Focus

Protection de la couche d’ozone et atténuation du changement climatique : le rôle de la douane

20 février 2017
Par Ezra Clark, OzonAction, Division Économie, ONU Environnement

Le « Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone » a eu droit à une couverture médiatique assez importante ces derniers temps, ce qui est très inhabituel pour une convention assez peu connue. Mais comment ce traité décisif sur l’environnement, que certains considèrent comme l’accord international le plus réussi jusqu’à présent, a-t-il permis de stopper réellement la destruction de la couche d’ozone et de contribuer massivement à lutter contre le changement climatique ? Grâce au dévouement et à la vigilance des fonctionnaires des douanes, voilà comment.

La couche d’ozone stratosphérique est une mince couche de l’atmosphère qui protège la vie terrestre contre les rayonnements ultraviolets nocifs émis par le Soleil. Le Protocole de Montréal a pour objectif de protéger la santé humaine et l’environnement en mettant fin progressivement  à la production et à la consommation de près de 100 produits chimiques industriels appelés « substances appauvrissant la couche d’ozone » (SAO) : chlorofluorocarbones (CFC), hydrochlorofluorocarbones (HCFC), halons, bromure de méthyle, tétrachlorure de carbone et méthyle chloroforme.

Au titre du protocole, les pays en développement et les pays industrialisés se voient assigner des responsabilités comparables, mais néanmoins différenciées. Les deux groupes de pays prennent des engagements contraignants qui sont ciblés dans le temps et qui sont mesurables. Le Protocole de Montréal a été ratifié par 197 Parties. C’est le premier traité universellement ratifié dans l’histoire des Nations-unies. Ce protocole a réussi à éliminer progressivement plus de 98% des SAO, si bien que la couche d’ozone devrait retrouver d’ici environ 2060 son niveau dit d’avant appauvrissement. De plus, en visant à éliminer de nombreuses SAO qui sont aussi des gaz puissants et responsables du réchauffement de la planète, le Protocole de Montréal a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’une quantité équivalente à environ 11 gigatonnes (11 000 milliards de tonnes) de dioxyde de carbone par an, une contribution astronomique à la protection du climat de la planète.

© IISD/Kiara Worth – En octobre 2016, les Parties au Protocole de Montréal ont adopté une réduction historique de la production et de la consommation de HFC, gaz puissants à l’origine du changement climatique.

La garantie du succès

Tous ceux qui connaissent bien le Protocole de Montréal et qui examinent le travail effectué par les fonctionnaires des douanes en liaison avec cette convention en viennent immédiatement à la même conclusion : la douane joue un rôle capital dans la détection et la prévention du commerce illégal de SAO. La contrebande de CFC, de HCFC et d’autres SAO a, dès le départ, représenté un problème majeur, et  il est vite apparu, notamment à la lecture des médias, que les fonctionnaires des douanes procédaient régulièrement à des saisies massives de ces produits. On estime qu’au début des années 2000, le commerce illégal de SAO représentait environ 10 à 20% du commerce légitime et qu’il se chiffrait entre 25 et 60 millions de dollars US par an [http://ozone.unep.org/Meeting_Documents/mop/18mop/ODS-Tracking-September-2006-1.pdf].

La lutte contre le commerce illégal est certes importante, mais, en se concentrant uniquement sur cet aspect de la fonction douanière, on risquerait de négliger le travail sans doute plus important encore, bien que peut-être moins visible, de la douane : le suivi et le recueil quotidiens de données commerciales permettant de déterminer si un pays respecte ses engagements aux termes du Protocole de Montréal. Si le Protocole porte sur la production et la consommation de SAO, cette consommation en réalité n’est pas mesurée in situ. Elle est calculée d’après les chiffres des pays sur l’importation, l’exportation, la production et la destruction de SAO.

Il est évident que, pour rendre compte exactement et rapidement de la situation, il est essentiel de disposer de données d’importation et d’exportation précises et détaillées. C’est là le domaine de la douane. En travaillant étroitement avec l’autorité nationale désignée, la douane doit également veiller à ce que les importations et exportations de SAO ne soient permises que si elles respectent le système national de licence de SAO et les quotas établis pour chaque substance spécifique contrôlée. Pour garantir le respect du Protocole de Montréal, il est nécessaire d’une part de disposer des données annuelles au bon moment et d’autre part de s’assurer que les importations et exportations du pays respectent les calendriers convenus pour l’élimination des SAO. Et sans fonctionnaires des douanes dévoués à leur tâche, ces deux exigences ne pourraient pas être remplies.

Soutien

OzonAction, branche d’ONU Environnement, aide les pays en développement et les pays à économie de transition à se conformer au Protocole de Montréal et ce de manière durable. OzonAction a notamment pour priorité de renforcer les capacités des fonctionnaires des douanes et des autres services répressifs et de les assister dans leur travail. Pour ce faire, OzonAction a développé une configuration dynamique de 10 réseaux régionaux regroupant 147 pays en développement. Ces réseaux sont soutenus par des bureaux régionaux où le personnel est quotidiennement en contact étroit avec les pays.

Les 10 réseaux régionaux permettent aux fonctionnaires nationaux chargés de la mise en œuvre du Protocole d’échanger leurs expériences, d’acquérir des compétences et de partager leur savoir et leurs idées avec des collègues venant à la fois de pays en développement et de pays développés. Ils sont également, pour les fonctionnaires des douanes et les agents d’autres services répressifs, un moyen de se former et de renforcer leurs capacités. Ces réseaux sont la pièce maîtresse sur laquelle repose la réussite du Protocole de Montréal.

Réduction des HFC

Après plus de sept années de négociations intensives et parfois difficiles, les Parties au Protocole de Montréal ont pris une décision historique en octobre dernier à Kigali, Rwanda, en décidant de réduire la production et la consommation d’hydrofluorocarbones (HFC). Pour saisir l’ampleur de cette décision, il faut comprendre qu’il s’agit ici de réglementer l’utilisation d’un groupe de produits chimiques n’appauvrissant pas la couche d’ozone.

L’Accord de Kigali, ou plus formellement l’amendement de Kigali au protocole de Montréal, exigera que tous les pays, développés et en développement, réduisent les HFC selon différents calendriers. Ces produits chimiques sont généralement utilisés à la place des SAO. Même s’ils n’appauvrissent pas eux-mêmes la couche d’ozone, ce sont des gaz à effet de serre qui ont un potentiel de réchauffement global (PRG) élevé voire très élevé : entre 121 et 14 800 fois supérieur au dioxyde de carbone pour ce qui est de leur effet sur le changement climatique. On estime que ce nouvel accord permettra aux nations d’éviter un réchauffement de la planète à hauteur de 0,5° d’ici 2100, objectif qui s’inscrit dans le cadre du Protocole de Montréal.

Toutefois, pour atteindre cet objectif, tout reste à faire. Une fois de plus, les fonctionnaires des douanes seront appelés à jouer un rôle indispensable. Il faudra bientôt surveiller et contrôler le commerce de HFC car leurs importations et exportations seront réglementées et soumises à des quotas. Il conviendra d’identifier et de distinguer les HFC d’autres produits chimiques et équivalents. Les HFC n’ont pas de code spécifique dans l’édition du Système harmonisé (SH) de 2017 mais ils devraient figurer dans l’édition de 2022. Cela posera probablement des difficultés étant donné que l’établissement de systèmes de licence pour les HFC deviendra obligatoire d’ici 2019, même si les pays en développement bénéficient d’un délai supplémentaire de quelques années.

© Ezra Clark – Les importations et les exportations de substances appauvrissant la couche d’ozone sont déjà contrôlées aux termes du Protocole de Montréal. Les HFC tels que le R-410a (bouteille rose) feront bientôt l’objet de contrôles commerciaux suite à l’amendement de Kigali.
© Ezra Clark – Depuis de nombreuses années, dans le cadre du programme OzonAction, ONU Environnement dispense des formations et conduit des activités de renforcement des capacités sur la mise en œuvre du Protocole de Montréal pour les fonctionnaires des douanes, notamment une formation sur l’utilisation d’identifiants de substances appauvrissant la couche d’ozone.

Poursuite de la coopération

Depuis de nombreuses années, OzonAction et l’OMD travaillent ensemble au développement et au déploiement de supports d’information et d’outils de formation. Des modules d’e-learning sont notamment disponibles sur la plateforme CLiKC! de l’OMD. En outre, les deux organismes conduisent ensemble des opérations de lutte contre la fraude et des exercices d’échange de renseignements visant tout particulièrement le commerce illégal de SAO. Ceci leur a permis de consolider leurs liens, coopération qui a engendré des répercussions positives au niveau national.

OzonAction a aujourd’hui des projets en cours dans une centaine de pays en développement. Si les fonctionnaires des douanes et les agents des services chargés de faire respecter la loi à la frontière sont bien informés sur les nouveaux produits chimiques à contrôler et demeurent vigilants, nous sommes convaincus à ONU Environnement que le Protocole de Montréal continuera à porter ses fruits. La coopération entre OzonAction et l’OMD sera, ici encore et plus que jamais, pertinente.

 

En savoir +
www.unep.org/ozonaction