Dossier

L’exploitation forestière illégale passée à la loupe

26 février 2020
Par Alec Dawson, militant pour la défense des forêts, Environmental Investigation Agency

La demande mondiale en bois et ses produits dérivés n’est satisfaite qu’en partie par les sources légales. Selon un rapport publié par INTERPOL et par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) en 2012, l’exploitation forestière illégale représente entre 15 % et 30 % du volume de tous les produits forestiers. Cette part est encore plus grande dans les pays tropicaux, où 50 % à 90 % du bois est considéré comme ayant été abattu illégalement.

Des implications et des répercussions multiples

Les répercussions de ce commerce sont ravageuses à bien des égards. Les activités illégales aboutissent à des pertes de revenus pour l’État à travers, par exemple, la perte de recettes fiscales. Au niveau social, on assiste à une remise en cause des droits et des moyens de subsistance des populations notamment indigènes qui vivent dans la forêt ou aux alentours (selon les estimations, le nombre de personnes dans le monde qui dépendent des forêts pour leur survie s’élève à 1,6 milliard).

Les répercussions environnementales, pour n’en citer que quelques-unes, se constatent au niveau de la hausse du nombre de catastrophes naturelles se produisant aujourd’hui et de la perte des forêts et des habitats naturels de la faune et de la flore sauvages (cause majeure de la crise climatique actuelle, en particulier compte tenu du fait que la conversion des bois et forêts en terres agricoles, par exemple, représente quelque 12 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial).

L’appétit pour le bois devrait continuer de croître, la Banque mondiale prévoyant, par exemple, que la demande en 2050 sera quatre fois supérieure aux niveaux de 2015. Cela sera dévastateur si la demande continue d’être assouvie à travers l’exploitation illicite de bois. La poursuite de ces activités serait notamment un signal de l’échec total des efforts des gouvernements (et partant des administrations douanières), du secteur privé et de la société civile visant à endiguer le problème.

Si la situation peut sembler grave, des moyens importants sont toutefois déployés pour lutter contre l’exploitation et le commerce illicites de bois. Des accords mondiaux sont signés, des réformes juridiques lancées, des investissements consentis dans la répression et une coopération promue au sein des pays et entre eux.

 Cadre juridique

L’un des principaux accords mondiaux dans ce domaine est la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), entrée en vigueur en 1975. La CITES, qui compte 183 pays signataires, vise à garantir que le commerce international de plantes et d’animaux sauvages ne menace pas la survie de ces espèces dans la nature. La Convention couvre plus de 35.000 espèces, dont 84 % sont des plantes. En vertu de cet instrument, tous les pays importateurs doivent surveiller ce commerce et s’assurer que les envois d’animaux et de plantes protégés par la CITES soient accompagnés des licences légitimes exigées.

Bien que la liste des espèces protégées par la Convention n’inclue pas énormément d’arbres de bois d’œuvre, le nombre d’essences qu’elle couvre ne cesse de s’accroître. Par exemple, le bois de rose du Siam (Dalbergia cochinchinensis) a été ajouté en 2016, à l’instar de plus de 250 autres essences de bois de rose. Ces ajouts font suite à de nombreuses années de campagne menée par l’Environmental Investigation Agency (EIA), étayée par la publication de son rapport intitulé « Routes of Extinction : The corruption and violence destroying Siamese rosewood in the Mekong », qui a été traduit en chinois, en thaï et en vietnamien.

De nombreux services chargés de la répression se centrent avant tout sur les infractions commises par rapport à la CITES. Cependant, lorsque nous parlons d’exploitation illégale du bois, nous nous référons à toute essence de bois qui est abattu, transporté et commercialisé en violation des législations nationales. Il existe différents types d’abattage illicite, qui peuvent être distingués bien que nombre de ces activités soient interconnectées (voir le graphique sur les « Dix modalités d’exploitation illicite du bois »). En dehors des infractions à la CITES, toute action de lutte contre la fraude relève donc de la législation nationale étant donné qu’il n’existe pas de règlementation internationale contre l’abattage illégal de bois, ni de définition acceptée au niveau mondial sur ce que recouvre l’exploitation illicite.

L’exploitation forestière illégale prend plusieurs formes : abattage d’arbres dans des zones protégées ; abattage à grande échelle sans permis dans les régions éloignées, les zones de conflit et les territoires frontaliers ; opérations de blanchiment complexes où du bois légal et illégal est mélangé puis passé à travers la frontière en échange de pots-de-vin ; fraude sur le classement tarifaire pour les produits forestiers ; dépassement des concessions légales ; dédouanement ou blanchiment de bois à travers les plantations et les établissements de production de biocarburant et d’élevage. Source : http://www.grida.no/resources/8017

 

L’une des failles dans de nombreuses lois nationales a trait au fait qu’il est totalement légal d’importer et de commercialiser du bois et des produits du bois puisés ou fabriqués en violation de la législation du pays d’origine, c’est-à-dire du pays où les arbres ont été abattus. Certains pays exigent néanmoins des importateurs aujourd’hui qu’ils s’assurent que les produits aient bien été abattus légalement. C’est le cas des États-Unis avec la Loi Lacey, qui permet d’entamer des poursuites judiciaires à l’encontre de toute personne sciemment en possession de bois abattu illégalement. Le but est d’imposer des sanctions sur la possession ou l’importation de bois exploité illicitement afin d’endiguer la demande, éliminant ou réduisant par ce biais les bénéfices tirés de ce trafic. L’Australie et l’Union européenne ont aussi adopté des mesures dans ce sens. Plus récemment, le gouvernement chinois a revu sa Loi sur les forêts, qui stipule à présent, en son article 65, qu’aucune entité, ni individu ne peut acheter, traiter ou transporter du bois exploité illégalement. Ce changement et les efforts des États-Unis et de l’UE laissent entrevoir une lueur d’espoir.

Règlementation européenne

Le Plan d’action de l’UE relatif à l’application des réglementations forestières, à la gouvernance et aux échanges commerciaux (ou Plan FLEGT de son acronyme anglais) mérite un chapitre à part entière dans le présent article. Adopté en 2003, le Plan va au-delà du simple dispositif législatif. Il est plutôt conçu pour s’attaquer aux causes profondes de l’abattage illégal de bois : corruption endémique, gouvernance défaillante, manque de transparence et manque de responsabilisation des personnes chargées de la gestion des bois et forêts.

Log trucks in Kachin waiting to cross the border into China, April 2015 (c) Environmental Investigation Agency

Le Plan FLEGT énonce une série de mesures auxquelles peuvent recourir l’UE et ses États membres afin de lutter contre l’exploitation illicite des bois et forêts dans le monde et il soutient l’amélioration de l’offre en bois légal ainsi que la demande accrue de bois provenant de forêts gérées de manière responsable. Il inclut par ailleurs sept mesures qui, prises ensemble, empêchent l’importation de bois illégal sur les marchés européens. Parmi ces mesures figurent les accords de partenariat volontaire (APV).

Un accord de partenariat volontaire est un traité contraignant que l’UE négocie avec un pays producteur de bois qui exporte des essences de bois et leurs produits dérivés sur le territoire communautaire. À travers des consultations impliquant plusieurs acteurs clés du secteur, une définition de la notion de légalité est convenue et les lois pertinentes sont révisées afin de mettre en place une chaîne de surveillance des flux de bois transparente, système qui est ensuite validé, notamment à travers un suivi réalisé par les représentants de la société civile. Une fois que les parties ont trouvé un accord, une licence FLEGT est délivrée pour l’exportation de bois depuis ce pays vers l’UE.

Si la procédure d’importation de ce bois dans l’UE ne peut alors que se faire sous licence FLEGT, elle ne nécessite pas de se conformer à l’autre composant du Plan FLEGT qui est le Règlement de l’Union européenne sur le bois et les produits du bois (RBUE). Le RBUE établit des obligations de diligence raisonnée ainsi qu’une interdiction d’entrée sur le marché communautaire de bois récolté de manière illégale. Le Règlement place la responsabilité sur l’individu ou l’organisation introduisant le bois sur le marché et lui impose de mettre en œuvre un système de diligence raisonnée afin de s’assurer que le bois réponde aux exigences des lois du pays où il a été récolté.

Le premier APV a été signé avec le Ghana, suivi de la République du Congo, du Cameroun, de l’Indonésie, de la République centrafricaine, du Liberia et du Vietnam. En outre, l’UE a conclu les négociations et entamé la conclusion d’un APV avec le Honduras et le Guyana. À l’heure actuelle, l’Indonésie est le seul pays à délivrer des licences FLEGT.

Services de lutte contre la fraude

Faire appliquer les lois est bien sûr fondamental pour que la réglementation soit couronnée de succès. La coopération en constitue la pierre angulaire. Si cette coopération peut prendre des formes diverses, celle entre les administrations douanières des pays importateurs et exportateurs ainsi qu’avec les autres services publics concernés est cruciale. Il est tout aussi important de veiller à ce que des informations soient recueillies sur le terrain, qu’elles soient regroupées et vérifiées par des tierces parties, notamment par des organisations indépendantes de surveillance issues de la société civile.

Directives pour contrôler la légalité du bois à l’intention des douanes

Élaborées par TRAFFIC et l’OMD, cette publication fournit des informations sur les flux de bois illicites, sur la façon de mener des activités de profilage des risques, sur les codes douaniers harmonisés qui devraient être utilisés pour le bois et ses produits dérivés (et comment les identifier), et sur la législation concernant le commerce de bois et les régimes de certification forestière. La publication est disponible sur Environet ou en contactant l’ OMD.

Services de lutte contre la fraude

Faire appliquer les lois est bien sûr fondamental pour que la réglementation soit couronnée de succès. La coopération en constitue la pierre angulaire. Si cette coopération peut prendre des formes diverses, celle entre les administrations douanières des pays importateurs et exportateurs ainsi qu’avec les autres services publics concernés est cruciale. Il est tout aussi important de veiller à ce que des informations soient recueillies sur le terrain, qu’elles soient regroupées et vérifiées par des tierces parties, notamment par des organisations indépendantes de surveillance issues de la société civile.

Des organismes tels que l’OMD, qui travaille de concert avec des partenaires comme INTERPOL, investissent énormément d’efforts dans la promotion de la collaboration entre les douanes et les autres services concernés chargés du respect de la loi, notamment à travers des opérations de lutte contre la fraude. Une de ces opérations, l’opération Amazonas, portait justement sur le commerce illicite de bois.

Lancée en 2014 à l’initiative de la Douane du Pérou, Amazonas a permis aux douanes et aux autorités chargées de l’application de la loi dans plusieurs pays d’Amérique latine ainsi qu’en Chine de coopérer pour identifier le bois exploité illégalement et mis sur le marché avec ses produits dérivés. L’un des principaux enseignements tirés de cette opération est que la coopération entre toutes les entités publiques chargées de superviser et de vérifier les permis légaux constitue un élément indispensable en matière de répression de la fraude, car « sans cette coopération, assurer la traçabilité des arbres prélevés s’avère impossible. »

Contribution de l’EIA

Les organisations de la société civile, dont l’EIA fait partie, jouent également un rôle important dans la lutte contre le commerce de bois illicitement récolté. Elles jouent notamment le rôle de sentinelles et partagent les informations qu’elles recueillent avec les organismes pertinents, par exemple, avec les administrations des douanes.

Déforestation au Cambodge et dépôt illégal de bois – Copyright EIA

La campagne de l’EIA sur les forêts vise à combattre le trafic illicite de bois en enquêtant sur les acteurs responsables de l’abattage et de la commercialisation de bois récolté illicitement, et en mettant leurs activités à découvert. Le travail de l’organisation consiste à mener des enquêtes discrètes, en infiltrant les milieux concernés. Elle utilise également les données pour établir les tendances du commerce illégal et identifier les individus et les entreprises impliqués, tout en menant un travail de sensibilisation et de mobilisation des autorités concernées afin qu’elles prennent des mesures en conséquence.

L’une des plus grandes campagnes de l’EIA concerne la lutte contre le commerce de bois à haut risque en provenance du Myanmar, en particulier de teck, vers l’UE. Le Myanmar compte parmi les taux de déforestation les plus élevés (par exemple, selon les données officielles[1], la couverture forestière est passée de près de 47 % en 2010 à 43 % en 2015, soit une perte équivalant au territoire de la Belgique) et l’abattage illégal est une des principales causes du problème, la récolte de bois dépassant très largement les limites légales imposées par le Ministère des forêts du pays. Lors des réunions des autorités compétentes responsables de l’application du Règlement européen sur le bois, les parties ont été forcées de constater qu’il n’était pas possible d’atténuer adéquatement le risque d’importations dans l’UE de teck illégalement abattu en provenance du Myanmar.

Depuis 2015, l’EIA a déposé plusieurs plaintes (ou « rapports étayés émanant de tiers », selon la terminologie du RBUE) concernant les importations de teck depuis le Myanmar à l’encontre de 15 entreprises situées dans six États membres de l’UE. La grande majorité de ces plaintes ont abouti à des mesures sanctionnant les sociétés concernées. Ces dernières ont notamment reçu des avertissements et des injonctions les empêchant de continuer à importer du teck depuis le Myanmar vers l’UE. Par exemple, l’autorité compétente allemande a lancé un avertissement à tous les opérateurs du marché, signalant que le teck du Myanmar ne remplit pas les exigences du RBUE, et elle a confisqué un envoi de bois en 2019, avec l’ordre de le renvoyer vers le pays d’origine. Ces mesures répressives fonctionnent : une réduction importante d’importations de teck du Myanmar a été constatée dans les pays où les autorités ont agi.

 

Forests Playlist on EIA Youtube Channel
Résultats et défis encore à relever

Les données recueillies par le Centre de surveillance de la conservation de la nature du PNUE[1], qui intervient en qualité de consultant auprès de la Commission européenne et qui rassemble les bilans des contrôles menés par les États membres de l’UE ainsi que par les pays sources afin de renforcer la mise en œuvre du RBUE, montrent que les autorités compétentes chargées d’appliquer les dispositions du Règlement sont relativement actives. Par exemple, durant la période de décembre 2017 à décembre 2018, elles ont contrôlé 1 419 entreprises en tout, dont 452 se sont révélées ne pas être en conformité par rapport aux exigences du RBUE, ce qui a amené ces mêmes autorités à délivrer 240 avis de non-conformité et à imposer 76 amendes. Si ces chiffres semblent indiquer une volonté de voir le Règlement appliqué, la part des pénalités et autres amendes frappant les sociétés non respectueuses de leurs obligations est assez réduite. Les amendes pécuniaires sont aussi habituellement peu élevées en comparaison à la valeur du bois échangé. Récemment, une société de meubles du Royaume-Uni a dû acquitter une amende de 13 000 livres sterling (soit près de 17 000 dollars des États-Unis) parce qu’elle n’avait pas rempli ses obligations au titre du RBUE, alors qu’elle avait déjà reçu un avertissement pour non-conformité par le passé. Il est peu probable que ce niveau de sanction soit vraiment dissuasif.

S’il est vrai que les douanes ne sont souvent pas les autorités responsables de l’application du RBUE, elles peuvent toutefois être la première ligne de défense en déterminant si le bois présente un risque potentiel et en alertant les autorités compétentes en conséquence. Elles peuvent aussi être chargées d’appliquer les mesures imposées aux entreprises en infraction et saisir ou retenir le bois entrant sur le territoire de l’UE, s’il existe un risque que ce bois ait été acquis illégalement. Récemment, une opération de lutte contre la fraude a été entreprise en Belgique à l’encontre d’une société important du bois du Gabon, avec l’assistance de la Douane belge.

Les infractions douanières prévues dans les codes des douanes peuvent également contribuer à ce que le bois échangé soit considéré comme étant « exploité illégalement » aux fins du RBUE, puisque les législations applicables dans le cadre du Règlement incluent la législation portant sur le commerce et sur la douane.  Ces infractions incluent notamment les classements incorrects, les déclarations d’une essence au lieu d’une autre et la sous-évaluation. Par exemple, dans le cadre d’une mesure de lutte contre la fraude dont l’EIA a fait état en février 2019, au port de Trieste, en Italie, du teck du Myanmar a été saisi temporairement parce que la quantité de bois qui avait été déclarée comme arrivant au port dépassait le volume parti de Yangoon, ce qui a amené les autorités à suspecter qu’elles étaient en présence d’un cas de fausse déclaration afin d’éviter le paiement de taxes au Myanmar. Rien qu’au niveau financier, l’ampleur du problème au Myanmar est énorme si l’on s’en tient au rapport de Forest Trends qui indique que le gouvernement du Myanmar avait enregistré des exportations de bois vers la Chine pour une valeur de 29 millions de dollars des États-Unis en 2014 et 2015, alors que pour la même période, la Chine faisait état d’importations de bois du Myanmar pour une valeur de 550 millions de dollars des États-Unis.

La lutte contre l’exploitation illégale de bois au Myanmar constitue un véritable défi, comme le relève l’EIA dans son rapport de 2019 intitulé « State of corruption: The top-level conspiracy behind the global trade in Myanmar’s stolen teak ». L’agence y souligne par ailleurs l’importance du rôle des services répressifs, parmi lesquels la Douane, qui, en Chine, aux États-Unis et en Europe, par exemple, ne ménagent pas leurs efforts pour arrêter le commerce de teck en provenance du Myanmar. Le rapport met également en exergue les défis associés à la responsabilisation des entreprises impliquées dans un contexte de faible gouvernance.

Les entreprises recourent souvent à deux artifices pour essayer d’éviter les mesures punitives prévues par le RBUE. Tout d’abord, si une injonction a été imposée à une société, cette dernière peut passer par d’autres compagnies ou par des sociétés prête-nom pour importer le bois à sa place et elle-même se limite à réceptionner simplement le bois, une fois qu’il a été dédouané. Ensuite, les entreprises peuvent utiliser un pays complètement différent comme point de débarquement du bois, pour autant que cet État ait une législation plus laxiste en matière de contrôle. Bien que les données de l’EIA indiquent une diminution des importations de teck du Myanmar dans les pays qui appliquent le RBUE, cette dernière est ainsi compensée par une augmentation des importations dans d’autres pays. Il est toutefois possible de détecter ce type d’évasion et de prendre les mesures nécessaires pour l’endiguer. En décembre 2019, la coopération entre les autorités compétentes néerlandaises et tchèques a permis de saisir du teck du Myanmar qui avait atterri en Slovénie et qui traversait la République tchèque pour atteindre les Pays-Bas.

Transport de bois au Cambodge – Copyright EIA

La douane peut une fois de plus être la première ligne de défense pour détecter tous les types de tentatives de contournement des contrôles. Si les mêmes personnes importent du bois à travers des sociétés portant de nouveaux noms ou si le bois arrive pour être immédiatement envoyé vers un autre pays, la douane peut déceler les situations où il existe un risque de contournement des mesures en vigueur.

Si l’application du RBUE est encourageante dans la lutte contre l’exploitation illicite de bois, les défis perdurent, notamment pour les administrations des douanes. Il est souvent difficile de détecter les envois à haut risque, par exemple, tout comme il est ardu d’entamer des poursuites pour violation de la loi, et les commerçants de bois ne manquent pas de créativité pour tenter de contourner les contrôles. Les mêmes défis se posent pour les contrôles associés aux produits dérivés des essences de bois couvertes par la CITES. L’identification adéquate des produits dérivés du bois (comme du bois de rose de Siam) présente une difficulté supplémentaire au niveau de l’espèce en soi. Dans un récent article intitulé « Fraud and misrepresentation in retail forest products exceeds U.S. forensic wood science capacity », des chercheurs ont pu établir que 62 % des produits forestiers testés destinés à la vente au détail aux États-Unis avaient été introduits frauduleusement sur le marché. Les auteurs ont souligné l’importance de la technologie à l’appui des contrôles et de la répression de la fraude à une échelle commerciale pertinente, tout comme ils ont insisté sur le besoin d’investir dans un programme de développement des capacités systématique, notamment au niveau du matériel informatique. Encore une fois, des efforts sont consentis, notamment à travers le Global Timber Tracking Network qui est en train de mettre au point une base de données mondiale d’ADN et d’empreintes digitales des isotopes des principales essences de bois faisant l’objet d’un commerce. Cette base de données pourrait être utilisée par les laboratoires afin de vérifier que les espèces qui apparaissent dans les documents accompagnant les envois de bois soient bien correctes.

Conclusion

Si la valeur financière du commerce de bois illicite devrait en soi inciter les pouvoirs publics à investir dans la lutte contre ce type de criminalité, les répercussions environnementales et sociales associées à ce trafic devraient leur faire prendre conscience du fait que les enjeux sont trop importants pour ne rien faire et que les tergiversations ne sont plus de mise.

Dans un tel contexte, la douane est appelée à poursuivre sa coopération avec les autres autorités, en particulier pour se pencher sur le faible niveau de sanctions imposées à l’heure actuelle, pour appuyer les réformes légales qui s’avèrent nécessaires, pour s’assurer que des lois soient conçues de manière à être applicables pour les autorités de répression de la fraude et qu’elles soient assorties des mécanismes nécessaires pour éviter les contournements, et, surtout, pour garantir que les investissements nécessaires soient consentis pour mettre fin à ce commerce illicite du bois, un commerce à la fois lucratif et ravageur pour l’environnement.

En savoir +
alecdawson@eia-international.org
https://eia-international.org/forests/