Dossier: Focus sur l'environnement portuaire

Partenariat et coopération douane-autorités portuaires à Abou Dabi

17 octobre 2023
Par Khalid Hasan Ali Al Marzooqi et Brahim Tchina, Administration des douanes d’Abou Dabi and Yousef Al Riyami, directeur de la technologie, Maqta Gateway

Abou Dabi, capitale des Émirats arabes unis (EAU), a été l’une des premières villes du Proche et  Moyen-Orient à s’être engagée sur la voie de la numérisation des opérations commerciales et elle a fortement avancé dans ce domaine. Pour y arriver, elle a eu besoin d’établir un solide partenariat avec les principales parties prenantes du secteur privé et du secteur public, notamment avec la Douane aboudabienne, AD Ports Group[1] et le Département du développement économique d’Abou Dabi (ADDED de son acronyme anglais).

En 2019, l’ADDED a mis sur pied le Comité de développement du secteur de la logistique d’Abou Dabi.[2] Sous sa tutelle, la Douane d’Abou Dabi et AD Ports Group discutent des changements futurs, partagent des idées et des positions, obtiennent des informations précieuses qui leur permettent d’élargir leurs horizons, passent en revue les progrès réalisés et s’engagent dans des séances de remue-méninges (voir Diagramme n°1).

Les deux entités partagent le même objectif : réduire le temps nécessaire pour mener à terme les transactions commerciales ainsi que les coûts qui y sont associés, en utilisant des technologies de pointe et des méthodes de travail intelligentes. Elles travaillent en étroite collaboration pour répondre aux attentes des entreprises et s’assurer que les règlementations, les politiques et les programmes répondent bien aux changements qui interviennent dans l’environnement commercial.

Ce partenariat dynamique est le moteur de plusieurs initiatives, qui sont présentées plus en détail dans le présent article : l’Advanced Trade and Logistics Platform, l’appli BorderMeter, la retransmission en direct des processus d’inspections au port de Khalifa, la solution de laissez-passer Smart Gate au port de Khalifa et l’initiative des Corridors virtuels.

L’Advanced Trade and Logistics Platform

En 2014, le gouvernement a choisi AD Ports Group – promoteur en chef, exploitant et gestionnaire des ports commerciaux et communautaires dans l’émirat d’Abou Dabi – pour construire ce qui allait devenir le premier système communautaire portuaire de guichet unique des EAU : Maqta PCS (M‑PCS). Le but de M‑PCS était de faire en sorte qu’il devienne le point de convergence entre toutes les entités impliquées dans les processus. Il permet, entre autres, à Abu Dhabi Ports de recueillir les informations (comme celles figurant dans le manifeste) auprès des parties prenantes concernées et de recevoir et partager les renseignements émanant de la Douane d’Abou Dabi sur la mainlevée des envois, une fois les démarches douanières achevées. Un autre système, le MAMAR, a été développé parallèlement au M‑PCS, pour envoyer et recevoir les déclarations en douane.

Le lancement de la plateforme a eu des effets importants sur les opérations portuaires et côtières. La numérisation des documents principaux et l’intégration des multiples systèmes utilisés par chaque partie à une transaction ont contribué à réduire considérablement le temps nécessaire pour les processus régissant le mouvement des navires et du fret aux ports (qui étaient très bureaucratiques, manuels et souvent imprécis), ainsi que pour le paiement des services portuaires. De plus, la numérisation des services portuaires s’est centrée sur la refonte des processus commerciaux, éliminant en grande partie la charge administrative.

En 2016, peu après le lancement réussi du système, AD Ports Group a créé une filiale, Maqta Gateway, qui s’occupe de promouvoir l’utilisation de solutions numériques en vue de faciliter les échanges commerciaux. En 2020, la filiale a été mandatée par le Conseil exécutif d’Abu Dabi  pour élargir le champ d’application de M-PCS et créer l’Advanced Trade and Logistics Platform (ATLP).

La plateforme est un pôle numérique qui intègre le guichet unique d’Abou Dabi pour le commerce et embarque tous les processus de TI aux fins de l’inspection et du dédouanement des marchandises. Le catalogue des services pour les inspections et le dédouanement se divise en sept catégories couvrant le dédouanement, le dédouanement aux entrepôts douaniers, le dédouanement en zone franche, la délivrance de licences pour les entrepôts sous douane, les services financiers, la protection des marques de propriété intellectuelle et des agences commerciales, l’enregistrement et la délivrance de permis.

Au total, la plateforme inclut plus de 800 services informatiques mis au point par 70 entités publiques et privées, ce qui offre aux opérateurs commerciaux un écosystème informatique unique englobant tout ce dont ils ont besoin au niveau des démarches administratives. Depuis son lancement en 2020, l’ATLP a traité plus de 100 millions de transactions. Toutes les opérations maritimes transfrontalières sont gérées à travers la plateforme et les taux d’adoption continuent d’augmenter pour le commerce par voies aérienne et terrestre et à travers les zones franches.

L’ATLP devrait permettre une hausse des exportations à hauteur de 142 milliards de dirhams émiriens (AED) (36 milliards d’euros), et des importations à hauteur de 111 milliards AED (28 milliards d’euros), soit un apport de 127 milliards AED au PIB d’Abou Dabi d’ici 2030.

AD Ports Group et la Douane aboudabienne envisagent également d’utiliser l’ATLP pour développer le programme d’OEA en y ajoutant d’autres avantages pour les opérateurs. La Douane utiliserait la plateforme pour partager des informations sur les OEA avec d’autres agences réglementaires, leur permettant de prendre en compte le statut d’OEA lors des procédures d’octroi de licences, permis, certificats et accréditations, et de leur offrir des avantages.

© Abu Dhabi Customs
© Douane d’Abou Dabi

L’appli BorderMeter pour une mesure en temps réel de la durée de la mainlevée des marchandises

En 2022, l’AD Ports Group et la Douane ont collaboré pour mettre au point une application sur le temps nécessaire à la mainlevée baptisée BorderMeter™. Le projet, qui a été lancé par le Département du développement économique (ADDED), a d’ailleurs déjà été présenté dans un article précédent de l’OMD Actualités. L’appli combine les données des ports, des autorités gouvernementales et de la Douane, et les traite à l’aide de modèles d’intelligence artificielle. Pour sa mise au point, une étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée a été menée au port maritime de Khalifa. L’étude a couvert neuf « déplacements » de fret, depuis le moment où les marchandises arrivent au port jusqu’au moment de leur mainlevée, pour trois régimes douaniers, à savoir l’importation, l’exportation et le transit.

  1. Importations + pas d’autres services gouvernementaux
  2. Importations + autorisation de l’Agence de l’agriculture et de la sécurité alimentaire (ADAFSA)
  3. Importations + autorisation du ministère du Changement climatique et de l’environnement (MOCCAE)
  4. Importations + autorisation du ministère de la Santé et de la prévention (MOHAP)
  5. Importations + autorisation du Bureau du développement industriel (IDB)
  6. Exportations + pas d’autres services gouvernementaux
  7. Exportations + autorisation du ministère des Affaires étrangères et de la coopération internationale (MOFAIC)
  8. Transit + pas d’autres services gouvernementaux
  9. Transit + autorisation du MOCCAE

Les données, qui ont été puisées dans le système de dédouanement et l’ATPL, ont été cartographiées en fonction de 23 points temporels clés dans le traitement du fret, depuis le moment où le navire est totalement à quai (ou en tout cas, la meilleure estimation de ce moment), jusqu’au moment où le dernier camion transportant les marchandises à l’examen quitte la zone portuaire (et pas seulement le terminal), dans la lignée de la méthode de la TRS de l’OMD.

L’exercice a permis de tirer des constatations intéressantes pour les participants et 25 remarques et recommandations ont été élaborées en conséquence. Elles portent en particulier sur la coordination entre la Douane et les autres services gouvernementaux, soulignant qu’il est essentiel d’établir un cadre de gestion coordonnée des frontières afin d’ouvrir la voie à des inspections conjointes et de permettre aux douaniers d’agir au nom des autres services concernés. Certaines propositions portent également sur l’ajustement des horaires de travail, la mise sur pied de laboratoires supplémentaires et une formation spécifique pour la Douane sur les procédures et les contrôles appliqués par les autres services gouvernementaux.

Retransmission en direct des inspections au port de Khalifa

© Abu Dhabi Customs
© Douane d’Abou Dabi

La Douane d’Abou Dabi a testé la diffusion en direct des contrôles par vidéo au port de Khalifa afin que les agents chargés de toutes les formalités portuaires et douanières au nom d’un destinataire puissent assister aux vérifications matérielles à distance. Les douaniers portent des lunettes intelligentes ainsi qu’une micro-caméra et peuvent se connecter par Wi-Fi durant le contrôle. Les images vidéo peuvent être vues par l’agent depuis son bureau ou sur un appareil portable. Il ne doit donc plus se déplacer ni entreprendre les démarches requises pour participer à l’inspection.

Laissez-passer Smart Gate

À Abou Dabi, les camions transportant un chargement ne peuvent pas quitter un port sans présenter un laissez-passer à l’un des portiques de sortie. Le laissez-passer est délivré par l’Autorité portuaire une fois qu’elle a été notifiée par la Douane du fait qu’un envoi peut quitter le port. Cette notification est actuellement envoyée par voie électronique et le laissez-passer est vérifié par un agent du port qui gère les portiques.

Pour accélérer le processus, la Douane et AD Ports Group travaillent sur un système en vue d’automatiser le fonctionnement des barrières aux sorties du port de Khalifa. Les contrôles au niveau des portiques pourraient être menés en utilisant un lecteur d’identification par radiofréquence (RFID) qui pourrait vérifier les identifiants des véhicules et des conteneurs et ouvrir les barrières si ces derniers sont autorisés à sortir.

Corridors virtuels

La Douane d’Abou Dabi a récemment introduit une nouvelle procédure de « corridors virtuels » pour faciliter le mouvement des marchandises depuis le port de Khalifa vers les diverses zones franches et entrepôts sous douane de l’Émirat, en passant par un itinéraire spécifique. Pour s’assurer que les camions suivent bien l’itinéraire en cause, un scellé électronique est apposé au conteneur transporté et les données de localisation GPS et autres générées par le scellé sont transmises vers une salle de contrôle.

Dans le même ordre d’idées mais à plus grande échelle, AD Ports Group et la Douane ont lancé une initiative en vue d’établir un couloir commercial virtuel entre les ports d’Abou Dabi et du Koweït. La Douane aboudabienne offre actuellement des services de dédouanement préalable des marchandises au port de Khalifa, mais les échanges d’informations entre elle et l’administration douanière du Koweït sont très limités. Dans le cadre du projet sur les Corridors virtuels, et en collaboration avec leurs autorités portuaires respectives, les administrations des douanes des deux pays pourront partager des informations et des renseignements sur les mouvements internationaux du fret en vue de répondre plus efficacement aux risques et de préserver ainsi la sécurité et la sûreté des personnes et des marchandises. Le Protocole d’Accord entre les deux parties a été signé le 27 mars 2022.  Abu Dhabi Ports apportera son soutien à l’initiative par le biais de Maqta Gateway, via l’ATLP. En travaillant avec la Douane, AD Ports jouera un rôle clé pour la réussite de ce corridor virtuel.

En savoir +
k.almarzooqi@adcustoms.gov.ae
brahim.tchina@adcustoms.gov.ae
yousef.alriyami@maqta.ae

[1] L’AD Ports Group a été créé en 2021 afin de regrouper toutes les filiales d’Abu Dhabi Ports PJSC dans le but de les intégrer en une seule entité organisée autour de cinq pôles – le pôle numérique, les villes économiques et zones franches, la logistique, les activités maritimes et les ports. AD Ports Group (https://www.adportsgroup.com) a été introduit en bourse le 8 février 2022. ADQ, l’un des plus grands holdings de la région, en est l’actionnaire majoritaire.

[2] Le Comité se compose des entités suivantes : la Douane d’Abou Dabi, Abu Dhabi Ports, la Police d’Abou Dabi, le Département des Transports, le Département de l’Urbanisme et des Municipalités, la Société supérieure des Zones économiques spéciales, l’Agence de l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire d’Abou Dabi, le Conseil de Développement économique d’Abou Dabi, le Département du Développement économique, la Compagnie des Services de l’Aéroport d’Etihad et la Compagnie des Chemins de Fer d’Etihad.