Garantir la mise en œuvre effective des divers accords environnementaux ou comment contribuer à un avenir durable
25 février 2020
Par Roux Raath, Programme de l’OMD sur l’environnementLe thème sur lequel la communauté douanière internationale est invitée à travailler durant l’année 2020 est « La durabilité au cœur de l’action douanière pour les personnes, la prospérité et la planète ». Commençons par un premier constat qui incite à la réflexion : le PIB mondial est estimé à 66,9 milliards de dollars des États-Unis mais la valeur monétaire de la nature, ou, en d’autres termes, la contribution économique du monde naturel s’élève à 145,1 milliards de dollars.[1] La terre et ses ressources sont limitées et il devient de plus en plus difficile de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à subvenir à leurs propres besoins »[2], alors que ce principe est la pierre angulaire de la durabilité.
Objectifs de développement durable
Les chefs d’État et de gouvernement du monde entier se sont engagés pour la première fois à atteindre l’objectif du développement durable lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, en 1992. En 2000, 189 États ont signé une déclaration en vue de réaliser huit objectifs du Millénaire pour le développement, la date-butoir ayant été fixée en 2015, sans que lesdits objectifs aient pour autant été atteints. En conséquence, une nouvelle mobilisation était nécessaire pour jeter les bases d’un avenir plus sûr afin de répondre aux défis environnementaux et de développement d’ici à 2030. C’est ainsi que l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté 17 Objectifs de développement durable[3] (ODD) et, aujourd’hui, en 2020, le monde n’a plus que 10 ans pour les atteindre.
Les 17 ODD se centrent sur des défis distincts mais qui sont tous corrélés. Ils visent à : éliminer la pauvreté ; éliminer la faim ; permettre de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être ; assurer l’accès à une éducation de qualité ; parvenir à l’égalité des sexes ; garantir l’accès à l’eau et à l’assainissement ; garantir l’accès à une énergie propre et à un coût abordable ; promouvoir la croissance économique et le travail décent ; bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable et encourager l’innovation ; réduire les inégalités ; faire en sorte que les villes et les établissements humains soient durables ; établir des modes de consommation et de production durables ; prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques ; conserver les océans, les mers et les ressources marines ; préserver les écosystèmes terrestres ; assurer l’accès à la justice et mettre en place des institutions efficaces ; enfin, renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial (pour le développement durable).
Durabilité environnementale
La durabilité environnementale est au cœur de la plupart des ODD et l’ONU estime qu’elle est un facteur-clé pour atteindre les ODD à l’horizon 2030. L’Organisation promeut d’ailleurs l’intégration des principes et des pratiques de développement durable dans les politiques et les programmes des pays.[4]
Malheureusement, les menaces pesant sur l’environnement n’ont cessé de s’accroître et sont à présent considérées comme mettant en péril l’avenir de l’humanité. Les définitions sur ce qui constitue une menace pour l’environnement peuvent varier, mais la plupart d’entre elles ont été déclenchées par l’intervention anthropogénique ou humaine. Font à présent partie du langage de tous les jours des notions telles que « l’empreinte carbone », « le changement climatique », « le réchauffement climatique », « la déforestation », « la perte de la biodiversité », « la fonte de la calotte glaciaire » et « la montée du niveau des mers ».[5]
Selon Børge Brende, président du Forum économique mondial, « les risques pour l’environnement continuent d’apparaître au-devant de la scène dans l’Enquête annuelle sur la perception des risques mondiaux (GRPS) ». En 2019, sur les cinq risques mondiaux majeurs en termes de probabilité, trois étaient liés à l’environnement. Ils étaient au nombre de quatre sur les cinq risques mondiaux les plus graves en termes d’impact.[6]
Les risques environnementaux sont ainsi pressants, graves et en augmentation[7]. Pour les contrer, des politiques et des solutions opérationnelles doivent être mises au point et constamment affinées pour catalyser le changement, et leur application doit être impérativement garantie.
Plusieurs facteurs ont clairement changé la face du monde, parmi lesquels l’explosion démographique, le développement économique, le concept de « Ville-Monde » (c’est-à-dire l’urbanisation), la demande en combustibles et en énergie, un appétit croissant pour les ressources et les produits, la demande en ressources hydriques et le consumérisme.[8]
- Depuis 1950, la population mondiale a pratiquement triplé pour atteindre 7,4 milliards d’habitants en 2016.
- L’économie mondiale a décuplé depuis 1950.
- Plus de la moitié de la population mondiale vit à présent dans les villes et les centres urbains.
- La consommation d’énergie s’est multipliée par cinq depuis 1950.
- La consommation d’eau fraîche s’est également multipliée par cinq.
- La consommation de ressources naturelles a décuplé.
- L’atmosphère enregistre une concentration record des gaz à effet de serre.
- La pêche de poissons est aujourd’hui quatre fois supérieure par rapport au passé.
- L’extinction de masse des animaux et des plantes est en train de s’accélérer.[9]
Œuvrer en faveur de la durabilité environnementale
Plusieurs traités établissant des objectifs environnementaux et sociaux ont été adoptés au niveau international mais si des progrès ont été constatés au niveau social, il y a eu peu d’avancées sur le plan écologique.[10] L’avenir sera façonné par divers facteurs, tels que le changement des comportements, et également et surtout par la mise en œuvre effective des divers traités, accords et autres arrangements portant sur l’environnement. Si certains fournissent des orientations assez générales, tels que les ODD de l’ONU et l’Accord de Paris sur le changement climatique, d’autres, appelés accords environnementaux multilatéraux (AEM)[11], établissent des règles et procédures sur un thème spécifique. Il existe actuellement huit AEM :
- la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination ;
- le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique ;
- la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (CAC) ;
- la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) ;
- le Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone;
- la Convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l’objet d’un commerce international ;
- la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
Rôle de la douane
La mise en œuvre effective des AEM exige que les agences chargées de l’application de la loi connaissent les dispositions des accords et les procédures qu’ils établissent, et aient la capacité légale et technique pour veiller à leur application. Les administrations douanières, jouissant d’un mandat et d’une position uniques aux frontières, ou à tout autre point de passage obligé dans la chaîne logistique, jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre des règlementations environnementales.
Pour comprendre les dispositions des accords internationaux, les procédures qu’ils imposent et les documents qu’ils exigent, la douane dispose d’un véritable arsenal d’outils de formation, mis au point par l’OMD et ses partenaires internationaux, parmi lesquels figurent les divers Secrétariats des AEM mentionnés plus haut. Les organisations non gouvernementales, telles que l’Environmental Investigation Agency, entreprennent également des enquêtes et publient du renseignement et des analyses qui viennent directement sous-tendre les activités de lutte contre la fraude des pouvoirs publics.
Outre qu’elles doivent disposer d’une connaissance approfondie des AEM, les administrations des douanes doivent également veiller à utiliser les méthodes et les techniques de gestion des risques et tirer parti des réseaux d’échange d’informations et de renseignement qui sont en place au niveau national, régional et mondial et à travers lesquels les données relatives aux risques et le renseignement sont disséminés. Il est par ailleurs essentiel qu’elles contribuent à ces réseaux en faisant rapport des données sur les saisies et en envoyant des alertes. Une analyse sommaire de la base de données du Réseau douanier de lutte contre la fraude (CEN) de l’OMD montre qu’il existe un écart entre les saisies effectuées et les saisies rapportées par les Membres de l’OMD.
Enfin, les administrations douanières devraient aussi participer activement aux opérations de lutte contre la fraude organisées par l’OMD et ses partenaires. Ces opérations fournissent aux douanes une occasion unique d’évaluer leurs capacités en matière de lutte contre la fraude et la solidité de leurs mécanismes de coopération qui doivent être en place entre les agences chargées de l’environnement, les services répressifs et tous les autres partenaires. Ces opérations ont permis de tirer de grands enseignements, comme le besoin de procéder, avant l’opération, à une évaluation des risques, de renforcer la coordination douane-police et d’assurer que des données adéquates et de qualité concernant les saisies soient transmises à l’OMD.
L’opération PRAESIDIO, centrée sur la faune et la flore sauvages et menée dans le cadre du Projet INAMA, a rassemblé 41 pays dans le monde et a abouti à 267 saisies et à 125 arrestations.
L’opération THUNDERBALL, conjointement menée par l’OMD et INTERPOL, a compté sur la participation de 109 pays qui se sont mobilisés pour lutter contre le commerce illicite des espèces sauvages, notamment de la flore. L’opération a débouché sur 1 828 saisies et sur l’arrestation de près de 600 suspects.
L’opération DEMETER V, qui a bénéficié du soutien étroit de la Douane chinoise et du Bureau régional de liaison chargé du renseignement de l’OMD pour la région d’Asie-Pacifique (AP), s’est focalisée sur le contrôle des envois transfrontaliers de déchets, un accent particulier ayant été mis sur les déchets de matières plastiques ainsi que sur les substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Les efforts des participants ont permis d’effectuer 201 saisies de déchets, pour un total de 4 584 733 kg, et 27 saisies portant sur des produits appauvrissant la couche d’ozone, pour un total de 8 034 kg.
L’opération SESHA III, organisée avec le soutien de la Douane indienne, s’est centrée sur le commerce illégal de bois et, plus particulièrement, de santal rouge.
Conclusion
Il est impératif que les administrations douanières prennent non seulement acte de l’importance des risques et des délits environnementaux et y répondent mais qu’elles s’assurent aussi que ces délits soient dûment pris en compte au niveau stratégique et politique et reçoivent l’attention qu’ils méritent au niveau opérationnel. Puisque la durabilité est le maître-mot pour l’année 2020, les douanes sont appelées à se pencher sur la manière dont elles peuvent renforcer la mise en œuvre des réglementations environnementales et soutenir, par la même occasion, les activités du Secrétariat de l’OMD en participant, par exemple, aux opérations DEMETER sur les déchets et substances qui appauvrissent la couche d’ozone, ou aux opérations de la série THUNDER organisées avec INTERPOL et portant sur le trafic illicite des espèces sauvages.
En savoir +
enforcement@wcoomd.org
[1] Juniper, T., 2016, What’s Really Happening to our world, Dorling Kindersley Limited, London
[2] Investopia, n.d., Sustainability, https://www.investopedia.com/terms/s/sustainability.asp
[3] Juniper (2016: 192). « Les objectifs de développement durable sont le modèle de référence pour arriver à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Ils portent sur les défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux relatifs à la pauvreté, à l’inégalité, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité et à la paix et à la justice. Les objectifs sont reliés et afin que personne ne soit laissé pour compte, il est important que nous atteignions chaque objectif et chaque cible d’ici à 2030 ».
[4] Les dirigeants du monde entier ont adopté dix-sept Objectifs de développement durable afin d’atteindre certains buts ou de réaliser « plusieurs choses extraordinaires », d’ici à 2030, comme mettre fin à la pauvreté, promouvoir la prospérité et le bien-être pour tous et protéger la planète. Les Objectifs de développement durable sont des principes directeurs pour atteindre ces buts. Fondation pour les Nations Unies (traduction non officielle), 2013.
[5] Kinhal, V 2018, ‘Seven Biggest Environmental Threats’, Green Living, https://greenliving.lovetoknow.com/Seven_Biggest_Environmental_Threats. Voir aussi Zimmer, L 2018, ‘7 biggest threats to the environment – why we still need Earth Day’, inhabitat, https://inhabitat.com/7-biggest-threats-to-the-environment-why-we-still-need-earth-day
[6] World Economic Forum 2019, The Global Risks Report 2019 – 14th Edition, viewed 9 December 2019, http://www3.weforum.org/docs/WEF_Global_Risks_Report_2019
[7] World Economic Forum 2018, The Global Risks Report 2018 – 13th Edition, viewed 18 September 2018, http://www3.weforum.org/docs/WEF_GRR18_Report.pdf
[8] Juniper (2016: 5).
[9] Juniper (2016: 10-13).
[10] Programme des Nations unies pour l’environnement, 2018, p. 188
[11] Les AEM sont des traités conclus entre plusieurs États et dans certains cas, des organisations d’intégration économique régionales telles que l’Union européenne, qui s’engagent à poursuivre des objectifs spécifiques visant à protéger l’environnement et à préserver les ressources naturelles. La communauté internationale élabore un nouvel AEM pour répondreaux préoccupations mondiales concernant les graves effets, réels ou potentiels, que peuvent avoir les activités humaines sur l’environnement fragile de la terre et le besoin de s’y attaquer à travers des efforts concertés au niveau mondial, afin de garantir un avenir sûr aux générations futures. Ibid, p. 1.