Focus sur la collecte des données relatives à la fraude

Améliorer la collecte de données – appel à l’action !

12 octobre 2022
Par Iwona Sawicka, Programme CEN de l’OMD

Lorsque les premières discussions autour de la création du Réseau douanier de lutte contre la fraude (CEN) ont débuté au sein du Comité de la lutte contre la fraude en 1999, tous s’accordaient à dire que le CEN aurait une incidence positive sur l’organisation des services douaniers partout dans le monde. Ce projet a reçu l’appui unanime des Membres de l’OMD et des Bureaux régionaux de liaison chargés du renseignement (BRLR), étant entendu que la mise en œuvre et la réussite du projet dépendraient de la coopération de toutes les parties désireuses de partager des informations en temps utile et de manière sécurisée.

À l’heure de faire le bilan de ces 20 années, nous constatons que les raisons fondamentales pour lesquelles le CEN a été mis en place restent d’actualité, et qu’à ce jour, le CEN est la seule base de données douanière mondiale relative aux saisies et aux infractions. Dans un contexte où les douanes adoptent une culture des données et construisent un écosystème de données, fournir des informations au CEN pour permettre une meilleure analyse ainsi qu’une évaluation et un profilage des risques plus efficaces pour tous les types de fraude garde toute sa pertinence.

« C’est une grave erreur que d’échafauder une théorie avant d’avoir rassemblé toutes les données » – Sherlock Holmes

L’enjeu clé du débat sur la quantité de données disponibles dans le CEN est celui-ci : ces données sont censées être fournies par les Membres de l’OMD sur une base volontaire. Or, de nombreux Membres ne suivent pas la recommandation relative à la saisie de données exhaustives en temps utile. Le principal défi est donc d’encourager et de convaincre les Membres de l’OMD d’alimenter davantage la base de données du CEN, dans leur propre intérêt et dans l’intérêt de la communauté douanière mondiale.

C’est dans ce contexte que la « Charte de l’OMD sur l’amélioration de la quantité et de la qualité des données du CEN » a vu le jour. Elle se veut un engagement stratégique fondamental des Membres de l’OMD, des BRLR et du Secrétariat de l’OMD à perfectionner la saisie des données dans le CEN. Ce document décrit 14 principes clés. Certains traitent de la nécessité qu’il y a à réexaminer l’importance de fournir des données, tandis que d’autres ciblent les difficultés inhérentes à cette fourniture. Ces principes requièrent l’adhésion de tous les acteurs qui utilisent le CEN, y compris les Membres de l’OMD, les BRLR et le Secrétariat de l’OMD, mais ils ont des implications différentes pour chacun d’entre eux. La charte du CEN a d’abord été approuvée par le Groupe de gestion du CEN (CENMaT) lors de sa réunion de janvier 2021, puis quelques mois plus tard par les représentants des douanes participant au Comité de la lutte contre la fraude, enfin par le Conseil de l’OMD de juin 2021.

Faire participer les Membres de l’OMD

La Charte du CEN en appelle aux chefs des administrations douanières pour qu’ils sensibilisent leur personnel à la valeur ajoutée du CEN au niveau national afin de les convaincre que, en fournissant des données de haute qualité au CEN, ils pourront obtenir une analyse plus précise et fiable et permettre un processus décisionnel basé sur des données.

Ils sont également priés d’organiser le suivi de la saisie effective des données dans le CEN, afin de faire en sorte que la collecte des données soit complète et réalisée en temps voulu, et de s’assurer que les données rapportées pendant les activités opérationnelles dans l’outil de communication du Réseau douanier de lutte contre la fraude (CENcomm) soient transférées vers le CEN. Enfin, ils sont invités à envisager l’automatisation de l’entrée des données dans le CEN par l’adoption du système de Réseau douanier national de lutte contre la fraude (nCEN) pour collecter les données relatives à la lutte contre la fraude. Le nCEN est déjà utilisé par 55 administrations.

Mobiliser les BRLR 

Le réseau des BRLR est un élément essentiel de la stratégie générale d’échange d’informations et de renseignements de l’OMD. Si la plupart de ces bureaux sont déjà actifs, la Charte du CEN les invite à faire régulièrement le point sur la quantité et la qualité des données rapportées dans le CEN par leurs administrations douanières affiliées et à dispenser une formation aux douaniers sur la manière de rapporter les données dans le CEN et de tirer avantage de ces données. Concernant ce dernier point en particulier, les BRLR sont invités à fournir davantage d’analyses opérationnelles et stratégiques basées sur les données du CEN pour illustrer les avantages que l’on peut tirer d’une base de données centralisée. Bien que certains s’inquiètent du volume limité des données que contient le CEN, les travaux menés par certains BRLR ont prouvé que le CEN permettait d’effectuer des analyses pertinentes et de dégager des tendances. On notera que la publication d’analyses peut mettre en évidence des lacunes dans les données provenant de certains pays ou régions, ce qui peut inciter les administrations douanières à fournir davantage de données.

Impliquer le Secrétariat de l’OMD

La « Charte de l’OMD sur l’amélioration de la quantité et de la qualité des données du CEN » lancée par le Secrétariat de l’OMD se veut un appel à l’action. La numérisation des douanes a eu pour résultat un accès à des données de plus en plus nombreuses et de plus en plus utiles à l’appui de la prise de décisions, que ce soit par les agents de première ligne qui profilent les expéditions, les moyens de transport ou les individus, ou par les décideurs qui s’appuient sur les données pour leur planification stratégique.

Si les Membres de l’OMD et les BRLR sont invités à optimiser et à surveiller la saisie des données, le Secrétariat est, quant à lui, chargé de fournir des solutions techniques pour faciliter et automatiser la soumission des données au CEN. Il a déjà beaucoup travaillé dans ce sens, par exemple en introduisant le composant d’échange de données informatisé (EDI) dans le CEN et le nCEN, ce qui permet d’importer des données à partir de feuilles de calcul Excel. L’introduction du composant EDI a également permis de mettre en place des connexions machine-machine entre le CEN ou le nCEN et d’autres bases de données tierces. Le CEN est ainsi déjà connecté avec succès depuis plusieurs années à l’application CIS+ de l’Office européen de lutte antifraude, ce qui permet de transférer automatiquement les données de CIS+ au CEN.

Outre ces mesures de facilitation de la saisie des données déjà mises en place, le Secrétariat est invité à élargir les sources de données en renforçant la coopération avec d’autres organes répressifs et en améliorant l’interopérabilité de toutes les applications de l’OMD relatives à la lutte contre la fraude. Plus précisément, le Secrétariat est prié de créer une nouvelle application CEN intégrée, l’ICEN, qui permettra de recueillir des données provenant de diverses sources, intégrera des données dans divers formats et sera dotée d’une fonction de calcul permettant un traitement, une analyse et une visualisation efficaces des données.

S’agissant de démontrer l’utilité de la collecte des données, la Charte du CEN invite le Secrétariat à encourager les Membres de l’OMD et les autres organismes répressifs à utiliser les données du CEN pour préparer des opérations coup de poing par exemple et à fournir des rapports d’analyse basés sur ces données.

« Une idée non concrétisée ne vaut rien »

Toute initiative doit s’accompagner de sa propre stratégie. Pour le Secrétariat de l’OMD, cela signifie, d’une part, mettre en place des solutions technologiques pour faciliter la saisie des données et œuvrer à mieux faire connaître le concept de l’ICEN, et, d’autre part, promouvoir les objectifs plus larges de la Charte du CEN : encourager une plus grande soumission des données et une utilisation accrue du CEN à des fins d’analyse.

Après avoir conceptualisé plusieurs solutions visant à faciliter la mise en œuvre des dispositions de la Charte du CEN, le Secrétariat de l’OMD, à travers le CENMat, a simplifié le formulaire de saisie dans le CEN, de manière à permettre aux administrations douanières d’enregistrer des données minimales à des fins statistiques. Pour les administrations aux ressources limitées, le formulaire de saisie simplifié facilitera l’introduction des données tout en fournissant des statistiques rapides à l’intention des agents de première ligne. Avec le lancement de cette nouvelle fonctionnalité, le Secrétariat de l’OMD offre à chaque administration la possibilité de saisir des données dans ce format simplifié. Cette fonctionnalité a également été étendue au CENcomm, chaque groupe fermé d’utilisateurs (GFU) ayant la possibilité de collecter des données en utilisant ce format simplifié.

Autre mesure de facilitation de la saisie des données intégrée dans le CEN (et le nCEN) : l’application de bureau. Ce composant supplémentaire, téléchargeable depuis le menu principal du CEN (ou du nCEN), présente la même interface et les mêmes fonctionnalités que l’application principale avec quelques restrictions. Il permet aux agents d’entrer des données de n’importe où et à n’importe quel moment, qu’ils disposent ou non d’une connexion Internet. Les saisies introduites dans l’application de bureau peuvent être exportées et téléversées dans le CEN (ou le nCEN) lorsqu’une connexion Internet devient disponible. Cette solution hors ligne facilitera le travail des agents de première ligne aux postes de contrôle frontaliers et les opérations dans les administrations où la connexion à Internet n’est pas fiable.

Pour obtenir davantage de données et promouvoir l’utilisation des applications CEN et nCEN, il est essentiel non seulement de faciliter la saisie des données, mais aussi de démontrer l’utilité de ces applications, et, surtout, l’utilité des données elles-mêmes. Cependant, bon nombre d’administrations douanières ne disposent pas, dans leurs services de gestion des risques et de lutte contre la fraude, des capacités analytiques nécessaires pour traiter utilement les données du CEN. Pour les y aider, a été introduite dans le CEN une fonctionnalité de visualisation de base qui permet l’affichage des résultats de recherche sous la forme de graphiques, de manière à offrir un aperçu rapide des informations sur le trafic illicite.

La capacité des administrations douanières à tirer parti des données du CEN a également été examinée sous l’angle du renforcement des capacités. La nouvelle « Initiative de renforcement des capacités du CEN », actuellement dans sa première phase, a pour objectif de former les BRLR et les dirigeants régionaux du nCEN à l’utilisation des dernières fonctionnalités du CEN et du nCEN (formulaire de saisie simplifié, application de bureau, visualisation des données, etc.), car ce sont eux les acteurs clés du traitement des données collectées par le CEN et le nCEN. Dans une deuxième phase, il est prévu d’étendre l’initiative aux Membres de l’OMD si des besoins particuliers sont recensés. Grâce à une initiative complémentaire baptisée « Rester connecté », l’OMD prévoit de sensibiliser les pays du nCEN et les unités de coordination opérationnelle du CENcomm aux fonctionnalités d’interopérabilité et de transfert automatisé de données dans toutes les applications de la suite CEN.

Un appel à l’action !

Améliorer la quantité et la qualité des données dans le CEN n’est pas chose aisée. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une action mondiale. Nous devons avoir l’adhésion des points de contact nationaux qui utilisent le CEN, des responsables du programme nCEN dans chaque administration douanière. Nous devons avoir le soutien de chaque BRLR et nous devons engager des ressources de l’OMD afin de faire de cette vision stratégique une réalité. Notre objectif est ainsi de traduire cette vision en outils et mesures qui puissent être utilisés par chaque agent des douanes à tous les niveaux, de manière à garantir que le CEN reste pertinent pour la communauté douanière.

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CEN@wcoomd.org