La COVID-19 et ses répercussions sur les douanes et le commerce
17 juin 2020
Par Steven Pope, Vice-Président, Responsable Go Trade, Groupe Deutsche Post DHLLa pandémie de COVID-19 a changé nos vies comme nous ne l’aurions jamais imaginé. Une chose est toutefois devenue très claire : le commerce mondial et les initiatives visant à faciliter la circulation transfrontière des marchandises, et en particulier des marchandises essentielles vers les régions où elles sont les plus nécessaires, sont essentiels à nos sociétés. La mondialisation, comme l’a récemment déclaré Frank Appel, notre PDG, a encore de beaux jours devant elle.
Chez Deutsche Post DHL, la plus grande entreprise de logistique au monde, et la plus internationale, nous avons pu constater directement les effets de cette pandémie sur le commerce mondial ainsi que la capacité des agents des douanes à remplir leurs fonctions.
La plupart des pays ont pris des mesures pour s’adapter à la nouvelle norme et le défi à relever à l’avenir consistera à réduire autant que possible leurs impacts et à soutenir une reprise vigoureuse des échanges lorsque la situation s’améliorera. Et les douanes ont un rôle essentiel à jouer à cet égard. Les pays qui ont réduit au minimum la bureaucratie et les coûts aux frontières en ont directement ressenti les avantages. Pour ceux qui ne l’ont pas fait, il n’y a jamais eu de meilleur moment pour mettre en œuvre les réformes même les plus élémentaires et garantir ainsi la santé, la sécurité et le développement économique.
La pandémie de COVID-19 a mis notamment en exergue l’importance de la Convention de Kyoto révisée (CKR) de l’OMD et de l’Accord sur la facilitation des échanges (AFE) de l’OMC, et notamment des principaux concepts soutenus par ces instruments : un processus de dédouanement entièrement numérique et une gestion efficace des risques. La mise en œuvre de processus douaniers modernes axés sur les risques, avec un juste équilibre entre exigence de conformité et facilitation du commerce, contribuera à faire en sorte que les biens essentiels arrivent à destination à temps, et la gestion du processus de dédouanement à distance et par voie numérique permettra de protéger la santé des agents des douanes et des importateurs/exportateurs.
Si l’on veut que l’économie mondiale se redresse le plus rapidement possible, il est essentiel que les pays mettent en œuvre à la fois la CKR et l’AFE pour offrir l’environnement réglementaire et opérationnel aux douanes qui lui permette de jouer pleinement leur rôle. Si tous les pays agissent dès maintenant et appliquent même seulement les recommandations les plus élémentaires de la CRK et de l’AFE, ils pourront tirer parti des changements qui devront advenir dans les chaînes d’approvisionnement après la pandémie de COVID-19.
Les pays doivent agir dans l’intérêt d’une croissance économique durable, en maintenant un juste équilibre entre respect des obligations et facilitation des échanges selon des processus qui doivent être transparents et cohérents dans leur exécution.
Les administrations douanières et le secteur privé devraient s’inspirer de l’exemple de l’OMD qui a publié une déclaration conjointe avec la Chambre de commerce internationale, et coopérer afin de se faire une idée claire des défis auxquels les deux parties sont confrontées. Cela permettrait aux douanes d’élaborer des politiques et des processus adaptés. Pour parvenir à un équilibre clair entre gestion du respect des dispositions et appui à la facilitation du commerce, le secteur public et le secteur privé doivent jouer leur rôle.
Il importe au plus haut point de disposer de plans de continuité bien élaborés qui permettent aux douanes et aux autres organismes frontaliers de fonctionner en dehors de leur environnement normal et de s’adapter rapidement à l’évolution de la situation.
Voici quelques recommandations clés qui ont déjà été soulignées par l’OMD et qui, du point de vue du secteur privé, sont essentielles si nous voulons traverser cette crise de la manière la moins douloureuse possible.
Accélérer la livraison des biens essentiels
Il est essentiel de garantir le dédouanement accéléré des marchandises ayant une incidence directe sur les problèmes ou situations liés à la flambée de coronavirus ou contribuant à atténuer ceux-ci. L’OMD a donné des directives claires à cet égard et promeut également le modèle d’accord des Nations Unies[1] relatif au dédouanement accéléré des articles médicaux essentiels et des articles d’urgence.
Systèmes de gestion des risques et traitement avant l’arrivée
L’adoption de systèmes de gestion des risques et de procédures préalables à l’arrivée permet d’accélérer la mainlevée des envois à faible risque et de réduire autant que possible les contacts personnels, ce qui protège à la fois les agents des douanes et les importateurs/exportateurs.
Si certaines mesures ne sont mises en œuvre qu’à titre temporaire pendant la pandémie, nombre d’entre elles devraient devenir partie intégrante des opérations quotidiennes. Le recours à la gestion des risques devrait notamment être un outil présent dans l’arsenal de toutes les administrations douanières. Les systèmes de gestion des risques basés sur un profilage des risques rigoureux sont des instruments essentiels pour faciliter les échanges commerciaux et assurer la conformité. Ils aideront en outre les administrations à optimiser l’utilisation de ses ressources.
La reconnaissance et le traitement préférentiel des Opérateurs économiques agréés (OEA) doivent faire partie du processus d’établissement du profil de risque. Pour devenir un OEA, l’entreprise doit suivre un processus de vérification rigoureux qui donne à l’administration douanière une image claire de son activité commerciale et de sa conformité. La maximisation des ressources et l’optimisation de la capacité de contrer la non-conformité devraient être la priorité de toutes les administrations douanières. Or, ne pas faire de distinction entre les OEA et les non-OEA constitue une utilisation inefficace des ressources et engendre des coûts et des retards inutiles pour les entreprises qui ont investi massivement dans la conformité.
Réduction au minimum des inspections physiques
Afin d’utiliser plus efficacement les ressources limitées en matière d’inspection, les autorités douanières devraient réduire les inspections physiques et les vérifications administratives non essentielles ou non urgentes et se concentrer plutôt sur les formalités critiques et les expéditions à haut risque.
Dépôt électronique
La numérisation n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui. En effet, la transmission électronique des déclarations en douane et des documents connexes est essentielle pour maintenir la distanciation sociale. Il convient de veiller à ce que le passage à la numérisation ne reproduise pas les anciens processus manuels sur papier. Le passage à la numérisation devrait se traduire par des transactions entièrement sans papier, sans qu’il soit nécessaire d’utiliser des copies imprimées des déclarations électroniques, des signatures manuelles au lieu de signatures numériques, des timbres dateurs et des approbations en personne plutôt que par courrier électronique ou par approbation électronique via le système de dédouanement. Le fait de laisser les processus manuels en place entraîne non seulement des retards et des coûts importants, mais, dans le contexte actuel de la pandémie de COVID-19, il expose en outre les agents des douanes et les importateurs/exportateurs à des risques en raison de la nécessité de maintenir des contacts physiques qui seraient sinon inutiles.
Prolongation des délais pour les autres procédures papier
Les autres procédures non essentielles, c’est-à-dire qui ne sont pas considérées comme capitales pour la sécurité, la santé et le bien-être, devraient faire l’objet de délais prolongés. C’est le cas, par exemple, du traitement des permis, du paiement des frais et d’autres rapports et procédures qui ne sont pas directement liés au dédouanement de l’expédition.
Allègements tarifaires
Cette disposition a été largement communiquée par l’OMD et est absolument vitale pour assurer la livraison rapide des produits et équipements médicaux, des produits pharmaceutiques et des produits alimentaires essentiels.
Report des droits et taxes
La douane devrait envisager d’annoncer un report sans pénalité ni intérêt du paiement des droits et taxes pendant toute la durée de la crise et de permettre les paiements électroniques pour les charges fiscales. Les pénalités et les recouvrements devraient être gérés de manière proportionnée pendant cette période et être axés sur les cas de non-conformité délibérée, par opposition à ceux qui ne respectent pas les délais de déclaration en raison de retards directement liés à la pandémie de COVID-19.
Enfin, concernant les restrictions à l’exportation ou à l’importation, des normes claires doivent être définies et leur mise en œuvre doit être progressive. Les douaniers doivent être informés et formés pour ne pas se retrouver dans une position où ils essaient d’appliquer quelque chose sans en comprendre clairement les tenants et les aboutissants. Il en va de même pour le secteur privé qui devrait pouvoir recevoir des administrations douanières des directives claires concernant les nouvelles exigences.
Nous n’avions plus assisté à pareils bouleversements depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette situation nous a tous mis à l’épreuve et nous a montré à quel point les chaînes d’approvisionnement mondiales sont sensibles aux perturbations. Toutefois, cette crise apporte aussi son lot de nouvelles possibilités. Jamais auparavant les avantages d’un service douanier numérique moderne axé sur les risques et mettant l’accent de façon équilibrée sur la facilitation du commerce et le respect des règles n’avaient été aussi clairs.
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S.pope@dpdhl.com
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[1] Modèle d’accord des Nations Unies concernant les mesures visant à accélérer l’importation, l’exportation et le transit des envois de secours et des biens du personnel de secours en cas de catastrophe ou d’urgence