Focus

Projet INAMA : analyse de la situation et premiers résultats

20 février 2017

Lancé en octobre 2014, le projet INAMA a pour objet de renforcer les capacités de répression des douanes d’Afrique subsaharienne, notamment dans la lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages, plus particulièrement celles qui sont répertoriées dans les annexes de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).

La CITES réglemente le commerce international des dites espèces, qu’il s’agisse de commerce légal ou de commerce illégal. Pour que le commerce national ou international d’espèces sauvages soit qualifié d’illégal ou de « trafic», il doit contrevenir au droit national et/ou au droit international.

L’application effective de la Convention CITES dépend en grande partie du contrôle exercé sur la délivrance, l’inspection et l’acceptation des documents CITES ainsi que de la détection du commerce illégal d’espèces sauvages.

Les activités entreprises dans le cadre du projet INAMA pour renforcer les capacités douanières s’articulent autour de trois axes :

  • Développement institutionnel et organisationnel – Les participants évaluent leurs propres besoins en matière de renforcement des capacités au niveau national, évaluation qui est suivie de missions d’étude. L’objectif est de cerner au mieux les besoins afin de fournir aux pays participants un soutien adéquat.
  • Renseignement – Les participants suivent une formation de base puis une formation avancée afin d’améliorer leurs capacités dans chacune des phases du cycle du renseignement (à savoir le recueil, l’évaluation, la compilation, l’analyse, la diffusion et la réévaluation des données), ainsi qu’en ce qui concerne les principes, outils et techniques du renseignement. Un groupe choisi d’administrations douanières reçoit un soutien additionnel destiné à renforcer ses activités en matière de renseignement.
  • Application de la réglementation – Des cours pratiques apprennent aux participants à planifier et à conduire des opérations de lutte contre la fraude ainsi qu’à mener des enquêtes à l’aide d’un vaste éventail de techniques, par exemple la technique des livraisons contrôlées.

Infrastructures, capacité juridique et savoir-faire

Tous les pays participant au projet sont Parties contractantes à la Convention CITES mais les douaniers connaissent généralement mal les dispositions de la Convention et les questions touchant à la faune et à la flore sauvages, et, dans la plupart des pays, ne comprennent pas bien leur rôle en matière de préservation des espèces sauvages.

Malheureusement, l’application de la Convention CITES n’est pas la priorité dans plusieurs des pays participants, pas plus qu’elle n’est inscrite dans le processus de planification stratégique de la majorité d’entre eux, et les administrations douanières sont confrontées aussi au faible soutien des pouvoirs publics à l’égard de leur rôle dans la lutte contre le commerce illégal d’espèces sauvages.

Ainsi, bien que la plupart des administrations douanières aient le pouvoir juridique de mener des enquêtes sur le commerce illégal d’espèces visées par la Convention CITES (même si seules quelques administrations ont les pouvoirs nécessaires pour faire des livraisons contrôlées), elles ne le mettent généralement pas à profit.

Évaluation des risques et technologies

La moitié des administrations n’a pas de cellule de renseignement et aucune d’entre elles ne dispose d’agents du renseignement spécialisés dans les questions touchant à la CITES. En outre, dans l’ensemble, il n’existe pas d’indicateur de risque lié à la CITES et l’on constate une faible capacité à établir et à diffuser des profils de risque concernant les envois CITES. En fait, dans la moitié, au moins, des administrations, les éléments liés à la CITES sont absents de l’inventaire des risques.

Coopération interinstitutionnelle

Lutter contre la criminalité liée aux espèces sauvages nécessite des efforts concertés impliquant la centralisation de ressources financières, humaines et informationnelles. Le partage du renseignement, tout particulièrement, est un prérequis essentiel si l’on veut combattre efficacement le phénomène. Le niveau de coopération interinstitutionnelle est toutefois encore faible et la plupart des pays ne disposent pas d’une équipe rassemblant des agents de différents services répressifs.

De plus, seules quelques administrations douanières ont pris part à des exercices communs, par exemple des opérations de lutte contre la fraude à l’échelon mondial ciblant le trafic illicite d’espèces sauvages, alors que de tels exercices pourraient aider les douanes à mettre en place des réseaux informationnels et à améliorer leurs indicateurs de risque.

Pratiques de corruption

Nombre des espèces répertoriées dans la CITES étant convoitées par le crime organisé du fait de leur valeur élevée, les agents chargés d’en réglementer le commerce sont susceptibles de faire l’objet de tentatives de corruption. Or, d’une manière générale, il n’existe pas de mesures encourageant les agents des postes frontaliers à éviter toute exposition à la corruption, ni de processus de contrôle adaptés pour le recrutement du personnel.

Bien que la lutte contre la corruption ne soit pas la priorité du projet, des entretiens ont lieu avec les douaniers participant au projet à propos des efforts à faire pour atténuer les risques de corruption et pour s’assurer que les politiques et procédures adéquates en matière d’intégrité soient en place dans les structures gouvernementales des pays afin d’empêcher le crime organisé de corrompre les fonctionnaires.

Contrôles axés sur les importations

Le recouvrement des recettes est la priorité de la plupart des administrations participantes. Aussi l’accent est-il davantage mis sur le contrôle des importations, réduisant d’autant l’affectation de ressources au contrôle des exportations. Cette réalité pose un sérieux problème puisque les pays concernés par le projet font partie de l’aire de répartition des espèces sauvages dont le commerce est réglementé ou interdit, et que les transactions illégales sont dès lors réalisées au niveau des exportations et du transit.

Activités mises en œuvre

Le tableau dressé jusqu’à présent, établi à parti des évaluations réalisées par chacun des pays participants, semble plutôt sombre. Néanmoins, le retour d’information positif reçu de la part des 120 douaniers qui ont été formés dans le cadre du projet permet d’espérer que des progrès cruciaux pourront être accomplis dans un avenir proche.

À ce jour, 11 formations et ateliers ont été organisés aux échelons régional et sous-régional :

  • un atelier sur les livraisons contrôlées ;
  • deux formations de base sur le renseignement ;
  • deux formations avancées sur le renseignement ;
  • deux ateliers visant à élaborer et à appliquer « l’outil d’évaluation institutionnelle sur la mise en application de la Convention CITES » ;
  • une formation sur la coopération et la coordination transfrontalières ;
  • deux formations axées sur les enquêtes ;
  • une formation sur la planification des opérations de lutte contre la fraude.

Un soutien a par ailleurs été apporté à l’échelon national. L’Ouganda a reçu une assistance technique en matière de traitement des preuves et des produits saisis. Des experts de l’OMD ont apporté cette assistance dans le cadre du projet COPES, projet visant au renforcement des méthodes de travail utilisées pour combattre la fraude, de la recherche d’une infraction à l’entreposage des actifs saisis en passant par la phase de constatation, de collecte et de préservation de la preuve.

Le Malawi et la Zambie ont, quant à eux, reçu un soutien dans le renforcement de leurs activités de renseignement. Enfin, un échange de personnel a eu lieu entre les douanes chinoises et kenyanes ainsi qu’entre les douanes chinoises et sud-africaines afin de dynamiser la coopération entre douaniers et de faciliter, à l’avenir, les opérations de livraisons contrôlées.

Premiers résultats

Le projet fait référence à plusieurs indicateurs de performance, à savoir :

  • l’augmentation du nombre de saisies de produits d’espèces sauvages faisant l’objet d’un commerce illégal ;
  • l’augmentation du nombre des affaires criminelles concernant les espèces sauvages à être portées devant la justice grâce aux efforts des douaniers ;
  • la réalisation d’une auto-évaluation par au moins quinze administrations participantes ;
  • l’augmentation de la quantité d’informations partagées avec d’autres administrations via la plateforme de communication de l’OMD (CENcomm) en ce qui concerne les produits d’espèces sauvages faisant l’objet d’un commerce illégal ;
  • l’élaboration d’un plan de travail par au moins trois des 25 administrations participantes en 2017 sur la façon de créer une cellule de renseignement.

À ce jour, 13 administrations douanières ont achevé leur auto-évaluation et deux ont établi un cadre de travail en matière de renseignement ainsi qu’un plan de travail visant à renforcer leurs activités en la matière.

Certains douaniers ont également commencé à partager des informations sur les saisies ayant lieu dans leurs pays, comme le Burkina Faso qui a rapporté la saisie par l’unité douanière mobile de 26 paires de défenses d’éléphant découvertes dans un bus qui se rendait en Côte d’Ivoire en janvier 2017.

Certains des indicateurs de performance ne pourront être mesurés qu’en fin de projet. Il faudra en outre davantage de temps pour obtenir quelques-uns des résultats attendus, qui risquent de n’être réalisés qu’après la fin du projet.

Comme dans bien des projets de renforcement des capacités, la principale difficulté à surmonter consiste à veiller à la pérennité des résultats obtenus et à venir.

En savoir +
capacitybuilding@wcoomd.org

INAMA en un coup d'œil

 

Objectif
S’attaquer au commerce illégal d’espèces menacées en améliorant la capacité des douaniers à faire appliquer les réglementations de la CITES.

 

Durée: 5 ans (2014-2019)

 

Résultats attendus

  • Les administrations douanières :
    • disposent d’une plus grande capacité à analyser leurs besoins en matière de lutte contre la fraude et à mesurer leur performance en termes de respect des réglementations de la CITES ;
    • mettent en œuvre de nouveaux outils et structures permettant aux douaniers de mieux faire appliquer les réglementations de la CITES.

 

  • Les douaniers formés :
    • disposent d’une meilleure connaissance et compréhension des réglementations de la CITES et de la manière de les faire appliquer, notamment dans le cadre d’opérations et de contrôles;
    • ont acquis une plus grande capacité à recueillir, traiter et diffuser les éléments de renseignement.

 

25 pays participants*
Angola, Bénin, Botswana, Burkina Faso, République Centrafricaine, Cameroun, Congo (République du), Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Gabon, Gambie, Ghana, Kenya, Malawi, Madagascar, Mozambique, Namibie, Nigéria, Rwanda, Afrique du Sud, Tanzanie, Togo, Ouganda, Zambie et Zimbabwe.

*Les pays d’Asie participeront à des activités spécifiques et d’autres pays d’Afrique devraient s’y associer

 

Partenaires financiers
La Suède, le Département d’État des États-Unis, l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) et le Secrétariat de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).