Dossier COVID-19: À vos côtés en ces moments difficiles
17 juin 2020
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général de l'OMDLorsque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé que la COVID-19 était devenue une pandémie, l’équipe de direction du Secrétariat de l’OMD s’est immédiatement mise au travail et a commencé à établir une liste des tâches urgentes à entreprendre pour appuyer les administrations des douanes dans la gestion de la crise et la définition d’un plan de continuité des activités.
À l’appui des administrations douanières
Une page web spéciale a été créée sur le site Web de l’OMD, rassemblant tous les instruments, outils, initiatives et bases de données pouvant être utilisés par les administrations des douanes dans leurs efforts pour relever les défis liés à la COVID-19.
L’une des premières mesures que nous avons prises a été de publier, en collaboration avec l’OMS, une liste des références de classement dans le SH concernant les fournitures médicales essentielles pour lutter contre la maladie. Même si elle n’est pas contraignante, la liste est un outil indispensable pour aider les pays à identifier les produits nécessaires pour lutter contre le virus et s’assurer qu’ils soient dédouanés à travers les frontières aussi rapidement que possible. Les pénuries de médicaments pouvant aggraver la situation, l’OMD a également publié une liste des médicaments prioritaires (les médicaments utilisés pour le traitement général des patients hospitalisés atteints de COVID-19, les médicaments qui sont utilisés dans le cadre d’un traitement spécifique contre la COVID-19 chez les patients hospitalisés, et les médicaments pour lesquels une interruption de la fourniture pourrait avoir de graves conséquences sanitaires).
Alors que le monde se débat contre la COVID-19, des délinquants profitent de la situation pour mener des activités frauduleuses. Un nombre alarmant de saisies ont été rapportées concernant des fournitures médicales essentielles hors-normes ou de contrefaçon, telles que de les masques de protection ou encore des désinfectants pour les mains. Consciente de l’importance d’assurer un échange permanent et en temps réel de renseignements pour lutter contre ces activités délictueuses, l’OMD a lancé le Groupe sur les droits de propriété intellectuelle sur la plateforme CENcomm, son système de communication mondiale sécurisée qui permet aux pays de partager des alertes et des demandes d’information partout dans le monde.
Compte tenu des pénuries actuelles et des activités des spéculateurs sur les marchés, de plus en plus de gouvernements ont introduit des régimes de licences à l’exportation pour certaines catégories de fournitures médicales essentielles telles que les masques, les gants et les vêtements de protection individuelle. Afin d’aider les opérateurs commerciaux à identifier les pays qui ont déployé de telles mesures et à trouver les règlementations correspondantes, l’OMD a publié une liste des pays ayant adopté des restrictions temporaires sur les exportations de certaines catégories de fournitures médicales essentielles en réponse à la COVID-19, qu’elle met régulièrement à jour. Une liste des pays ayant pris des dispositions de soutien temporaire aux importations (diminuant ou éliminant les droits et taxes directes ou indirectes) a également été dressée.
En outre, des orientations ont été diffusées auprès des Membres sur la manière d’établir et d’utiliser les listes de fournitures essentielles en cas de catastrophe et sur la façon de communiquer en temps de crise. Des courriers ont également été adressés aux administrations douanières leur demandant de prendre des mesures spécifiques dans deux domaines précis, à savoir la procédure du carnet ATA et le dédouanement des envois postaux.
Dans une première lettre, les Parties contractantes aux Conventions relatives à l’admission temporaire ont été invitées à offrir des facilités suffisantes aux titulaires de carnets ATA et à leurs représentants afin qu’ils puissent réexporter les marchandises importées temporairement sans avoir à supporter de frais supplémentaires imprévus en cas de retards dus aux mesures préventives prises par les gouvernements de ces Parties dans le but d’endiguer la propagation du virus. Cette missive a été préparée en consultation avec John W.H. Denton AO, Secrétaire général de la Chambre de commerce internationale (ICC), qui représente les associations garantes nationales.
Concernant le dédouanement des envois postaux, une deuxième lettre a été préparée avec l’Union postale universelle (UPU), appelant les administrations à faire preuve de souplesse et à accepter les envois postaux accompagnés de tout document justificatif légitime de l’UPU, même si ce dernier ne correspond pas au mode de transport effectivement utilisé (bordereau de livraison CN 37 pour le courrier terrestre, CN 38 pour le courrier aérien ou CN41 pour le courrier transporté par voie aérienne). En effet, comme conséquence des effets de la COVID-19 sur l’industrie de l’aviation, une grande partie du courrier international aérien a dû être réorientée vers les transports de surface, tels que le transport maritime et terrestre (routier et ferroviaire), et quelques administrations des douanes se sont retrouvées face à des documents postaux destinés à d’autres modes de transport aux points de passage terrestres, le trafic postal ayant dû être réacheminé. Dans sa missive, l’OMD a également insisté sur le besoin d’accepter, en guise de déclaration de transit de marchandises, tout document commercial ou de transport relatif à un envoi donné qui réponde à toutes les exigences douanières stipulées par la Convention de Kyoto révisée (CKR) de l’OMD (pratique recommandée n° 6 du chapitre 1 de l’Annexe spécifique E).
Le Groupe consultatif du secteur privé (GCSP) de l’OMD a également apporté sa contribution à ces initiatives, en formulant ses observations sur les priorités et sur certains principes énoncés. En outre, l’OMD a demandé à ses administrations Membres d’envoyer des informations sur les diverses mesures prises pour empêcher et/ou pour combattre la propagation de l’infection ainsi que tout autre renseignement sur les défis rencontrés, notamment des liens renvoyant à des sites web reprenant tous les documents pertinents publiés en ligne, comme des textes de loi, du matériel d’orientation, etc. Ces études de cas ont été mises à la disposition du public avec une liste des correspondants chargés de répondre à toute question ou demande au niveau national concernant l’importation, l’exportation ou le transit de fournitures de secours en lien avec la COVID-19.
Outre le soutien spécifique aux douanes que nous avons apporté à nos Membres, l’OMD a également intensifié ses contacts avec ses partenaires internationaux tant du secteur public que du secteur privé, tels que l’ICC, l’OMI, l’OTIF-OSJD, l’UPU, l’OMS et l’OMC, afin d’envoyer des messages coordonnés aux agents de première ligne et aux opérateurs économiques. À travers une série de déclarations communes, nous avons appelé entre autres à une transparence accrue concernant les nouvelles mesures commerciales et connexes qui ont été introduites en réponse à la COVID-19 ; à l’assurance que toute nouvelle mesure prise à la frontière soit ciblée, proportionnée, transparente et non discriminatoire ; au maintien de la liberté de transit ; à une approche coordonnée et active entre les entités publiques et privées afin de garantir l’intégrité et la facilitation soutenue de la chaîne logistique internationale, pour que le mouvement de marchandises par voie maritime, aérienne, ferroviaire ou terrestre ne soit pas inutilement perturbé.
D’autres organisations ont également offert leurs orientations et leurs recommandations et l’OMD a travaillé en partenariat avec l’OMC, la CNUCED, le CSSO et la GATF, l’IATA et le CCI pour créer un Répertoire pour la facilitation des échanges dans le contexte de la COVID-19. Ce répertoire est une plateforme qui regroupe toutes les initiatives de facilitation des échanges que les organisations et parties prenantes ont lancées et a vocation à donner accès à ces ressources à travers une base de données unique et conviviale. Toutes les initiatives, réparties par organisation, type de mesure et objet, y sont utilement répertoriées.
Continuité du travail au Secrétariat
Des mesures ont été prises pour permettre au personnel du Secrétariat de l’OMD de travailler à domicile et de continuer d’apporter un service de haute qualité en cette période difficile. La pandémie de la COVID-19 a eu une incidence importante sur les activités quotidiennes du Secrétariat, aboutissant à l’annulation de nombreuses missions et réunions ordinaires. Toutefois, ces annulations n’ont pas empêché le Secrétariat de poursuivre sa coopération et son dialogue avec ses Membres, afin de réfléchir à des solutions de rechange et de tirer parti des technologies pour mener à bien les activités prévues dans le Plan stratégique de l’OMD.
Différents canaux ont été utilisés pour communiquer avec les Membres et obtenir leurs retours sur les nouveaux documents et initiatives. Le Secrétariat a également consenti des efforts continus pour assurer une formation aux fins du renforcement des capacités et fournir une assistance technique à distance à ses Membres, mais aussi pour évaluer leurs besoins éventuels en lien direct de la pandémie.
Parallèlement, le Secrétariat travaille déjà sur des activités visant à améliorer la capacité des Membres de l’OMD à se centrer sur la reprise et la continuité des activités. Le projet vise à leur fournir une assistance pour leur permettre de faire face à des situations potentiellement complexes découlant de l’épidémie de COVID-19, à travers divers mécanismes tels que l’élaboration de nouveaux outils et un programme de renforcement des capacités sur mesure et spécialement conçu à cet effet, grâce au financement des donateurs.
Concernant le contenu du dossier du présent numéro
Dans le cadre du dossier spécial de la présente édition du magazine, nous avons invité diverses administrations et organisations à nous donner un aperçu de la manière dont elles ont répondu à l’épidémie et des principales leçons qu’elles tirent de cette crise sanitaire. Nous abordons également l’avenir de la douane ainsi qu’un domaine de la lutte contre la fraude peut-être moins connu, à savoir le commerce de plantes sauvages. J’aimerais remercier les auteurs qui ont pris le temps de contribuer à ce numéro. Je suis bien conscient du fait que le temps est une ressource précieuse et rare pour les équipes de direction en cette période de crise. Certaines administrations auront peut-être besoin de plus de temps pour pouvoir nous faire part de leurs réflexions et de leurs informations à ce sujet, et nous continuerons par conséquent de partager leurs expériences dans les prochaines éditions du magazine.
En effet, il sera particulièrement intéressant de voir si la crise contribue à accélérer les efforts de modernisation des administrations douanières, notamment au niveau de l’utilisation de la technologie. Il y a dix ans, notre capacité de réponse aurait été limitée. Or, grâce à la technologie, cette capacité existe bel et bien aujourd’hui et nous aide à atténuer quelque peu les effets de la COVID-19.
Il sera également intéressant de surveiller la situation pour voir si la crise n’aboutit pas à des restructurations, qui amèneront certaines entreprises spécialisées dans le prêt-à-porter, l’électronique et les produits pharmaceutiques à repenser leurs chaînes logistiques pour s’assurer qu’elles soient diversifiées au niveau mondial et moins dépendantes d’un ou deux lieux de production. Il deviendra plus habituel de changer de fournisseurs et de prestataires de services de logistique et de revoir les politiques de « sourçage » tandis que les entreprises chercheront à sécuriser leurs approvisionnements. La douane aura peut-être un rôle à jouer tant en matière d’éducation que de lutte contre la fraude à ce niveau, afin d’assurer que ces changements ne provoquent pas involontairement des problèmes de conformité et n’aboutissent, par exemple, pas à la violation des réglementations douanières, des systèmes de sanctions et de contrôle à l’exportation, et autres mesures législatives portant sur le commerce.
À l’OMD, nous continuerons de plaider en faveur d’une démarche mondiale face à la pandémie, essentiellement axée sur la facilitation des échanges et sur la sécurité de la chaîne logistique. De plus, nous continuerons à appuyer les efforts de modernisation douanière, à renforcer et mettre à jour le cas échéant les normes internationales, et à partager l’expertise, en particulier en matière d’élaboration des plans de continuité des activités. Je conclurai en soulignant que l’imprévisible ne justifie pas que nous ne soyons pas préparés… Encore moins aujourd’hui !