Le partenariat avec le secteur privé renforce la certitude en matière de classification des marchandises au Brésil
23 février 2024
Par Jackson Aluir Corbari, attaché fiscal et douanier à l’Ambassade du Brésil à Washington, Ronaldo Lazaro Medina, expert fiscal et douanier, Ernani Checcucci, spécialiste principal de la facilitation des échanges à la Banque mondiale, Marcia Schaffer, coordinatrice de la gestion des connaissances à l’Instituto Aliança Procomex, Tatiana Farane Mein, coordinatrice de projet à l’Instituto Aliança Procomex, et John Edwin Mein, coordinateur exécutif à l’Instituto Aliança Procomex
Le Brésil est en passe de s’engager sur la voie d’une véritable révolution avec le déploiement de la version 2.0 de son guichet unique pour le commerce extérieur, le Portal Único Siscomex. L’une des principales innovations introduites dans le Portal est un catalogue décrivant les marchandises sur la base d’attributs prédéfinis. Le nouveau système a été rendu possible grâce au partenariat exceptionnel existant entre les entités publiques et privées, qui ont travaillé main dans la main pour redéfinir la manière dont les produits sont identifiés aux fins du commerce transfrontalier.
Le Portal Único Siscomex du Brésil a été conçu comme un système unique reliant les autorités responsables des impôts, des licences et de la surveillance. L’un des derniers modules déployés sur le Portal est le catalogue de produits (CP) qui décrit les articles en utilisant des « attributs » prédéfinis dans un répertoire des attributs (RA).
L’un de ces attributs est le code de nomenclature douanière d’un article, qui constitue le fondement permettant de déterminer les taux de droits et les taxes exigibles et partant, d’appliquer toute une série de politiques relatives au commerce, comme les traitements préférentiels. Les systèmes CP/RA n’ont pas vocation à servir en soi de solution alternative à la nomenclature douanière ; ils permettent tout simplement à la douane et aux diverses agences gouvernementales régulant le commerce international d’accéder à des informations plus détaillées sur les produits et d’améliorer leurs capacités de suivi et de contrôle en conséquence.
Dans les nomenclatures douanières de marchandises, certains produits sont regroupés sous un ensemble plus large d’articles qui suivent le même régime de classification. Comme ils restent cachés en quantités inconnues dans ce groupe plus large d’articles soumis au même classement, il devient problématique d’appliquer les règlementations qui régissent les mouvements transfrontaliers de ces produits. Outre la nomenclature douanière, il existe pléthore d’autres systèmes qui sont utilisés pour la classification des marchandises, comme la CTCI (Classification type pour le commerce international des Nations Unies), la Classification centrale des produits (CPC), le NAPCS (North America Product Classification System), la Classification de Nice, la GPC (Global Product Classification), le Système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (SGH) et le Système de classification anatomique, thérapeutique et chimique (ATC de l’anglais Anatomical, Therapeutic and Chemical Classification System). Entre les systèmes de classification internationaux, nationaux et privés, n’importe quel acronyme qui nous viendrait à l’esprit est presque susceptible de se référer à un système de classification des marchandises quelque part !
Ce qui distingue le CP et le RA de ces systèmes, c’est leur approche unique en matière d’identification des produits. À la différence des codes numériques qui sont habituellement utilisés dans le commerce extérieur, ces systèmes utilisent le langage naturel pour définir et caractériser les articles. Cette approche transcende les limites des nomenclatures numériques dans la mesure où elle permet de tenir compte des considérations fiscales et des besoins polyvalents du commerce tout en couvrant non seulement les échanges commerciaux mais aussi la santé, la sécurité publique, la métrologie et bien plus encore.
Répertoire des attributs
Le répertoire des attributs est accessible uniquement aux agences gouvernementales, tandis que les entreprises ont la responsabilité d’alimenter le catalogue de produits. Le répertoire a été mis au point en déterminant des attributs pour chaque code de la nomenclature douanière. En d’autres termes, des qualités ou des caractéristiques considérées comme typiques ou comme faisant partie inhérente d’un produit donné ont été définies pour chaque code, ainsi que des restrictions de contenus, le cas échéant. Le graphique n° 1 reprend les attributs du code 7318.15.00 de la Nomenclature commune du Mercosur (NCM). Chaque attribut inclut un champ relatif à la catégorie d’information et un champ concernant l’information en soi.
La beauté du système réside dans le fait qu’il offre la possibilité de pouvoir être développé de manière progressive, en se concentrant sur les priorités des diverses agences gouvernementales impliquées dans le contrôle des échanges commerciaux, en particulier pour les flux présentant des risques plus élevés. Dans la pratique, cela veut dire que les attributs pour un code-produit spécifique ne doivent pas être définis intégralement en une fois. Ils peuvent être établis progressivement, au fur et à mesure que les agences déterminent ceux qui sont pertinents aux fins de leurs contrôles spécifiques et que les opérateurs commerciaux apportent leur contribution. De plus, les attributs désuets peuvent être supprimés selon les besoins.
Les systèmes CP/RA offrent non seulement une flexibilité et une adaptabilité remarquables mais ils sont aussi conviviaux et intuitifs.
Catalogue de produits
Une fois que les attributs sont établis pour chaque code de la NCM, les exportateurs et les importateurs sont invités à enregistrer les produits dont ils font actuellement commerce (ou dont ils envisagent de faire commerce), à en fournir une description précise en utilisant les attributs définis dans le répertoire et à présenter tout autre document pertinent en vue de caractériser les marchandises (par exemple, des dessins, des ébauches, des photos, des manuels d’utilisation et des rapports techniques).
La plateforme CP permet également un échange fluide d’informations. Les négociants peuvent consulter la douane et les agences de réglementation pour le classement de leurs articles en douane ou pour les attributs à utiliser pour les décrire. La douane et les autorités de réglementation peuvent leur fournir non seulement une aide et des orientations techniques à travers la plateforme mais elles peuvent également demander aux opérateurs commerciaux des informations complémentaires ou des documents justificatifs.
Les données saisies par les négociants sont analysées par des algorithmes qui ont été conçus pour détecter les erreurs de classification et les incohérences dans les informations fournies au niveau des attributs. Les individus qui saisissent des données dans le catalogue reçoivent une notification concernant les éventuels problèmes détectés, les incitant à prendre des mesures correctives. Les agents travaillant pour les autorités de réglementation reçoivent eux aussi une notification concernant les risques potentiels associés à la description et au classement des articles, ce qui permet d’améliorer encore l’efficacité et la précision de l’ensemble du processus de classification.
Une fois enregistré dans le CP, le produit reçoit un code unique qui sert de numéro d’identification pour inclusion dans les déclarations en douane et dans toute une série d’autres documents électroniques utilisés pour les transactions de commerce extérieur. L’ajout de ce code dans ces documents change complètement la donne : il élimine tout besoin pour les négociants d’encoder des données à répétition, alors que ces données sont déjà entreposées de manière sûre dans le système pour chaque opération, et il rationalise le processus pour les agences gouvernementales tout en facilitant les contrôles concernant le classement.
Avantages
À travers ce modèle novateur de gestion de l’information, la douane s’engage sur la voie d’une transformation notable. Il n’est plus nécessaire pour elle de contrôler les classements tarifaires durant le dédouanement à l’importation et à l’exportation pour les produits catalogués. Ces vérifications sont à présent menées de manière centralisée, bien avant les transactions en soi, en tirant parti des données qui sont déjà disponibles dans le CP. Il en résulte une économie sensible des ressources engagées et de temps. Au fur et à mesure du dédouanement, la tâche de vérification devient de plus en plus simple puisqu’il n’est plus nécessaire de passer par des déterminations laborieuses aux fins du classement tarifaire. À la place, les douaniers ont pour responsabilité première de confirmer que les produits sont alignés sur la description figurant dans le CP et de vérifier les quantités dans le cadre de la transaction donnée.
Les principaux avantages liés à la mise en œuvre et à l’utilisation des systèmes CP/RA sont notamment :
Une meilleure application de la réglementation – la mise en œuvre des systèmes CP/RA améliore sensiblement les capacités de contrôle de la douane et des autres services gouvernementaux impliqués dans la surveillance du commerce extérieur.
Une consolidation des procédures de contrôle – les systèmes CP/RA permettent de consolider les procédures de contrôle douanières et autres concernant les échanges de commerce extérieur, ce qui aboutit à des gains d’efficacité.
Une simplification des procédures commerciales – le code d’identification des produits peut être utilisé pour chaque transaction ou document.
Une réduction des erreurs – au fur et à mesure que le RA s’enrichit de nouveaux attributs, on constate une diminution progressive et substantielle des erreurs de classement pour les produits.
Un meilleur soutien aux opérateurs commerciaux – la communication plus facile avec les agents chargés de l’application de la loi ainsi que l’analyse automatisée des données saisies par les algorithmes réduisent le risque d’erreur de la part des négociants.
Une plus grande certitude juridique – les opérateurs commerciaux ont davantage la certitude que le classement de leurs marchandises est correct et qu’ils respectent donc bien les règlementations.
Implication du secteur privé
Cette remarquable avancée n’a été possible que grâce à la contribution du secteur privé, sous l’impulsion de l’Instituto Aliança Procomex (voir article de l’OMD Actu 97 – Édition 1 / 2022). Bras opérationnel de l’Alliance Procomex, composé de 136 associations professionnelles brésiliennes, l’Institut Alliance Proxomex se donne une mission claire : consolider les efforts du secteur privé pour aider le secteur public à moderniser les processus de gestion des frontières. L’objectif est d’améliorer la compétitivité du Brésil sur la scène internationale.
Dans la poursuite de sa mission, l’Institut a créé en 2017 un groupe « systèmes », qui réunit des professionnels de la douane, du Secrétariat au commerce extérieur (Secex), de l’agriculture, de la santé, du SERPRO (l’agence gouvernementale chargée des systèmes douaniers) et des entreprises impliquées dans les opérations et les systèmes. Les membres du groupe « systèmes » se réunissent régulièrement pour débattre du développement et de la mise en place du nouveau guichet unique du Brésil pour le commerce. En 2019, au cours de l’une de ces réunions, l’Institut Alliance Procomex a été formellement inclus aux travaux de construction des systèmes RA/CP et il a été invité à demander au secteur privé de définir les attributs caractérisant les produits exportés et importés par le Brésil.
L’Instituto a organisé et dirigé plusieurs réunions au cours desquelles des représentants des divers secteurs économiques du pays ont analysé et défini ensemble des attributs pour chacun des 10 300 codes de la NCM, qui est un prolongement à huit chiffres du Système harmonisé de l’OMD. 38 réunions se sont déroulées en tout, avec la participation de plus de 1 800 professionnels de 700 entreprises, de 76 associations professionnelles et de divers organes gouvernementaux de premier plan, comme le Service fédéral des recettes du Brésil (RFB), le Secex et les autorités de réglementation supervisant les activités de chaque secteur.
À la fin de cette série de réunions, les représentants du secteur privé avaient défini le nombre impressionnant de 29 800 attributs, qui allaient ensuite faire l’objet d’une évaluation technique minutieuse afin d’en vérifier la pertinence et l’alignement sur les codes correspondants de la NCM. La Banque mondiale est alors entrée en jeu, puisqu’elle a lancé un appel à candidatures pour sélectionner l’organisation dotée de l’expertise et des connaissances nécessaires pour s’atteler à cette tâche. L’Instituto Aliança Procomex a été choisi en l’occurrence et il a commencé par consolider les attributs définis par le secteur privé, pour ensuite les évaluer et les harmoniser.
Toujours avec le soutien financier de la Banque mondiale, dans un deuxième temps, les services de règlementation gouvernementaux ont rejoint le processus en vue de compléter les attributs définis par le secteur privé en y ajoutant ceux qui leur semblaient nécessaires aux fins des contrôles administratifs sur les importations et les exportations entrant dans leur domaine de compétence. Encore une fois, l’Institut Alliance Procomex s’est chargé d’harmoniser les attributs proposés par les autorités de réglementation et par les entreprises.
L’ensemble de ces efforts a abouti à la publication d’un jeu de données et au lancement d’une consultation publique, à l’initiative du Comité de gestion du Portail unique Siscomex. Cette étape a permis au secteur privé d’évaluer une fois de plus les attributs définis. 17 700 contributions ont été soumises et toutes ont été méticuleusement passées en revue.
Le 6 novembre 2023, un premier ensemble d’attributs a été intégré aux travaux de mise sur pied du portail Siscomex, ce qui a permis aux entreprises du secteur privé d’entamer l’enregistrement de leurs marchandises dans le catalogue de produits. Les travaux, que d’aucuns jugeaient impossibles à mener à terme, ont pu être achevés grâce à la collaboration et aux efforts communs du secteur public et privé. Ce partenariat a ouvert la voie à la création d’un système plus convivial, efficace et transparent, où les attributs redéfinissent la manière dont les marchandises sont identifiées. Le fait que les entreprises aient accès à ces attributs est le signe avant-coureur d’une nouvelle ère pour les activités de commerce extérieur, où les entités tant publiques que privées travaillent de concert pour promouvoir le progrès.
Aujourd’hui, le paysage du commerce extérieur brésilien est en pleine transformation à travers le déploiement du Portal Único Siscomex version 2.0, qui témoigne du pouvoir remarquable de la coopération. L’expérience du Brésil constitue un exemple éloquent de l’incroyable potentiel qui peut être libéré lorsque l’avenir est défini sur base de l’unité et d’une vision partagée entre toutes les parties prenantes concernées. L’avenir promet d’être porteur de croissance et de succès, grâce à la synergie créée entre les organismes publics et les entreprises du secteur privé, ouvrant ainsi la voie à un futur plus radieux, où les activités de commerce transfrontalier se déroulent dans le respect des règles, dans la sécurité et avec un haut degré de certitude profitant à tous.