Dossier: Gérer les connaissances

Transfert des connaissances : l’expérience de la Douane de Serbie

2 mars 2023
Par Dragana Gnjatovic, conseillère douanière principale, Douane de Serbie

Dans son plan de modernisation douanière pour la période 2019-2023, la Douane de Serbie établit un lien direct entre la mise en œuvre réussie du plan et la présence d’agents qualifiés et professionnels au sein de l’organisation. Le plan prévoit ainsi l’élaboration d’une stratégie des ressources humaines qui aligne la gestion du capital humain sur la mission globale de l’organisation, ses objectifs et ses aspirations pour le futur.

En adoptant une politique de gestion du personnel clairement définie, basée sur des principes comme l’équité et la transparence, l’Administration a cherché à s’assurer que la motivation des effectifs reste élevée et à promouvoir une culture d’entreprise qui offre un soutien à tous les niveaux de l’organisation. L’objectif était d’accroître non seulement la productivité du personnel mais aussi la qualité du service fourni.

La stratégie des ressources humaines s’articule autour de quatre domaines d’activité :

  • la planification des ressources humaines qui vise à relever les besoins actuels et futurs en matière de personnel ;
  • le développement professionnel et des compétences qui vise à déterminer et à choisir les ressources dont les agents ont besoin pour développer leurs aptitudes et compétences professionnelles ; il peut s’agir, par exemple, d’une liste de cours, d’activités de formation et de possibilités d’apprentissage ;
  • le développement et le renforcement de l’éthique des agents douaniers ;
  • l’amélioration de l’environnement de travail.

Données démographiques

La Douane de Serbie vieillit : près de 23 % de ses salariés ont plus de 56 ans, quelque 69 % sont âgés entre 31 et 55 ans et environ 7 % ont moins de 30 ans. Comme dans les autres administrations publiques de la Serbie, nombre de ses employés prendront leur retraite au cours des deux prochaines décennies et, bien entendu, ils emporteront avec eux les connaissances et l’expérience qu’ils auront acquises au cours de leurs années de service.

Lorsque l’équipe de RH a commencé à travailler sur le développement professionnel et des compétences, elle a d’abord analysé les données démographiques de l’Administration, en commençant par les différentes générations représentées en son sein : la génération X (personnes nées dans les années 1960 et 1970), la génération Y (milléniaux, nés dans les années 80 et 90) et, enfin, la génération Z (personnes nées après 1995). Les générations se distinguent les unes des autres au niveau de leurs expériences, de leurs aspirations, de leur attitude vis-à-vis de la technologie et de leur carrière professionnelle, de leur loyauté envers un employeur, de leurs priorités dans la vie et de leurs modes préférés de communication. Elles sont également différentes dans leur façon d’apprendre.

Transfert de connaissances et défis

L’équipe de RH a très vite compris qu’il était nécessaire de définir une politique de gestion des connaissances qui permettrait de répondre à certaines questions, notamment : comment faciliter la création d’un vivier de connaissances, ou encore comment permettre un partage et un transfert des connaissances (surtout entre générations), et quels sont les outils qui peuvent contribuer à ces processus.

Elle a dû néanmoins tenir compte de certaines difficultés. D’un côté, il y a les employés plus anciens, avec une expérience et une mémoire institutionnelle énormes, qui constituent un fondement solide de la culture organisationnelle… Mais qui ne sont pas forcément très disposés à partager leurs connaissances (ou ne sont pas en état de le faire). Plusieurs raisons viennent expliquer cet état de fait : ils n’ont pas le temps, ne savent pas comment s’y prendre, rechignent à parler en public ou ont le sentiment que, s’ils révèlent les astuces et les secrets de leur profession, ils peuvent compromettre leur position. De l’autre côté, il y a les jeunes employés, souvent impatients et qui estiment que les temps nouveaux méritent de nouvelles façons de faire, que l’on donne trop de valeur à la loyauté et que toute méthode de travail qui n’est pas axée sur la technologie est désuète.

Plusieurs initiatives ont été prises pour outrepasser ces contraintes. Elles sont décrites ci-après.

Adapter la formation

Le Centre de formation douanière et le Centre de formation professionnelle jouent un rôle essentiel dans le développement professionnel du personnel. Il existe trois types de formation : la formation de base, la formation avancée et la formation spécialisée. Les cours de formation de base couvrent les règlements et les régimes douaniers. Le matériel de formation est mis à jour en cas de besoin (par exemple, lorsqu’un changement intervient dans la législation) mais la portée du programme reste la même.

En comparaison, la formation avancée et la formation spécialisée sont conçues et modifiées en fonction des besoins des agents douaniers. Les formateurs du Centre de formation professionnelle sont en contact direct avec les employés afin d’élaborer le contenu des cours. La préparation de ces formations exige, entre autres, de recueillir l’expérience et les connaissances des employés et de trouver la façon optimale de traduire les connaissances tacites en savoirs explicites.

Les formateurs adaptent leur méthodologie d’enseignement pour tenir compte de la dimension démographique de l’Administration – par exemple, du fait que les collègues plus jeunes aiment utiliser la technologie pour apprendre ou préfèrent un apprentissage interactif.

Mentorat

Conformément aux dispositions de la loi sur la fonction publique adoptée en 2014, les nouvelles recrues doivent passer par une période d’essai avant de devenir fonctionnaires permanents. Durant cette période, ils doivent également avoir un parrain ou mentor qui les aide en partageant ses connaissances et son savoir-faire et en leur fournissant un retour et des conseils que les salariés peuvent ensuite utiliser pour améliorer leur performance au travail. Le mentor est généralement le supérieur hiérarchique du nouvel employé. Il ou elle doit tenir un journal concernant la performance au travail et le comportement de la nouvelle recrue. Après six mois, le mentor envoie son rapport au responsable d’unité qui décide alors s’il convient d’accorder à l’employé concerné un contrat permanent ou pas.

Réunions régulières

La gestion des connaissances consiste traditionnellement en grande partie à collecter les connaissances existantes au sein de l’organisation. Il est néanmoins tout aussi important de mobiliser les effectifs des divers départements et de générations différentes autour de questions spécifiques dans le but de générer du savoir. Des réunions régulières sont organisées à cet effet.

Par exemple, si l’Administration est confrontée à un cas difficile ou qu’elle doive mettre en place une nouvelle règlementation, les diverses équipes travaillent ensemble pour proposer des solutions et en débattre. Les agents les plus anciens peuvent expliquer comment ils ont géré des situations ou des changements juridiques semblables par le passé, et les agents plus jeunes peuvent partager leurs idées. Il s’agit dans la pratique d’une discussion « entre amis » puisque le personnel n’est pas contraint d’arriver à l’un ou l’autre résultat. Une question récurrente est de savoir comment normaliser les pratiques au niveau des divisions et des échelons hiérarchiques supérieurs. Il est absolument essentiel à cet égard d’encourager les échanges entre générations sur la logique que chacun suit dans sa façon de faire les choses.

Ce dialogue est très enrichissant pour tous les participants. Ils se sentent davantage empathiques les uns avec les autres et plus engagés par rapport à leur travail. À la fin de la réunion, un rapport est rédigé pour alimenter la base de données documentaires de l’Administration. Les décisions ou procédures qui découlent de ces discussions sont également partagées avec tout le personnel par courriel et nous nous assurons de rendre hommage aux employés qui ont travaillé sur ces questions et qui ont formulé les propositions retenues.

Un savoir partagé est un savoir élevé au carré

Ce slogan, adapté d’une brochure publicitaire sur Microsoft Sharepoint, est extrêmement pertinent pour les administrations des douanes. Si nous partageons ouvertement ce que nous faisons et la manière dont nous le faisons, nous en profiterons toutes et tous.

En se focalisant sur la gestion des connaissances, notre nouvelle stratégie de RH vise à tisser des liens entre nos employés, à créer chez eux un sentiment d’appartenance et de fierté et à engendrer une culture de la connaissance. Les agents expérimentés et leurs savoirs sont valorisés. Quant aux nouvelles générations, elles ont le sentiment de contribuer à la mémoire institutionnelle. Ensemble, les effectifs décident de ce qui devrait être maintenu et légué aux générations à venir. La direction de l’Administration doit faciliter ces interactions et cette collaboration pour créer de nouveaux savoirs et faire avancer les choses. La tâche n’est pas facile, mais la Douane doit continuer à créer de nouvelles connaissances afin de s’adapter aux changements, que ces derniers soient liés à son environnement opérationnel, aux technologies dont elle peut tirer parti et aux attributions qui lui sont confiées par le gouvernement.

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gnjatovicd@carina.rs