Dossier: Gérer les connaissances

La stratégie de gestion des connaissances de la Douane du Qatar

2 mars 2023
Par Tariq Shbail, expert douanier, Centre régional de formation, Douane du Qatar

La Douane du Qatar considère que la gestion des connaissances est essentielle pour améliorer sa performance dans tous les domaines, de la qualité du service à sa productivité, en passant par le processus décisionnel et la communication. La gestion des connaissances ne se limite pas à une gestion passive d’un vivier de savoirs, mais repose sur le développement d’une culture organisationnelle qui valorise l’apprentissage et le partage des connaissances. Il s’agit d’un ensemble de processus régissant la création, la dissémination et l’utilisation des connaissances dans une organisation.

Comité de pilotage

La gestion des connaissances exige un effort pluridisciplinaire et la mise en place d’une politique dans ce domaine ne peut être mise entre les mains d’un département en particulier. C’est pourquoi l’Administration qatarie a créé un comité de pilotage qui a pour mission d’élaborer une stratégie de gestion des connaissances et d’en surveiller l’application. Le comité est présidé par le chef adjoint du service de soutien et est constitué des directeurs de la plupart des départements, notamment de ceux qui se chargent de la formation régionale, de la planification et de la qualité, des ressources humaines, des technologies de l’information, des questions financières et administratives, ainsi que des relations publiques et de la communication.

Les tâches du comité de pilotage sont :

  • d’élaborer une stratégie de gestion des connaissances, dans la lignée des objectifs stratégiques globaux de l’Administration.
  • d’appuyer les initiatives, les programmes et les méthodologies de gestion des connaissances.
  • d’assurer le suivi de la mise en œuvre de la stratégie, de passer en revue les réalisations et d’évaluer les résultats.
  • de mettre au point des politiques et des procédures, et de les actualiser afin qu’elles restent pertinentes.
  • de garantir la participation effective du personnel aux projets et aux activités.
  • d’affecter les ressources financières et humaines nécessaires pour l’exécution des programmes et des projets.

La stratégie mise au point par le Comité repose sur trois grands piliers :

  • Une culture de la connaissance qui implique les personnes dans la création de connaissances et dans leur partage.
  • Des outils et des méthodologies pour gérer, élargir et préserver le capital de connaissances et les sources de savoirs de l’Administration.
  • Un système de partage de connaissances qui étaye les processus décisionnels et améliore la qualité des services.

Évaluation

Avant de mettre au point une stratégie, l’Administration a dû évaluer les processus existants et son niveau de maturité dans le domaine de la gestion des connaissances. À cette fin, elle a mené une enquête qui a compté sur la participation de tout le personnel. Les questions posées portaient sur des aspects tels que la prise en compte de l’importance du savoir mais aussi sur l’acquisition, le partage, l’évaluation, le transfert et l’utilisation des connaissances. Ces questions ont été formulées en tenant compte des ouvrages scientifiques, des théories et des questionnaires existants sur la gestion des connaissances. Elles ont été adaptées au contexte douanier et revues par des chercheurs et des experts spécialisés dans la gestion des connaissances qui se sont assurés qu’elles étaient clairement formulées et restaient faciles à comprendre, ce qui a notamment impliqué de changer certains termes et, le cas échéant, de les clarifier. Ils ont aussi travaillé sur la séquence des questions afin qu’elles suivent un raisonnement logique et ont souscrit à la politique sur la vie privée décrivant les modalités de stockage et d’utilisation des données fournies par le personnel.

Sensibiliser et mobiliser le personnel

Les réponses au questionnaire ont été analysées par les experts de l’Administration. Les résultats ont révélé que les pratiques et outils de gestion des connaissances étaient connus mais qu’ils devaient être non seulement organisés de manière plus structurée, mais également expliqués et institutionnalisés.

Diverses initiatives ont été lancées dans le but :

  • de sensibiliser le personnel à la gestion des connaissances, à son importance et aux notions qui y sont liées ;
  • de mettre au point un système électronique efficace de diffusion et d’échange des savoirs à travers l’Administration ;
  • d’organiser et de catégoriser le capital de connaissances et les sources en interne et en externe ;
  • de transformer les connaissances tacites en connaissances explicites ;
  • d’atténuer les menaces en matière de connaissances.

La force motrice de la gestion des connaissances réside dans les individus, avec leurs savoirs tacites et explicites. Afin de sensibiliser le personnel à l’importance de la gestion des connaissances, le Centre de formation douanière a organisé une série de formations et d’ateliers à l’adresse de tous les employés. Ces activités ont permis d’analyser les avantages de la gestion des connaissances ainsi que les termes techniques (comme la cartographie des connaissances, le capital de connaissances, le capital intellectuel, les lacunes en matière de connaissances, les connaissances tacites et explicites ainsi que les sources de connaissances) et d’en débattre. Les ateliers ont été menés par des experts en gestion des connaissances travaillant au Centre de formation douanière.

Une campagne de communication a également été mise au point et divers matériaux élaborés, notamment des brochures qui expliquent les concepts relatifs à la gestion des connaissances, des affiches sur les objectifs et l’importance de la gestion des connaissances au sein de l’Administration (voir illustration n°1) et des courriels mettant en avant les résultats atteints, les progrès réalisés et les informations relatives aux projets et programmes de gestion des connaissances.

Les membres du personnel ont également été invités à expliquer ce que signifie la gestion des connaissances pour eux à travers un concours. Ils ont ainsi eu la possibilité de présenter leurs idées sur la façon de promouvoir l’échange de savoirs et d’expertises au niveau national et international ; l’une de ces idées a d’ailleurs abouti au « Projet de partage des expériences réussies ». Cette initiative a permis de créer un espace de communication ouverte sur les expériences de succès et d’échecs des employés ainsi que les enseignements qu’ils en tirent collectivement.

Une enquête a par ailleurs été mise au point, l’idée étant de la mener régulièrement pour évaluer dans quelle mesure les employés tiennent compte des concepts clés et des outils, mais aussi pour jauger leur évolution sur le temps. Les questions se centrent sur la Stratégie et la Vision de gestion des connaissances de l’Administration, le partage des savoirs et les méthodes motivationnelles, les moyens de communication, les sources de connaissances et leur accessibilité, ainsi que les systèmes d’information électroniques utilisés par l’Administration.

Plateforme de connaissances

Pour permettre aux agents des douanes de communiquer, de partager les connaissances et d’accéder aux informations pertinentes à travers un portail unique, l’Administration a mis en place une plateforme sur son système Intranet. Cette plateforme axée sur le savoir a pour objet de permettre aux fonctionnaires de partager leurs idées, leurs initiatives et leurs suggestions dans le but d’améliorer leur environnement mais aussi leurs méthodes de travail. Elle est utilisée pour publier les études et les travaux de recherche menés par les agents de l’Administration. Le portail est géré et supervisé par le Département des relations publiques et de la communication.

L’Administration utilise également la plateforme pour publier des informations sur les possibilités d’apprentissage, comme, par exemple, les prochaines formations nationales et régionales et les détails sur la façon de s’y inscrire. Il existe également un lien renvoyant vers la plateforme CLiKC! de l’OMD et ses nombreux cours d’e-learning.

Pour accroître son offre de formations, l’Administration a signé de nombreux protocoles d’accord (PDA) avec des organes nationaux et internationaux. Parmi les séminaires, les ateliers et les symposiums les plus importants qui se sont déroulés au cours des derniers mois figurent notamment :

  • un atelier régional sur l’analyse des données et l’intelligence artificielle, organisé avec l’OMD à travers son Centre régional de formation au Qatar ;
  • une conférence internationale sur la Convention de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites de biens culturels, organisée par les Musées du Qatar. Cet événement a réuni des représentants d’organisations internationales, de gouvernements, des milieux universitaires, d’ONG et d’autres parties prenantes concernées.

Étant donné qu’il peut être difficile pour les employés de se concentrer sur leurs tâches professionnelles et de les mener à bien efficacement tout en partageant leurs connaissances ou en suivant une formation, les horaires de travail habituels ont été revus afin de prévoir également du temps permettant aux effectifs de poursuivre de telles activités.

Capital de connaissances

Par ailleurs, la Douane du Qatar a mis au point une méthodologie en vue d’organiser et de préserver le capital de connaissances à travers ses divers départements. Le « capital de connaissances » désigne toutes les ressources intellectuelles auxquelles une organisation a accès, telles que les aptitudes cognitives, les bases de données, les documents, les guides et le personnel.

Pour superviser la mise en œuvre de la méthodologie, l’Administration a établi une équipe spéciale composée d’employés de tous les départements afin :

  • de répertorier et de classer les savoirs existants, en vue d’établir ce qui existe déjà ;
  • de déterminer les lacunes en matière de connaissances (c’est-à-dire les écarts entre le niveau de compétences requis pour effectuer une tâche professionnelle et le niveau réel de connaissances, d’aptitudes et de capacités ainsi que le comportement exigé) ; de nombreuses lacunes ont été décelées, en particulier dans des domaines comme l’évaluation en douane, le classement tarifaire et l’analyse des données ;
  • d’établir les liens entre les différents savoirs, comme les liens de dépendance et de pertinence ;
  • d’exclure du capital cognitif les éléments inutilisés ou obsolètes, comme les anciennes législations ou directives de procédures tombées en désuétude ;
  • de déterminer les sources de connaissances externes et internes ;
  • de classer les connaissances en fonction de leur caractère explicite ou tacite ;
  • de définir les connaissances qui sont les plus importantes et de leur donner la priorité compte tenu de leur pertinence dans les activités et procédures douanières. Outre les experts douaniers, les ressources les plus importantes et les plus fréquemment utilisées qui ont été définies en matière de capital de connaissances sont les règlementations, les directives, les travaux de recherche et les études, les programmes pédagogiques, les rapports annuels et les bases de données.

Pour recueillir toutes ces informations, l’équipe spéciale a dû remplir un jeu de plusieurs formulaires. Par exemple, le formulaire d’identification des connaissances inclut notamment des informations sur la personne chargée du processus étudié, le but du processus, les connaissances requises, les sources où trouver ces connaissances (explicites ou tacites) et la façon dont les connaissances sont transférées, disséminées, formatées, stockées et classées. L’équipe a suivi une formation spécifique pour s’assurer d’être à même de s’acquitter de la tâche adéquatement et efficacement.

Les connaissances tacites

Le défi qui se pose à toute organisation consiste à savoir comment exploiter effectivement les connaissances tacites pour développer le capital humain. Les connaissances tacites désignent les savoirs qui ne peuvent être transmis qu’à travers l’observation ou qui sont acquis à travers l’expérience personnelle ; ces connaissances sont, par exemple, le fondement des programmes de stage.

L’Administration a commencé à classer le capital de connaissances en connaissances explicites et tacites. Elle a ensuite entrepris plusieurs projets et activités visant à convertir ces connaissances tacites en savoirs explicites. Tout d’abord, une base de données de formateurs et d’experts a été mise sur pied, avec des informations sur leur expérience professionnelle, leur expérience en matière de formations, leurs qualifications, leurs domaines d’intérêt, leur note d’évaluation et leur participation à des événements régionaux et internationaux. Ensuite, les programmes pédagogiques ont été mis à jour par des experts afin d’inclure des informations sur les pratiques et le savoir-faire. Enfin, il a été décidé de dresser des rapports écrits détaillés sur tous les ateliers et conférences et de les mettre à la disposition de tout le personnel sur la plateforme de connaissances.

Les menaces en matière de connaissances

L’Administration a élaboré une stratégie de gestion des risques dans le but de déterminer et d’atténuer les risques potentiels pour la mise en place de sa politique de gestion des connaissances. Les risques relevés sont notamment la résistance face au changement, le manque d’expérience en matière de gestion des connaissances et la réticence de certains employés à partager leurs réussites.

Pour chaque risque répertorié, un ensemble de mesures actives a été mis au point. Ces mesures incluent notamment la communication avec les salariés afin d’atténuer les comportements négatifs vis-à-vis de la gestion des connaissances, ainsi que la mise en place de formations et d’un système de récompense des salariés qui partagent leurs expériences et leurs réussites à travers des lettres de remerciements et des compensations pécuniaires.

Enseignements tirés

La Douane du Qatar est convaincue que, pour arriver à définir des méthodologies et à adopter des outils qui permettent de capturer, de stocker, de partager et de gérer efficacement les connaissances, les principaux facteurs de succès sont l’engagement et le soutien de la haute direction. Les personnes chargées de diriger l’organisation doivent dès lors comprendre l’importance de la gestion des connaissances et ce qu’implique la mise en place de cette notion en termes de tâches et de ressources.

Une fois le soutien de la haute direction acquis, la mise en œuvre réussie de projets de gestion des connaissances dépendra principalement du niveau de sensibilisation des effectifs et de leur compréhension de ce concept. L’un des principaux obstacles rencontrés par les organisations durant la mise en œuvre d’activités relatives à la gestion des connaissances est le manque de clarté concernant les objectifs poursuivis et leur pertinence.

L’Administration espère que son expérience servira de source d’inspiration aux autres administrations douanières et reste à la disposition de toutes celles qui souhaitent en savoir plus à ce sujet.

En savoir +
www.Customs.gov.qa
Trainingcenter@Customs.gov.qa

À propos de la Douane du Qatar

La Douane du Qatar est l’autorité gouvernementale qui se charge de contrôler les importations et exportations de marchandises dans le pays, conformément à la législation en vigueur à cet égard. Le décret de l’Émir n° 37, adopté le 20 février 2014, établit la Douane en tant que personne morale, dotée d’un budget associé au budget du ministère des Finances. L’Administration est affiliée au ministre des Finances et est basée à Doha. Elle est considérée comme une agence jouant un rôle important pour assurer le développement économique durable et pour réaliser la Vision nationale du Qatar à l’horizon 2030 et la Stratégie de développement national du Qatar. Cette Stratégie propose diverses modalités pour améliorer la performance des institutions publiques et les rendre plus efficaces, novatrices, pertinentes, transparentes, fiables, davantage axées sur les résultats et centrées sur le client. Elle souligne aussi que la Douane s’occupe non seulement d’assurer le respect des règles du commerce par les négociants mais joue aussi un rôle essentiel pour favoriser les investissements étrangers et pour promouvoir le commerce et les voyages internationaux.