Échange automatique des données douanières : aperçu du système utilisé dans les Balkans occidentaux
21 février 2024
Par l’Administration des douanes serbeLes administrations des douanes de la région des Balkans occidentaux ont mis sur pied une plateforme qui leur permet d’échanger automatiquement des données douanières. Baptisé « SEED », le système s’est révélé efficace pour détecter les irrégularités, les délits et les activités de contrebande, et pour accélérer le dédouanement des marchandises.
Avec le soutien de l’Union européenne, les six administrations des douanes des Balkans occidentaux ont établi un système informatique qui leur permet d’échanger des données douanières de manière systématique et automatique. Ces données couvrent les déclarations d’importation, d’exportation et de transit, les carnets TIR et ATA et les mouvements de camions vides, ainsi que d’autres documents exigés au titre des procédures simplifiées, comme les factures.
Baptisé « SEED », le système permet aux administrations de recevoir des données avant l’arrivée, depuis le moment où la procédure douanière est entamée au bureau de douane de départ, et de vérifier la cohérence des déclarations soumises aux bureaux de douane de sortie et d’entrée.
SEED est un système décentralisé (voir graphique n° 1), constitué de sept nœuds : un nœud dans le système informatique de chacune des administrations participantes et un dans les locaux de la Douane italienne. Chaque nœud SEED se compose d’un serveur applicatif SEED, lui-même connecté au système de traitement des déclarations de l’administration douanière (système de traitement des déclarations en douane – CDPS de son acronyme anglais). Les liens pour l’échange de données entre les nœuds sont établis via l’internet public, en utilisant des réseaux virtuels privés (VPN).
La base légale encadrant ces échanges a été établie à travers la signature de protocoles d’accord (PDA) bilatéraux entre toutes les administrations des douanes. Ces dernières ont aussi adopté des directives opérationnelles et des instructions pour l’utilisation et la gestion du système SEED. De plus, des dispositions de mise en œuvre nationales ont été mises au point et publiées dans les règlements officiels relatifs à la procédure de dépôt des déclarations en douane.
Modules
L’application SEED se compose de plusieurs modules (voir graphique n° 2) qui vont puiser des données dans les CDPS des Parties. Les données sont affichées dans une fenêtre unique et les agents peuvent y mener des recherches, ou encore les trier par colonne, les regrouper et les exporter dans divers formats. Les principaux modules sont présentés ci-après.
Affichage pré-arrivées
Ce module affiche les messages avant l’arrivée générés par le bureau de douane de sortie lorsqu’un document douanier est enregistré. Chaque administration dispose de deux types d’affichage :
- « Mes affichages pré-arrivées » permet de voir le jeu d’enregistrements générés par l’administration pour le fret sortant de son territoire douanier et envoyés aux administrations des douanes voisines.
- « Vos affichages pré-arrivées » affiche le jeu d’enregistrements générés par une administration des douanes voisine pour le fret destiné au territoire douanier de l’administration.
Mes ENTRÉES
Ce module couvre deux catégories d’enregistrements relatives aux procédures s’appliquant aux flux entrants :
- « Mes ENTRÉES » couvre toutes les entrées de marchandises aux points de passage du territoire douanier de l’administration.
- « Vos SORTIES » couvre toutes les sorties de marchandises des administrations des douanes voisines aux points de passage du territoire douanier de l’administration.
Mes SORTIES
Ce module couvre deux catégories d’enregistrements relatives aux procédures s’appliquant aux flux sortants :
- « Mes SORTIES » couvre toutes les sorties de marchandises aux points de passage du territoire douanier de l’administration.
- « Vos ENTRÉES » couvre toutes les entrées de marchandises des administrations des douanes voisines aux points de passage du territoire douanier de l’administration.
Nouvel enregistrement
Ce module permet à une administration d’ajouter manuellement les enregistrements de passage manquants dans les CDPS au niveau des entrées et des sorties. Les administrations disposent de cinq sous-modules contenant leur propre formulaire d’entrée de données, qui peuvent être personnalisés en fonction de leurs besoins :
- Entrée/Sortie au titre de procédures simplifiées.
- Entrée/Sortie de moyens de transport pleinement chargés tant pour le trafic routier que ferroviaire.
- Entrée/Sortie de véhicules vides.
Correspondance des données
Il s’agit de l’un des modules les plus sophistiqués du SEED. Par le biais d’un système de couleurs, il affiche le résultat d’un appariement et d’une mise en correspondance des données à l’entrée d’un territoire douanier.
- Vert – enregistrements mis en correspondance.
- Bleu et Jaune – appariement dans la fourchette de tolérance configurée.
- Blanc – il n’existe pas d’enregistrement correspondant ni d’un côté ni de l’autre à cause de la nature de la procédure (par exemple, pour l’importation de véhicules d’occasion, il n’existe pas d’enregistrement à la sortie du territoire de la douane voisine. Dans le cadre du régime du perfectionnement actif, seule la valeur ajoutée des marchandises est déclarée à l’exportation, alors que la valeur totale serait déclarée à l’importation).
- Rouge – enregistrements qui n’ont pas pu être mis en correspondance.
Le tableau principal montre tous les enregistrements qui ont été « couplés » au moins une fois. Le nombre total d’enregistrements « uniques non couplés » est affiché dans la même fenêtre.
Les fonctionnalités du tableau incluent notamment la conversion de devises, la mise en correspondance manuelle ainsi qu’un algorithme léger[1]. L’appariement manuel permet aux fonctionnaires agréés de relier/coupler ou de déconnecter/découpler les enregistrements manuellement. Les données en soi et la comparaison/mise en correspondance des données ne peuvent néanmoins pas être manipulées.
Analyse
Ce module permet aux agents de visualiser facilement les données pour mener une analyse plus exhaustive des enregistrements échangés. Il peut afficher soit un seul groupe, soit les quatre groupes de messages (mes entrées, mes sorties, vos sorties, vos entrées) pour une période donnée. Étant donné qu’ils peuvent consulter toutes les données au même endroit, grâce à des fonctionnalités analytiques plus sophistiquées, les douaniers peuvent alors détecter les mouvements inhabituels ou à risque, comme, par exemple, une succession de sorties et d’entrées de camions vides.
Suivi & Statistiques
Ce module crée une représentation graphique des données pour une période de temps définie. Les données portent sur :
- les messages reçus,
- les messages envoyés,
- les statistiques de mise en correspondance,
- les messages d’erreur.
Toutes les représentations graphiques peuvent être converties en différents types de fichiers (PNG, JPEG, PDF et SVG).
Journal des correspondances
Ce module génère un journal de bord de tous les enregistrements qui ont été mis manuellement en correspondance par les utilisateurs autorisés. Les usagers peuvent accéder directement aux documents relatifs aux enregistrements.
Alertes
Il s’agit de l’une des fonctionnalités les plus sophistiquées du SEED. Elle permet aux utilisateurs agréés de créer et de gérer des profils de risque qui peuvent ensuite être appliqués aux messages avant l’arrivée pour les régimes de transit, d’exportation, les régimes simplifiés et les carnets TIR. Une « fonctionnalité de suivi » permet aux agents de surveiller les envois durant les différentes étapes du dédouanement.
Profils de risque courants
Des profils de risque communs sont intégrés au SEED. Ils sont mis au point par le biais de la méthode suivante :
- d’abord, une analyse des risques est menée au niveau régional ;
- ensuite, une partie propose de créer un profil ;
- des discussions s’ensuivent sur la pertinence de la proposition ;
- si le profil est jugé pertinent, il est appliqué par toutes les parties au système durant une période donnée ;
- les données sur le nombre de résultats positifs/de contrôles et de détections en lien avec le profil de risque sont analysées ;
- le profil est alors validé ou rejeté.
Carnets ATA
Le carnet ATA est un document douanier international qui permet l’admission temporaire de marchandises en exonération de droits et d’impôts, pour une période allant jusqu’à un an. Il donne la possibilité aux pays, aux entreprises et aux services présents aux frontières d’accélérer le processus douanier en recourant à des formes de déclarations unifiées et prêtes à l’emploi qui éliminent le besoin de constituer une garantie, de souscrire à une caution en douane ou encore de faire un dépôt en espèces dans le pays d’importation temporaire.
Le module SEED sur les carnets ATA peut traiter le cycle de vie intégral de tous les types de carnets au sein d’un même territoire douanier :
- exportations temporaires (carnets jaunes),
- importations temporaires (carnets blancs),
- transits (carnets bleus).
Lorsqu’un carnet papier est délivré par une chambre de commerce, il est également créé par voie électronique dans le SEED. Lorsqu’un carnet est présenté à un point de sortie, le douanier sur place enregistre l’opération (par exemple, l’exportation temporaire) dans le module SEED national sur les carnets ATA. Un message est alors automatiquement créé et envoyé à l’administration des douanes voisine.
Remboursement de la TVA
La fraude relative aux remboursements de la TVA est courante dans la région des Balkans. Les étrangers qui achètent des produits dans un territoire douanier demandent un remboursement de la TVA lorsqu’ils en sortent mais ne déclarent pas les marchandises au moment d’entrer sur l’autre territoire douanier. Ces marchandises non déclarées sont de taille relativement petite (montres, appareils portables, etc.).
Le module SEED de remboursement de la TVA permet aux douaniers d’enregistrer les demandes de remboursement de la TVA au point de sortie et de partager les informations sur la transaction avec le point d’entrée douanier suivant. Comme pour tous les autres modules SEED, celui-ci affiche toutes les demandes enregistrées au niveau national et par les autres parties ; il conserve également les enregistrements des demandes rejetées.
Déclarations d’argent liquide
Tous les voyageurs entrant sur le territoire de l’Union européenne ou le quittant sont obligés de remplir une déclaration d’argent liquide s’ils transportent des espèces pour une valeur égale ou supérieure à 10 000 euros (ou l’équivalent dans d’autres devises, en obligations, actions, chèques de voyage et objets de valeur). Les autorités douanières sont habilitées à contrôler les personnes, leurs effets personnels et leur moyen de transport. Elles sont aussi habilitées à retenir de l’argent liquide non déclaré. Ces mêmes règles sont appliquées dans la plupart des territoires douaniers couverts par le SEED.
Le module de déclarations d’argent liquide permet aux douaniers d’encoder les données tant des déclarations d’argent liquide que des saisies d’espèces non déclarées. Il comprend aussi une interface publique qui permet aux voyageurs de faire une déclaration avant même d’arriver au point de passage. Les données relatives aux déclarations sont automatiquement partagées entre les utilisateurs du SEED.
Perspective historique
Le système SEED a été créé et mis à niveau en différentes étapes.
En 2002, la Commission européenne a créé un programme du Bureau d’assistance douanière et fiscale (CAFAO) pour les Balkans occidentaux en vue d’aider les douanes et les autorités fiscales à se préparer à leur future adhésion à l’UE.
Au titre du programme CAFAO, différents systèmes d’échange de données ont été testés. Les plus probants, considérés aujourd’hui comme les précurseurs du SEED, ont été :
- Le système d’alerte précoce du Danube (DREWS), un outil d’échange de données sur les navires et le fret empruntant le Danube entre la Hongrie, la Croatie et la Serbie.
- Le système de messagerie pour l’Europe du Sud-Est (SEMS), un outil aux fins de l’échange électronique du renseignement.
Forte du succès remporté par ces deux systèmes, lorsque le Programme CAFAO est arrivé à échéance fin 2007, la Commission européenne a décidé de financer des essais d’utilisation du SEMS pour établir un outil d’échange électronique systématique des données relatives aux déclarations en douane entre les autorités douanières des Balkans occidentaux. Le pilote ayant été concluant, des travaux ont été lancés pour mettre sur pied une application à part entière couvrant toute la région. C’est ainsi que SEED a vu le jour. Trois projets de maintenance consécutifs ont été menés au cours des années afin de maintenir le système en fonctionnement.
SEED+
Durant la crise de la pandémie de COVID-19, le système SEED a été utilisé pour le transport de « fournitures essentielles » par camion le long de couloirs commerciaux spécifiques, en vue de permettre l’échange d’informations avant l’arrivée entre les administrations des douanes et les autorités phytosanitaires, vétérinaires et sanitaires impliquées dans le dédouanement. La liste des produits considérés comme essentiels a été convenue entre les Parties de l’Accord de libre-échange centre-européen (ALECE), sur la base de codes du SH à huit chiffres.
L’idée que le SEED puisse être développé pour permettre d’échanger systématiquement des données et des documents entre plusieurs acteurs, outre les administrations des douanes, a suscité l’intérêt du Secrétariat de l’ALECE, qui a pour ambition d’éliminer les barrières administratives au commerce dans la région. Étant donné que certaines Parties à l’ALECE ne sont pas membres de l’OMC, l’Accord sur la facilitation des échanges ne s’applique pas directement à elles. Compte tenu de cet état de fait, l’ALECE a conçu un instrument spécial : le Protocole de facilitation des échanges (protocole additionnel 5 de l’ALECE). SEED+, une version mise à niveau du SEED, doit jouer un rôle déterminant dans la mise en œuvre du protocole 5.
Le projet SEED+ est intégralement financé par l’Union européenne et mis en œuvre conjointement par le Secrétariat de l’ALECE et la Douane italienne. SEED+ se distingue par deux grandes spécificités :
- La mise au point de la plateforme de Nouvelles Technologies TRACES de l’ALECE, basée sur la plateforme Nouvelles Technologies TRACES de l’UE, utilisée pour la certification sanitaire et phytosanitaire requise pour l’importation d’animaux, de produits animaux, de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux d’origine non animale et de végétaux dans l’Union européenne, et pour le commerce intracommunautaire et les exportations européennes d’animaux et de certains produits d’origine animale. La plateforme Nouvelles Technologies TRACES de l’ALECE permettra de gérer la certification en ligne et les notifications d’information sur les envois non conformes pour les animaux et produits connexes.
- La mise à niveau de l’actuel SEED pour passer au SEED+ en douane, en établissant des liens supplémentaires pour l’échange de données, améliorant ainsi les modules douaniers du SEED ainsi que la gestion des risques douaniers au niveau régional.
Des circuits verts
Des circuits verts avaient été établis dès le début de la pandémie de COVID-19 afin d’éviter les pénuries de produits dits essentiels. Lors du sommet de Sofia, qui s’est tenu en novembre 2020, les dirigeants des pays des Balkans occidentaux ont apporté leur soutien à l’élargissement du système de circuits verts existant à tous les points de passage frontaliers et aux points communs de passage des Balkans occidentaux.
Grâce à l’échange d’informations avant l’arrivée entre les services de règlementation, les contrôles documentaires peuvent être menés avant que les produits dits essentiels n’arrivent au point de passage et les inspections (éventuellement exigées) peuvent donc être organisées de manière plus efficace. En conséquence, un droit de passage prioritaire peut être garanti aux transporteurs véhiculant des produits essentiels à travers les Balkans occidentaux.
Les données du SEED sont utilisées pour la création de statistiques, comme le nombre de camions, de déclarations et de types d’articles dans les envois, ainsi que les temps d’attente de douane à douane. Des informations à ce sujet sont publiées sur la page https://greencorridors.cefta.int. Comme on peut le constater, le dédouanement de produits dits essentiels prend plus longtemps que celui des produits non essentiels car ils exigent la délivrance de permis de la part des agences techniques concernées (avant tout, les services phytosanitaires et vétérinaires). Toutefois, de 2021 à 2023, le temps d’attente moyen pour tous les points de passage frontaliers a diminué (voir tableau 1).
Tableau 1 – Temps d’attente moyen pour tous les points de passage frontaliers et communs de 2021 à 2023
Temps moyen sans camions vides (en minutes) | Temps moyen y compris avec camions vides (en minutes) | ANNÉE |
108,79 | 96,32 | 2021 |
103,12 | 93,13 | 2022 |
94,55 | 85,48 | 2023 |
Échange électronique de données avec l’UE
L’échange unilatéral de données a été établi entre les territoires douaniers des Balkans occidentaux et les États membres de l’UE comme suit :
- entre la Macédoine du Nord et la Grèce,
- entre l’Albanie, le Monténégro et l’Italie,
- entre le Monténégro, la Bosnie et la Croatie.
L’échange de données est unilatéral puisque la réglementation européenne interdit l’échange systématique de données douanières depuis les États membres de l’UE vers des pays tiers. Les graphiques 5 et 6 illustrent le type de données échangées.
L’UE est en train de tester l’utilisation du système SEED+ dans les pays du Partenariat oriental, une initiative de la Commission européenne qui vise à renforcer et à approfondir les relations politiques et économiques entre les six pays d’Europe orientale et du Caucase du Sud (l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Bélarus, la Géorgie, le Moldova et l’Ukraine).
Le système SEED+ a fait l’objet d’un pilote pour l’échange de données entre :
- la Lituanie et le Bélarus (camions vides, jeu de données limité, jeu de données complet pour les volontaires).
- l’Ukraine et la Roumanie (camions vides)
- le Moldova et la Roumanie (camions vides).
Conclusion
Depuis qu’il a été créé, le système SEED a évolué pour devenir un puissant outil au service des administrations des douanes des Balkans occidentaux. Il contribue à la lutte contre la contrebande et la sous-évaluation, et réduit de manière importante le temps nécessaire pour le dédouanement des marchandises. Le développement et l’extension continus du SEED promettent d’améliorer encore la gestion du mouvement des marchandises dans la région et au-delà.
En savoir +
medjunarodnoEU@carina.rs
[1] Un algorithme léger est un algorithme de mise en correspondance qui ne prend pas la valeur de la facture comme paramètre pertinent pour la mise en correspondance des données. L’algorithme doit être appliqué dans les cas où les documents présentés en douane ne contiennent pas d’information sur la valeur de la facture.