Renforcer le partenariat public-privé : l’expérience du Guatemala
21 juin 2022
Par M. Werner Ovalle, , Directeur général and Mme Lissette Balcárcel, Unité de la facilitation des échanges et des opérateurs économiques agréés, Administration des douanes du GuatemalaEn 2017, nous décrivions dans les pages de ce magazine comment la nouvelle équipe de direction de la Superintendance de l’Administration fiscale (SAT) guatémaltèque avait entrepris de grandes réformes suivant l’affaire « La Línea ». La Línea était une opération d’escroquerie où des importateurs payaient des pots-de-vin pour éviter d’acquitter des droits de douane ou pour bénéficier de tarifs grandement réduits en échange de dessous-de-table, qui étaient ensuite partagés entre des dizaines de fonctionnaires et de représentants des plus hautes instances du pays.
Nous y expliquions aussi que le service douanier avait été profondément remanié depuis et que la nouvelle équipe avait décidé de renforcer sa relation avec les entreprises du secteur privé pour lutter contre la corruption, en créant un « Comité pour le dialogue et la coopération entre entités publiques et privées dans les affaires douanières » (ci-après le Comité) afin que toutes les parties prenantes puissent y présenter leurs problèmes, leurs visions et leurs idées sans créer pour autant un processus de consultation trop lourd. Le Comité fonctionne depuis cinq ans maintenant et il est devenu un forum stratégique d’orientation politique et de définition de politiques concertées. Ci-après nous expliquons comment le Comité fonctionne et ce qu’il a accompli à ce jour.
Simplification, OEA et TRS
Le Comité réunit 29 entités publiques et privées qui sont toutes impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans le mouvement transfrontalier de marchandises : y siègent notamment les principales chambres professionnelles, les transporteurs, les compagnies maritimes, les agents de fret, les lignes aériennes, les autorités portuaires, les sociétés d’entreposage, les transitaires, les institutions publiques et, bien sûr, la douane.
Il se compose de trois groupes :
- Un groupe à haut niveau, regroupant les plus hauts représentants des entités participantes, qui se réunit deux fois par an pour faire un état des lieux de progrès réalisés.
- Un groupe de travail technique qui se réunit au moins quatre fois par an pour débattre du plan de travail et de la manière dont il est appliqué.
- Un groupe de coordination géré par la Douane avec trois sociétés du secteur privé. Ce Groupe aborde les questions dont il est saisi et les actions à entreprendre ; il se réunit aussi souvent que nécessaire.
Depuis sa création en septembre 2016, le Comité s’est révélé être un mécanisme de coopération efficace, offrant d’utiles suggestions en matière de régimes et de procédures à mettre en place ou à renforcer pour que les transactions légitimes soient plus rapides et plus transparentes, efficaces et sûres. Il surveille, par exemple, la mise en œuvre du Plan national d’action pour réduire le temps nécessaire pour l’importation des marchandises, adopté dans la foulée de l’étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises menée en 2019.
Le Comité fait à présent partie intégrante du Plan stratégique institutionnel de la SAT et des plans de travail du Programme intégral de modernisation douanière.
Afin de pouvoir recueillir les avis d’un groupe plus large de parties prenantes, des comités d’usagers ont été créés dans tous les bureaux de douane du pays. De plus, dans le cadre du Plan d’action national pour réduire le temps nécessaire pour l’importation des marchandises, des activités de communication spécifiques ont été organisées avec les acteurs de la chaîne logistique dans les secteurs du transport aérien, maritime et terrestre, en vue de mettre en place des mécanismes de traçabilité du fret et d’examiner les mécanismes qui pourraient permettre de réduire les coûts.
Le travail avec les chambres professionnelles s’est focalisé sur la promotion du programme d’opérateur économique agréé (OEA). À ce jour, quatre Congrès des OEA ont été organisés avec leur soutien, l’objectif premier étant d’expliquer le processus de certification ainsi que les avantages associés au programme. Un OEA bénéficie, par exemple, des mêmes prérogatives liées à son statut dans les autres pays ayant signé un accord de reconnaissance mutuelle avec le Guatemala. Il a droit aussi à une attention spéciale s’il souhaite poser des questions et bénéficie de procédures simplifiées pour certaines opérations.
Étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises
Afin de mesurer l’efficacité des procédures à la frontière et pour être à même d’évaluer les effets de ces initiatives à l’avenir, la SAT a mené sa première étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises (TRS) simultanément dans les quatre bureaux de douane qui collectent le plus de recettes et gèrent les plus gros volumes de transactions. L’OMD recommande fortement aux administrations des douanes de mener une TRS en étroite collaboration avec d’autres services gouvernementaux concernés et avec les parties prenantes du secteur privé. La TRS a donc été menée sous la férule du Comité. Le Guatemala est le premier pays d’Amérique centrale et le deuxième d’Amérique latine à adopter une approche aussi inclusive pour mener une TRS.
L’étude a permis au Comité de relever les domaines où des améliorations doivent être apportées et de déterminer les stratégies intersectorielles, publiques et privées qui sont nécessaires à cet égard. La liste des mesures et des activités à mettre en place a été consolidée et a abouti à un Plan d’action national couvrant la période 2020-2023. Tous les membres du Comité ont signé une déclaration où ils s’engagent à mettre en œuvre le Plan, dont le suivi est assuré par le Département de modernisation de l’Administration des douanes du Guatemala.
Promotion de l’éthique
Combattre la corruption, consolider les politiques de transparence de l’institution et garantir que le personnel respecte bien le code d’éthique, tels sont quelques-uns des objectifs développés dans le Plan stratégique institutionnel de la SAT. En novembre 2018, l’Administration des douanes a demandé à tous les participants du Comité d’élaborer leur propre code de conduite pour attester de leur engagement en la matière. Tous ont exprimé leur intention de revoir ou de créer leur propre code d’éthique, et, à ce jour, en juin 2022, seize ont officiellement présenté leur code et trois autres ont indiqué qu’ils y travaillent.
Certaines des entités privées participant au Comité appartiennent également au Groupe consultatif du secteur privé des Amériques et des Caraïbes dont le but est d’informer et de conseiller le Secrétaire général de l’OMD ainsi que les administrations membres de l’Organisation sur les questions relatives au commerce international.
La Douane du Guatemala a assuré la Vice-Présidence de l’OMD pour la région des Amériques et des Caraïbes de juillet 2020 à juin 2022, et elle a décidé, ensemble avec le Groupe consultatif du secteur privé de la région, d’organiser un événement régional sous le slogan « Éthique et transparence – un engagement pour tous ». Il a réuni plus de 200 représentants de 23 pays, avec des intervenants des Administrations des douanes de Jamaïque, du Guatemala, du Mexique et d’Uruguay. Suivant cette activité, la signature par les membres du Groupe consultatif du secteur privé régional d’une lettre où ils exprimeraient leur intention d’appuyer les administrations des douanes des Amériques et des Caraïbes dans la promotion de l’éthique est envisagée. L’initiative a recueilli l’assentiment de tous les Directeurs généraux des douanes de la région lors de leur réunion annuelle.
Assistance du Secrétariat de l’OMD
Au cours de l’événement, quelques administrations ont tenu à mettre en exergue le travail qu’elles avaient mené avec l’assistance du Secrétariat de l’OMD dans le cadre du Programme anti-corruption et de promotion de l’intégrité (A-CPI). Huit administrations des Amériques et des Caraïbes bénéficient du programme A-CPI, notamment la Douane du Guatemala, qui a mis au point un plan de travail pour l’exercice 2022-2023 avec les contributions du Comité pour le dialogue et la coopération entre entités publiques et privées dans les affaires douanières.
Quelques réflexions de conclusion
Le Comité est né du désir de susciter un engagement entre les diverses institutions à l’appui de procédures de contrôle et de facilitation efficaces, d’une transparence et d’une éthique effectives, et en faveur de l’éradication de la corruption et de toutes les pratiques qui la favorisent.
Le partenariat public-privé nous a permis de nous remettre d’une profonde crise politique et sociale et de retrouver notre crédibilité. La méthodologie et les structures de travail que nous avons mises au point nous ont servi de modèle pour établir un Bureau de dialogue public-privé sur les questions fiscales, ce qui témoigne de l’importance et de la valeur ajoutée du Comité.
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aduanadeguatemala@sat.gob.gt