En 2019, la République arabe d’Égypte a décidé de passer d’un traitement des transactions transfrontalières axé sur le papier, lent et lourd, à un système basé sur l’automatisation et la numérisation. Dans le cadre de cette transformation, les autorités du pays ont demandé aux opérateurs économiques et aux services gouvernementaux de commencer à échanger tous les documents requis aux fins des activités d’importation et d’exportation à travers des canaux numériques. Le portail mis en place pour ces échanges de données est le guichet unique NAFEZA.

Avant le déploiement de NAFEZA, la procédure de soumission de données passait avant tout par des documents papier et était répartie entre plusieurs agences. Les opérateurs devaient passer par de nombreuses étapes, parfois redondantes, pour soumettre une déclaration en douane afin de répondre aux exigences règlementaires de différentes agences, effectuer les paiements requis et prendre les mesures nécessaires pour la mainlevée de leurs marchandises.

Le NAFEZA a ouvert une procédure de soumission de données unifiée qui a fortement réduit le nombre d’étapes pour mener à bien les formalités douanières. Il intègre pour ce faire une série d’applications qui automatisent et orchestrent les activités de dédouanement des marchandises à l’importation, à l’exportation et en transit. Des centres de services logistiques ont également été établis aux ports maritimes pour superviser les opérations de contrôle. Les divers composants du guichet unique sont décrits dans le tableau 1.

Une plateforme de transmission de documents par chaînes de blocs a été ajoutée à cet arsenal pour permettre à l’Administration des douanes de recevoir et de traiter les fichiers contenant des renseignements préalables concernant le fret ainsi que pour vérifier la conformité du processus d’importation avant le chargement des envois depuis les pays d’exportation. Nous avons présenté la technologie dans le 97^e numéro du magazine, qui a été publié au début de l’année 2022. Pour résumer, le NAFEZA contribue au processus de contrôle des importations en Égypte depuis le tout début jusqu’à la fin. Les services présents aux frontières peuvent dès lors mieux planifier leurs activités, effectuer des contrôles documentaires avant que le fret n’arrive au port, optimiser l’utilisation de leurs ressources et minimiser les encombrements des zones portuaires.

Le NAFEZA a été développé par la société égyptienne MTS, dont l’actionnaire majoritaire est le ministère des Finances égyptien et d’autres services gouvernementaux, la société CargoX se chargeant des services de transfert de documents par chaînes de blocs. MTS et CargoX ont tenu compte des normes et pratiques existantes pour la mise sur pied de guichets uniques telles que reprises dans le Recueil de l’OMD sur le guichet unique. Pour ce qui a trait au traitement des renseignements préalables concernant le fret, il est conforme aux dispositions du Cadre de normes SAFE visant à sécuriser et à faciliter le commerce mondial, aux règles de la Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers, au Modèle de données et à des nombreux autres instruments et orientations de l’OMD.

La plateforme de transfert de documents par chaînes de blocs est utilisée pour le fret maritime. Elle est en cours d’élargissement pour couvrir le fret aérien et pourrait permettre à l’avenir l’échange d’informations sur le financement du commerce entre les autorités monétaires et les institutions financières aux niveaux national et international.

« Le NAFEZA est utilisé par plus de 95 000 entreprises et entités qui interviennent dans le mouvement de marchandises par voie maritime vers et depuis l’Égypte. Nous comptons profiter de la dynamique enclenchée pour ajouter le traitement des documents sur le fret aérien à la plateforme de transfert de documents par chaînes de blocs. »

Le capitaine Ossama Al Sharif, Président et Directeur général de MTS

Des documents couvrant près de 4,5 millions de transactions d’importation ont déjà été traités par la plateforme durant la première année d’exploitation ; aucun document ne s’est perdu et les participants ont fait rapport des énormes avantages qu’ils ont pu en tirer en termes d’économies de coûts et de temps mais aussi en matière de recouvrement des recettes. Si la mainlevée des marchandises prenait entre 16 et 29 jours auparavant, elle n’en prend aujourd’hui que de 3 à 9 jours (voir diagramme 2). Le recouvrement des recettes a augmenté de 13% depuis 2019 (voir diagramme 3).

Le NAFEZA a ouvert la voie à une nouvelle façon de travailler pour les divers services gouvernementaux impliqués. Ces derniers ont donc dû restructurer leur mode de fonctionnement. Il leur a fallu alléger les services de première ligne pour investir dans les services dorsaux de traitement de données, réaffecter les agents à des tâches à valeur ajoutée comme l’analyse des données, l’examen des KPI, ou encore la mise au point d’outils de notification en temps réel pour permettre au personnel d’encadrement de superviser les opérations et d’intervenir de la manière la plus adéquate.

Pour les opérateurs du secteur privé, il n’est aujourd’hui plus nécessaire de se présenter physiquement au bureau de douane pour effectuer les formalités, ni de passer un appel téléphonique ou encore de se déplacer pour savoir où en sont leurs déclarations. Ils peuvent suivre le déroulement de la procédure en ligne concernant leurs transactions. La sécurité des documents et des données numériques a également augmenté.

La transformation numérique exige également un transfert et une mise à niveau des connaissances. Les autorités égyptiennes ont lancé un programme de formation exhaustif de 2019 à 2022 qui a permis de former 2 670 employés des douanes, 1 577 agents gouvernementaux, 1 322 salariés de MTS et près de 17 000 représentants de la communauté commerciale.

« Les opérateurs économiques et les autorités gouvernementales partout dans le monde se lancent dans l’échange électronique de documents commerciaux et la vision que nous avions de développer notre plateforme de chaînes de blocs est en train de devenir une réalité. En travaillant avec le gouvernement égyptien, nous nous sommes rendu compte qu’il est essentiel de collaborer avec les différentes parties prenantes au sein des autorités publiques et du secteur privé afin d’avoir une vision d’ensemble des couches spécifiques d’informations que chacune possède, pour mettre au point des fonctionnalités révolutionnaires qui auront un effet sur l’efficacité, la transparence, le respect de la confidentialité et la vitesse dans un secteur tel que le transport maritime. Près de 100 000 entreprises dans le monde utilisent aujourd’hui la plateforme de chaînes de blocs pour leurs activités commerciales quotidiennes. Nous espérons que d’autres gouvernements les rejoindront bientôt ».

Stefan Kukman, PDG de CargoX

Les réactions au lancement de NAFEZA ont été généralement positives. Les chambres de commerce locales et étrangères ont joué un rôle pivot à cet égard puisqu’elles ont relayé l’information à leurs membres. La Chambre de commerce germano-arabe, par exemple, a organisé six webinaires auxquels ont participé plus de 300 personnes qui ont pu poser leurs questions non seulement durant les activités en ligne mais aussi par la suite.

« La communication est un élément essentiel pour la mise en place aisée et uniforme de nouvelles procédures de dédouanement. Ensemble avec les autorités égyptiennes, nous avons réussi à apporter une assistance à de nombreux exportateurs européens et importateurs égyptiens. Nous continuerons à servir de relais pour dialoguer avec les acteurs économiques concernés et nous assurer que la transformation numérique soit un plus grand succès opérationnel pour tous ».

Chambre de commerce germano-arabe

Le projet en soi, depuis son idéation et sa conceptualisation jusqu’à son déploiement, a été extrêmement enrichissant et nous aimerions partager certains des enseignements tirés de cette expérience.

En premier lieu, le projet a montré que les pouvoirs publics peuvent être des moteurs de l’innovation. Le guichet unique NAFEZA pour le commerce extérieur et sa plateforme de chaînes de blocs sont uniques et révolutionnaires.

Deuxièmement, nous savons à présent que ce type de solutions peut être déployé sur un temps relativement court, compte tenu de la complexité des travaux requis. Les conditions sine qua non sont une participation active de toutes les instances gouvernementales et la présence d’experts internes et externes engagés, passionnés, avec un mandat et des objectifs clairs.

Troisièmement, il est important de montrer, preuves à l’appui, qu’il y a des avantages à tirer du changement. Même lorsqu’on sait que les processus sont lents et inefficaces, toute tentative visant à les modifier rencontrera une résistance tenace de la part des personnes touchées par ce changement, l’argument étant « pas touche au document papier ! ».

Quatrièmement, le changement peut être progressif. Une fois qu’il peut être démontré que la solution permet de gérer les activités quotidiennes en toute sécurité et avec un haut degré de fiabilité dans un secteur particulier, elle pourra être étendue à d’autres secteurs. Le succès de la plateforme de chaînes de blocs pour la gestion des opérations de transport du fret maritime a convaincu le gouvernement égyptien de la nécessité d’adopter une démarche basée sur la soumission de RPCF pour le mode aérien de transport du fret.

Enfin, il est inutile de réinventer la roue, même lorsqu’on innove. Il ne faut donc jamais hésiter à utiliser les guides de référence, les recueils et toutes les autres normes disponibles.

Pour le déploiement du NAFEZA, l’Égypte s’est alignée sur la priorité stratégique de l’OMD : utiliser les technologies modernes pour appuyer la continuité des activités commerciales et garantir la résilience du commerce mondial, quels que soient les défis qui surgiront à l’avenir.

En savoir +
www.cargox.io
https://www.nafeza.gov.eg/en