Dossier

Saisir les opportunités offertes par l’analyse des données pour une gestion efficace des frontières

15 février 2017
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général de l’Organisation mondiale des douanes

Toute activité économique est source de données, y compris le mouvement de personnes et de marchandises. Qui plus est, la convergence de plusieurs technologies accélère la production de données. Selon les experts, le volume de données continue de doubler tous les trois ans à mesure que les informations affluent des plateformes numériques, des capteurs sans fil, des applications de réalité virtuelle et des milliards de téléphones mobiles. En outre, la capacité de stockage de données a augmenté, contrairement à son coût, qui a, quant à lui, chuté. À ce jour, les analystes de données disposent d’une puissance de calcul sans précédent et conçoivent des algorithmes toujours plus sophistiqués.

Les données n’ont rien de nouveau : depuis des années, entreprises et gouvernements tirent parti de l’analyse des données afin d’établir l’ordre de leurs priorités, de faciliter la prise de décisions, de mesurer leur performance, de planifier leurs budgets, d’élaborer des prévisions et de mener leurs opérations à bien. La douane dispose déjà d’un volume important de données, à commencer par celles soumises dans le cadre de la procédure de dédouanement. Elle peut, en outre, accéder aux données disponibles auprès d’autres services gouvernementaux ou encore dans les bases de données disponibles sur le marché et sur les plateformes d’informations de source ouverte telles que les archives publiques numérisées et les médias plurilingues.

Compte tenu de tous ces éléments, je suis convaincu que nous devons continuer d’améliorer nos techniques et nos pratiques d’analyse des données. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi, comme slogan de l’OMD cette l’année, « l’analyse des données au service de la gestion efficace des frontières », thème qui a été présenté officiellement à l’occasion de la Journée internationale de la Douane (JID) le 26 janvier 2017, et qui s’inscrit dans la continuité du thème qui avait été choisi en 2016, « La douane numérique : pour un engagement progressif ».

La liste des activités des fonctionnaires des douanes qui ont été mis à l’honneur à l’occasion de la JID pour s’être distingués par leurs efforts dans le domaine de l’analyse des données illustre la diversité et la complexité du travail entrepris au sein des administrations douanières à cet égard. Ces agents ont, par exemple :

  • utilisé l’analyse afin de mieux déceler les tentatives de contrebande de cigarettes ;
  • mené une étude sur la manière d’améliorer les dépôts de garantie sur les huiles minérales importées temporairement ;
  • renforcé les contrôles a posteriori en déterminant des critères et en établissant des profils aux fins du contrôle du mouvement du fret ;
  • exploité les données historiques en matière de lutte contre la fraude afin de prédire le comportement des opérateurs et des voyageurs ;
  • mis au point des outils qui soutiennent directement les activités d’analyse des données,  tels que des bases de données ou encore de systèmes permettant l’échange d’informations de douane à douane ;
  • tendu la main à d’autres agences gouvernementales en vue d’encourager l’échange d’informations ;
  • appliqué l’étude sur le temps nécessaire à la mainlevée de l’OMD afin de déterminer le temps nécessaire au dédouanement et à la mainlevée de marchandises ;
  • évalué les risques liés aux voyageurs et contribué au ciblage et à l’identification de fret à haut risque.

Il est important de mettre en exergue la valeur ajoutée du travail de ces agents douaniers ainsi que les avantages que pourrait tirer  notre communauté du partage des connaissances sur les méthodes et technologies d’analyse des données. J’aimerais d’ailleurs souligner le rôle crucial que jouent aujourd’hui les instruments modernes d’analyse des données. Ces dernières années, nous avons assisté à l’émergence d’une gamme complète de nouveaux outils offrant des possibilités d’exploiter au maximum les informations disponibles. De plus en plus d’administrations douanières ont adopté, par exemple, des techniques d’exploration de données (data mining) ou l’analyse prédictive (predictive analytics), qui visent à donner une signification à des données brutes à l’aide de systèmes informatiques spécialisés, ou encore l’informatique cognitive qui a recours à des algorithmes permettant d’analyser des données non structurées. Les données, utilisées en association avec ces techniques d’analyse et d’autres technologies émergentes, peuvent nous permettre de progresser encore davantage dans la poursuite des objectifs principaux de notre mission.

© David Plas

Conditions essentielles

La numérisation des données est l’une des bases essentielles sur laquelle repose le succès de toute organisation qui voudrait tirer profit des avancées en matière d’analyse des données. Les données qui ne peuvent être assimilées par un système TI rendent impossible toute analyse efficace. La numérisation des informations et des processus constitue, à l’instar de la migration des données vers le « nuage » ou vers toute autre plateforme facilement accessible, l’une des conditions préalables au succès de l’analyse des données.

Les outils d’analyse des données devraient aussi avoir accès à diverses bases de données (par exemple, une base de données sur les saisies, une base de données sur les personnes suspectes ou une base de données en matière d’évaluation) afin de pouvoir y découvrir des informations et des tendances cachées. En d’autres termes, l’automatisation de l’extraction et de l’analyse des données douanières est d’une importance capitale.

Les administrations douanières doivent faire de l’analyse des données une priorité stratégique et se doter à cet effet d’une technologie de pointe, adopter les politiques adéquates en matière d’informatisation et recruter les experts nécessaires pour la collecte et l’analyse des données, le but étant d’agir sur la base des informations fournies par les données recueillies. Je voudrais ici insister sur le fait que le personnel de la douane devrait progressivement acquérir les compétences requises pour exploiter tout le potentiel de l’analyse des données et des outils informatiques.

Pour optimiser le recours à l’analyse de données, il s’agit, par ailleurs, de disposer de données de bonne qualité, disponibles rapidement. En outre, les services aux frontières doivent harmoniser les données (en utilisant le Modèle de données de l’OMD) et développer les compétences nécessaires pour relever les défis informatiques inhérents à ce genre de projet. Enfin, les administrations des douanes doivent veiller au respect des lois sur la vie privée et sur la confidentialité des données, de manière à garder la confiance de la société.

Méthodes et outils

L’analyse des données, les conditions essentielles à son optimisation et les défis connexes feront l’objet d’une discussion approfondie au sein de l’OMD durant l’année 2017 et lors des événements tels que la Conférence sur la technologie de l’information et de la communication, la Conférence mondiale sur le transit et le Forum sur la technologie et l’innovation. Même l’École du savoir pour la douane et le secteur privé et la Conférence PICARD, axée sur la recherche, se pencheront sur le sujet.

Toutefois, l’OMD ne sera pas la seule organisation à porter son attention sur l’analyse des données en 2017. J’ai été informé du fait que certaines organisations douanières régionales ont, elles aussi, prévu des événements autour de ce thème. L’Organisation douanière d’Océanie, par exemple, organisera son propre événement au mois de mai. Je ne peux qu’encourager ce genre d’initiatives et exhorter d’autres parties prenantes à suivre cet exemple.

Au cours de l’année, l’OMD saisira toutes les occasions qui se présenteront pour continuer de promouvoir, parmi ses outils, ceux qui peuvent contribuer à promouvoir l’utilisation de l’analyse de données, tels que :

  • le Réseau douanier de lutte contre la fraude (CEN) de l’OMD, base de données mondiale sur les saisies douanières ;
  • l’Étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises de l’OMD, qui fournit une méthode pour mesurer la durée moyenne entre l’arrivée des marchandises et leur mainlevée ;
  • l’analyse miroir, qui implique l’utilisation des codes du SH et qui permet à un pays de comparer ses importations (ou exportations) avec les exportations (ou importations) rapportées par ses partenaires commerciaux afin d’identifier des écarts en termes de quantité, de poids, ou de valeur, écarts qui pourraient révéler les mouvements ou pratiques frauduleux ;
  • le recours à des techniques de mesure de la performance pour améliorer les procédures douanières et l’éthique des agents, telles que celles exposées dans le Guide de l’OMD sur la mesure de la performance et la contractualisation ;
  • le Modèle de données de l’OMD, qui soutient l’analyse de risque en améliorant la collecte des données et en permettant de les échanger entre agences gouvernementales.

Se tenir au courant des tendances, suivre les pratiques

Dans les mois à venir, une partie de notre travail consistera à mettre en avant tout projet lié à l’analyse des données susceptible d’inspirer les administrations douanières et à suivre et à disséminer les bonnes pratiques dans ce domaine. J’invite donc tous les Membres de l’OMD à partager, au cours de l’année 2017, leurs expériences sur la façon dont ils tirent parti du potentiel des données afin d’atteindre leurs objectifs et de répondre aux attentes des opérateurs commerciaux, des acteurs du secteur du transport et de la logistique et des gouvernements. Certains Membres ont déjà partagé leur expérience, dans les pages mêmes de notre magazine :

  • l’Agence des services frontaliers du Canada nous explique comment elle se réorganise autour des données qu’elle reçoit, les plaçant au centre de sa stratégie ;
  • la Douane néo-zélandaise nous informe du perfectionnement de son guichet unique, qui lui permettra de recueillir des données plus détaillées et de meilleure qualité, ainsi que de ses outils d’analyse et des évolutions futures à cet égard ;
  • la Douane de Côte d’Ivoire apporte des éclaircissements sur son utilisation de l’analyse miroir ;
  • la Douane de Singapour nous fournit un aperçu général de sa politique d’analyse des données en termes de technologies utilisées et de compétences requises ;
  • la Douane française se penche sur l’analyse des données relatives aux passagers aériens et au personnel de bord et nous renseigne sur la mise en œuvre de son programme sur les renseignements préalables concernant les voyageurs (RPCV) et sur les Dossiers passagers.

Cette édition comporte également un article d’une experte associée qui travaille en ce moment au Secrétariat de l’OMD. Elle y explique comment le programme de renforcement des capacités lui a permis de perfectionner ses compétences analytiques. Enfin, dans un autre article, un fournisseur d’outils technologiques présente l’informatique cognitive et décrit comment son utilisation peut favoriser la facilitation et le contrôle des échanges.

Conclusion

Au vu de son importance croissante, le thème de l’analyse des données sera également abordé cette année lors des réunions de nos comités et de nos groupes de travail. L’OMD s’évertuera à utiliser l’ensemble de ses outils de communication afin de diffuser les connaissances acquises et les pratiques partagées au cours de ces réunions.

Pour conclure, j’aimerais remercier sincèrement tous les collaborateurs ayant participé à l’élaboration de ce dossier sur l’analyse des données et tous les autres auteurs qui ont accepté de nous faire part de leur expérience sur différentes questions douanières à travers leurs articles. Vos contributions nous aident à garantir que l’OMD reste au cœur de l’expertise douanière, comme centre de partage de connaissances, d’échange d’informations et de recherche, ce dont notre Organisation ne peut que vous savoir gré.