la lutte contre la corruption, et, enfin, entreprendre des enquêtes et des poursuites efficaces contre les actes de corruption.
  • La GII aidera la GRA à déployer le mécanisme de signalement des cas de corruption et à consolider son utilisation en termes d’accessibilité, de transparence, d’équité et de sécurité.

Tous les partenaires rendront compte de leurs réalisations et des enseignements tirés par l’intermédiaire du Comité de pilotage.

L’expérience du Mali en matière de mobilisation des parties prenantes

La Douane malienne est elle aussi pleinement engagée à mettre en œuvre des actions collectives. Elle a tiré parti du « sondage sur la perception de l’intégrité douanière » (SPID), qui est l’un des outils mis au point dans le cadre du programme A-CPI, pour obtenir des informations plus détaillées sur la perception des activités douanières par les parties prenantes du secteur privé.

Afin de présenter les résultats de l’analyse des réponses à l’enquête et de créer les conditions propices à une discussion constructive, la Douane malienne a réuni une quarantaine de cadres supérieurs des douanes ainsi que des représentants du secteur privé et des employeurs pour un atelier de trois jours qui s’est tenu en juillet 2023. Les parties se sont accordées sur la nécessité de travailler en collaboration en vue de créer un climat de confiance entre le secteur privé et la douane, et sur le fait qu’il était essentiel de ne pas considérer la corruption comme un sujet tabou.

En outre, les parties prenantes ont toutes exprimé leur engagement à :

  • renforcer la communication entre les partenaires et à redynamiser le cadre du dialogue, à s’assurer de la pertinence des sujets abordés et à déterminer les mesures pratiques à mettre en œuvre ;
  • nommer des « influenceurs de l’éthique » dans chaque organisation chargés d’encourager les mesures de promotion de l’éthique et de favoriser l’appropriation des valeurs et des bonnes pratiques au sein de leur organisation ;
  • rationaliser les procédures douanières (réduire les mesures discrétionnaires, se concentrer sur la rapidité, prendre en considération l’avis éclairé du secteur privé, réformer et moderniser à la fois en paroles et en pratique) ;
  • mettre en place un processus de signalement de la corruption, des fautes professionnelles et des mauvaises pratiques qui soit accessible, transparent, équitable et sûr, et qui garantisse la protection et la confidentialité des lanceurs d’alerte ;
  • avancer sur la voie de la numérisation et améliorer la fiabilité des outils ;
  • veiller à ce que les sanctions soient proportionnées et aient un effet dissuasif.

Les leçons tirées en termes de mobilisation des parties prenantes sont les suivantes :

  • limiter le nombre de défis à relever afin de ne pas disperser les énergies et les ressources ;
  • se concentrer sur les mesures qui font l’objet d’un consensus général et exprimer clairement les attentes de toutes les parties prenantes ;
  • assurer une communication régulière à tous les niveaux et privilégier l’écoute et la recherche de solutions ;
  • formaliser les engagements mutuels dans une feuille de route.

Communautés de pratiques régionales (CdP)

Les communautés de pratiques représentent l’une des nombreuses formes que peut prendre l’action collective. Pour simplifier, les CdP désignent des groupes de personnes ou de professionnels qui partagent une préoccupation commune, un ensemble de problèmes ou un intérêt pour un sujet et qui, sur cette base, interagissent régulièrement pour apprendre ensemble et les uns des autres.

En 2023, l’équipe du Programme A-CPI de l’OMD a organisé deux ateliers sur la création de CdP à l’intention des administrations douanières des régions des Amériques et Caraïbes (AMS) et d’Afrique occidentale et centrale (AOC) de l’OMD. Les représentants des douanes participantes ont examiné leurs pratiques respectives, en particulier celles liées aux facteurs clés sur « le contrôle et l’enquête », « l’esprit de corps », et les « relations avec le secteur privé » de la Déclaration d’Arusha révisée de l’OMD. Ils ont convenu qu’il était absolument nécessaire de créer des communautés de pratiques en matière d’éthique. Ces dernières permettront de partager des informations sur les réglementations, les procédures, les meilleures pratiques et les expériences, ainsi que des orientations et des manuels.  Parmi les méthodes d’échange envisagées par les participants à l’atelier figurent les plateformes d’e-learning, les discussions de groupe, les formations conjointes, les groupes de travail techniques, les stages professionnels et les visites d’étude.

Au début de l’année 2024, l’OMD a annoncé qu’elle consacrerait cette année au thème « Pour une douane mobilisant ses partenaires historiques et nouveaux autour d’objectifs clairs ». Les efforts déployés par les administrations douanières de la région AOC pour réunir diverses parties prenantes en vue de lutter contre la corruption et de mettre en place une CdP s’inscrivent dans le droit fil de cet appel à l’action.

Dans les mois à venir, grâce à l’engagement réaffirmé de la Norvège en faveur du financement continu du programme, l’équipe du Programme A-CPI de l’OMD et ses administrations partenaires continueront à établir des partenariats et à forger ainsi un front uni contre le fléau que représente la corruption.

En savoir +
capacitybuilding@wcoomd.org

[1] La CHRAJ est la Commission de lutte contre la corruption du Ghana.

[2] Un des plus importants représentants du secteur privé.