L’OMD célèbre cette année son 70e anniversaire et saisit cette occasion pour revenir sur ce qu’elle a accompli ainsi que sur les moyens de relever les défis actuels. Une question urgente est de savoir comment soutenir la transition vers une économie neutre pour le climat.
Lors de nombreux événements, notamment les sommets sur le climat et la biodiversité, les représentants des gouvernements nationaux et des organisations internationales ont souligné à quel point il est impératif que les acteurs du commerce viennent appuyer l’action environnementale et s’engagent à agir en ce sens. Ils ont avancé l’idée que les politiques commerciales devaient sous-tendre une révolution industrielle verte et être mises au service de la transition écologique.
Le présent dossier vise donc à faire un tour d’horizon des discussions et des initiatives en cours visant à rendre les modes de production et la chaîne logistique plus durables mais aussi à présenter une vue d’ensemble du rôle de la douane à l’appui de cette ambition.
Promouvoir la mise en œuvre et l’application des accords multilatéraux sur l’environnement (AME)
Commençons par le point le plus évident : le rôle de la douane dans la mise en œuvre effective des accords multilatéraux sur l’environnement (AME). Les objectifs des AME sont notamment de lutter contre le commerce illicite de déchets dangereux et de substances qui appauvrissent la couche d’ozone, de combattre le trafic des espèces menacées de la faune et de la flore sauvages et d’empêcher la propagation de maladies végétales et animales ainsi que d’espèces exotiques envahissantes.
Les dispositions de ces accords sont univoques mais leur efficacité reste limitée par la capacité des différents pays à les mettre en œuvre et à veiller à ce qu’ils soient appliqués. Les ressources affectées sont souvent insuffisantes, laissant ainsi la voie libre à la poursuite de trafics illégaux de tous poils. Nous avons déjà abordé cette question en profondeur[1] et avons détaillé les initiatives que le Secrétariat de l’OMD mène pour doter les administrations des douanes des moyens nécessaires pour lutter contre ce type de commerce illicite, ou encore pour renforcer leurs capacités à cet égard, en travaillant ensemble avec d’autres acteurs du secteur public et privé impliqués.
Récemment, le Secrétariat a accru ses activités de renforcement des capacités en lien avec le contrôle du commerce des déchets, et plus particulièrement concernant l’importation de déchets plastiques dans les pays de la région d’Asie-Pacifique. Nous avons apporté notre soutien à travers deux programmes : le Programme de contrôle des conteneurs (PCC), que nous cogérons avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) depuis 2004, et le Projet sur la gestion des déchets dans la région Asie-Pacifique (APPW de son acronyme anglais), mis sur pied en 2020 avec le soutien financier du gouvernement du Japon. Nos activités dans ce domaine sont coordonnées ou co-organisées avec le Secrétariat de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, bien entendu.
Notre assistance est hautement technique mais elle ne constitue pas la seule forme de soutien que nous fournissons. S’il est vrai que nous nous donnons pour objectif d’améliorer ou de mettre en place des processus et des procédures pour répondre à certains problèmes comme le fret abandonné, nous aidons également les administrations douanières à construire des relations avec les autorités nationales compétentes et à élaborer des stratégies et des plans de travail axés sur une démarche globale concernant la question à l’examen.
Élimination des obstacles au commerce pour une économie verte
Au-delà de la règlementation environnementale, il est fondamental que les administrations des douanes soient au courant des initiatives visant à promouvoir le commerce de biens et de services environnementaux, qu’elles les comprennent et soient en mesure d’y contribuer. La libéralisation de ces biens et services est inscrite à l’ordre du jour de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis le début du cycle de Doha en 2001. L’élimination des droits de douane et d’autres obstacles au commerce simplifierait l’accès aux biens et services qui empêchent ou qui réduisent la pollution de l’air, de l’eau et du sol et qui améliorent aussi la protection de ressources naturelles. Les technologies qui augmentent l’efficacité en termes d’énergie et d’utilisation des ressources en deviendraient moins onéreuses en conséquence.
Notre Dossier inclut un article du Conseil national de commerce de Suède qui se penche sur les discussions en cours, se centrant sur des questions revêtant une importance particulière pour les douanes et les professionnels du commerce. Il met l’accent sur le fait qu’il est essentiel d’impliquer les douaniers dans les négociations et recommande même de nommer un organe d’experts pour aider les négociateurs.
Une autre idée qui suscite un intérêt généralisé est la mise en place d’une économie circulaire. L’idée de l’économie circulaire est d’utiliser les ressources de manière plus efficace et de découpler la croissance économique des intrants matériels. Elle passe donc par un changement systémique qui transforme la manière dont une entreprise, voire une économie, fonctionne et dont les sociétés consomment. Certaines entreprises qui se sont lancées sur ce terrain ont fait état de barrières règlementaires et d’obstacles pratiques et législatifs pour travailler suivant un modèle industriel circulaire. Dans un autre article, nous avons demandé à la Chambre de commerce internationale (ICC) d’expliquer certains de ces défis et d’offrir des pistes sur ce qui peut être entrepris pour activer et accélérer les modèles industriels circulaires, notamment à travers l’OMD.
Économie circulaire et évaluation en douane
Dans l’industrie manufacturière traditionnelle, les marchandises sont généralement vendues à un certain prix. Le prix des marchandises constitue la base de la détermination de la valeur en douane dans le commerce international. En vertu de l’article premier de l’Accord sur l’évaluation en douane, la valeur en douane se définit comme la valeur transactionnelle, c’est-à-dire le prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises lorsqu’elles sont vendues pour l’exportation à destination du pays d’importation, après ajustement, le cas échéant, et plus particulièrement conformément aux dispositions de l’article 8 de l’Accord. La valeur en douane est essentiellement déterminée sur la base de la méthode de la valeur transactionnelle.
Dans le cadre de l’économie circulaire, il se peut qu’il n’y ait pas de valeur transactionnelle ou de changement de propriété, ce qui peut poser un problème. Dans un tel régime, les marchandises sont souvent louées, et, dans ce cas, il n’y a pas de valeur transactionnelle. La valeur des produits importés de l’économie circulaire ne peut être déterminée en utilisant la valeur transactionnelle des marchandises et devra donc être établie en recourant aux cinq méthodes alternatives prévues par l’Accord sur l’évaluation en douane, suivant un ordre spécifique. Ces méthodes sont la valeur transactionnelle de marchandises identiques, la valeur transactionnelle de marchandises similaires, la méthode déductive, la méthode de la valeur calculée et la méthode du dernier recours, respectivement.
Chacune de ces méthodes présente ses spécificités. Par exemple, afin d’appliquer la méthode de la valeur transactionnelle de marchandises identiques, il convient de revenir sur des transactions passées portant sur des produits identiques à ceux qui sont évalués ; ainsi, la valeur transactionnelle de marchandises identiques ayant été importées, qui a déjà été acceptée en vertu de l’article premier, après un ajustement éventuel, peut être utilisée pour les marchandises en cause. L’expression « marchandises identiques » s’entend des marchandises qui sont les mêmes à tous égards, y compris les caractéristiques physiques, la qualité et la réputation. Or, pour l’évaluation de produits de l’économie circulaire qui ne font pas l’objet d’une vente, il pourrait s’avérer difficile de retrouver des transactions couvrant des marchandises identiques ou similaires pour déterminer la valeur en douane. Il est donc fort à parier qu’une fois que toutes les méthodes préalables auront été épuisées, la méthode de dernier recours sera fréquemment utilisée pour ce type de marchandises qui ne font pas l’objet d’une vente.
Que ce soit en promouvant les biens et services environnementaux ou en facilitant l’adoption de modèles d’entreprise circulaires, une bonne politique commerciale exige de bonnes données commerciales et, en ce sens, l’examen de données générées par le classement douanier des marchandises est un passage obligé. Pour le commerce allant au-delà des importations ou des exportations d’une union douanière ou d’un pays particuliers, la comparaison de données repose sur le classement à six chiffres, c’est-à-dire au niveau fourni par le Système harmonisé (SH). Dans leurs articles respectifs, tant le Conseil national de commerce de Suède que l’ICC soulignent le rôle vital que joue le SH. Le Secrétariat de l’OMD se voit souvent poser des questions extrêmement complexes sur le SH et nous incluons dans le présent Dossier un article qui vise à répondre à celles qui lui sont le plus fréquemment posées, comme, par exemple : pourquoi une marchandise ne dispose-t-elle pas de son propre code du SH, pourquoi le niveau de spécificité du SH est si variable, quelle est la procédure d’amendement du SH et comment formuler une proposition afin qu’elle ait des chances d’aboutir.
Réduire l’empreinte écologique des opérations commerciales
Le dernier article du présent Dossier se penche sur les efforts de la Douane de Singapour pour accroître l’efficacité de la gestion des opérations commerciales en vue de réduire leur empreinte écologique, ainsi que sur les initiatives qu’elle a prises à l’appui des politiques environnementales. La Douane de Singapour souligne à juste titre que, si la numérisation des processus peut faciliter les opérations de logistique et permet de ne plus devoir expédier des documents papier, la création, le traitement, l’entreposage et le mouvement de données exigent en grande partie de mobiliser des ressources finies, comme de l’électricité, de l’eau, des métaux, des produits chimiques et des matériaux fabriqués par l’homme, comme les matières plastiques et le verre. C’est pourquoi il est important d’entreprendre une évaluation rigoureuse de l’empreinte environnementale des solutions technologiques, quelles qu’elles soient, avant de les déployer. Il est en particulier important de s’assurer que les centres de données soient hébergés dans des bâtiments qui soient hautement efficaces du point de vue énergétique et au niveau de leur performance écologique. La Douane de Singapour nous rappelle également que nous ne pouvons pas tout laisser à l’initiative des pouvoirs publics mais que nous devons prendre nos responsabilités en tant qu’individus et suivre des principes directeurs « verts » dans chaque aspect de notre vie.
Pour conclure, j’aimerais vous inviter à participer à la Conférence mondiale sur les douanes vertes que le Secrétariat de l’OMD organise fin juin. Nous avons convié des représentants des douanes, des organisations internationales, des milieux universitaires et du secteur privé, ainsi que de la société civile et des organisations non gouvernementales (ONG), pour se pencher plus en détail sur la question de savoir comment les douanes et l’OMD peuvent contribuer à la réalisation des objectifs environnementaux. Nous vous rappelons que vous pouvez y participer en ligne ou en personne, au siège de l’OMD, à Bruxelles.
Enfin, j’aimerais remercier toutes les personnes qui ont contribué au présent numéro du magazine pour le temps qu’ils ont pris afin de partager leurs réflexions et leurs expériences avec nous.
Mouvement des déchets: un outil d’auto-évaluation pour un contrôle effectif et efficace
En février 2020, nous avions publié un article[1] soulignant la nécessité pour de nombreuses administrations douanières de réduire l’écart entre l’importance supposée des accords environnementaux multilatéraux (AEM) et les capacités qui leur sont consacrées en matière de lutte contre la fraude.
Un nouvel outil a été développé par le Secrétariat de l’OMD[2] afin d’aider à la mise en application d’un de ces accords : la Convention de Bâle sur le contrôle mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination.
Intitulé Outil d’auto-évaluation de la Convention de Bâle, il propose une méthodologie pour aider les administrations des douanes à passer en revue :
- la stratégie en matière de contrôle du mouvement des déchets et l’importance qui y est accordée,
- la législation,
- les procédures encadrant le commerce légal et notamment la gestion des risques, ainsi que les exigences relatives à l’importation ou à l’exportation,
- la stratégie et les procédures de contrôle,
- les mécanismes de coopération aux niveaux national et international,
- le renforcement des compétences du personnel.
Pour chacun de ces aspects, un tableau répertorie par colonne :
- les questions auxquelles il convient de répondre pour analyser la situation actuelle et déterminer les domaines prioritaires d’attention.
- les réponses à ces questions, sous la forme de « Oui » ou « Non » ou selon une échelle de 1 à 5.
- les solutions potentielles et possibilités d’amélioration.
Sous chaque tableau figure un résumé des défis ou faiblesses auxquels les autorités douanières peuvent être confrontées lors de la mise en œuvre et de l’application des mesures relatives au contrôle du mouvement des déchets. Des informations sont fournies sur les ressources à consulter pour obtenir plus d’orientations (par exemple les directives émises par les organisations internationales ou les conventions internationales).
En savoir +
http://www.wcoomd.org/fr/topics/enforcement-and-compliance/activities-and-programmes/environment-programme/ap-plastic-waste-project.aspxwww.wcoomd.org
[1] https://mag.wcoomd.org/fr/magazine/omd-actualites-91-fevrier-2020/gaging-engagement-customs-community/
[2] Cet outil a été développé dans le cadre du Projet Déchets plastiques Asie-Pacifique (APPW) financé par l’Agence de coopération internationale du Japon (JICA).