L’un des chapitres du livre blanc sur l’innovation[1] publié récemment par l’Association internationale des ports (International Association of Ports and Harbours – IAPH) pose le constat que l’innovation aux ports n’est pas uniquement une question de technologies. Dans ce chapitre, intitulé « Innovation in ports – not only about technology », l’IAPH fait valoir que l’innovation dépend aussi de l’efficacité des processus, notamment de la façon dont les données sont transmises entre les parties prenantes et dont elles sont utilisées. Aujourd’hui, grâce à l’Internet des objets (IdO), les conteneurs de marchandises eux-mêmes peuvent générer un flux de données qui peuvent être partagées avec de nombreuses autres parties prenantes, améliorant ainsi la qualité du transport et la performance logistique en permettant à ces parties de collaborer.

Les conteneurs intelligents sont des conteneurs maritimes ISO équipés de technologies d’IdO et d’une vaste gamme de capteurs et d’appareils qui peuvent détecter l’ouverture des portes ou les chocs, transmettre des coordonnées de localisation GPS précises et des données de position, mesurer la température, la pression, l’humidité et la luminosité, déterminer la présence de gaz, composés organiques volatils et bien plus encore.

Les données collectées par les capteurs des conteneurs intelligents sont envoyées à une plateforme centrale de surveillance, baptisée « tour de contrôle du conteneur intelligent », qui offre une vision globale du conteneur et de son contenu en utilisant des sources d’informations complémentaires comme les données AIS (Automatic Identification System), ainsi que les données des transitaires et d’autres partenaires du transport.

Tout conteneur normal en acier peut être transformé en un conteneur intelligent : il suffit d’y installer les dispositifs et capteurs appropriés. À la fin du contrat avec le prestataire de services d’IdO, ces appareils sont tout simplement désinstallés. Il existe aussi des conteneurs qui incorporent, dans leur dessin d’origine, des dispositifs d’IdO, ces derniers étant encastrés durant le processus de fabrication. Dans certains cas, ces conteneurs intelligents sont la propriété du prestataire de services qui propose alors une location, ensemble avec un service de surveillance.

En avril 2022, l’armateur allemand Hapag-Lloyd annonçait qu’il avait entièrement numérisé sa flotte de trois millions de conteneurs EVP. Il avait d’abord introduit la nouvelle technologie en 2019 sur les conteneurs réfrigérés, et avait depuis continué à installer régulièrement des dispositifs d’IdO sur ses autres conteneurs commerciaux.[2] En 2023, la compagnie japonaise de transport maritime par conteneurs Ocean Network Express a décidé d’en faire autant.[3] Drewry, un cabinet de conseil maritime indépendant, a d’ailleurs revu à la hausse une ancienne estimation qui prévoyait que les conteneurs intelligents seraient au nombre de 8,7 millions d’ici 2026 ; il considère aujourd’hui que, d’ici 2027, près d’un tiers de tous les conteneurs seront équipés de systèmes télématiques.[4]

Les conteneurs intelligents sont principalement utilisés par les transporteurs qui ont besoin d’appliquer des mesures de sécurité spéciales pour leurs marchandises (qui peuvent être des produits de haute valeur, des produits sensibles à tout changement intervenant dans leur environnement, etc.) et d’avoir une pleine visibilité de leur intégrité. Les transporteurs ont ainsi accès à des données générées par les appareils à travers une plateforme de surveillance centrale et ils pourraient décider de donner accès à certaines de ces informations à d’autres parties, notamment aux administrations des douanes, en leur permettant de se connecter à la plateforme ou d’extraire des renseignements pour les renvoyer vers leur propre système informatique, par le biais d’une API (interface de programmation d’application).

Le partage des données générées par les conteneurs intelligents avec les douanes peut enrichir les renseignements que ces dernières recueillent et analysent. Deux événements présentent un intérêt particulier pour les administrations douanières : l’ouverture non autorisée des portes et toute déviation par rapport à l’itinéraire prévu, lorsque le conteneur traverse les barrières géographiques préalablement définies grâce à la technologie de géorepérage. Des « géo-barrières » (ou barrières virtuelles) sont en effet créées en définissant des frontières virtuelles autour d’une position géographique et en développant des algorithmes pour détecter toute traversée des barrières en cause et pour calculer le temps moyen nécessaire pour qu’un conteneur aille du point A au point B. Grâce au géorepérage et aux dispositifs d’IdO connectés par des antennes de GNSS et par itinérance (roaming) GSM à l’échelon mondial, le conteneur peut signaler immédiatement les écarts par rapport aux trajets prévus, ou encore les retards enregistrés, ajoutant par ce biais un « indice » de risque à ce même conteneur.

Les données suivantes peuvent être transmises lorsqu’un de ces événements se produit :

• le numéro BIC du conteneur,
• l’état de la porte – ouverte/fermée,
• la position géographique (latitude/longitude),
• l’horodatage,
• la modalité de transport (camion, train, à vide, en mouvement, etc.)
• d’autres informations si nécessaire.

L’un des principaux avantages qu’offrent les conteneurs intelligents aux transporteurs maritimes est l’amélioration des fonctionnalités proposées par certains types de scellés électroniques. Les capteurs peuvent détecter l’ouverture du conteneur non seulement à travers les portes mais aussi par tout autre côté. Les informations relatives à l’ouverture non autorisée des portes, à la géolocalisation, à l’horodatage et tout renseignement complémentaire fourni par les capteurs pourraient être exploités par le système de gestion des risques d’un pays d’importation, de transit ou de transbordement, ce qui peut changer radicalement le travail des douanes.

Les conteneurs intelligents offrent de nombreux autres avantages en comparaison avec les scellés électroniques :

• Les conteneurs incorporant du matériel d’IdO dans leur conception d’origine n’exigent pas que l’on entrepose, envoie, reçoive ou renvoie les appareils d’IdO et ces derniers ne doivent pas être démontés pour être chargés puisqu’ils peuvent être alimentés par des panneaux solaires placés à l’extérieur des conteneurs ou encore par le biais d’une connexion électrique dans le cas des conteneurs réfrigérés ;
• La gestion de données, le transfert de données, la surveillance et même le scellement virtuel se font au même endroit, à savoir la tour de contrôle du conteneur intelligent ;
• Le coût opérationnel est faible et est inclus dans le prix payé par le transporteur ;
• La douane n’encourt aucune dépense puisque le transporteur maritime couvre les frais de service.

Pour comprendre comment les données générées par les conteneurs intelligents pourraient être mises à profit pour le travail des douanes, il est indispensable que les administrations douanières et les développeurs de conteneurs intelligents mènent des expériences pilotes.

Ces essais devraient notamment couvrir les éléments suivants :

1. Les éléments de données que le conteneur intelligent devra transmettre à l’administration douanière.
2. La méthode de communication via laquelle les données du conteneur intelligent seront transmises à l’administration douanière.
3. Les intervalles de temps durant lesquels les données du conteneur intelligent seront transmises à l’administration douanière.

En savoir +
info@aeler.com
https://www.aeler.com/

[1] https://sustainableworldports.org/wp-content/uploads/IAPH-The-mindset-shift-towards-Innovation-White-Paper.pdf

[2] https://www.hapag-lloyd.com/en/company/press/releases/2022/04/hapag-lloyd-first-mover-in-equipping-all-containers-with-real-ti.html

[3] https://www.one-line.com/en/news/one-announces-project-sony-network-communications-europe-create-smart-container-solution

[4] https://theloadstar.com/use-of-smart-containers-speeds-up-as-more-ocean-carriers-get-onboard/