Panorama

L’Indonésie déploie son système d’échange de données électroniques avec les places de marché du commerce électronique

22 février 2024
Par Oryza Septi Utami, analyste en douane, Direction des affaires internationales

En Indonésie, le nombre de personnes achetant des produits en ligne ne cesse d’augmenter tous les ans et on estime que 73 % de la population avait effectué au moins une transaction en passant par un réseau informatique en 2023. Selon la Banque d’Indonésie, les transactions de commerce électronique se sont chiffrées à 30,5 milliards de dollars des États-Unis en 2022, et ce chiffre devrait encore s’accroître au cours des prochaines années.

Une partie de ce flux de marchandises traverse les frontières et se compose d’articles dits « de faible valeur ». Cette notion désigne en Indonésie des produits d’une valeur ne dépassant pas 3 dollars des États-Unis et qui sont par conséquent exonérés de droits à l’importation. Les marchandises d’une valeur entre 3 et 1 500 dollars US sont, quant à elles, assujetties à un taux de droit forfaitaire de 7,5 %. Enfin, pour les produits dépassant les 1 500 dollars US, la douane applique le taux de la nation la plus favorisée (NPF). Toutes les transactions sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Deux des défis qui se posent à l’administration des douanes sont le recouvrement des recettes dues et la protection des industries nationales. En effet, certains vendeurs essaient d’éviter de payer les droits exigibles en fractionnant les envois ou en sous-évaluant les marchandises, déclenchant ainsi une concurrence déloyale par rapport aux entreprises nationales qui fabriquent des produits similaires. Compte tenu du volume d’articles achetés via les places de marché (c’est-à-dire les boutiques en ligne ou les plateformes où des vendeurs rencontrent des acheteurs et offrent des produits et des services), la Douane d’Indonésie a lancé en 2019 le régime du Rendu Droits Acquittés (DDP de son acronyme anglais) à l’intention spécifique de ces parties prenantes.

Au titre du régime DDP, les places de marché sont obligées d’inclure et de percevoir les droits et/ou taxes à l’importation dans le prix des marchandises qu’elles vendent. Elles doivent également connecter leurs systèmes informatiques au Système indonésien d’information et d’automatisation des douanes et accises (CEISA de son acronyme anglais) pour permettre un échange automatique des données. Deux catégories de données sont échangées : les données du catalogue de produits et les données de la facture (voir tableau 1).

Tableau 1 – Données échangées automatiquement sous le régime DDP

Le CEISA recoupe automatiquement ces données avec celles qui apparaissent sur la lettre de voiture, document qui contient les informations sur le transport des marchandises et consigne les coordonnées de contact de l’expéditeur et du destinataire, avec le formulaire de déclaration en douane et avec la référence unique de l’envoi, et ce pour chaque colis. Si les données correspondent et qu’aucune anomalie n’est détectée, la Douane émet un code de facturation et perçoit les droits et taxes à l’importation. En cas d’irrégularité, les douaniers procèdent à d’autres vérifications une fois l’envoi arrivé au bureau de douane.

Diagramme 1 – Comparaison des processus de dédouanement pour les places de marché

L’unité technique de la Douane d’Indonésie qui se charge des procédures à l’importation a commencé à travailler sur le régime DDP en 2018. Elle a consulté toutes les unités douanières ainsi que la Direction des oppositions, des appels et de la règlementation pour s’assurer que le texte instituant le DDP soit conforme aux règles s’appliquant aux documents juridiques. Avant sa publication, le règlement sur le régime DDP a été partagé avec la population à travers une enquête publique visant à recueillir des commentaires supplémentaires. Après publication, la Douane d’Indonésie a organisé des webinaires, a placé des affiches à des endroits stratégiques et a mis au point du matériel infographique destiné aux réseaux sociaux pour atteindre un public aussi large que possible, tant les consommateurs que les vendeurs devant être informés des nouvelles règles.

Lorsque le régime DDP a été lancé en 2020, la participation y était volontaire et c’était les douaniers qui évaluaient les droits et taxes exigibles à l’importation. Toutefois, depuis octobre 2023, les places de marché enregistrant plus de 1 000 envois par an sont sommées de souscrire au régime et elles doivent déterminer elles-mêmes les droits et taxes à acquitter. À travers son système informatique et ses agents, la Douane d’Indonésie surveille tous les volumes de transactions des places de marché et, si le seuil est dépassé, elle envoie une lettre de notification à la place de marché concernée, lui demandant de remplir les exigences administratives au titre du régime DDP et de relier son système au CEISA. Une copie de la notification est également envoyée à l’opérateur postal ou à la société de messagerie qui se charge de la livraison des marchandises.

La différence concernant le temps nécessaire pour le dédouanement des envois peut être significative selon que les marchandises tombent sous le régime DDP ou non. Le régime accélère clairement la mainlevée puisque la procédure peut être jusqu’à quinze fois plus rapide.

Une évaluation du régime est menée au moins une fois par an avec chaque participant. L’Administration des douanes examine les transactions d’exportation et d’importation effectuées. Les places de marché qui restent inactives durant trois mois consécutifs, qui ont commis des infractions douanières ou qui ont été déclarées en faillite sont automatiquement désinscrites de la liste des bénéficiaires du régime.

Le régime DDP témoigne de l’engagement de la Douane d’Indonésie à mettre en œuvre le Cadre de normes de l’OMD pour le commerce électronique transfrontalier et plus spécifiquement, sa norme 12 (sur les partenariats publics-privés) et sa norme 1 (sur l’échange de données électroniques préalables entre les parties concernées dans la chaîne logistique du commerce électronique).

Depuis le lancement du régime en 2020, quatre places de marché y ont adhéré (Shopee, Zalora, Iazada et Blibli) et ce chiffre s’est maintenu en l’état même après que le régime est devenu obligatoire en novembre 2023 pour les places de marché dépassant les 1 000 envois par an. Aucune difficulté majeure n’a été notifiée par les participants, si ce n’est l’intégration de leur système informatique durant la phase de déploiement.

Dans quelques mois, la Douane d’Indonésie pourra évaluer l’incidence du régime DDP sur le recouvrement des recettes et la protection des industries nationales. Une légère augmentation dans les montants des recettes découlant des transactions de commerce électronique a été constatée, mais il convient de noter que la part des revenus perçus à travers le régime DDP reste encore en dessous de ce qui est recouvré à travers le régime conventionnel. Pour le moment, il semblerait donc que la véritable valeur ajoutée du régime DDP réside plutôt dans le fait qu’il contribue à créer des conditions équitables entre les vendeurs.

En savoir +
www.beacukai.go.id
info@customs.go.id