Au Maroc, la Douane obtient un statut particulier pour ses fonctionnaires
15 juin 2023
Par l’Administration des Douanes et Impôts Indirects du MarocLe 10 décembre 2020 a marqué l’histoire de la Douane marocaine. À cette date, le Conseil de Gouvernement marocain approuvait le projet de décret relatif au statut du personnel de l’administration. Cet article passe en revue les provisions importantes du décret et les changements marquants qu’il entérine.
L’Administration des Douanes et Impôts Indirects du Royaume du Maroc (ADII) est une autorité relevant du Ministère de l’Économie et des Finances. Elle est chargée du contrôle du mouvement international des marchandises et des personnes à des fins de perception des droits et taxes, de lutte contre la fraude et les trafics illicites, et de sécurisation. En adaptant et modernisant continuellement ses procédures aux besoins des opérateurs commerciaux, elle contribue aussi à l’instauration d’un environnement attractif et joue un rôle majeur dans le développement économique du pays.
Afin de mener à bien ses diverses missions, l’administration mise sur la valorisation de son capital humain en permettant à ses effectifs de renforcer leur professionnalisme et leurs compétences. En outre, elle a obtenu en décembre 2022 la révision du statut de son personnel et la mise en place d’un cadre réglementaire adapté à ses missions qui habilite les agents, encadre leurs actions de manière claire et les protège tout à la fois.
Avant la réforme
Le statut du personnel douanier peut différer d’un pays à l’autre et être militaire, paramilitaire ou bien civil. Au Maroc, la Douane est divisée en deux catégories principales de fonctionnaires : agents des brigades et agents de bureaux. Elle a un statut paramilitaire qui confère à tout le personnel le droit de porter une arme de service. Cependant, l’administration était jusqu’à récemment régie par diverses dispositions statutaires applicables au personnel civil, notamment par le statut général de la fonction publique et les statuts interministériels, occultant ainsi le caractère particulier et spécifique de sa mission sécuritaire avec toutes les astreintes qui en découlent : horaires de travail particuliers, travail de nuit, formation et discipline militaires, uniforme, port d’arme, etc.
Cette situation avait des retombées négatives sur la gestion du corps de la Douane. Les politiques relatives au recrutement, à la conduite et à la gestion des carrières étaient notamment inadaptés. Par exemple, pour être recruté en tant qu’agent de surveillance relevant des brigades, il fallait avoir entre 18 et 45 ans, et les conditions d’aptitude physique et mentale n’étaient pas précisées. En ce qui concerne la conduite, coexistaient auparavant deux régimes disciplinaires, l’un pour les agents des brigades, et l’autre pour les agents de bureau. En outre, les règles s’appliquant aux agents des brigades différaient selon que les agents étaient officiers ou non officiers, ces derniers n’ayant pas certaines garanties de défense dont bénéficiaient les officiers. Les sanctions à leur égard étaient prononcées sans obligation de passer par un conseil de discipline qui, par sa composition paritaire (représentants de l’administration et représentants du personnel), permet de sauvegarder le droit de défense. La procédure prévoyait uniquement qu’une demande d’explication soit adressée à l’agent. Quant au volet carrière, l’ancien statut ne prévoyait aucune reconnaissance pour les agents décédés dans l’exercice de leurs fonctions dans le cadre des missions de lutte contre la contrebande ou autres trafics illicites.
L’aboutissement d’un travail conséquent
Le nouveau dispositif juridique a été publié au Bulletin Officiel n° 6948 du 31 décembre 2020. Il peut à juste titre être considéré comme l’aboutissement de l’un des projets stratégiques les plus importants de l’ADII. Sponsorisé par le directeur général de la Douane, il a aussi bénéficié du soutien du ministre de l’économie et des finances qui était convaincu de son importance. Le nouveau statut est le fruit du travail de l’équipe de la Direction des ressources humaines qui l’a conçu intégralement avant de le mettre dans un circuit de consultations interne et externe auquel ont participé notamment le Ministère de la modernisation de l’administration publique, le Ministère des finances et le Secrétariat général du gouvernement.
Lors de sa conception, l’équipe a cherché à adapter les normes statutaires aux réalités et aux besoins d’une meilleure gestion des ressources humaines sur des bases équitables et adaptées aux missions particulières d’une administration paramilitaire telle que l’ADII. Une évaluation comparative a été réalisée afin de s’inspirer des bonnes pratiques d’autres corps et d’autres administrations douanières.
Si faire aboutir un tel projet est déjà un défi en soi, il a fallu ensuite assurer l’application des mesures et mettre à jour tous les systèmes de gestion. Le troisième défi a été de recueillir l’adhésion du personnel en place.
Nouvelles dispositions
Ce nouveau statut crée un cadre légal et réglementaire unifié qui s’applique à tous les fonctionnaires douaniers. Il établit notamment:
- l’ensemble des règles qui constituent la discipline militaire : rapport hiérarchique, sanctions, interdiction de consommation de certains produits, etc. Le nouveau statut a instauré un seul régime disciplinaire unifié et offrant les mêmes garanties à l’ensemble du personnel tout en instaurant une dynamique entre le système de conduite et celui des récompenses permettant ainsi la radiation des sanctions en cas d’obtention d’une récompense.
- un nouveau code de bonne conduite : pris par arrêté du Ministre de l’ économie et des finances, il corrige les manquements en matière de harcèlement sexuel, d’utilisation abusive des réseaux sociaux pour diffuser des informations confidentielles, de mise à mal de l’image des agents ou de l’administration, etc.
- les règles relatives au port d’armes et de l’uniforme.
- des dispositions relatives au travail en dehors des heures normales.
- de nouveaux critères de recrutement : il s’agit surtout de définir les conditions physiques et l’âge requis pour entrer dans l’administration. Il faut désormais notamment, pour être agent de surveillance relevant des brigades, avoir entre 18 et 25 ans, une certaine acuité visuelle, une certaine taille et condition physique.
- de nouvelles conditions de promotion : le nouveau statut maintient les mêmes conditions de promotion existantes mais ajoute la possibilité d’être promu suite à la réussite des examens d’aptitude professionnelle organisés par l’administration. Il crée également un système de grades au sein de certaines catégories de fonctionnaires (techniciens, rédacteurs, adjoints techniques) qui avaient un statut particulier interministériel. Il crée aussi les postes d’Inspecteur Général des Douanes, Contrôleur Général des Douanes, Ingénieur Général et Architecte Général des Douanes.
- l’octroi d’une ancienneté de 18 mois ou un avancement de grade exceptionnel pour les agents ayant réalisé des opérations remarquables ou ayant subi, lors de l’exercice de leurs fonctions, des blessures graves, et l’octroi de cette même ancienneté aux agents morts en service, au bénéfice de leurs ayants droit.
- l’adoption d’une nouvelle échelle d’avancement pour certaines catégories de fonctionnaires qui ne pouvaient aller au-delà de l’échelle de rémunération 8, telles que les techniciens et les rédacteurs.
- l’adoption pour la première fois de récompenses morales à savoir « l’encouragement, la mention honorable et le témoin de satisfaction », ces récompenses pouvant radier certaines sanctions disciplinaires.
Sentiment d’appartenance et adhésion au projet
Ce statut particulier du personnel de l’ADII a aussi pour but de renforcer le sentiment d’appartenance des agents à la famille douanière marocaine, qu’ils soient agents des brigades ou agents de bureaux. Après avoir publié le nouveau statut, l’administration a lancé une vaste campagne d’information et de communication ciblant l’ensemble du personnel au niveau central et régional avec des présentations et des journées portes ouvertes. L’objectif n’était pas uniquement d’informer les agents, mais surtout de célébrer ce succès et de partager ce sentiment de fierté de disposer enfin d’un statut particulier propre aux douaniers. Bien que l’intégration dans le nouveau statut ne fût pas obligatoire mais conditionnée par le dépôt d’une demande expresse, l’ensemble du personnel s’est empressé à formuler ses demandes bien avant l’expiration du délai fixé d’une année.
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S.ALILA@douane.gov.ma