La Déclaration d’Arusha révisée de l’OMD ou comment remettre l’accent sur l’éthique
25 février 2020
Par la Direction du renforcement des capacités, Secrétariat de l'OMDDepuis la fin des années 1980, les Membres de l’OMD s’efforcent de tirer les enseignements de leurs expériences en matière de lutte contre la corruption et de promotion de l’éthique et de les partager. Ils ont relevé divers facteurs qui doivent impérativement être pris en compte dans les programmes nationaux visant à promouvoir l’éthique douanière, facteurs qu’ils ont regroupés sous 12 puis 10 intitulés[1] dans le cadre de la Déclaration d’Arusha concernant la bonne gouvernance et l’éthique en matière douanière, qui a été adoptée en 1993, puis révisée en 2003.
Le présent article met en lumière la pertinence des principes inscrits dans la Déclaration d’Arusha révisée en expliquant la façon dont ils permettent aux administrations douanières de s’attaquer aux différents éléments moteurs de la corruption, tout en veillant au respect des autres obligations internationales en matière d’éthique. L’objectif ici est de remettre l’accent sur les questions d’éthique et de corruption, ainsi que de rappeler au lecteur à quel point il est nécessaire d’ancrer la lutte contre la corruption dans une politique de réforme et de faire en sorte qu’elle reste une priorité.
Les différents catalyseurs de la corruption
Le texte de la Déclaration d’Arusha révisée utilise le terme « facteur » de manière générique, se référant par ce biais aux domaines de travail, aux principes et aux pratiques qui doivent être couverts ou utilisés pour réduire ou éliminer les possibilités de corruption. Reconnaissant que la corruption est un comportement humain qui résulte du contexte dans lequel l’individu évolue, la Déclaration énonce les domaines spécifiques où la douane doit agir pour changer le contexte dans lequel les douaniers mènent leur mission.
Lors des activités entreprises dans le cadre du Programme anti-corruption et de promotion de l’intégrité des douanes (A-CIP), financé par l’Agence norvégienne pour la coopération au développement (Norad), les experts de l’OMD ont confirmé que les principes d’Arusha étaient particulièrement pertinents pour les administrations des douanes dans la lutte contre les différents catalyseurs de la corruption, c’est-à-dire contre les causes, les conditions et tout ce qui incite à la corruption ou la favorise. Ils ont relevé cinq catalyseurs : « fonctionnels », « du comportement attendu », « d’opportunité », « de désespoir » ou « de coercition ». Ces catalyseurs sont expliqués de manière plus détaillée ci-dessous et illustrés par des exemples tirés de l’expérience de certaines administrations participant au programme A-CIP.
Les catalyseurs fonctionnels se réfèrent typiquement aux cas où des procédures difficiles, opaques ou lourdes incitent les personnes à essayer de contourner les difficultés. La Déclaration d’Arusha révisée aborde ces questions sous le volet du « Cadre règlementaire », exigeant des administrations qu’elles harmonisent et simplifient les lois, règlements, directives administratives et procédures de la douane en mettant en œuvre les conventions, normes et autres instruments retenus à l’échelon international. Sont aussi pertinents ici les paragraphes relatifs à la « Transparence » et à la « Modernisation et réforme », qui couvrent la disponibilité des renseignements et l’utilisation de systèmes et de procédures modernes dans le but spécifique d’assurer l’efficacité des procédures. Ainsi, si la Déclaration institue la lutte contre la corruption comme une priorité pour la douane, elle établit aussi un lien concret entre les réformes et les politiques anti-corruption. À titre d’exemple, la corruption au sein de Douane d’Afghanistan a clairement été mise en rapport avec le besoin d’entreprendre une réforme au sein de l’administration et cette dernière travaille actuellement à la modernisation de ces procédures et règlementations dans la lignée des dispositions de la Convention de Kyoto révisée de l’OMD et de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges.
Les catalyseurs dits du comportement attendu ont trait à la pression sociale qui peut favoriser les comportements corrompus. Ces comportements peuvent dériver du fait que tout individu s’attend à ce que la douane soit corrompue ou de l’idée qu’il serait idiot qu’un douanier ne cherche pas à profiter de sa position en soutirant certains avantages sur le côté. La Déclaration d’Arusha révisée évoque ces questions sous les intitulés « Code de conduite », « Relations avec le secteur privé », « Transparence », « Gestion des ressources humaines » et « Esprit de corps ». A titre d’exemple, la corruption au sein de la Douane du Népal a été mise en lien avec ces catalyseurs et l’administration népalaise s’efforce actuellement d’améliorer ses relations avec le secteur privé, l’accessibilité aux informations sur ses procédures, et la communication avec le public en général.
Les catalyseurs dits d’opportunité sont liés au fait que les contrôles internes sont faibles ou inexistants. La corruption se produit tout simplement du fait qu’il est facile de se laisser tenter. La Déclaration d’Arusha révisée aborde ces problématiques sous les volets « Contrôle et enquête », « Automatisation », « Conduite et engagement des responsables » et « Transparence ». À titre d’exemple, la corruption au Sierra Leone a été mise en rapport avec ces catalyseurs et l’Administration des recettes fiscales est en train de mettre sur pied une Unité des affaires internes pour renforcer la supervision et le contrôle à l’intérieur de l’organisation.
Les catalyseurs de désespoir sont constatés lorsque des circonstances personnelles, telles que les problèmes financiers ou le découragement, incitent les agents à chercher à suppléer leurs revenus par d’autres moyens. La Déclaration d’Arusha révisée aborde ces sujets sous les volets « Contrôle et enquête », « Gestion des ressources humaines » et « Esprit de corps ». À titre d’exemple, en Éthiopie, suite à une récente restructuration organisationnelle, l’Administration douanière travaille à s’assurer que les derniers changements mis en place soient compris par le personnel et n’aient pas d’effets négatifs sur le niveau de motivation des effectifs.
Les catalyseurs de coercition se rapportent aux situations où des agents sont obligés de s’engager dans des activités corrompues du fait qu’ils subissent des menaces. Ces menaces peuvent être directes (par exemple, la violence ou le chantage) ou indirectes (par exemple, à travers une ingérence de nature politique ou la pression des supérieurs). La Déclaration d’Arusha révisée aborde ces problématiques sous les volets « Conduite et engagement des responsables », « Contrôle et enquête », « Transparence » et « Automatisation ». À titre d’exemple, au Liberia, l’Autorité fiscale s’attaque à l’ingérence politique, qui aboutit à l’octroi d’exceptions ou à des concessions injustifiées, en renforçant les capacités de gestion à travers l’automatisation et la transparence.
Tenir les engagements anti-corruption pris au niveau international
En abordant les causes de la corruption en douane aujourd’hui, la Déclaration d’Arusha révisée de l’OMD aide aussi les pays à remplir leurs engagements au titre des conventions de lutte contre la corruption et à atteindre l’Objectif de développement durable (ODD) n° 16 de l’ONU, qui porte sur la paix, l’accès à la justice et à la mise en place d’institutions efficaces. L’ODD 16 comprend des engagements concernant la corruption, la transparence, les flux financiers illicites et l’accès aux informations. En tant que tel, cet objectif est fondamental pour l’ensemble du Programme à l’horizon 2030 car la corruption met en péril les progrès réalisés sur le front de tous les autres ODD.
Parmi les instruments internationaux auxquels nous faisons référence, signalons la Convention des Nations Unies contre la corruption. Le chapitre II de cette Convention énumère des mesures pratiques pour empêcher la corruption qui sont alignées sur les dispositions de la Déclaration d’Arusha révisée et les englobent. Ces mesures incluent l’élaboration, l’introduction et la mise en œuvre de règlementations portant sur les conflits d’intérêt, les mesures pour augmenter la transparence des services douaniers et renforcer la protection des lanceurs d’alerte, ainsi que la mise au point et l’introduction d’un environnement de contrôle fort avec un dispositif adéquat de supervision et de reddition de compte. À ce jour, 135 Membres de l’OMD ont ratifié la Convention de l’ONU contre la corruption et sont donc tenus légalement d’en appliquer les articles et 38 autres Membres ont pris des engagements à divers niveaux par rapport à cet important instrument.
Une question transversale
L’éthique est une question transversale et le Secrétariat de l’OMD s’assure constamment que les discussions autour de la corruption ne se limitent pas au Comité du renforcement des capacités ou au Sous-Comité sur l’éthique. C’est ainsi que le Sous-Comité Informatique de l’OMD inscrit régulièrement ce point à l’ordre du jour de ses réunions, dans le but d’explorer les liens entre la TIC et les questions d’éthique.
Par ailleurs, le Secrétariat de l’OMD a marqué la Journée internationale de la lutte contre la corruption, le 9 décembre 2019, en organisant un événement pour son personnel dans le but de susciter une compréhension commune des divers moteurs et aspects de la corruption, de sensibiliser ses effectifs aux répercussions de la corruption sur le travail de la douane, et de réfléchir à la manière dont les questions d’éthique et de lutte contre la corruption pourraient être incorporées aux flux des travaux et aux programmes du Secrétariat.
Une priorité stratégique
Les Membres de l’OMD ont demandé au Secrétariat d’inscrire l’éthique parmi les domaines prioritaires stratégiques de l’Organisation pour la période 2019-2022. De nombreux outils sont disponibles pour les administrations douanières qui souhaitent revoir leurs pratiques existantes, tels que le Guide pour le développement de l’éthique et le Guide sur la cartographie des risques en matière de corruption.
De plus, le Secrétariat de l’OMD reste à la disposition de toutes les administrations douanières qui demandent une assistance dans ce domaine. Différents types d’activités sont proposés, comme des missions d’évaluation de l’éthique, des missions pour l’introduction de systèmes de mesure de la performance et des missions ad hoc en vue d’entreprendre la cartographie des risques de corruption ou afin de fournir un soutien en vue de la révision d’un code de conduite, d’une stratégie concernant l’éthique ou encore d’un plan de formation.
En savoir +
Integrity@wcoomd.org
http://www.wcoomd.org/en/topics/integrity.aspx
http://www.wcoomd.org/en/topics/capacity-building/activities-and-programmes/cooperation-programmes/acip-programme.aspx
[1] Ces 10 facteurs sont : Conduite et engagement des responsables, Cadre réglementaire (harmonisation et normalisation), Transparence, Automatisation, Réforme et modernisation (efficacité des procédures), Contrôle et enquête (vérifications internes), Code de conduite, Gestion des ressources humaines, Esprit de corps et Relations avec le secteur privé.