La durabilité au cœur de l’action douanière pour les personnes, la prospérité et la planète : quelques mots concernant le thème de cette année
25 février 2020
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général de l'OMDChaque année, le Secrétariat de l’OMD choisit un thème qui revêt une importance particulière pour la communauté douanière internationale et pour ses partenaires. Le thème choisi pour 2020 est la durabilité avec le slogan « La durabilité au cœur de l’action douanière pour les personnes, la prospérité et la planète ». Ce thème est plus que jamais d’actualité : 2019 a été l’année où les questions de la durabilité et des problèmes liés au changement climatique ont dominé le débat public, le Dictionnaire Oxford décrétant d’ailleurs que l’expression de l’année 2019 était « l’urgence climatique ».
Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies reconnaît que le commerce international peut être le moteur d’une croissance économique inclusive et de la réduction de la pauvreté, et constituer un moyen important pour atteindre les 17 Objectifs de développement durable (ODD). Principale autorité chargée de l’application des réglementations relatives au commerce transfrontalier, la Douane peut s’assurer que les échanges internationaux contribuent à accélérer les avancées vers la réalisation de ces objectifs.
Par exemple, garantir le recouvrement juste des recettes et lutter contre la fraude commerciale et les flux financiers illicites renforcent les efforts en faveur de la réduction de la pauvreté et les programmes sanitaires et sociaux en garantissant que les gouvernements nationaux ne soient pas privés de sources de revenus essentiels pour le financement des infrastructures et des services publics. De telles actions contribuent aussi à réduire la concurrence déloyale et à apporter transparence et prévisibilité aux opérations commerciales, facilitant par là le commerce légitime, ainsi que potentiellement la croissance économique et la création d’emploi.
Une application efficace des règles environnementales protège les personnes, la planète et tous les êtres qui y vivent et constitue un élément fondamental pour la prospérité. En effet, la criminalité environnementale représente une menace pour le développement durable. Le braconnage, le trafic d’espèces sauvages et l’exploitation illicite de ressources forestières, piscicoles, minières et des déchets menacent la sécurité internationale ainsi que la croissance économique et le développement.
La mise en place de procédures et de processus efficaces aux frontières peut stimuler la croissance et la prospérité et réduire les effets des opérations de commerce sur l’environnement. En effet, même si, sur le plan des émissions de carbone, le mode de production prime souvent sur le mode de transport, le mouvement des marchandises a un impact environnemental et l’importance de ce dernier dépend en grande partie de la performance de tous les acteurs de la chaîne logistique.
En proposant des orientations et en élaborant des normes internationales dont le but ultime est l’efficacité, et assurant le partage d’expertises sur la manière dont les règles convenues au niveau international peuvent être mises en œuvre, l’OMD peut faire en sorte que le commerce international soit à la hauteur des ambitions qui ont été placées en lui et contribuent effectivement à la croissance et au développement de façon durable.
Sous la bannière du thème de cette année, les Membres de l’OMD seront donc encouragés à placer la durabilité au centre des efforts qu’ils déploient en vue d’améliorer leurs pratiques et procédures, non seulement au niveau opérationnel mais aussi en interne, puisque la Douane, comme toute organisation, utilise des ressources et produit des déchets.
S’agissant de réduire notre empreinte directe et indirecte sur l’environnement, les administrations peuvent appliquer de simples mesures pratiques, visant, par exemple, à s’assurer que les bureaux et les locaux utilisent des équipements efficaces du point de vue énergétique et que ces derniers soient bien éteints lorsqu’ils ne sont pas utilisés, à proscrire l’utilisation d’articles en plastique à usage unique et non recyclables, à trier les déchets biodégradables et à placer des fontaines à eau au lieu de fournir des bouteilles d’eau en plastique. Certaines administrations sont déjà passées aux énergies renouvelables et quelques-unes ont même installé des systèmes photovoltaïques sur leur toit.
Au Secrétariat de l’OMD, nous avons décidé d’éliminer les bouteilles en plastique jetables qui étaient mises à disposition des délégués participant à nos réunions et événements. À la place, le personnel et les délégués sont invités à utiliser des bouteilles réutilisables, qu’ils peuvent remplir avec de l’eau filtrée aux fontaines installées à côté des principales salles de réunions. Les verres et les couverts en plastique ont été supprimés, en vue de réduire l’empreinte plastique de l’organisation.
Les administrations des douanes doivent aussi s’efforcer d’appliquer des méthodes écologiquement responsables lorsqu’elles se chargent de l’élimination des marchandises saisies, en particulier celles qui contiennent des composants toxiques. Selon la nature des marchandises concernées, cette entreprise peut se révéler coûteuse et techniquement complexe et exiger un accès à des installations spécifiques et à une certaine expertise. Nous invitons par conséquent les administrations qui souhaitent revoir leur empreinte écologique à entamer une discussion avec les différentes parties prenantes concernées, comme le ministère chargé de l’environnement et les entreprises privées qui déploient des activités dans ce secteur.
En plus d’adopter les bons comportements et pratiques, la douane a un rôle essentiel à jouer pour s’assurer de la mise en œuvre effective et efficace des divers traités, protocoles et arrangements environnementaux, notamment des accords environnementaux multilatéraux (AEM). Les objectifs de ces derniers sont notamment de lutter contre le commerce illicite de déchets dangereux et de substances qui appauvrissent la couche d’ozone, de combattre le trafic des espèces menacées de la faune et de la flore sauvage et d’empêcher la propagation de maladies végétales et animales ainsi que des espèces exotiques envahissantes.
La douane peut aussi contribuer à la construction de sociétés durables en facilitant les flux logistiques légaux. Le commerce international est tant un contributeur au réchauffement climatique qu’un composant intrinsèque des nombreuses solutions qui se dégagent pour endiguer le problème. En conséquence, le commerce international et la gestion des frontières sont en train d’être incorporés au cadre politique mondial de lutte contre le réchauffement climatique. Le rôle de la douane est d’uniformiser les procédures et d’utiliser des pratiques et des instruments modernes pour contrôler les transactions commerciales, afin de réduire autant que possible le temps et le coût associés au transport des marchandises à travers les frontières, notamment le coût environnemental.
Afin de promouvoir notre thème annuel et dans le cadre du dossier spécial pour la présente édition du magazine, nous avons invité différents intervenants à partager les initiatives et projets qui contribuent à promouvoir la durabilité pour les personnes, la prospérité et la planète. L’idée est, comme toujours, de mettre en lumière les possibles défis rencontrés mais aussi les projets qui pourront servir de source d’inspiration pour les autres administrations et, bien évidemment, de partager les meilleures pratiques.
Quelques mots sur le contenu du dossier que nous vous proposons. Pour commencer, les deux premiers articles, rédigés par le Secrétariat, rappellent aux administrations l’importance de la mise en œuvre des divers accords environnementaux et le rôle et les responsabilités de la douane à cet égard. Il est absolument nécessaire d’entamer un travail de sensibilisation concernant les AEM. Comme le souligne l’article présentant les conclusions d’une enquête menée par le Secrétariat auprès des administrations douanières, certaines douanes doivent encore renforcer leur propre vivier de connaissances et de compétences pour mettre en œuvre les AEM et le Secrétariat se penchera sur cette question avec ses partenaires dans le cadre de l’Initiative douanes vertes.
L’article qui suit se penche sur le rôle que joue le SH lorsqu’il s’agit de mettre en place des mesures de contrôle environnemental à la frontière sur les marchandises présentant des risques pour l’environnement ou, au contraire, des mesures visant à inciter l’importation et l’exportation de marchandises qui leur sont préférables du point de vue écologique. En donnant plus de visibilité à ces deux types de produits dans les flux commerciaux, les nomenclatures sur les marchandises permettent d’appliquer des systèmes de licences à l’importation et à l’exportation mais aussi d’estimer la consommation et la fabrication des substances réglementées et d’octroyer des avantages fiscaux et des mesures de facilitation pour les produits écologiques. J’aimerais signaler en passant que la version 2022 du SH, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022, dépasse de loin les éditions précédentes sur le front de l’environnement et représente la version la « plus verte » du SH à ce jour.
Viennent ensuite deux articles consacrés à deux AEM spécifiques, à savoir la Convention de Bâle, qui régit les flux commerciaux de déchets dangereux et autres, et le Protocole de Montréal, qui vise à protéger la couche d’ozone et à empêcher tout réchauffement climatique supplémentaire de la planète.
Afin d’atténuer le changement climatique, quelques gouvernements ont décidé de changer leurs sources d’énergie et de passer du charbon et du pétrole aux énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire, éolienne, géothermique et hydroélectrique. Dans un bref article, la Douane uruguayenne nous explique comment elle a appuyé la révolution énergétique de son pays en facilitant l’importation de machines, de matériel ou de pièces de gros volume utilisés pour produire de l’énergie verte.
Une autre façon de réduire les émissions de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre consiste à protéger la végétation maritime et terrestre, en particulier les forêts. Le respect des règlementations sur le commerce du bois est essentiel pour protéger les forêts naturelles et les populations qui en dépendent, et pour s’assurer que les échanges soient durables et ne menacent pas la survie des espèces à l’état sauvage. Dans son article sur le commerce illicite de bois, l’Enviromental Investigation Agency se penche sur les divers cadres juridiques existants et explique son rôle et la manière dont ses activités peuvent appuyer les activités de contrôle et d’application des lois.
J’écrivais plus haut que le mode de production prime souvent sur le mode de transport sur le plan des émissions de carbone. Il est toutefois crucial de réduire l’impact environnemental du transport de marchandises. Or ce dernier dépend en grande partie de la performance du système logistique. La performance environnementale, en particulier, est fondamentale pour les livraisons en fin de parcours, avant d’arriver chez le consommateur. Dans le dernier article du présent dossier, MJC2, société de systèmes de planification et de logiciels d’optimisation, nous explique comment les flux logistiques peuvent être améliorés en alliant les systèmes d’intelligence artificielle à la numérisation des processus, et comment la douane pourrait tirer parti de la technologie pour améliorer sa surveillance des échanges internationaux.
Pour conclure, j’aimerais sincèrement remercier tous les auteurs qui ont participé à l’élaboration du présent dossier, ainsi que tous les autres partenaires qui ont soumis leur contribution à ce magazine et qui ont pris le temps de partager leur expérience sur les diverses questions douanières et de commerce international. Nous avons pris beaucoup de plaisir à élaborer ce nouveau numéro du magazine-phare de l’OMD. Nous vous en souhaitons tout autant à la lecture des articles que nous vous proposons.