Dossier: Faciliter la transition verte

Examen des questions les plus courantes sur le SH et comment l’amender en fonction des besoins

20 juin 2022
Par Gael Grooby, Directrice adjointe, Direction des questions tarifaires et commerciales, Secrétariat de l'OMD

Une bonne politique commerciale exige de bonnes données commerciales. S’il peut parfois s’avérer nécessaire de mettre en place des politiques et des mesures liées au commerce sans bien en appréhender les données sous-jacentes, le risque est toujours que, ce faisant, ces politiques et mesures aboutissent à des résultats imprévisibles ou n’atteignent pas les objectifs visés. De bonnes données commerciales sont également fondamentales pour surveiller et évaluer leur mise en œuvre.

Analyser les données commerciales signifie en grande partie analyser les données générées par le classement tarifaire en douane. Pour les échanges allant au-delà d’une union douanière ou d’un pays, la comparaison des données repose sur le classement à six chiffres, c’est-à-dire au niveau fourni par le Système harmonisé (SH). Au cours des dernières années, une série d’événements et de questions ont éveillé un intérêt plus général par rapport à la manière dont le SH peut être utilisé pour accroître la spécificité des données, élargir la gamme de marchandises dont il est possible de surveiller le commerce, et, dans de nombreux cas, servir de base à la définition de mesures commerciales, par exemple pour les produits écologiquement préférables.

La pandémie, la crise climatique et d’autres problèmes environnementaux comme l’accumulation de matières plastiques dans l’environnement, la fragilité de la sécurité alimentaire, ou encore le modèle d’économie circulaire, sont tous des exemples de sujets complexes, brûlants ou émergents qui occupent de nombreux gouvernements, organisations internationales et instituts universitaires. Ces sujets se cachent aussi derrière les questions posées à l’OMD concernant le système de classement actuel et comment accroître les données disponibles et la spécificité du classement dans le SH pour les produits essentiels.

Face à cette évolution, le Secrétariat est souvent amené à répondre à d’épineuses questions et le présent article a vocation à répondre à celles qui lui sont le plus fréquemment posées.

Le volume de commerce de ce produit est énorme – pourquoi ne dispose-t-il pas de son propre code SH ?

Chaque marchandise fait l’objet d’un classement. Mais toutes ne sont pas spécifiées nommément par un code du SH qui leur est propre.  La question des niveaux variables de spécificité concernant les marchandises dans le SH peut en déconcerter plus d’un, surtout lorsqu’on se rend compte de l’ampleur de cette variabilité.

Prenons un exemple. L’« acide salicylique et ses sels », qui ont fait l’objet d’un certain intérêt dans le cadre de la pandémie, disposent de leur propre sous-position, le n° 2918.21. L’acide salicylique est utilisé en tant que tel pour traiter une série de problèmes de la peau mais, ce qui le rend surtout intéressant en temps de pandémie, c’est qu’il est le principal ingrédient utilisé pour la fabrication d’acide acétylsalicylique, autrement connu sous le nom d’aspirine, pour traiter la douleur, la fièvre et l’inflammation.

Qu’en est-il des comprimés ou des gélules d’aspirine ? Les comprimés et autres formes de l’aspirine sont des médicaments composés d’acide acétylsalicylique mélangé à d’autres ingrédients non actifs, présentés sous forme de doses, c’est-à-dire de comprimés ou de gélules, qui sont couverts par la sous-position « 3004.90 – Autres ». Cette catégorie est très vaste et couvre des milliers de produits différents.

S’il nous est donc possible de suivre, avec un bon niveau de précision, le commerce d’acide salicylique pur ou d’acide acétylsalicylique pur (n° 2918.22 — acide O-acétylsalicylique, ses sels et ses esters), nous ne pouvons toutefois pas utiliser le SH pour observer spécifiquement le commerce international d’aspirine prête à l’emploi.

Il est extrêmement important de connaître le degré de spécificité d’un produit dans le SH. Si l’on veut introduire des sous-positions nationales pour les comprimés ou les gélules d’aspirine, ou des concessions ou d’autres mesures les concernant, alors il faudra savoir qu’il convient de les appliquer sous le n° 3004.90. Il conviendra, par contre, de garder à l’esprit que cela ne permettra pas de déterminer la part des échanges internationaux effectués sous le n° 3004.90 qui portent sur l’aspirine prête à l’emploi.

Pourquoi les niveaux de spécificité varient-ils autant ?

Le SH a été créé sur la base de son prédécesseur, la Nomenclature de Bruxelles, et il a ensuite été modifié au cours des années en fonction des propositions soumises au Comité du Système harmonisé (CSH) par les délégués des Parties contractantes à la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (ou Convention du SH) ou par des organisations intergouvernementales représentant ces mêmes Parties contractantes. Par conséquent, un classement très spécifique sera le signe que le commerce du type d’articles concerné faisait l’objet d’un intérêt particulier de la part des Parties à un moment donné.

Un domaine comme les textiles, d’une importance économique certaine et avec une longue tradition de contingents et de négociations commerciales compliquées, inclut de nombreuses ventilations, qui sont très spécifiques. Le n° 5206.33, par exemple, couvre les « fils de coton (autres que les fils à coudre), contenant moins de 85 % en poids de coton, non conditionnés pour la vente au détail, fils retors ou câblés, en fibres non peignées, titrant en fils simples moins de 714,29 décitex mais pas moins de 232,56 décitex (excédant 14 numéros métriques mais n’excédant pas 43 numéros métriques en fils simples) ».

En fait, la position 52.06 contient 20 sous-positions, détaillant les diverses possibilités concernant les « fils de coton (autres que les fils à coudre), contenant moins de 85 % en poids de coton, non conditionnés pour la vente au détail ». Qui plus est, elle n’est qu’une des deux positions couvrant les « fils de coton (autres que les fils à coudre), non conditionnés pour la vente au détail », l’autre étant la position n° 52.05. En tout, on compte 44 sous-positions pour ce sous-ensemble de produits.

Prenons maintenant une autre position comme le n° 90.18, qui s’est révélé être particulièrement important durant la pandémie puisqu’il couvre les « Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l’art dentaire ou l’art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électro-médicaux ainsi que les appareils pour tests visuels » (en d’autres mots, une vaste gamme d’équipements médicaux vitaux). Force est de constater que le 90.18 n’a pas fait l’objet d’un haut degré de spécificité. Par comparaison aux 44 sous-positions concernant les « fils de coton (autres que les fils à coudre), non conditionnés pour la vente au détail », l’ensemble de la catégorie 90.18 ne compte que 13 sous-positions, dont huit seulement se réfèrent nommément à des types de produits avec une spécificité relativement élevée. Les cinq autres sont des sous-positions résiduelles, c’est-à-dire du type « Autres ».

La différence de spécificité entre ces exemples dépend de ce que les Parties contractantes au SH ont proposé pour inclusion. Il revient aux Parties contractantes de choisir les produits sur lesquels elles veulent concentrer leurs travaux. Le SH est le fruit des travaux des Parties contractantes et des propositions qu’elles formulent, elles-mêmes ou les organisations intergouvernementales qui les représentent.

Pourquoi le pays X classe-t-il cet article différemment par rapport au pays Y ?

Dans les premiers moments de la pandémie, les pays se sont rendu compte, en comparant leurs données, que des différences de classification dans le SH existaient parfois entre eux et ils nous ont souvent demandé pourquoi. Par exemple, pourquoi certains pays pouvaient-ils classer les masques en papier sous le n° 4818.50, qui couvre les « Vêtements et accessoires du vêtement », alors que d’autres les classaient sous le n° 4818.90 « Autres » ?

La première réponse qui vient à l’esprit est qu’il existe différentes manières de comprendre ce que sont des « vêtements et accessoires du vêtement ». Il s’agit d’une question fondamentale pour les dispositions légales du SH – en effet, la compréhension des mots et des phrases peut être différente.

Le SH se fonde sur la langue. Le niveau d’ambiguïté lexicale inhérent à la plupart des langues est très élevé. On estime que, dans la langue anglaise, plus de 80 % des mots ont plus d’une signification. Pour une clarté optimale entre les Parties contractantes au SH, il faudrait qu’elles aient un entendement parfaitement identique de la signification visée par un mot ou une phrase dans un libellé de texte en anglais et en français, ou encore qu’il existe dans chacune des langues dans laquelle le SH est traduit des mots ou des phrases qui correspondent parfaitement à l’entendement qu’on aurait du sens voulu… Ce qui est impossible. Ainsi, l’ambiguïté sera toujours un problème dans le SH.

Parfois, pour y remédier, le SH recourt à des définitions légalement contraignantes dans une note de section, de chapitre ou de sous-positions. Les notes comprenant des définitions servent un objectif essentiel, dans la mesure où elles apportent une plus grande certitude juridique au SH, mais elles posent, elles aussi, certains problèmes. Ces notes peuvent être très utiles mais elles ajoutent une couche de difficulté pour les utilisateurs du SH car leur existence n’est pas clairement signalée à l’usager qui lit un libellé, à moins que le texte de la disposition en cause n’y fasse référence (ce qui n’est habituellement pas le cas). Il existe aussi un autre risque : une définition peut avoir du sens au moment où elle est créée mais elle peut devenir désuète avec le temps, au fil de l’évolution des produits. Plus problématique encore, il peut s’avérer difficile, voire impossible, d’arriver à rédiger et de négocier le texte d’une note de définition dans le cas où le terme posant des problèmes de cohérence est un mot aussi général que « vêtements » ou « accessoires ».

Autre outil utilisé pour accroître la cohérence d’interprétation du SH : les Notes explicatives du Système harmonisé. Bien qu’elles ne soient pas contraignantes (à moins qu’un Membre n’ait décidé qu’elles le soient au niveau national), les Notes explicatives jouent un rôle déterminant dans le classement des marchandises et la valeur des propositions visant à les mettre à jour ne devrait pas être sous-estimée.

Autres règles, bel et bien contraignantes, par contre, qui régissent la classification tarifaire, les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé (ou RGI) sont utilisées pour prendre des décisions lorsque plus d’une position ou sous-position peut être envisagée pour une marchandise donnée. Or les RGI constituent une autre source d’ambiguïté.  Il est question ici des critères proposés en vue de déterminer la spécificité ou le caractère essentiel d’un produit donné, bien que ces deux éléments ne soient pas les seuls aspects des RGI qui exigent un certain discernement. Les discussions sur ce qui constitue le caractère essentiel d’un article particulier sont fréquemment la source de désaccords entre les Parties contractantes ou d’autres utilisateurs du SH.

Résoudre les questions de classement

Si les Parties contractantes sont en désaccord, comment peuvent-elles trouver une solution en matière de classement qui puisse s’appliquer au niveau international ? Tout d’abord, elles commencent par se parler les unes aux autres. Souvent, une fois qu’elles ont échangé certaines informations sur les biens en cause et ont fait part de leurs avis respectifs, elles trouvent un accord. Si tel n’est pas le cas, la procédure normale veut qu’une des Parties contractantes au SH saisisse le CSH de la question afin que ce dernier prenne une décision de classement.

Le processus peut prendre beaucoup de temps, ce qui peut paraître étonnant pour les usagers qui ne connaissent pas le système. Un classement peut être décidé en une seule réunion mais, dans certains cas, le Comité peut d’abord demander des informations complémentaires, qu’il examine durant une réunion ultérieure ; il peut facilement arriver aussi que l’examen d’une question donnée soit reporté car le CSH ne dispose pas du temps nécessaire pour traiter tous les généralement nombreux points inscrits à son ordre du jour. En outre, lorsque le Comité ne trouve pas de consensus, la question est tranchée par un vote à la majorité simple mais les Parties contractantes disposent d’une période de temps leur permettant de soumettre une réserve concernant la décision prise et de demander un réexamen du dossier. Ainsi, plusieurs sessions peuvent être nécessaires avant d’arriver à une décision finale et, comme les réunions se déroulent deux fois par an, le laps de temps peut être assez long si la question est complexe, ambiguë ou controversée.

Enfin, il convient encore de mentionner les avis de classement qui sont des instruments à part par rapport aux décisions ; si un avis de classement est souhaité après l’adoption de la décision finale, un projet d’avis de classement sera présenté au CSH pour approbation lors de sa prochaine réunion.

Quelle est la procédure pour amender le SH ?

Nous avons parlé jusqu’ici des grandes variations concernant la spécificité du classement, de l’ambiguïté inhérente au langage utilisé dans le texte des dispositions, et des échéances, qui peuvent être longues, pour résoudre les différences en matière de classification des marchandises. Comment changer alors le SH afin de clarifier le classement des marchandises qui revêtent une importance particulière ?

Il est utile de préciser que le SH est, en fait, l’annexe à la Convention du SH. Ainsi, tout amendement au SH constitue en réalité une modification apportée à une Convention internationale, ce qui ne se fait pas à la légère.

Comme indiqué plus haut, pour amender le SH, il faut d’abord que des propositions soient formulées. Si une Partie contractante estime que certains amendements sont nécessaires ou qu’elle accepte une proposition de la part d’un acteur national qui lui demande un changement, alors le gouvernement de la Partie en question envoie une proposition au Secrétariat de l’OMD lui demandant de la soumettre au Comité du système harmonisé (CSH) et à son Sous-comité de révision (SCR) pour examen. Comme nous l’avons souligné, la demande peut également passer par une organisation intergouvernementale.

Le SCR est un organe de rédaction. Si la proposition suscite suffisamment d’intérêt pour qu’un amendement soit envisagé, le SCR s’attèle à la tâche de rédiger des textes nouveaux et des modifications aux textes existants. Le Sous-Comité travaille sur la base du consensus et une fois qu’il a trouvé un consensus sur la rédaction ou qu’il est allé aussi loin que possible pour atteindre ce consensus, il soumet le projet de texte au CSH.

Le CSH est l’organe chargé de décider, par voie de vote, de l’adoption provisoire des changements proposés. À la différence des décisions de classement, qui exigent une majorité simple, l’adoption provisoire d’un changement au SH exige une majorité des deux tiers.

À la fin du cycle quinquennal des négociations, tous les amendements et modifications provisoirement adoptés durant les cinq ans sont regroupés dans un projet de Recommandation et envoyés au Conseil de l’OMD, qui se réunit en juin. Le Conseil est composé des Directeurs généraux des douanes des Membres de l’OMD ou de leurs représentants désignés ; il leur revient donc de déterminer s’ils veulent recommander aux Parties contractantes du SH qu’elles acceptent le projet de Recommandation. Si, à la fin d’une période de six mois à compter de la réunion du Conseil, aucune Partie contractante ne formule de réserve contre un élément du projet de Recommandation, alors la Recommandation est réputée acceptée dans son intégralité et une notification est envoyée en ce sens à toutes les Parties.

Les Parties contractantes au SH, le Secrétariat et les usagers du Système harmonisé disposent alors d’à peu près deux ans pour se préparer à appliquer la nouvelle édition du SH.

Bon, jusque-là, c’est clair – mais alors, comment formuler une proposition qui puisse aboutir ?

Toutes les propositions ne sont pas forcément acceptées par le SCR et le CSH. Il convient donc de bien soigner la formulation d’une proposition. Nous passerons en revue ci-après les éléments à prendre en considération pour qu’une proposition puisse réellement aboutir.

Avant toute chose, il est entendu que si une Partie contractante au SH ou une organisation intergouvernementale rencontre des difficultés par rapport à l’un ou l’autre point expliqué ci-dessous, elle est instamment invitée à contacter le Secrétariat. Il est souvent plus important de déposer une proposition en temps voulu que de trouver la formulation parfaite au moment de sa présentation. Le SCR et le CSH améliorent en général les propositions formulées durant les négociations et, souvent, des soumissions qui n’avaient pas grande chance d’être adoptées finissent par devenir des propositions qui suscitent l’accord de toutes les Parties.

Voici donc quelques points à prendre en compte.

Un raisonnement clair – le « pourquoi »

En quoi telle proposition représente un bon usage d’un code du SH ? Il existe des millions de produits mais la capacité d’une nomenclature douanière à six chiffres est limitée, si on veut en préserver le côté pratique. Par conséquent, il ne saurait être question d’ajouter des produits à la légère[1]. Le CSH se penche principalement sur la valeur des échanges commerciaux et l’étendue du commerce du produit en cause à l’échelle mondiale. Le promoteur de la proposition dispose-t-il d’indicateurs concernant la valeur commerciale des produits pour lesquels il demande des dispositions plus spécifiques et sur l’étendue du commerce de ces produits ? Le CSH se penche également sur les marchandises qui n’ont pas une grande valeur commerciale mais qui sont une priorité parce qu’elles sont considérés comme des « biens mondiaux », par exemple parce qu’elles sont réglementés à l’échelon international ou qu’elles ont un impact réel sur la sécurité, la santé et l’environnement.

Même si l’on peut invoquer que le produit en cause est un bien mondial, il faudra de toute façon passer par un examen du dossier. Prenons un exemple. Par le passé, il a été question de créer une disposition pour les sacs en matière plastique biodégradable. Or, même un objectif apparemment aussi simple peut donner lieu à des interrogations concernant la logique qui sous-tend la proposition. Le CSH pourrait poser la question de savoir s’il ne serait pas préférable de mettre plutôt l’accent sur des solutions de rechange par rapport aux sacs en matière plastique ou sur les sacs plastiques réutilisables plutôt, si le but est de réduire substantiellement la pollution causée par les sacs en plastique. Il pourrait demander si le produit final qui résulte du processus de biodégradation est sûr ou s’il existe différents niveaux de produits écologiquement préférables qui entrent dans la vaste portée du terme.

Au moment de rédiger une proposition, il est utile de réfléchir aux questions qui pourraient être posées concernant le raisonnement qui la sous-tend. Nombre des interrogations qui peuvent être soulevées autour du raisonnement peuvent avoir une incidence sur le deuxième élément indispensable d’une bonne proposition : une portée bien définie.

Une définition solide – le « quoi »

Il s’agit probablement de l’aspect le plus important d’une proposition. Les produits peuvent-ils être clairement définis ? La portée des termes utilisés est-elle claire au niveau international ? La définition ou la compréhension qu’on peut avoir de la portée peut-elle tenir la route face à des contestations judiciaires ? Comprend-on bien comment les marchandises peuvent se présenter à la frontière ?

Pour continuer sur l’exemple des sacs en matière plastique biodégradable, il n’existe pas de norme internationale acceptée au niveau mondial pour définir la notion de « matières plastiques biodégradables » et, donc, il est difficile d’établir clairement ce que cette expression couvrirait. Qu’entend-on par « matières plastiques biodégradables » en fait ? Qu’en est-il des matières plastiques qui ne sont que partiellement biodégradables et qui forment des microparticules plastiques – sont-elles censées être couvertes ? Si une matière plastique est biodégradable mais qu’elle contienne des adjuvants toxiques, est-elle couverte ? Si une matière plastique est biodégradable dans des conditions de compostage industriel mais qu’elle survive pendant des années dans la plupart des conditions environnementales normales ou dans le compostage domestique, est-elle incluse ?

Il est également indispensable de comprendre comment les marchandises sont présentées à la frontière. Par exemple, si l’on veut qu’une position couvre un produit chimique spécifique, il faut savoir si ce produit est présenté pur ou sous la forme d’un mélange. Une machine est-elle importée complètement assemblée ou ses composants arrivent-ils normalement dans des envois séparés ? Tout malentendu sur ces questions peut aboutir à des dispositions qui ne couvrent pas les produits visés.

Le SH étant un instrument mondial ayant vocation à être appliqué par toutes les Parties contractantes sans changement de portée, les réponses à des questions de ce genre, sur ce que les positions ou sous-positions couvrent, sont d’une importance capitale pour assurer un classement uniforme.

Ainsi, dans le cas où il n’existe pas de définition ou de compréhension commune au niveau mondial, il convient de se demander si la proposition devrait inclure une Note légalement contraignante pour définir la portée, ce que devrait couvrir la disposition visée ou, encore, quelle est la signification des termes utilisés. De telles définitions doivent être acceptables pour les Parties contractantes.

Ce qui nous amène au troisième élément indispensable d’une bonne proposition.

Utiliser des dispositions vérifiables – le « comment »

La possibilité de vérifier que les marchandises pour lesquelles un classement est invoqué répondent effectivement aux conditions requises est essentielle pour qu’une disposition du SH tienne la route. Le SH fait partie de la règlementation douanière dans les États des Parties contractantes, puisqu’il est incorporé dans la législation tarifaire. Pour que le SH fasse vraiment partie de la loi, il doit avoir une force exécutoire. S’il existe une suspicion que le classement invoqué est faux, il doit être possible dans la pratique de le vérifier – en d’autres termes, le niveau de difficulté, de ressources financières ou autres et de temps à engager doit rester raisonnablement dans les limites des capacités des douanes, tant dans les pays développés qu’en développement.

Il est important de rappeler que la Douane classe les produits à la frontière dans l’état où ils sont présentées. En somme, les marchandises doivent être objectivement évaluables à des fins de classement en l’état au moment de l’importation et le classement ne devrait pas dépendre de ce qui leur arrive après leur entrée sur le marché national.

L’applicabilité de la nouvelle disposition proposée peut-elle être vérifiée à travers un examen des caractéristiques physiques des marchandises à la frontière ? Si tel n’est pas le cas, existe-t-il des autorités chargées des analyses ou des tests à mener qui pourraient apporter une preuve acceptable de l’applicabilité ? Si la vérification exige que la douane mène un test de laboratoire, existe-t-il une méthode de test acceptée et le test est-il difficile à effectuer ? Existe-t-il d’autres caractéristiques au niveau de la manière dont les marchandises sont présentées ou conditionnées qui permettraient de répondre à la question de l’applicabilité ?

Pour revenir à l’exemple des matières plastiques biodégradables, si les seuls tests disponibles pour déterminer la biodégradabilité des matières plastiques passent par l’exposition des échantillons à des conditions contrôlées et qu’ils prennent généralement entre 28 jours et 6 mois, alors cette méthode de vérification pose clairement des difficultés pratiques à la frontière.

Si la définition d’un produit est difficile, voire impossible, à vérifier à la frontière, il est conseillé d’envisager de changer la définition à vérifier tout en faisant en sorte d’atteindre les mêmes objectifs. Les produits que l’on souhaite spécifier présentent-ils une caractéristique physique commune, par exemple, au niveau de la composition de la matière, de la taille ou de la présence d’un composant spécifique ? Est-il possible de restreindre ou d’élargir la portée pour changer la vérification tout en atteignant le but recherché par la proposition ?

Si la seule manière de vérifier l’applicabilité de la disposition proposée consiste à passer par un contrôle, après importation, de l’usage véritable qui est réservé aux marchandises, alors il est peu probable que la proposition soit acceptée. Pour les dispositions qui exigent ce type de vérification, la meilleure solution consiste généralement à recourir aux administrations fiscales ou aux autres agences nationales afin qu’elles imposent des mesures spéciales et puissent procéder à une évaluation rétrospective des taxes acquittées ou des remises accordées.

Outre les trois éléments cités plus haut, il faut encore se poser la question du « où ça », du « qui » et du « quand ».

Une indication d’où les produits sont actuellement classés – le « où ça »

Lorsque les produits sont transférés vers une nouvelle disposition, leur taux de droit devrait en principe être transféré avec eux. En outre, les statisticiens voudront pouvoir procéder aux ajustements nécessaires pour conserver les informations chronologiques. Il est donc important d’être à même de déterminer où les marchandises sont classées actuellement.

Il peut arriver que des produits relevant d’un nombre indéfini de positions soient transférés vers une nouvelle position. C’est le cas habituellement lorsqu’un type d’article est classé en tant que « partie » et est utilisé pour toute une gamme de produits mais que, pour des raisons liées à l’importance économique de l’article en cause ou encore parce qu’il est difficile de définir ce qu’est une « partie » en vue de la classer, la décision soit prise d’accorder à cet article un classement propre. Les modules d’affichage à écran plat sont un exemple de ce type de produits dans le SH 2022. Toutefois, la transposition des taux de droit et la collecte de statistiques présentent leur lot de difficultés et la décision de transfert vers une nouvelle position n’est prise qu’à titre tout fait exceptionnel, dans les rares cas où elle s’avère nécessaire.

Si des marchandises ne sont pas actuellement classées dans une série spécifique ou étroite de positions, il peut s’avérer problématique de créer une nouvelle disposition les concernant et il faudra donc présenter un argumentaire extrêmement solide pour justifier une telle mesure.

Enfin, examinons la question du « qui » et du « quand ».

« Qui » et « quand »

La création de dispositions exige que des propositions soient formulées. Comme nous l’avons déjà indiqué, ces propositions émanent soit des Parties contractantes à la Convention du SH ou d’une organisation intergouvernementale les représentant. Concernant le « quand », dans le cadre du cycle de révision du SH, le moment où une proposition est adoptée arrive toujours plus tard qu’on ne le pense !

Les propositions doivent d’abord passer par la case du Sous-comité de révision (SCR), organe de rédaction qui ne travaille que sur la base du consensus et qui se réunit deux fois par an ; ensuite, elles sont présentées en tant que projets au Comité du système harmonisé (CSH), qui est un organe qui décide par voie de vote si une proposition peut être adoptée à titre provisoire ou pas. Si une proposition est soumise au SCR durant, disons, trois sessions à des fins de rédaction, pour être ensuite examinée par le CSH durant deux sessions, alors elle tardera deux ans avant d’être provisoirement adoptée, à compter de son premier examen par le SCR. Cette période peut être plus courte mais aussi plus longue et il n’est pas rare qu’une proposition compliquée prenne plusieurs années avant d’être adoptée.

À la fin de chaque cycle de négociations, les dispositions provisoirement adoptées sont soumises au Conseil de l’OMD pour approbation en tant que Recommandation du Conseil à l’adresse de ses Membres. Pour le SH 2027, la dernière réunion du cycle de négociations aura lieu en mars 2024 et le projet de Recommandation sera soumis au Conseil en juin 2024. L’approbation par le Conseil, qui doit être unanime, est suivie d’une période de six mois pour que les Parties puissent éventuellement formuler des objections. Pour le SH 2027, cette période expirera en décembre 2024.

En vertu de la Convention du SH, les Parties contractantes ont ensuite deux ans pour se préparer à l’entrée en vigueur de la nouvelle version du SH, ce qui veut dire que cette dernière sera d’application à compter du 1er janvier 2027.

Combien de temps reste-t-il avant que les négociations sur le SH 2027 ne s’achèvent ? Les dernières sessions de rédaction du SCR se tiendront en novembre 2023, et, comme indiqué précédemment, la dernière session du CSH durant laquelle il passera à un vote sur le SH 2027 est prévue en mars 2024. Compte tenu du temps nécessaire pour que la plupart des propositions soient adoptées, il est donc fortement recommandé d’envoyer les propositions dès que possible !

En savoir +
hs@wcoomd.org

[1] Le SH compte actuellement 5 612 sous-positions à six chiffres, dont seule une petite part couvre des produits très spécifiques.