Panorama

Zones franches : l’expérience de la Géorgie

6 juin 2019
Par le Département des douanes du Service des recettes de Géorgie

En vertu de la Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers (ou Convention de Kyoto révisée) de l’OMD, la notion de zone franche désigne une partie du territoire dans laquelle les marchandises qui sont introduites sont généralement considérées comme n’étant pas sur le territoire douanier au regard des droits et taxes à l’importation.

En établissant des zones franches et en y offrant des avantages fiscaux ainsi que des services opérationnels ou de soutien, la Géorgie a voulu faire en sorte que le pays puisse mieux s’intégrer dans la chaîne logistique mondiale, et ainsi stimuler son développement économique, faciliter les échanges internationaux, attirer les investissements directs étrangers et favoriser la création d’emploi. La Géorgie compte actuellement quatre zones franches industrielles dans les villes de Tbilissi, de Koutaïssi et de Poti.

Cadre législatif national

Bien que la Géorgie ait ratifié la Convention de Kyoto révisée, elle n’a accepté aucune des annexes spécifiques de la Convention, y compris l’Annexe spécifique D dont le Chapitre 2 énonce les 21 normes couvrant un large éventail de procédures douanières liées au fonctionnement des zones franches. Malgré tout, lorsqu’elle a créé ses propres zones franches, la Géorgie s’est efforcée d’aligner une grande partie de sa législation sur les dispositions du Chapitre 2, à une exception près.

En effet, l’article 9 du Chapitre 2 stipule que « la douane ne devrait pas exiger de déclaration de marchandises pour les marchandises introduites dans une zone franche directement depuis l’étranger, si les renseignements nécessaires figurent déjà sur les documents accompagnant lesdites marchandises ». Dans le cas de la Géorgie, toutes les transactions doivent être enregistrées dans le système douanier informatisé, y compris les importations dans les zones franches.

À l’heure actuelle, le cadre législatif national régissant les zones franches se fonde sur :

  • la loi couvrant les zones franches industrielles ;
  • une règlementation sur les « instructions concernant le montant des garanties et les conditions d’établissement des zones franches industrielles et les règles d’entreposage des marchandises » et sur « l’établissement, l’agencement et le fonctionnement des zones franches industrielles » ;
  • divers articles du Code fiscal sur « les instructions concernant le mouvement et le dédouanement des marchandises sur le territoire douanier de la Géorgie » ;
  • un décret du Directeur du Service des recettes concernant « l’application de procédures concernant l’entrée et la sortie de marchandises ainsi que leur dédouanement lorsqu’elles entrent sur le territoire douanier de la Géorgie ou en sortent ».

Ensemble, ces divers éléments de la législation déterminent la façon dont une zone franche peut être établie ainsi que le profil, les obligations, les rôles et responsabilités de toutes les parties impliquées, parmi lesquelles le service des douanes, les administrateurs de la zone franche et les entreprises qui y sont enregistrées pour y exercer leurs activités.

Par exemple, en vertu de la législation, l’administrateur d’une zone se charge de la gestion générale de la zone en cause et, dans ce cadre, il doit pourvoir l’infrastructure nécessaire pour les postes de douane et fournir tous les moyens techniques, équipements et matériel nécessaires pour l’application des régimes douaniers et le fonctionnement des systèmes électroniques douaniers. Par ailleurs, un système de barrière (ou dans certains cas, de plusieurs barrières) doit être bâti pour clôturer le périmètre de la zone franche et différents postes douaniers doivent être érigés au point d’entrée et de sortie de la zone.

© Poti Free Industrial Zone
© Poti Free Industrial Zone

Pratiques opérationnelles

Les envois entrant dans la zone franche industrielle sont considérés comme des exportations, tandis que les envois quittant la zone sont traités comme des exportations s’ils sont destinés à un pays étranger ou comme des importations si leur destination est le territoire douanier de la Géorgie. Afin de pouvoir déployer leurs activités dans la zone, les entreprises doivent introduire une demande de licence auprès de l’administrateur de la zone. Les activités permises dans les zones franches industrielles vont d’opérations de logistique à la fabrication de produits, en passant par l’ouvraison, la fourniture de matériel et de solutions informatiques ainsi que de biens immatériels (prestation de services).

Le service des douanes, présent dans ces zones 24h/24 et 7j/7, a le droit de procéder à des contrôles programmés ou aléatoires des locaux et de l’inventaire des sociétés qui y sont situées. Les marchandises entrant dans les zones franches doivent obligatoirement appartenir à une société enregistrée. Les importations et exportations ainsi que les opérations de transit entre les zones sont gérées à travers le système douanier informatisé ainsi que via le système informatique de l’administration fiscale. Des indicateurs de risque spécifiques conçus pour cibler les risques les plus courants dans les zones franches ont été incorporés dans le moteur de gestion des risques douaniers.

Les opérations de transport à l’entrée et la sortie et les dédouanements sont traités conformément au principe du « centre de services intégrés ». En outre, importateurs et exportateurs ont accès à des services tels que le dépôt électronique de documents douaniers, l’acceptation à distance de signatures électroniques et l’acquittement des droits, des taxes et des frais de service par paiement bancaire électronique. Les opérateurs n’ont donc pas besoin d’être physiquement présents lors du dédouanement ou pour les procédures liées à d’autres opérations.

Le service des douanes ne rencontre pratiquement pas d’obstacle au cours de ses interventions et, au-delà des activités de contrôle, il s’efforce de fournir un service de qualité à ses clients dans la zone franche afin de réduire leurs coûts et de garantir la fluidité de leurs opérations.

Gérer les risques

Si la plupart des types de fraude rencontrés ailleurs par la douane peuvent également se présenter dans les zones franches industrielles, certains sont très spécifiques à l’environnement de la zone franche et exigent, par conséquent, une vigilance particulière. De manière générale, trois types de fraude ont été relevés sur le terrain :

  • la contrebande (évasion des droits et taxes) ;
  • la fraude au dédouanement (en matière d’évaluation, de classement tarifaire ou d’origine, etc.) ;
  • l’entrée de marchandises prohibées (stupéfiants, substances psychotropes, armes, marchandises enfreignant les droits de propriété intellectuelle, etc.).

Les risques de contrebande à l’importation sont particulièrement élevés comme conséquence du fait que les marchandises entrant dans les zones franches sont importées en franchise de droit. Par exemple, des produits peuvent entrer par la zone sur le territoire douanier de manière illicite afin d’éviter qu’ils ne soient soumis aux droits et taxes exigibles. Lorsqu’un processus d’inventaire ou de fabrication est en place, certains types de marchandises pourraient être passés en contrebande dans la zone franche pour éviter de devoir les déclarer en douane.

Les risques à l’exportation sont également élevés. Compte tenu de la situation géographique de la Géorgie entre l’ouest et l’est, le risque est grand que les zones franches industrielles du pays ne soient exploitées par des réseaux de trafiquants de drogues, dans la mesure où elles leur offrent la possibilité de dissimuler le pays de départ initial de leurs marchandises illicites et de diminuer ainsi le risque de contrôle aux différents points de passage successifs sur le trajet vers les pays de destination finale.

C’est pourquoi les inspecteurs centrent leur attention sur les cas possibles de fausse évaluation, d’infractions aux règles d’origine ou d’erreurs de classement tarifaire, en particulier durant le processus d’importation. Pour cela, ils alimentent le système douanier informatisé de critères de risque spécifiques en lien avec le type de marchandises, les véhicules et les individus concernés. Si des soupçons apparaissent, un contrôle matériel des inventaires est mené dans les locaux de la société en cause afin d’identifier la nature, la quantité et la qualité des marchandises.

Les activités des entreprises en zone franche peuvent être contrôlées 24h/24 7j/7 par vidéosurveillance et les douaniers ont accès à un vaste assortiment d’outils comme des balances de contrôle du poids, des détecteurs de métal et des trousses de détection et d’analyse de stupéfiants. Si ces outils s’avèrent extrêmement utiles pour les efforts de lutte contre la fraude et la délinquance, les aptitudes analytiques et les capacités de profilage des douaniers restent des facteurs déterminants de succès.

Parmi les marchandises saisies dans les zones franches géorgiennes, on dénombre notamment des médicaments déclarés en tant que tels mais contenant des substances psychotropes et narcotiques qui ont été interdits d’entrée et renvoyés par la suite vers leur pays de départ, mais aussi des produits commerciaux (du matériel électronique, par exemple). Ces derniers ont été saisis alors que des contrebandiers essayaient de les faire entrer sur le territoire douanier afin d’éviter de payer les droits et taxes exigibles. Les fraudeurs ont ensuite été remis aux autorités judiciaires et dûment poursuivis. D’autres saisies ont été effectuées en lien avec des infractions concernant la déclaration en douane ou des fraudes administratives (par exemple, lors du contrôle du poids des marchandises ou de l’intégrité du scellé).

Travailler ensemble

La Douane n’est qu’un des nombreux acteurs opérant dans les zones franches et elle est pleinement consciente du fait qu’elle ne peut pas faire grand-chose sans un partenariat fort avec les autres parties présentes sur la zone. Par conséquent, l’un des axes fondamentaux de son travail passe par la diffusion d’informations auprès du secteur privé, l’objectif étant de permettre à la douane et aux entreprises d’échanger des renseignements et de travailler ensemble afin de résoudre les problèmes et les défis pouvant se présenter.

Si une entreprise enregistrée dans la zone souhaite mener une transaction mais hésite sur la règlementation s’appliquant à l’opération donnée ou si elle a besoin d’informations complémentaires, elle sait qu’elle peut s’adresser à la douane pour lui demander conseil. Dans la plupart des cas, la douane est en mesure d’apporter une solution ou, tout au moins, de guider la société en question sur la procédure à suivre. En ce sens, la douane suit une démarche dite « d’analyse préventive » visant à résoudre les problèmes avant qu’ils ne se produisent.

En nourrissant des relations professionnelles avec les entreprises déployant leurs activités dans les zones franches ainsi qu’avec les administrateurs de ces zones, la Douane a pu réduire le nombre d’infractions et accroître la conformité aux lois. Dans la pratique, cet effort a permis d’assurer la fluidité des opérations dans les zones franches et a contribué à diminuer le nombre d’irrégularités et de contraventions.

Plutôt que d’instaurer un environnement polarisé où différentes parties ne pensent qu’à leurs propres gains sans se soucier des intérêts des autres, la Géorgie a réussi à établir des zones franches où tous les interlocuteurs travaillent en étroite collaboration pour en garantir le succès, contribuant ainsi aux objectifs économiques du pays et lui garantissant une pleine intégration dans la chaîne logistique mondiale.

 

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