La Douane française met la science des données au service de tous ses agents
21 juin 2022
Par la Douane françaiseFin 2019, la Douane française établissait un programme appelé « Valorisation des Données » pour placer la donnée au cœur de ses métiers. En lançant une telle entreprise, elle entendait faire émerger de nouveaux outils qui transforment la façon dont ses agents exercent leur métier. L’objectif était d’optimiser l’ensemble des activités : ciblage, interactions avec les opérateurs économiques qu’elle conseille, gestion des ressources, efficacité opérationnelle, etc.
À la date de parution de cet article, fin juin 2022, six applicatifs sont déjà en service. Le développement de ces outils est allé de pair avec la constitution d’une « plateforme Big Data », réceptacle de l’ensemble des données exigées par la douane et, à terme, de données externes additionnelles. La Douane française dispose ainsi aujourd’hui d’une plateforme robuste, souveraine, et à l’état de l’art.
Cette démarche de valorisation des données s’accompagne également d’actions en matière de gouvernance des données, indispensables pour « urbaniser[1] » la couche données des systèmes d’information et rendre accessibles les données, et en matière de d’internalisation des compétences.
Applicatifs
Passons succinctement en revue les applicatifs développés.
L’applicatif « Minoration de valeur »
Mis au point pour le service national d’analyse de risque et de ciblage, cet applicatif aide à la détection des minorations de valeur en mettant en évidence les flux d’importations présentant des valeurs hors nomes. Les retours collectés en mars 2022 démontrent une satisfaction globale de ses utilisateurs. « Les données proposées sont des signaux qu’il faut vérifier et convertir en cible opérationnelle le cas échéant », explique l’un d’eux. Selon un autre, l’outil « permet un gain de temps sur l’étude des transactions et le rapport d’analyse de la cotation des marchandises est plus facilement rédigé ».
L’applicatif « Atypie »
Cet applicatif permet de modéliser tout phénomène non-conforme à modèle de référence observé dans les flux déclarés. Les retours d’un questionnaire de satisfaction réalisé en mars 2022 sont très positifs, certains qualifiant l’outil de « novateur, transformant totalement les méthodes de travail », d’autres parlant même de « révolution ».
L’applicatif « Vision 360 des opérateurs économiques »
Développé à la fois pour les services chargés de conseiller les entreprises dans leurs opérations du commerce international et pour les opérateurs économiques, cet outil permet une visualisation simple, complète et statistique des opérations d’importation et exportation par pays, par région et par opérateur. En visualisant rapidement l’historique des flux, les agents des douanes sont mieux à même de répondre rapidement et exhaustivement aux demandes des entreprises. Le gain de temps est selon certains d’entre eux phénoménal. Les entreprises ayant accès à l’outil ne peuvent accéder qu’aux données les concernant.
À l’origine, il s’agissait de répondre aux besoins des grandes entreprises. Ces dernières voulaient plus de visibilité sur leurs opérations douanières, notamment pour identifier les risques de non-conformité et leur impact fiscal associé. Ces entreprises se sont déclarées très agréablement surprises par les fonctionnalités de l’outil qui va au-delà de leurs espérances.
Selon les agents, de nombreux autres opérateurs plus modestes étaient en attente d’un outil de ce type. Depuis son lancement le 21 juin 2021, une moyenne de 20 utilisateurs du secteur privé s’y connecte par jour. Des évolutions sont apportées au fur et à mesure pour répondre à leurs besoins. Aucune anomalie n’a été rapportée à ce jour.
L’applicatif « Aide à la décision – Déploiement routier »
La France est un pays de transit au sein du continent européen. L’une des spécificités de la Douane française est de disposer de brigades de douane à l’intérieur du territoire, dédiées à la lutte contre les grands trafics sur les axes routiers qui traversent le pays.
Développée précisément pour ces brigades qui contrôlent les véhicules sur les routes et autoroutes, l’application « Aide à la décision – Déploiement routier » a pour objectif d’optimiser le déploiement des effectifs et les stratégies de contrôle sur ces axes routiers. Il restitue sur une carte l’historique des activités des brigades ainsi que l’historique des contentieux. Un algorithme analyse ces données pour recommander la mise en place de points de contrôle à une date et à créneaux horaires précis. En offrant plus de visibilité à ces opérations, l’outil permet également de faciliter le dialogue entre les différents échelons de l’Administration et d’améliorer la coordination des brigades au niveau national.
L’applicatif « Simulateur de mutation »
Dans le cadre d’un projet professionnel, un agent peut demander une mutation, c’est-à-dire un changement d’affectation qui entraîne un changement de résidence et/ou des fonctions exercées. Pour permettre aux agents intéressés d’accéder facilement à la liste des emplois libérés et aux informations qui y sont liées, comme le nombre de points de mobilité nécessaires pour y accéder, un outil cartographique a été développé. Entre février 2021, date de son lancement, et mars 2022, l’outil a enregistré en moyenne 80 visites par jour. Selon les utilisateurs, « le simulateur est ergonomique et convivial, et surtout il apporte toutes les informations nécessaires ».
Et après ?
D’ici un an, le programme « Valorisation des Données » aura produit une vingtaine d’applications. Trois autres applicatifs seront notamment prochainement ouverts :
- pour tous les douaniers : un « chatbot ressources humaines » qui répondra aux questions des agents dans ce domaine ;
- pour les services de lutte contre le trafic de tabac en ligne : un outil analytique exploitant les techniques d’extraction du contenu de sites Web dites webscraping pour identifier les ventes illicites de tabac sur les réseaux sociaux publics et plateformes collaboratives sur internet ;
- pour les services de lutte contre la fraude : un outil cartographique permettant de visualiser les débits de tabac et d’évaluer les risques de fraude.
Des travaux techniques importants
Des travaux importants touchant à l’infrastructure sous-tendent la mise en place des applicatifs. Pour éviter la création de silos, c’est-à-dire de jeux de données qui ne peuvent être partagés ni avoir d’autres usages au sein de l’administration, une plateforme de données dite « Big Data » a été construite dès 2016. Une approche « best of breed » (« le meilleur de sa catégorie » en français) a été adoptée, autrement dit les concepteurs de la plateforme ont cherché des solutions spécialisées répondant à des besoins fonctionnels précis au lieu de se tourner vers des suites tout-en-un ou intégrées.
La Douane a aussi fait le choix, comme la plupart des autres administrations françaises, de positionner les composants de la plateforme (routeurs, commutateurs, pare-feu, systèmes de stockage, serveurs, etc.) sur ses propres infrastructures dont elle assure notamment la mise à disposition et la maintenance (serveurs, locaux, énergie, etc.).
La phase de construction de la plateforme est en cours de finalisation avec l’installation des principaux composants. L’intégration d’autres composants permettant de mettre en œuvre les différentes techniques d’Intelligence Artificielle est prévue en 2022.
La Douane travaille également avec d’autres administrations nationales en vue d’étudier les conditions d’un éventuel rapprochement de leurs plateformes de données respectives, et notamment avec l’Administration fiscale. De tels partages permettraient d’enrichir les bases de données et de mutualiser les ressources matérielles et humaines. Enfin, le lac de données pourrait être alimenté par des données non issues des systèmes d’informations douaniers dans les années à venir (par exemple des données issues de compagnies de transport).
Performance
La plateforme des données est aussi une opportunité de repenser les outils de pilotage de la performance. Début 2021, a été lancée une expérimentation appelée « Pilote Performance » afin de définir des indicateurs liés à neuf thématiques (la lutte contre les trafics, le dédouanement, etc.) et de présenter leurs résultats sous forme de tableaux de bord interactifs. Les utilisateurs participant au pilote ont mis en avant des gains de temps significatifs par rapport aux anciennes procédures de mesure de la performance et la production d’une information plus riche.
Gouvernance et internalisation des compétences
La Douane française a pris conscience de la nécessité d’administrer ses données de manière à permettre de libérer totalement leur potentiel. Les bases de données et les champs de ces bases sont en cours de documentation, la qualité des données commence à être évaluée, les principes de conformité avec les réglementations en matière de protection et de sécurité ont été explicités et communiqués, et des processus de travail ont été élaborés et eux aussi diffusés.
L’Administration a fait appel à des experts externes pour développer à la fois la plateforme de données et ses applicatifs, tout en travaillant au développement de compétences clés en interne. Le défi à venir est de poursuivre la prise d’autonomie de l’Administration dans l’exécution du programme, notamment en accélérant cette internalisation. Une dynamique de mobilisation des services a été engrangée. Des actions de formation et de sensibilisation aux enjeux des données sont notamment en développement non seulement pour les agents en charge des données mais aussi pour ceux qui sont appelés à les utiliser ou à contribuer à leur valorisation. Des recrutements sont également prévus ainsi qu’un plan d’action autour de l’attractivité de l’Administration et de la fidélisation des employés.
En savoir +
delegation-strategie@douane.finances.gouv.fr
[1] Le terme « urbanisation » met en parallèle l’organisation d’un système d’informations et celle d’une ville. Si une ville est correctement urbanisée, elle parvient à répondre aux besoins de ses usagers. Il existe des réseaux d’échanges naturels entre les différents quartiers et chaque quartier se développe sans nuire à l’ensemble, car la structure globale permet de telles évolutions. Appliquée aux systèmes d’informations, l’urbanisation permet de « ranger » son système d’information. Il s’agit d’établir ou de ré-établir une relation entre les systèmes informatiques et la stratégie de l’organisation.