Identifier les produits chimiques avec exactitude à travers l’analyse de traces : une réalité qui ouvre de nouvelles possibilités pour les douaniers de terrain
18 octobre 2023
Par John Johnson, 908 DevicesLes administrations des douanes disposent d’un vaste éventail d’outils et de technologies pour tester les matières et les substances – tant sur le terrain que dans leurs laboratoires. Ces outils présentent tous des avantages mais aussi des contraintes. Le présent article se penche sur une innovation qui permet aux douaniers de terrain d’analyser les matières qui restent à l’état de traces sur n’importe quelle marchandise et d’obtenir le nom spécifique d’une substance au niveau de la trace qu’elle y a laissée. Ils peuvent ainsi non seulement confirmer ou infirmer rapidement leurs suspicions, mais aussi procéder à une vérification matérielle avec toutes les précautions qui s’imposent.
L’analyse chimique : la différence entre les instruments de laboratoire et les outils de terrain
La spectrométrie de masse est la référence absolue en matière de technologies pour tous les laboratoires d’analyse qui testent des substances chimiques. Cette technologie offre aux douaniers tout ce dont ils ont besoin : une haute spécificité moléculaire, la reproductibilité des essais, une précision et une sensibilité en parties par milliard (PPB). Les limites de cette technologie – pour faire en sorte qu’elle puisse être utilisée par les douaniers – ne sont pourtant pas moindres. Les instruments traditionnels de spectrométrie de masse pèsent autour de 180 kilos, exigent d’être placés dans une salle avec conditionnement de l’air et contrôle de l’humidité, et requièrent une vaste quantité d’hélium ou d’autres gaz porteurs. Compte tenu de ces contraintes, la spectroscopie de masse n’est utilisée que par les laboratoires médicolégaux. D’autres technologies plus adaptées au travail de terrain sont venues combler les besoins en matière d’analyse chimique de haute fidélité.
Deux méritent une attention particulière : la spectroscopie par mobilité des ions (IMS) et les techniques de spectroscopie vibrationnelle, comme les spectromètres Raman et la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR). Intégrées dans un même système portatif, ces deux technologies s’excluent en grande partie mutuellement. Elles se distinguent l’une de l’autre par leur degré de spécificité et leur niveau de détection.
L’IMS est une technologie que les passagers aériens connaissent bien puisqu’elle est utilisée lorsque les services de sécurité à l’aéroport prennent un voyageur à part pour vérifier ses bagages et contrôler s’ils ne contiennent pas d’explosifs à l’aide d’un appareil de détection de traces d’explosif (TEDD). Lorsqu’un agent de la sécurité aéroportuaire utilise un TEDD, c’est qu’il cherche quelque chose d’invisible à l’œil nu pour décider si un passager donné a été en contact avec des explosifs ou en a manipulé récemment. L’IMS ayant été largement adoptée par les services de sécurité aux aéroports, elle est devenue facile à utiliser également dans d’autres contextes sécuritaires par les douanes et les autres services déployés aux frontières. La principale limite de l’IMS est qu’elle ne permet toutefois pas d’identifier avec exactitude la substance détectée. D’un point de vue fonctionnel, l’IMS n’établit pas de distinction entre le TNT et le DNT, qui est un précurseur du TNT, puisqu’elle classe toutes les matières par famille – dans ce cas précis, dans la famille des explosifs.
Les systèmes de spectroscopie vibrationnelle sont omniprésents dans l’espace de la sécurité publique, mais ils restent malgré tout relativement nouveaux pour les douaniers. Il s’agit de technologies d’identification de masse qui analysent une substance en créant une empreinte moléculaire qui peut alors être mesurée par comparaison à des dizaines de milliers de produits chimiques répertoriés dans une bibliothèque de substances chimiques connues. Ces technologies sont couramment utilisées par les forces de l’ordre et les services d’intervention en cas de déversement de matières dangereuses, pour identifier les flaques, les écoulements et les poudres qui sont visibles à l’œil nu, souvent en grandes quantités (en masse). La réponse que ces systèmes renvoie est extrêmement précise, même pour les produits chimiques très proches comme le TNT et le DNT, qu’ils distinguent correctement à chaque fois. Le désavantage de ces technologies se situe à deux niveaux : tout d’abord, elles ne peuvent identifier qu’une substance visible à l’œil nu uniquement et, ensuite, le haut degré de spécificité est excellent pour les substances pures, mais nettement moins bon pour les mélanges de composés. Plus le composant dans un mélange est petit, plus la spectroscopie vibrationnelle est susceptible de n’identifier que le composant le plus grand. Si l’une des substances reste en dessous des 10 %, il est extrêmement probable que seule la substance principale sera identifiée et que les petits composants ne seront pas détectés. S’il est vrai que, dans certains cas, la Douane retrouve des drogues sous leur forme pure, elle est beaucoup plus susceptible de tomber sur des mélanges de composés où les substances contrôlées, comme le fentanyl, par exemple, ne représentent qu’entre 1 % et 3 %.
La spectrométrie de masse descend sur le terrain
Les appareils basés sur la spectrométrie de masse présente deux avantages distincts puisqu’ils offrent à la fois une spécificité très proche de la FTIR et du Raman et les capacités d’analyse des systèmes IMS au niveau des traces. Or il est aujourd’hui possible de sortir du laboratoire et d’aller sur le terrain grâce à l’avènement de la spectrométrie de masse à haute pression (HPMS). Elle allie les géométries à micro-échelle, l’électronique à haute fréquence et les pompes à vide à haut rendement, ce qui permet de réduire considérablement la taille des appareils et leur consommation d’énergie. Les systèmes HPMS actuels sont passés de 180 kg à 3,6 kg et fonctionnent sur batteries rechargeables. La spectrométrie de masse à micro-échelle permet de détecter des traces et d’identifier des produits chimiques sur place, grâce à un appareil portatif facile à utiliser. Des mises à jour régulières du logiciel permettent aux utilisateurs de détecter de nouvelles substances, comme les nouvelles drogues de synthèse. En outre, les appareils sont équipés d’un logiciel d’apprentissage automatique qui peut identifier plus de 2 000 produits analogues au fentanyl, en plus de centaines d’autres drogues, comme les méthamphétamines ou la xylazine, par exemple.
Toute substance en vrac laisse des traces
Grâce à un appareil portatif de spectrométrie de masse à haute performance, les douaniers peuvent détecter des substances rapidement et en toute fiabilité, moyennant un simple prélèvement, et déterminer ainsi les mesures à prendre. Prenons l’exemple du Service des douanes de Nouvelle-Zélande. Les douaniers néozélandais ont récemment pu retrouver des stupéfiants dissimulés dans des conteneurs transportant des matériaux d’étanchéité rien qu’en effectuant des prélèvements sur l’anse d’un bac et en les passant dans un spectromètre de masse portatif. Des traces de stupéfiants avaient été laissées par les personnes qui avaient rempli les conteneurs et l’appareil a renvoyé des résultats positifs pour le chlorhydrate de méthamphétamine en quelques secondes. L’exercice a été répété à des fins de confirmation, avec des articles non suspects (qui ont donné des résultats négatifs), après quoi les agents ont soigneusement démonté les conteneurs où se trouvaient effectivement plusieurs petits colis de méthamphétamine.
L’ensemble du dispositif de sécurité des aéroports repose sur une règle non écrite : toute substance en vrac laisse des traces. Le même principe s’applique aux activités douanières. Un contrebandier qui place discrètement des drogues dans les compartiments cachés d’une voiture ou qui les dissimule dans des bacs de matériaux de construction entrera par inadvertance en contact physique avec l’objet utilisé pour l’emballage ou le transport. Ce transfert de traces est riche en informations et représente un signal d’alarme pour les douaniers qui peuvent se concentrer sur les endroits à fouiller et laisser de côté les suppositions et autres conjectures.
Si les traces sont un élément important, la capacité à obtenir le nom spécifique d’une substance à l’état de trace l’est tout autant. Lors d’un autre incident, un agent des douanes soupçonnant qu’une cargaison d’extincteurs était factice a passé un écouvillon sur l’extérieur des extincteurs, près de la partie supérieure, là où ils avaient vraisemblablement été manipulés. Le système HPMS a rapidement relevé la présence de méthamphétamine. Pour confirmer ce résultat, les douaniers ont alors utilisé une scie électrique pour couper les extincteurs en deux et ont constaté qu’ils étaient remplis de méthamphétamine. S’il s’était agi de fentanyl, les douaniers auraient probablement utilisé une tactique différente pour couper les conteneurs, ou ils auraient eu recours à des équipements supplémentaires de protection individuelle.
L’identification de substances permet également aux douanes d’accélérer leurs enquêtes. Les douaniers ne sont pas seulement confrontés à des substances chimiques différentes, ils doivent aussi appliquer des lois et des règlements différents pour les substances contrôlées. La plupart des systèmes qui effectuent l’identification fournissent un numéro de registre CAS, un identifiant numérique unique qui est le plus souvent lié à des codes réglementaires, indépendamment de la langue utilisée.
La sécurité des effectifs comme priorité absolue
L’objectif premier de toutes ces technologies dépasse de loin la seule application de la loi et englobe aussi la protection des douaniers qui travaillent aux points d’entrée. Nombre de ces technologies, dont la HPMS, permettent aux agents d’identifier exactement à quelle drogue ils ont peut-être affaire avant même d’ouvrir une boîte, un paquet ou un autre contenant. En cas de présence de fentanyl, les douaniers devront prendre des précautions supplémentaires pour éviter autant que possible de s’exposer à cette substance et ne faire courir aucun danger aux chiens renifleurs de drogue qu’ils peuvent utiliser.
L’identification au niveau des traces combine les meilleures caractéristiques de deux grandes technologies en un seul outil, qui permet par ailleurs d’augmenter la vitesse opérationnelle et la sécurité tout en fournissant des réponses explicites. Il ne fait aucun doute que la détection de traces combinée à l’identification sur le terrain permet de gagner un temps précieux et d’apporter une aide importante aux douaniers au moment et à l’endroit où ils en ont le plus besoin.
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En tant que Directeur principal du développement commercial, John Johnson se charge de superviser l’orientation stratégique et l’adoption par le marché du spectromètre de masse portatif 908 Devices, une solution d’identification des traces à la pointe du secteur. John a occupé de nombreuses fonctions au cours des 30 années qu’il a passées à travailler dans le domaine de la sécurité publique, lançant 17 produits différents dans plus de 61 pays et collaborant avec plus de 312 organismes de sécurité publique. Depuis 2001, John s’attèle à la tâche de faire évoluer les mentalités et de promouvoir l’acceptation de nouvelles approches technologiques pour détecter les explosifs, les armes chimiques et les stupéfiants, en amenant sur le terrain des technologies utilisées dans les laboratoires de police scientifique, notamment la spectrométrie de masse, les appareils de FTIR et Raman ainsi que l’analyse rapide d’ADN. Les efforts de John dans ces domaines ont débouché sur la définition de pratiques normalisées dans le secteur et sur une large adoption de la technologie, dans le but d’améliorer les résultats aux fins de la sécurité publique.