Biométrie : comment les avancées dans la technologie ont permis de mieux sécuriser les États-Unis
5 juin 2019
Par Marcy Mason, Service de la douane et protection des frontières (CBP) des États-UnisIl est 7 heures 45, un mercredi matin de mai, à l’aéroport international d’Atlanta Hartsfield-Jackson aux États-Unis, et des passagers embarquent à bord du vol Delta Air Lines 334 à destination de Mexico. Les uns après les autres, les voyageurs scannent leur carte d’embarquement et s’approchent d’une borne placée sur la passerelle d’embarquement dotée d’une caméra, pour s’y faire prendre en photo avant de monter à bord de l’appareil. Leurs photos sont instantanément comparées aux photos utilisées pour leur passeport, leur visa ou d’autres documents officiels.
Tout se déroule sans heurt jusqu’à ce que les fonctionnaires du Service de la douane et de la protection des frontières (CBP) des États-Unis, qui sont sur place pour aider les passagers, reçoivent un message d’alerte concernant l’un des voyageurs.
Il s’agit d’une femme, de 28 ans, de nationalité mexicaine et avec un passeport mexicain. Les agents ont reçu l’information qu’aucune photo préalable n’a été retrouvée lui correspondant. Un officier de la CBP prend la jeune femme à l’écart et examine son passeport. Pas de visa. Elle ne possède pas non plus de carte verte prouvant qu’elle réside légalement aux États-Unis. Après un bref interrogatoire, la jeune femme avoue qu’elle est entrée illégalement dans le pays il y a quatre ans.
L’agent sort alors un appareil portatif biométrique de la CBP pour prendre les empreintes digitales des deux index de la jeune femme. « C’est la première fois que nous pouvons encoder les données biométriques de cette personne, c’est-à-dire ses traits physiques uniques », explique Bianca Frazier, responsable de lutte contre la fraude pour la CBP à l’aéroport d’Atlanta. « Nous ne les possédions pas avant puisque nous ne l’avions jamais rencontrée. »
Dès 2002, c’est-à-dire peu de temps après la pire attaque terroriste qu’aient subie les États-Unis, une loi a été adoptée exigeant du Département d’État et du Département de la sécurité intérieure (DHS) qu’ils utilisent la technologie biométrique pour la délivrance de visas et pour contrôler les ressortissants tiers entrant sur le territoire national. Puis, en 2004, une loi a été adoptée autorisant le DHS à recueillir les données biométriques des ressortissants de pays tiers quittant le pays.
Selon Bianca Frazier, il est courant de retrouver des personnes qui sont entrées illégalement aux États-Unis. Depuis juin 2016, date à laquelle la CBP et Delta Air Lines ont lancé leur programme pilote pour mettre à l’essai la technologie de reconnaissance faciale biométrique à la sortie du pays, les agents de la CBP rencontrent des cas de voyageurs comme cette jeune femme mexicaine au quotidien. « La plupart du temps, nous retrouvons deux ou trois personnes sans papier mais, parfois, elles sont huit ou dix à embarquer sur un vol », raconte Bianca Frazier.
Au final, la jeune femme reçoit l’autorisation de prendre le vol mais une empreinte et un numéro d’identification sont à présent spécifiquement liés à cette jeune femme. À l’avenir, si cette dernière introduit une demande de visa pour retourner aux États-Unis ou si elle est prise en train de traverser la frontière illégalement, une alerte se déclenchera indiquant qu’elle est déjà entrée illégalement sur le territoire national par le passé et qu’elle se trouve sur la liste des signalements. Un fichier biométrique de sortie, confirmant qu’elle a bien quitté le territoire des États-Unis, a également été créé.
Le défi biométrique
Pendant plus d’une décennie, le gouvernement américain a cherché le moyen de mettre en place un système biométrique à l’entrée et à la sortie qui soit pratique et bon marché, et qui lui permette d’honorer la mission que lui a octroyée le Congrès, à savoir préserver la sécurité du pays. Avant que la CBP ne se lance dans la tâche de concevoir et de mettre en place un système, vers 2013, le gouvernement avait déjà fait des essais sans grand succès. La technologie faisait partie du problème mais la plus grande difficulté restait de trouver la manière d’intégrer la technologie dans les infrastructures existantes aux aéroports sans faire exploser les coûts et sans avoir une incidence négative sur les activités des aéroports et des lignes aériennes.
La CBP collaborait avec les compagnies aériennes depuis la moitié des années 1990 pour contrôler les passagers à l’entrée ou à la sortie du pays en utilisant les informations biographiques des voyageurs, comme la date de naissance, le numéro de passeport, le numéro national ou la nationalité. « Les lignes nous envoyaient les informations du manifeste à l’avance, avant le départ du vol », explique John Wagner, Sous-commissaire exécutif adjoint du Bureau des opérations de terrain de la CBP. « Nous appliquions la loi sur la base de ces données. »
Or, après les attaques terroristes de 2001, ces informations biographiques n’ont plus suffi. Afin d’accroître la sécurité, le Congrès américain a adopté une législation qui a ajouté des éléments biométriques obligatoires pour suivre la trace des voyageurs. « Les passagers entrant sur le territoire étaient faciles à suivre puisque nous disposions déjà d’une procédure », signale John Wagner. « Lorsque les voyageurs débarquent d’un vol international, ils doivent passer à travers une voie sécurisée vers la zone de contrôle de la CBP. La ligne aérienne nous transmet les données biographiques. Nous vérifions l’information lorsque nous lisons le passeport du voyageur et nous nous assurons qu’elle correspond bien à ce que nous avons dans nos fichiers. C’est à ce moment-là que nous prenons les empreintes digitales pour la plupart des non-résidents ».
Pour les vols sortant du territoire national, par contre, il est beaucoup plus difficile de recueillir les données biométriques. « Nous n’avons jamais délimité de périmètre pour mener cette tâche au point de départ », indique l’agent Wagner. « Nous n’avons pas de zones spécifiques de départ pour les vols en partance. Les vols internationaux partent d’un peu partout dans l’aéroport et il a été difficile de décider où nous pouvions recueillir ces données biométriques et avec quelle technologie. »
Il faut encore ajouter le manque de soutien dont la CBP a souffert. « Nos interlocuteurs de l’industrie du voyage s’opposaient fermement à tout cela parce qu’ils pensaient que ça leur coûterait de l’argent et que ça ralentirait les passagers », ajoute le Sous-commissaire Wagner. Les obstacles semblaient insurmontables. « Nous étions obsédés par l’idée de trouver la technologie magique qui allait nous permettre de faire ce boulot et de répondre à toutes les préoccupations. Personne n’a jamais rien trouvé parce que la technologie magique, ça n’existe pas! », conclut-il.
Un nouveau départ
John Wagner et son équipe ont décidé de tout reprendre à zéro. Ils ont alors fait appel à la Direction des sciences et de la technologie du DHS, une unité de recherche et de développement, afin d’en apprendre plus sur la technologie biométrique disponible et sur les méthodes de collecte de données qui pourraient fonctionner le mieux. Peu de temps après, en 2014, un laboratoire de démonstration pratique a été créé à Landover, dans le Maryland.
« Nous avons passé au crible plus de 150 appareils biométriques et algorithmes différents. Nous les avons assemblés suivant différentes configurations, puis nous avons amené des volontaires afin de mettre à l’essai l’intégralité du processus dans le but de voir combien de temps ça prenait, quel était le débit de passagers que nous pouvions atteindre, le niveau d’exactitude de la comparaison biométrique et, au final, le rendement de la technologie », raconte Arun Vemury, Directeur des programmes Contrôle des personnes au sein de la Direction des sciences et de la technologie du DHS. « Avec le temps, nous avons vu défiler plus de 2.000 personnes en provenance de 53 pays différents, âgés entre 18 et 85 ans. Avec ces tests, nous avons essayé de reproduire les caractéristiques démographiques des voyageurs entrant aux États-Unis. »
L’un des enseignements qu’Arun Vemury a tiré de ces essais est que les algorithmes utilisés pour la reconnaissance faciale sont devenus beaucoup plus pointus. L’algorithme est la formule mathématique qui identifie les caractéristiques biométriques uniques d’un doigt, d’un iris ou d’un visage et qui compare ces points aux zones correspondantes dans les données biométriques préalablement recueillies. « Grâce à ces améliorations dans la technologie de la reconnaissance faciale, nous pouvons vérifier l’identité des personnes beaucoup plus efficacement aujourd’hui qu’il y a deux ans », conclut-il.
Les essais sur le terrain
Au même moment, la CBP menait ses propres tests de laboratoire et une série d’expériences pilotes. « Nous avons lancé plusieurs pilotes pour nous aider à mieux comprendre les différents types de technologies biométriques dans les différents environnements où nous travaillions », nous explique John Wagner. Par exemple, la CBP savait que les passeports américains étaient susceptibles d’être falsifiés et elle s’est dit que l’outil biométrique pourrait l’aider à lutter contre ce phénomène.
Après plusieurs mois d’essais des algorithmes et des bornes à caméra, la CBP a mis au point une technologie de reconnaissance faciale individualisée qui compare les voyageurs entrants à la photo de leur passeport. « Ces pilotes nous ont montré que la technologie de reconnaissance faciale était précise », se souvient l’agent Wagner. « Nous nous sommes donc dit que les algorithmes étaient suffisamment fiables pour que nous puissions les utiliser en toute sécurité ».
La CBP a également construit un appareil mobile portatif permettant aux agents de contrôler les empreintes digitales des voyageurs sur le départ. « Nous avons testé le Biometric Exit Mobile en 2015 dans 10 aéroports du pays », reprend John Wagner. « Cette expérience nous a montré que nous pouvions prendre des empreintes digitales précises avec un dispositif portable et nous avons ainsi pu donner à nos agents les moyens d’effectuer des recherches biométriques à l’aide d’un smartphone s’ils constatent qu’un individu mérite une enquête approfondie ».
La biométrie ou l’histoire d’une réussite
Le Biometric Exit Mobile a abouti à des résultats spectaculaires. Prenons par exemple un incident qui s’est produit en mai 2017 à l’aéroport international de Chicago O’Hare impliquant deux ressortissants polonais qui embarquaient sur un vol vers Berlin, Allemagne. Lorsque le couple a présenté ses passeports à la porte d’embarquement, les agents de la CBP n’ont trouvé aucun visa correspondant ni aucun cachet d’entrée sur les passeports ; ils ont donc décidé de contrôler les passeports en les passant par le lecteur.
Les informations biographiques n’ont rien révélé de négatif mais, par précaution, les agents ont tout de même décidé de prendre les empreintes digitales des deux personnes avec leur appareil, commençant par la femme. En quelques secondes, les résultats sont revenus indiquant que cette dernière figurait dans la liste des signalements. Il en a ensuite été de même pour l’homme. Tous deux avaient été condamnés à la déportation par un juge chargé des questions d’immigration mais ils n’avaient pas quitté le pays.
Les agents ont voulu avoir plus de clarté sur les résultats qu’ils avaient obtenus et ont demandé le concours d’un collègue. « J’ai contrôlé le nom de la femme, sans résultat. Elle n’était fichée nulle part », raconte Jonathan Cichy, agent de la CBP à l’aéroport de Chicago O’Hare, chargé de lutte contre la fraude pour les opérations de départ. « Cela dit, lorsque j’ai vérifié ses empreintes, j’ai obtenu un résultat positif mais pour une autre femme, avec une date de naissance et une identité différentes, qui avait été arrêtée et expulsée du territoire. »
L’agent Cichy s’est alors penché sur le manifeste du vol. « J’ai constaté qu’il n’y avait aucun fichier sur les identités qu’ils avaient utilisées pour monter dans l’avion », se souvient-il. Des vérifications plus approfondies ont révélé que les deux ressortissants polonais avaient des antécédents pénaux et utilisaient plusieurs identités. « Mais aucune n’apparaissait dans nos systèmes, parce qu’ils étaient en train de quitter le territoire en n’utilisant aucune d’elles. En fait, les données biographiques ne nous disaient pas tout », ajoute-t-il.
Le couple a pu monter à bord mais pas avant que l’agent Cichy ne leur remette des documents légaux pour confirmer leur départ et clore le dossier de déportation. « Si l’un des deux tente de revenir aux États-Unis sans permission, il pourrait être poursuivi pour délit de retour après expulsion, ce qui pourrait lui valoir une peine de deux à vingt ans de prison », indique-t-il.
Le moment décisif
Les tests biométriques menés par la CBP à la sortie du territoire national ont finalement abouti à un programme pilote à l’aéroport international d’Atlanta Hartsfield-Jackson. Pour John Wagner et son équipe, ce moment a marqué un véritable tournant. « Nous avons trouvé la manière de traiter l’information que nous recevions sur les passagers de la part des lignes aériennes, pour les apparier aux informations que nous avions déjà dans nos bases de données gouvernementales », nous explique-t-il.
Sur la base de leurs recherches, Wagner et son équipe ont décidé d’utiliser la technologie de la reconnaissance faciale. « Nous nous sommes rendu compte que la reconnaissance faciale était très intuitive finalement. Tout le monde sait comment se tenir devant un appareil et se faire prendre en photo », indique-t-il.
Outre sa rapidité par rapport aux autres méthodes biométriques, la reconnaissance faciale comporte plusieurs autres avantages. La borne à caméra servant à prendre les photos des passagers ne prend pas beaucoup de place et l’équipement n’est pas très coûteux. De plus, la CBP dispose déjà d’archives photos aux fins de la comparaison biométrique. « Les gens ont déjà soumis leurs photographies au gouvernement pour obtenir leur titre de voyage », explique Wagner.
Le véritable exploit, toutefois, a été de trouver la manière d’accélérer le processus d’appariement des photographies. « Dès que le passager procède à son enregistrement auprès de la ligne aérienne, cette dernière nous fait savoir qui embarquera dans l’avion. À ce moment-là, nous retrouvons toutes les photos dont nous disposons sur les personnes enregistrées à bord, nous les regroupons et nous les segmentons en galeries photos individuelles pour chaque passager », nous explique l’agent Wagner. « S’il y a 300 personnes dans l’avion, nous retrouvons toutes les photos que nous avons sur ces 300 personnes. En général, on se retrouve avec pas moins de 1 500 photos parce que, souvent, nous possédons plusieurs photos pour un même passager ».
Ensuite, au moment où le passager embarque dans l’avion, il se fait prendre encore une fois en photo. Cette image est comparée à celles figurant dans la galerie de photos pour cet individu, sans devoir passer au crible les milliards d’images contenues dans la base de données biométriques du DHS. « Comme le fichier est de petite taille, l’appariement se fait en temps réel et il est très précis », ajoute John Wagner.
Le pilote à l’aéroport d’Atlanta a également été conçu suivant certains paramètres. « Nous avons expliqué à nos interlocuteurs que nous voulions concevoir quelque chose qui s’imbrique facilement dans les opérations et les infrastructures existantes. Nous avons bien insisté sur le fait que nous voulions simplifier la vie des voyageurs. Nous ne voulions pas ajouter des étapes ou des procédures supplémentaires. »
Partenariat fort
Lors d’une discussion avec Delta Air Lines, John Wagner a demandé si la compagnie aérienne serait intéressée à participer à un pilote sur la biométrie. « Nous entretenons une relation de collaboration très forte et de longue date avec la CBP », nous confie Jason Hausner, directeur de la facilitation passagers de la société. « Normalement, lorsque la CBP s’adresse à nous pour entreprendre quelque chose, nous sommes toujours partants. Nous aimons rester à la page, apporter notre expertise et contribuer à façonner les choses ».
En février 2016, Delta a rencontré la CBP pour mettre au point un plan de projet et a décidé de lancer un test couvrant la connexion entre Atlanta et Tokyo, au Japon. Le pilote, qui a commencé en juin, a été couronné de succès, de sorte qu’en septembre, la CBP a décidé de faire un essai sur un autre vol, cette fois en partance vers Mexico. Après plus d’un an d’essais, la technologie de reconnaissance faciale s’est révélée suffisamment précise. « Le pourcentage de concordances dépasse les 90 % », indique Nael Samha, Directeur des systèmes passagers de la CBP qui a également construit l’architecture du système d’exploitation du pilote.
Au niveau opérationnel, le pilote a aussi permis d’obtenir de très bons résultats. « Nous voulions évaluer, entre autres, l’impact sur nos opérations. L’embarquement allait-il être retardé ? Allions-nous pouvoir assurer la ponctualité des services ? Nous sommes très portés sur les mesures », nous avoue Jason Hausner. « Jusqu’à présent, le test n’a pas eu le moindre impact sur nous et c’est en partie dû à la démarche qu’a adoptée la CBP. Elle sait que pour que son programme réussisse, elle doit travailler en partenariat avec nous ».
Les innovations dans le secteur
Au cours de l’été 2017, la CBP a mené plusieurs démonstrations techniques de la technologie de reconnaissance faciale biométrique à la sortie avec diverses lignes aériennes et plusieurs aéroports dans le pays. « Nous voulions montrer à nos interlocuteurs et au public ce que c’est que cette technologie et comment elle fonctionne, pour voir comment la biométrie peut être intégrée dans les modèles opérationnels des compagnies aériennes et des aéroports ainsi que dans les plans de modernisation, dans le respect des exigences liées au respect de la vie privée », raconte John Wagner.
Certaines lignes aériennes ont déjà pris les devants. À l’aéroport international John F. Kennedy (JFK) de New York et à Atlanta, Delta s’est lancée dans des essais combinant la technologie de la reconnaissance faciale avec ses procédures de lecture des cartes d’embarquement. « Le pilote de la CBP est conçu comme une procédure en deux étapes mais il nous a semblé que s’il devait être déployé sur l’ensemble du territoire national, il devait se limiter à une seule étape », indique Jason Hausner.
En juin 2017, JetBlue Airways a fait de cet objectif une réalité, devenant ainsi la première compagnie aérienne à procéder à l’embarquement de ses passagers en utilisant la reconnaissance faciale biométrique au lieu des traditionnelles cartes d’embarquement. À la différence des démonstrations techniques de la CBP avec d’autres transporteurs aériens, JetBlue a proposé le pilote. La compagnie a voulu concevoir sa propre technologie et l’incorporer dans le système d’appariement par reconnaissance faciale de la CBP. « La CBP s’est montrée très ouverte à ce que nous voulions accomplir », explique Liliana Petrova, Directrice responsable de l’expérience client de JetBlue Airways.
Le pilote, lancé à l’aéroport international Logan de Boston, a été mis sur pied très rapidement. « La CBP nous a accordé la priorité et nous a aidé à tout mettre en place très vite », poursuit-elle. « Peu de partenariats fonctionnent aussi bien, même avec d’autres sociétés privées ! ». Le système biométrique fait partie de la stratégie de JetBlue visant à réduire les contraintes du voyage autant que possible. « Les passagers ne doivent pas s’arrêter pour chercher leur carte d’embarquement ou leur pièce d’identité. La file avance plus rapidement et personne ne doit attendre trop longtemps. Nous essayons d’éliminer toute source d’inquiétude pour celles et ceux qui prennent l’avion et nous voulons aussi permettre aux membres de l’équipage d’interagir davantage avec les clients. »
Le retour des clients de JetBlue a été très positif. « Les clients sont vraiment ravis. Ils trouvent tout ça très sympa et ils s’amusent », conclut Liliana Petrova. JetBlue a d’ailleurs décidé d’élargir le pilote à d’autres vols partant de Boston et de l’aéroport JFK de New York.
À l’avenir, la CBP entend élargir l’utilisation de la technologie biométrique à tout le pays en recourant à l’informatique en nuage. « Les États-Unis comptent une centaine d’aéroports offrant des services aux passagers internationaux et nous devons encore définir le calendrier de déploiement et les échéances », indique John Wagner. « Nous devons également décider de la technologie que nous allons utiliser. Nous avons travaillé avec quelques aéroports et compagnies aériennes pour répondre à certaines de ces questions. Nous voulons qu’ils nous disent à quoi devrait ressembler le matériel technique, afin qu’il puisse répondre à leurs besoins opérationnels ».
Il est également prévu de mettre à jour la technologie biométrique de la CBP à l’entrée sur le territoire. « Nous allons utiliser le même système pour le traitement des arrivées que celui pour la biométrie pour les départs », ajoute encore le Sous-commissaire Wagner. Cela étant, la CBP ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Nous nous penchons déjà sur la manière de communiquer avec les personnes à travers leurs appareils portables au moment où ils débarquent de l’avion », poursuit-il. « Si nous pouvons donner aux voyageurs davantage d’orientations sur la manière de passer les contrôles douaniers et de trouver leur chemin à travers le dédale de l’aéroport, nous pourrons être plus efficaces et leur offrir un peu plus de tranquillité, par la même occasion. »
En savoir +
www.cbp.gov
Un incident remontant à avril 2017 à l’aéroport international de Chicago O’Hare illustre à quel point la technologie biométrique peut renforcer les capacités de la CBP en matière de lutte contre la fraude. Dipakkumar Patel, un ressortissant indien de 38 ans, a présenté un passeport d’urgence indien afin de monter sur un avion en partance pour Abu Dhabi, aux Émirats arabes unis, où il devait prendre un vol de connexion vers l’Inde. En contrôlant le passeport en question, l’agent de la CBP à la porte d’embarquement n’y a trouvé aucun visa pour les États-Unis et aucun cachet d’entrée sur le territoire national ; de plus, les pages du passeport étaient vierges. Lorsqu’il a été interrogé, Patel a avoué à l’agent qu’il était entré dans le pays illégalement par le Mexique, six ans auparavant. L’agent a alors décidé d’appeler l’Unité d’analyse des passagers de la CBP pour lui demander d’effectuer des recherches dans les bases de données gouvernementales sur le nom du voyageur, afin de vérifier si l’homme figurait dans les listes de signalements.
Le système a renvoyé une liste de 22 noms d’emprunt, dont celui de Patel. Cela dit, ce nom est assez courant en Inde et les résultats n’étaient pas concluants. L’agent a donc décidé de procéder à un contrôle biométrique et a appelé son collègue afin qu’il vienne sur la passerelle aéroportuaire prendre les empreintes digitales de Patel. À l’aide d’un Biometric Exit Mobile de la CBP, l’agent a passé le passeport de Patel par le lecteur et a pris les empreintes de ses deux index. « Tous nos systèmes ont été interrogés et dans les secondes, les agents ont reçu un résultat biométrique positif correspondant à l’individu », raconte Jonathan Cichy, agent de la CBP à l’aéroport de Chicago O’Hare, chargé de lutte contre la fraude pour les opérations de départ. « L’homme était entré dans le pays en utilisant l’identité d’un ressortissant portugais alors qu’il était en train de quitter les États-Unis en tant que citoyen indien, avec une autre identité », poursuit l’agent Cichy. « Le passeport portugais lui avait été délivré légalement mais il l’avait obtenu frauduleusement ».
Et ce n’était pas tout. Comme le nom de Patel avait été apparié à l’un des noms d’emprunt, une alerte a été envoyée au Centre national de ciblage de la CBP, au Bureau de l’Inspecteur général du Département de la sécurité intérieure (DHS) et au Service des enquêtes pour la sécurité intérieure (HSI). « Patel était impliqué dans une affaire d’arnaque téléphonique visant des citoyens américains et se chiffrant à des centaines de millions de dollars de taxes impayées », poursuit l’agent Cichy. Les trois organismes ont demandé à la CBP de retenir Patel et de l’empêcher de monter dans l’avion.
Patel a ensuite été remis au Service d’immigration et de la lutte contre la fraude douanière (ICE) et placé dans un centre de détention local. Il y est resté jusqu’à l’arrivée des enquêteurs du Bureau de l’Inspecteur général du DHS et du HSI. Patel a été arrêté pour fraude en rapport avec son passeport et, en mai 2017, il a été mis en examen par le grand jury d’Atlanta, où il attend son procès.
En août 2017, Patel a plaidé coupable pour une série de délits. Outre l’utilisation frauduleuse d’un passeport, il a plaidé coupable sur le chef de collusion pour son rôle dans une affaire d’arnaque se chiffrant à plusieurs millions de dollars, passant par des centres d’appels basés en Inde et ciblant des victimes aux États-Unis. Dans le dossier judiciaire, il apparaît que Patel et ses complices avaient mis en place un système complexe d’escroquerie où depuis des centres d’appel à Ahmedabad, en Inde, des individus se faisaient passer pour des agents du Service des impôts et du Service d’immigration et de la citoyenneté des États-Unis et appelaient des victimes potentielles partout sur le territoire américain pour les arnaquer.
Les victimes étaient menacées d’arrestation, de peines d’emprisonnement, d’amendes ou d’expulsion si elles ne payaient l’argent qu’elles étaient censées devoir au gouvernement des États-Unis. Celles qui acceptaient de payer recevaient pour instruction de payer par carte de crédit ou par virement. Dès l’arrivée du paiement, les centres d’appel envoyaient alors leur réseau de messagers basés aux États-Unis pour liquider et blanchir les fonds obtenus frauduleusement. Patel faisait partie de ces messagers.
« Sans l’utilisation de la biométrie, Patel aurait pu quitter les États-Unis et rentrer chez lui dans son pays. Il n’aurait jamais été inquiété pour les délits de fraude qu’il avait commis à l’encontre des États-Unis et de ses citoyens », conclut l’agent Cichy. « La biométrie est un outil essentiel pour la répression de la fraude. Elle révèle la véritable identité d’une personne et nous aide à protéger les États-Unis ».