Le programme de contrôle des conteneurs ONUDC-OMD a 15 ans et toujours le vent en poupe
22 octobre 2019
Par Norbert Steilen, Coordinateur du PCC, OMDPour les douaniers, détecter des envois contenant des marchandises prohibées ou passées en contrebande, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Cette image est d’ailleurs très utile pour comprendre l’ampleur du problème : les porte-conteneurs modernes sont de gigantesques « bottes de foin », transportant chacun jusqu’à 20.000 conteneurs. Il en va de même pour les avions : bien que le volume de marchandises transportées soit moins impressionnant, il reste important, d’autant plus qu’il se nourrit de l’essor du commerce électronique. Afin de transporter les milliers de colis individuels que ce dernier génère, des flottes entières d’aéronefs de fret ont vu le jour.
Conscients de cette réalité, l’OMD et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) ont convenu, il y a 15 ans, de lancer un programme conjoint afin de s’attaquer au transport de produits illicites par conteneurs maritimes, puis plus récemment par conteneurs aériens. Ils l’ont appelé tout simplement « Programme de contrôle des conteneurs » (PCC). Ce programme vise à établir des unités de contrôle portuaire (UCP) et des unités de contrôle du fret aérien aux principaux ports et aéroports des pays partenaires, puis à former les effectifs y travaillant et à améliorer leurs capacités d’analyse des risques afin de leur permettre de contrôler efficacement les opérations commerciales en causant le moins de perturbations possible.
Les unités de contrôle portuaire et du fret aérien sont des « unités mixtes », rassemblant des douaniers et d’autres agents de services répressifs comme la police, les agences de lutte contre le trafic de drogues, les services de protection de l’environnement ou encore les autorités chargées de la sûreté aérienne. La composition de ces unités est décidée au niveau national. Si les compétences légales des autorités participantes ne sont pas fusionnées, le fait que ces mêmes instances soient représentées au sein d’une seule et même unité et suivent la même formation leur permet de procéder à une analyse participative des risques, ce qui accroît les capacités de détection des marchandises illicites, qu’il s’agisse de drogues, de produits stratégiques, de marchandises soumises à des accises élevées, d’essences de bois protégées ou d’espèces de faune et de flore menacées, voire de véhicules automobiles volés.
Organisation des formations et parité hommes-femmes
Dès le départ, les deux organisations ont adopté une démarche graduelle pour l’exécution du programme. Les activités sont organisées sur une période d’au moins trois ans et par étapes, selon le principe qui veut qu’il faut d’abord « apprendre à marcher avant de courir ». Si l’OMD se concentre sur l’organisation de formations spécialisées à l’adresse des membres des unités, l’ONUDC gère d’autres aspects qui ont notamment trait à la recherche de financements, à la mobilisation du soutien politique et à la préparation de la phase préalable au déploiement, ou encore au maintien de contacts étroits avec les pays participants.
Des formateurs expérimentés travaillent à plein temps pour le programme. La formation commence par deux cours de base, afin de s’assurer que les membres des équipes nouvellement constituées possèdent bien les connaissances théoriques et pratiques nécessaires ; suivent ensuite les cours spécialisés traditionnels sur les précurseurs chimiques, les produits stratégiques, les espèces menacées, le traitement des preuves matérielles et d’autres sujets selon les défis rencontrés dans un pays donné.
La sûreté et la sécurité constituent aussi de grandes priorités à l’ordre du jour du PCC. La coopération avec l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a permis d’incorporer la sécurité du fret aérien dans le programme de formation et de sensibiliser le personnel des unités de contrôle du fret aérien aux éléments critiques à garder à l’esprit.
Les cours dispensés couvrent les risques associés aux menaces internes ainsi qu’à l’infiltration des infrastructures portuaires et aéroportuaires par des groupes criminels bien organisés. Afin de lutter contre ces problèmes d’une importance cruciale, les unités sont toujours fortement encouragées à organiser régulièrement des réunions avec le secteur privé, en particulier avec les transitaires et les exploitants de terminaux ainsi qu’avec les représentants des compagnies maritimes.
Des visites d’étude à d’autres ports ou aéroports sont aussi organisées afin que les agents nouvellement formés puissent se familiariser avec les méthodologies de travail appliquées ailleurs et établir des contacts personnels avec leurs collègues à l’étranger. Chaque formation du PCC fait l’objet d’une évaluation de la part des participants, ce qui donne la possibilité aux formateurs de mesurer leur performance et, si nécessaire, d’adapter la méthodologie. Un appui est également apporté sous la forme d’un tutorat : chaque formateur PCC assume le rôle de tuteur et passe ainsi quelques jours, tous les deux ou trois mois, avec chacune des unités de contrôle portuaire ou aéroportuaire afin d’évaluer les méthodes de travail utilisées sur place, d’apporter son conseil, de former à nouveau les agents le cas échéant, et de documenter ce qui se passe au sein des unités en vue de faire rapport de la situation à l’équipe de gestion du programme.
De plus, un Comité de pilotage national chargé du suivi du travail des unités se réunit régulièrement et des évaluations externes sont menées à mi-parcours. Si le nombre de cas détectés ou gérés par les unités représente bien un indicateur de leur performance, il n’est pas le seul. Les modes opératoires mis en place, le niveau d’échange d’informations et la motivation et les compétences de l’équipe sont également pris en compte.
L’accent a aussi été mis sur la parité hommes-femmes et une initiative baptisée « Réseau des femmes du PCC » a été lancée en 2015 afin de promouvoir le rôle des femmes au sein du PCC et, plus généralement, dans le domaine de la répression de la fraude. Durant la formation, tous les agents sont, en outre, sensibilisés à la question du genre.
Instruments et outils
Concernant les outils, les plateformes de communication ContainerComm et AirCargoComm, fournies par l’OMD, permettent aux unités de contrôle portuaire et aéroportuaire d’échanger des informations sur les saisies effectuées, sur les envois suspects ou sur toute analyse effectuée. Ceci leur permet de mettre à jour leurs profils de risque nationaux concernant les moyens cachés, les modes opératoires et les itinéraires utilisés par les réseaux de contrebande.
À l’heure actuelle, les ports et les aéroports de plus de 100 pays, parmi lesquels figurent des petites îles et des États qui ne bénéficient pas du programme mais qui y participent dans le cadre d’un tutorat ou d’un partenariat, ont accès aux plateformes de communication de l’OMD, créant ainsi une vaste communauté de professionnels. Certaines unités ont également accès au Système de ciblage du fret (CTS) de l’OMD, un système informatique permettant à ses utilisateurs de saisir les renseignements électroniques préalables contenus dans le manifeste de chargement et de procéder à l’évaluation des risques, au profilage et au ciblage à partir de ces données.
Tous ces pratiques et mécanismes, tels que l’utilisation des données préalables à l’arrivée à des fins de gestion des risques, les réunions régulières avec les entités du secteur privé ou encore la coopération douane-douane, font intrinsèquement partie des instruments de l’OMD et figurent plus particulièrement dans le Recueil sur la gestion des risques et dans le Cadre de normes SAFE visant à sécuriser et faciliter le commerce mondial.
Écueils et défis
Il est évident que la mise en place d’un programme aussi complexe que le PCC n’échappe pas à certains écueils et défis. Parfois, les unités de contrôle portuaire et aéroportuaire souffrent d’un manque de soutien de la part de la direction, voire d’un isolement complet dans certains cas ; la rotation du personnel au sein des unités est trop grande, certains processus décisionnels prennent trop de temps et la législation adéquate fait défaut. Les personnes travaillant dans les unités aux ports et aux aéroports ont aussi été menacées par des syndicats du crime.
Malgré tout, l’OMD et l’ONUDC restent convaincues de la valeur ajoutée du programme et essaient de travailler avec chaque pays participant de manière flexible, en adaptant le contenu aux situations et aux besoins locaux et en s’assurant que l’initiative ne s’essouffle pas. L’accent récemment mis sur le commerce illicite de bois dans plusieurs pays d’Amérique latine et de l’Asie du Sud-Est ainsi que sur les envois illicites de déchets et sur les conteneurs abandonnés en est une bonne illustration.
Succès et remerciements
Aujourd’hui, 53 pays bénéficient du programme, couvrant plus de 110 ports maritimes. Les chiffres ci-dessous illustrent les succès remportés par le PCC. Les différentes unités de contrôle portuaire et aéroportuaire ont détecté et retenu plus de :
- 319 tonnes de cocaïne ;
- 6,5 tonnes d’héroïne ;
- 71 tonnes de cannabis ;
- 1,7 million de tonnes de précurseurs chimiques ;
- 903 envois de produits contrefaisants ;
- 1,9 milliard de cigarettes ;
- 98 envois de produits stratégiques ;
- 183 envois de produits enfreignant les lois sur l’environnement.
Le PCC fête ses 15 ans cette année et représente l’un des plus anciens programmes de l’OMD encore en place. Cette longévité n’aurait pas été possible sans le généreux soutien financier de la communauté internationale des donateurs et sans les contributions de nombreux Membres de l’OMD qui mettent à la disposition du programme leurs formateurs et leurs infrastructures.
Les Secrétariats de l’OMD et de l’ONUDC ne ménageront pas leurs efforts pour préserver le dynamisme et la réactivité du programme et ils aimeraient remercier les hommes et les femmes qui travaillent pour le programme ou avec lui et qui font montre, tous les jours, d’un véritable engagement afin de garantir la sécurité et la sûreté des nations du monde.
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Rapport annuel du PCC