Dossier

Mettre en lumière les marchandises dangereuses

26 février 2020
Par la Direction des questions tarifaires et commerciales, Secrétariat de l'OMD

Comment le Système harmonisé contribue à un monde plus sûr et plus vert en créant des dispositions spécifiques pour les produits présentant un risque ou un intérêt sur le plan environnemental.

Hic sunt dracones

Dans la cartographie médiévale, les dragons et autres créatures mythologiques qui apparaissaient sur les cartes du monde désignaient des territoires dangereux ou encore inconnus. Pour ce qui a trait aux marchandises posant un risque pour l’environnement, il existe des dispositions du Système harmonisé (SH) qui mériteraient à juste titre d’être illustrées par des dragons.

Certaines dispositions groupent des produits potentiellement dangereux sous un ensemble plus large d’articles. Les marchandises potentiellement dangereuses forment ainsi des « territoires inconnus », cachés en quantité insoupçonnée dans la classe plus vaste de produits partageant le même classement mais ne présentant pas les mêmes risques. Le manque de visibilité rend le suivi et le contrôle des échanges légitimes de ces articles bien problématiques. Cette situation vaut également pour les produits qui sont préférables du point de vue de l’environnement. Toute mesure louable visant à inciter l’importation et l’exportation de marchandises qui offrent une meilleure solution de rechange du point de vue de l’environnement sera limitée si les marchandises en cause ne peuvent être facilement identifiées dans les déclarations à la frontière.

En résumé, il est essentiel que le flux des marchandises présentant un danger ou un intérêt soit clairement visible pour les autorités, les statisticiens et les décideurs politiques. La question qui se pose est donc : qu’a entrepris l’OMD[1] pour donner plus de visibilité, dans les échanges commerciaux, tant aux produits présentant des risques pour l’environnement qu’aux marchandises qui leur sont préférables du point de vue écologique ? La réponse est simple : pas mal de choses.

Marchandises posant un risque environnemental

Dans chaque nouvelle édition du SH, des changements sont apportés dans le but de simplifier la tâche des administrations en matière de suivi et de contrôle des échanges des marchandises posant un risque pour l’environnement. Par exemple, les substances nouvellement contrôlées au titre de la Convention de Rotterdam (produits chimiques et pesticides dangereux) et de la Convention de Stockholm (polluants organiques persistants) sont normalement ajoutés en tant qu’articles spécifiques à la version du SH en cours d’élaboration au moment de la demande de changement.

Si l’OMD ajoute donc fréquemment dans le SH des marchandises qui exigent d’être facilement identifiées à des fins de durabilité environnementale ou parce qu’elles posent des risques pour l’environnement, les questions environnementales ont été plus que jamais au centre des débats lors de l’élaboration de la version 2022 de l’instrument. À ce jour, la version 2022 est la plus « écologique » du SH. Il serait impossible de passer en revue dans un seul article tous les amendements qui sont liés à l’environnement dans cette nouvelle version qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022, mais nous allons ici en présenter quelques-uns à titre d’illustration.

L’un des amendements les plus spectaculaires est sans doute la création d’un jeu totalement nouveau de dispositions concernant les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE), l’une des catégories de déchets enregistrant la croissance la plus rapide. Les appareils électroniques contenant souvent des substances qui sont dangereuses pour la santé humaine et l’environnement, leur traitement peut comporter des dangers, surtout dans les pays n’ayant pas mis en place un système formel de recyclage et d’élimination des vieux équipements. Toutefois, réalisées parfois avec des matériaux précieux qui peuvent être récupérés, ces machines peuvent avoir une valeur économique considérable même à l’état de déchets et s’écoulent ainsi aujourd’hui dans les circuits commerciaux tant légaux qu’illégaux.

Sur cet important flux de marchandises, seuls les déchets et débris d’accumulateurs et de batteries sont classés séparément dans la version actuelle du SH, le SH 2017. La grande majorité des quelque 50 millions de tonnes de déchets et débris produits l’année dernière ne jouissent ainsi pas d’un classement propre et peuvent traverser les frontières sous des codes variés. Il devient donc extrêmement difficile, dans ces circonstances, de mesurer le volume des échanges pour ce type de marchandises à l’entrée ou à la sortie des territoires nationaux, tout comme il est très ardu de mettre en place des contrôles afin d’assurer le respect des réglementations qui encadrent les opérations de  d’élimination ou de récupération.

La situation menaçait aussi de mettre en péril les travaux devant être menés au titre de la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. Les Parties à la Convention ont donc présenté, par le biais du Secrétariat de la Convention de Bâle, une proposition visant à ajouter au SH les DEEE qui n’avaient pas leur propre classement. Etant donné qu’il est difficile de définir ce qu’est un déchet, il a fallu de nombreuses années de travail aux administrations Membres de l’OMD et aux Secrétariats de l’OMD et de la Convention de Bâle pour élaborer une solution réaliste.

Le SH 2022 prévoit une nouvelle position 85.49 pour les déchets et débris électroniques destinés uniquement à une opération de valorisation ou d’élimination. Il est important de noter que cette position comprend des sous-positions spécifiques pour les déchets contenant des piles et batteries de piles électriques, des accumulateurs électriques, des interrupteurs à mercure, du verre de tubes cathodiques et autres verres activés, ou des composants électriques ou électroniques contenant du cadmium, du mercure, du plomb ou des polychlorobiphényles (PCB).

Ces nouvelles mesures contribueront à faire apparaître plus clairement les échanges légitimes de ces marchandises, facilitant par la même occasion les contrôles qui s’imposent. Si le SH est principalement utilisé pour le suivi du commerce licite, le fait que ces produits ont leurs propres codes SH ouvre aussi la voie à la définition de nouvelles infractions à des fins de poursuites judiciaires contre leur commerce illicite, puisque les tentatives visant à éviter de déclarer ces produits ou à contourner leur détection devront forcément passer par un classement erroné de ces marchandises.

Un autre grand changement porte sur la création de nouvelles sous-positions pour le nouveau type de gaz, les hydrofluorocarbures (des gaz à effet de serre), couvert par l’Amendement de Kigali au Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone. Encore une fois, les Membres de l’OMD ont mené des travaux complémentaires exhaustifs sur le SH afin de faciliter le travail au titre du Protocole de Montréal. Il est apparu, en effet, que, si les dispositions de l’Amendement de Kigali couvrent divers hydrofluorocarbures existants, ces derniers sont normalement importés en tant que mélanges. Ainsi, il a fallu non seulement créer de nouvelles sous-positions sous le n° 29.03, mais aussi une nouvelle Note 4 de la Section VI et une nouvelle position 38.27 afin de couvrir spécifiquement les mélanges contenant les gaz couverts par le Protocole de Montréal.

Les travaux en lien avec le Protocole de Montréal constituent également l’un des meilleurs exemples de l’engagement du Conseil de l’OMD à faire en sorte que le SH apporte un appui aux Membres sur les questions environnementales. En effet, si la plupart des dispositions relatives au Protocole sont déjà reflétées dans le SH, les nouveaux engagements entrent parfois en vigueur avant la publication d’une nouvelle version du SH, comme ce fut le cas en 2019 avec l’entrée en vigueur dans certains pays de l’Amendement de Kigali. Afin d’aider ses Membres à combler l’écart entre le début de la période d’application des obligations au titre du Protocole de Montréal et la mise en œuvre de la prochaine édition du SH, le Conseil de l’OMD a adopté des recommandations en 1995, en 2011 et, plus récemment, en 2019, relatives à « l’insertion dans les nomenclatures statistiques nationales de sous-positions destinées à faciliter le recueil et la comparaison des données concernant la circulation à l’échelon international des substances réglementées conformément aux amendements au Protocole de Montréal relatif aux substances qui appauvrissent la couche d’ozone ».

Ces recommandations spécifiques au SH contiennent des listes de sous-positions à sept et à huit chiffres que les pays sont invités à intégrer à leur nomenclature nationale afin de pouvoir mettre en place un suivi et un recueil des données qui soient cohérents sur le plan international, en attendant l’entrée en vigueur d’une nouvelle version du SH. Étant donné que ces recommandations sur le SH demandent en l’essence aux pays d’adopter les amendements législatifs nécessaires à leur tarif en dehors du cadre d’une nouvelle édition du SH, ces recommandations sont rarement formulées par l’OMD. Les dispositions du Protocole de Montréal constituent, d’ailleurs, la seule question sur laquelle le Conseil a adopté plusieurs recommandations afférentes au SH.

Marchandises plus respectueuses de l’environnement

Si le travail réalisé sur les déchets, les substances qui appauvrissent la couche d’ozone et les gaz à effet de serre illustre les efforts réalisés au niveau du SH afin de permettre aux douanes de gérer le commerce de produits présentant un risque écologique, d’autres changements tout aussi vastes ont été apportés au SH 2022 afin de couvrir les marchandises plus respectueuses de l’environnement. Certains amendements sont le fruit de demandes ad hoc, comme la nouvelle disposition sur les convertisseurs catalytiques et les filtres à particules pour les véhicules automobiles, alors que d’autres sont le résultat de l’étroite coopération ayant cours depuis des années avec des organisations spécifiques dans le cadre du processus de révision et d’actualisation du SH.

L’Agence internationale de l’énergie renouvelable (IRENA) et le Réseau international sur le bambou et le rotin (INBAR) sont deux exemples d’organisations qui sont intervenues dans le processus de révision afin de promouvoir la visibilité tant de technologies écologiquement plus viables, comme les diodes émettrices de lumière (LED) pour l’éclairage, que de produits fabriqués à partir de matières plus durables que celles qu’elles remplacent, comme le bambou. Cette collaboration s’est poursuivie et a abouti à une version du SH 2022 incluant plusieurs nouvelles sous-positions pour ce type de produits.

Pour un développement durable

Les politiques de commerce international établies pour assurer un développement qui soit durable définissent des objectifs dont le suivi exige d’avoir accès à des données commerciales détaillées et de bonne qualité. Afin de s’assurer que le SH réponde à ce besoin en données sur certaines marchandises, une coopération permanente a notamment été mise en place avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans le cadre de la mise à jour du SH. Il est par exemple nécessaire de surveiller les échanges commerciaux de certaines espèces face au risque d’épuisement des ressources naturelles ou de mitiger le risque que les échanges font peser à la sécurité alimentaire de certaines populations, et des amendements sont dès lors constamment proposés afin de mettre en lumière les volumes des échanges qui ont cours concernant des produits présentant des vulnérabilités ou qui sont importants pour certaines régions, par exemple certains produits alimentaires ou les essences de bois.

Nous n’avons présenté ici brièvement que quelques-uns des changements qui interviennent dans la version 2022 du SH. Le jeu complet des amendements couverts par la Recommandation pour le SH 2022 est disponible sur le site web de l’OMD et les amendements et les modifications peuvent y être consultés dans leur intégralité.

Et à l’avenir ?

Le rôle du SH dans la mise en place de contrôles dits environnementaux aux frontières, notamment ceux visant à appliquer des réglementations protégeant la santé et la sécurité humaine, est pris très au sérieux et l’OMD est fière du travail qu’elle abat dans ce domaine.

Si le SH 2022 constitue un véritable progrès en soi, les efforts se poursuivent et l’OMD a déjà entamé les négociations en vue de la version 2027. Les travaux pour un nouveau cycle de révision ont dès lors commencé au sein du Sous-Comité de révision du Système harmonisé. Ils couvrent notamment le classement de produits plus respectueux de l’environnement. Des propositions de classement de marchandises présentant un risque écologique sont aussi en cours de préparation dans d’autres agences intergouvernementales.

Il revient à présent aux administrations douanières d’examiner avec attention ce dont elles ont besoin au niveau du SH afin de pouvoir honorer plus facilement les engagements pris envers l’environnement. Ensemble, nous pouvons réduire la part d’inconnu concernant les flux commerciaux des marchandises posant un risque écologique et de celles qui sont respectueuses de l’environnement en leur donnant plus de visibilité.

En savoir +
hs@wcoomd.org

 

[1] L’OMD, dans ce cas, désigne les représentants des administrations des douanes qui se réunissent au Conseil, au Comité du Système harmonisé (CSH), au Sous-Comité de révision du Système harmonisé (SCR) et au Sous-Comité scientifique (SCS), ainsi que le personnel de la Direction des questions tarifaires et commerciales du Secrétariat de l’OMD.