Photo © Douane lituanienne. En 2021, les douaniers travaillant pour le groupe mobile de la Douane lituanienne ont participé au « Tetris Challenge ». Le principe : se prendre en photo avec un drone, allongé sur le sol, au milieu de tout son équipement. L’objectif est de montrer au public, de manière humoristique, combien d’outils et d’équipements sont nécessaires à la Douane pour accomplir ses fonctions au quotidien.

Dossier: Technologies de rupture

Bref aperçu du contenu du dossier

11 octobre 2022
Par Kunio Mikuriya, Secrétaire général de l'Organisation mondiale des douanes

Nous ne dirons rien de nouveau en affirmant qu’il est essentiel de tirer parti de la technologie pour gérer le mouvement des marchandises, des personnes et des moyens de transport. Le présent magazine contient de nombreux articles expliquant la façon dont les administrations des douanes utilisent la technologie pour remplir leur mission. Vu l’incidence des technologies sur la gestion des frontières, nous croyons qu’il est fondamental de rassembler autant de connaissances et d’expériences que possible afin que les administrations des douanes restent bien au courant des possibilités qu’elles ont à leur disposition pour renforcer, voire parfois pour transformer de fond en comble, leur manière de travailler, de mesurer et de collaborer.

À cet égard, nous avons récemment publié une publication intitulée Le rôle des technologies avancées dans le commerce transfrontière : point de vue des douanes qui a été co-écrit avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Ce document présente les constatations de l’enquête menée par l’OMD en 2021 sur l’utilisation des technologies de pointe par les administrations des douanes. L’enquête montre qu’un grand nombre de Membres de l’OMD envisagent de déployer ou utilisent déjà des technologies telles que les chaînes de blocs, l’Internet des objets, l’analyse des données et l’intelligence artificielle (IA), et le document recueille des exemples concrets d’utilisation de ces technologies, tout en soulignant leurs avantages et les défis rencontrés par les douanes qui s’en équipent. Dans le prolongement de la publication, le présent dossier revient sur certaines de ces technologies dites de rupture.

Le premier article porte sur le type de technologie utilisée pour mettre en œuvre une norme cruciale de l’OMD qui permet à l’information de circuler entre différents systèmes informatiques : le Modèle de données de l’OMD. Il argumente en faveur de l’utilisation d’une architecture orientée services (SOA) pour mettre en œuvre le Modèle. Une telle infrastructure facilite la mise sur pied de solutions informatiques robustes en permettant de développer séparément des logiciels spécifiques et spécialisés pour répondre aux besoins et aux contraintes au niveau des processus et des procédures. L’article explique aussi le rôle fondamental du Modèle en tant que langage universel entre les composants d’une plateforme SOA et propose d’en faire une spécification pour les services développés en SOA en vue d’atteindre divers objectifs de règlementation des frontières.

Selon la publication conjointe de l’OMD et de l’OMC, près de la moitié des administrations des douanes utilisent l’une ou l’autre combinaison de big data, d’analyse des données, d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique. Celles qui n’ont pas déployé ces technologies pour l’instant prévoient de le faire à l’avenir.

La majorité des administrations des douanes estime que les technologies de pointe offrent des avantages clairs, en particulier pour la gestion des risques et l’établissement de profils de risque, la détection de la fraude et la garantie d’un plus grand respect des lois et réglementations douanières. Le deuxième article du dossier se penche sur la mise en place d’un système d’analyse des données axée sur l’ intelligence artificielle (IA) aux Bahamas et explique comment ce système a permis à l’Administration non seulement de récupérer des revenus perdus ou éludés mais aussi de moderniser ses capacités de gestion du recouvrement des recettes.

Les articles suivants s’attardent eux-aussi sur la mise en place de l’IA, terme qui se réfère aux systèmes capables de changer de comportement sans être explicitement programmés pour ce faire, en fonction des données observées, recueillies et ensuite analysées. L’intelligence artificielle est un terme vaste qui englobe notamment l’apprentissage automatique, l’apprentissage profond, la vision artificielle et le traitement automatique du langage naturel.

D’abord, la Douane néerlandaise partage son expérience de développement d’un système automatisé de soutien aux analystes en imagerie qui devrait permettre à l’Administration de mener plus de contrôles par rayons X. L’un des principaux messages de la Douane néerlandaise est qu’il serait possible de faire beaucoup plus de choses dans ce domaine si les administrations des douanes s’associaient et si des normes et des méthodes de travail harmonisées étaient mises en place pour le développement et le déploiement de modèles d’apprentissage automatique. D’un point de vue technique, les administrations peuvent désormais partager les images scannées en format de fichier uniformisé (ou UFF de son acronyme anglais), le format de fichier radiographique uniformisé de l’OMD pour utilisation sur les équipements d’inspection non intrusive (INI). Toutefois, il n’existe pas pour l’heure de normes internationales concernant le développement et le déploiement d’algorithmes de reconnaissance automatisée des cibles (ATR).

Un autre article, par un fournisseur de technologies, aborde un sujet similaire : comment l’IA se fraye un chemin en douane et est de plus en plus associée à de nombreux aspects critiques du contrôle douanier, avec des outils de détection automatisée qui sont à présent capables d’identifier certains produits mais aussi d’extraire des données utiles en quelques secondes seulement, comme le nombre d’articles dans un envoi, leur taille ou encore leur poids.

Sous une perspective plus internationale, un autre fournisseur de services explique comment l’IA fait partie intégrante des efforts de numérisation de l’écosystème commercial. Grâce à elle, les systèmes informatiques sont à présent capables de saisir des données à partir de documents scannés, d’appliquer les codes de classement dans le SH à partir des descriptions commerciales, d’évaluer les risques, de signaler des divergences, de faciliter les paiements, d’appliquer non seulement les exigences nationales mais aussi les accords régionaux et internationaux, de réagir aux changements dynamiques et de s’y adapter, comme par exemple en cas d’abandon par un pays d’un accord commercial, d’une augmentation de prix, ou de fermeture d’un port ou d’une frontière.

Le dernier article de cette série sur l’IA nous vient de la Douane finlandaise, qui a amélioré sa capacité à aider ses clients en créant un agent conversationnel (chatbot) et un système de gestion des contacts. L’Administration avait anticipé une augmentation du nombre de personnes avec lesquelles elle entrerait en contact pour la première fois suite à l’augmentation du commerce électronique transfrontalier et la suppression, le 1er juillet 2021, de l’exonération de la TVA pour l’importation dans l’Union européenne de marchandises d’une valeur de moins de 22€. Les nouveaux outils qu’elle a déployés lui ont permis de gérer ce changement efficacement et de mieux comprendre les préférences et les besoins des clients.

 

Le dernier article du dossier porte sur les chaînes de blocs. Selon notre enquête, cette technologie a vraiment retenu l’attention d’une majorité d’administrations douanières puisque : 19% des participants à l’enquête ont indiqué que leur administration en évalue le potentiel à travers une étude de validation du principe, 14% ont lancé des projets pilotes et 24% prévoient de faire de même dans les prochaines années. Cet article décrit le guichet unique développé en Égypte et ses divers composants, notamment une plateforme de transfert de documents par chaînes de blocs. Les entreprises impliquées dans le projet y partage aussi certaines leçons tirées de son expérience et qui seront très utiles tant pour les douanes que pour les fournisseurs de services.

Pour conclure, j’aimerais annoncer le lancement du Pôle d’innovation des données de l’OMD. Le Pôle réunira des représentants des douanes, du secteur privé et du monde universitaire et de la recherche afin d’appuyer la mise au point de modèles de démonstration de la faisabilité. Dans la pratique, le Pôle pourrait fonctionner sur la base de deux réunions par an. Nous vous communiquerons des informations supplémentaires sur cette initiative bientôt.

Mes plus sincères remerciements vont à toutes celles et ceux qui ont contribué à ce dossier. Il est vital de partager des informations sur le développement et la mise en œuvre de technologies dans la mesure où leur adoption change rapidement le rôle des douaniers et la manière dont ils s’acquittent de leur fonction. Nous devons nous assurer que tant les cadres que les douaniers de terrain comprennent les effets de la technologie sur leur organisation. Je vous encourage donc fortement à partager vos idées, vos plans et vos réalisations à travers ce magazine. J’aimerais évidemment remercier aussi toutes les autres personnes qui ont contribué à ce magazine et qui ont pris le temps de partager leur expérience avec nous.