Panorama

Changer de système informatique douanier sans pour autant interrompre ses activités : l’expérience du Botswana

22 octobre 2019
Par le Botswana Unified Revenue Service

L’administration fiscale du Botswana a récemment déployé un nouveau système informatique plus moderne afin de gérer les transactions de commerce extérieur. Il était impératif que la migration de l’ancien au nouveau système se déroule sans embûches afin de garantir la continuité des activités commerciales. Le présent article passe en revue les raisons de cette migration, les défis rencontrés et les enseignements tirés tout au long du processus et met aussi l’accent sur les avantages du nouveau système en place, tant pour les pouvoirs publics que pour la communauté des affaires.

Dans le cadre de sa stratégie de renforcement de la compétitivité commerciale du pays, le gouvernement du Botswana a approuvé, début 2015, la mise en place d’un guichet unique national. Le Botswana Unified Revenue Service (BURS) a été nommé comme chef de file de ce projet de guichet unique, voué à remplacer le système de gestion douanière existant.

Depuis 2002, le BURS utilisait le système SYDONIA ++ pour gérer les déclarations en douane (importation, exportation, transit et entreposage), les procédures de rapprochement des comptes, pour le classement tarifaire et la fiscalité, la comptabilité (paiements en espèces, par carte ou les paiements anticipés de déclarations) ainsi que pour émettre des comptes rendus. D’autres fonctionnalités avaient été mises en place avec les années afin de répondre aux exigences des entreprises.

Toutefois,  pour mieux répondre à ses besoins, le Botswana a choisi de mettre en place une solution IT appelée « plateforme de facilitation des échanges » qui offre une suite complète de produits pour gérer les processus commerciaux. La plateforme se fonde sur les pratiques recommandées et les normes érigées notamment par l’OMD, l’EDIFACT/ONU, l’OMI et IATA, et peut se targuer d’offrir une meilleure expérience aux utilisateurs avec une interface moderne et conviviale.

Migration vers un nouveau système

Plusieurs éléments ont motivé la décision de passer à un nouveau système. Le classement en 2011 du Botswana dans le Doing Business, rapport phare de la Banque mondiale, a notamment amené le gouvernement à prendre des mesures visant à mettre en place un environnement plus propice aux entreprises et aux affaires. Le pays se classait 74ème en matière de « facilités offertes aux entreprises » et 157ème pour ce qui a trait au « commerce transfrontalier ». Pour changer la donne, il était primordial d’intégrer autour d’une plateforme IT un nombre accru de services gouvernementaux afin d’améliorer les processus de gestion coordonnée des frontières et de réduire les coûts pour le gouvernement et les opérateurs commerciaux.

De plus, le BURS avait besoin d’un système souple, facile à entretenir et garantissant une certaine autonomie vis-à-vis des fournisseurs de technologie. Face aux exigences accrues des utilisateurs, au beau milieu d’un paysage commercial international en constante mutation, le Botswana devait se doter d’un système qui serve mieux ses utilisateurs en permettant à la Douane d’adapter facilement et rapidement le système aux changements de politique et aux évolutions des règles du commerce, par exemple aux changements tarifaires, aux nouvelles procédures douanières, aux besoins d’intégration avec d’autres systèmes informatiques, tels que les interfaces de paiement.

Il s’agissait aussi de permettre de gérer les processus relatifs au transit, zones franches et garanties de bout en bout, de se doter d’un module de gestion des risques plus performant et facile à gérer et de capacités de gestion des manifestes et de réconciliation des données. Il fallait aussi développer un système qui appuie le travail de veille économique et de contrôle a posteriori. Sans oublier que les fonctionnalités liées à la gestion des pénalités et au suivi des procédures de recours ainsi qu’à la gestion des ressources (établissement des horaires de travail, suivi des activités et de la productivité des agents) faisaient défaut.

Les principaux défis et les manières de les atténuer

Il était primordial de garantir une transition aussi harmonieuse que possible de SYDONIA ++ vers le système de gestion douanier intégré de la plateforme (qui réunit le guichet unique, le système de gestion douanier (CMS) et les systèmes dédiés aux autres agences gouvernementales), sans la moindre interruption des activités. Or, les grandes visions s’accompagnent toujours de grands risques. Ici, toute erreur menaçait de mettre à mal l’ensemble de l’écosystème commercial du pays.

Un des risques était la réticence de certaines agences à l’idée d’abandonner leurs anciennes méthodes de travail pour introduire un nouveau système ou une nouvelle interface de l’utilisateur. Certaines auraient aussi pu nourrir des réserves par rapport à l’ensemble des nouveaux processus de travail. C’est pourquoi il a été très important de lancer une réflexion exhaustive à ce sujet et de prévoir une planification prudente du processus afin de recenser les lacunes et de faire en sorte que des ajustements puissent être apportés à temps pour garantir une transition sans heurt et empêcher toute interruption non planifiée.

Après avoir évalué la situation, l’équipe de projet, qui avait été engagée par appel d’offres, a recommandé au BURS de suivre une démarche de déploiement progressif. La mise en œuvre s’est donc déroulée pas à pas, d’un bureau de douane à l’autre, en commençant par le bureau avec le volume le plus faible de transactions, afin de minimiser les risques. En trois mois, tous les bureaux et postes aux frontières terrestres avaient achevé pleinement la transition vers le nouveau système.

Les modules fonctionnels du système ont été déployés en deux phases, la première ayant été menée à terme en 13 mois et la deuxième en 12 mois. La deuxième phase a inclus l’incorporation des autres organismes gouvernementaux (formation, préparation des données, procédures et règles, configuration du système, etc.) selon le niveau de préparation de chacun.

Il est important, par ailleurs, de tenir compte du fait que la transition vers un nouveau système implique une gestion complexe des données. La protection et la récupération des données ont été un autre défi qu’il a fallu relever durant la migration. La tâche était délicate, en particulier compte tenu du fait que le volume et l’importance des données n’ont cessé de croître au cours des 10 dernières années et continueront d’augmenter dans les années à venir. Des niveaux multiples de vérification ont été établis afin d’empêcher toute perte de données durant la migration. Le système de gestion douanier (CMS) de la plateforme archive les données nécessaires et l’interface de l’utilisateur a été conçue de manière à faire en sorte que les utilisateurs puissent encore accéder aux déclarations entrées via l’ancien système.

Le nouveau système comble plusieurs lacunes notamment dans la gestion des licences, des permis, certificats et autres autorisations (LPCO). Il n’existait pas de formulaire commun pour les permis et licences de commerce et les opérateurs commerciaux devaient déposer auprès des différents services à différents moments différents formulaires. Il a donc fallu harmoniser les données exigées par les diverses agences, les formulaires et procédés d’arrière-plan. La tâche de consolidation des processus et d’élimination des doublons et des chevauchements a été particulièrement laborieuse.

Armés d’une connaissance approfondie des systèmes et procédés des autres agences, et dotés d’une vaste expérience en matière d’harmonisation des données, les consultants embauchés pour construire la plateforme ont été capables de répondre aux exigences des différents services. Les obligations au niveau des LPCO ont été simplifiées et uniformisées à travers un mécanisme flexible fondé sur des formules types et les procédures d’agrément peuvent désormais être facilement cartographiées et coordonnées en fonction du processus de mainlevée douanière.

Le système de gestion douanier (CMS) intégré est hautement personnalisable et permet donc aux services de définir leurs permis et d’adapter les formulaires types à leurs exigences, ce qui réduit au minimum les procédures manuelles et le dépôt physique de formulaires. Grâce à des fonctionnalités types, les données LPCO peuvent être encodées automatiquement depuis le système et intégrées dans le système hôte d’un autre service, donnant la possibilité aux utilisateurs de ne soumettre les données qu’une seule fois.

Surtout, la plateforme consolide les données LPCO et les déclarations de dédouanement qui sont soumises par voie électronique à l’intention des autorités douanières, contribuant à uniformiser toutes les procédures, à améliorer la coordination des mesures prises par la douane et les autres organes gouvernementaux et à améliorer considérablement les temps de dédouanement à l’importation et à l’exportation.

Les avantages pour les pouvoirs publics

Un déploiement rapide

Le CMS intégré a été déployé sur une période de deux ans. La première phase de déploiement, achevée en 13 mois, a permis de connecter sept organismes gouvernementaux principaux, qui seront rejoints par d’autres au fur et à mesure que le projet avance.

Une dépendance moindre vis-à-vis du fournisseur

Les agences gouvernementales peuvent mettre au point de nouveaux modules ou améliorer leurs modules existants de manière autonome, sans devoir recourir au fournisseur. Le haut niveau d’adaptabilité du système permet aux agences gouvernementales récemment incorporées au système d’entretenir elles-mêmes leur environnement de travail et au CMS en soi d’accueillir les systèmes existants des divers services, leur évitant ainsi de devoir encourir des dépenses supplémentaires pour développer un nouveau système.

Par ailleurs, les organismes impliqués dans la gestion de la conformité commerciale jouissent d’une autonomie pleine pour s’adapter facilement et rapidement aux obligations administratives croissantes puisqu’ils peuvent configurer les changements nécessaires en cas de révision des règlementations commerciales, des codes sur les régimes douaniers, des règles tarifaires et commerciales, sans devoir toucher aux codes informatiques.

Une meilleure efficacité opérationnelle

Le Module dynamique de gestion des risques et d’évaluation améliore la rapidité du processus global de dédouanement en améliorant la sensibilité du ciblage, réduisant les interventions inutiles. La douane, les autres services gouvernementaux et les principales parties prenantes peuvent également mieux se coordonner et collaborer puisqu’ils peuvent visualiser (avec des niveaux différents d’autorisation d’accès, selon l’utilisateur) les données, contribuant ainsi à réduire le temps nécessaire pour le dédouanement.

Exploiter les données de manière plus efficace

Les agences qui ne sont pas chargées d’émettre des permis ont également été incorporées au CMS intégré aux fins du partage de données entre services. Par exemple, l’agence Statistics Botswana peut accéder aux données statistiques commerciales, ce qui lui permet de renforcer ses politiques et ses capacités décisionnelles.

Les avantages pour la communauté des affaires

Un système plus rentable et moins fastidieux pour les opérateurs commerciaux

Compte tenu de l’intégration d’autres organismes gouvernementaux, la plateforme unique offre aux opérateurs commerciaux une interface leur permettant de déposer leurs déclarations, d’introduire leurs demandes de permis ou de licence, de suivre leurs envois, de procéder à des paiements et de gérer leurs interactions avec la douane et les autres agences sans devoir passer par des systèmes multiples et sans devoir se rendre de manière répétée au bureau de douane.

Il suffit aux commerçants d’imprimer une seule fois la confirmation de la mainlevée et de la soumettre à la douane et aux autres services gouvernementaux afin de libérer leurs marchandises.

Les systèmes des services de courrier et de livraison exprès ont également été intégrés à la nouvelle plateforme afin d’améliorer leur productivité au moment de déposer les déclarations, les permis, etc. Puisque les procédures ne reposent plus sur des formulaires papier, ces prestataires peuvent offrir un service plus rapide et meilleur à leur clientèle.

Une meilleure information des opérateurs commerciaux

Grâce à une prévisibilité accrue due à un suivi efficace des marchandises, les opérateurs commerciaux peuvent réagir rapidement aux événements venant perturber l’acheminement d’un envoi et empêcher ainsi les retards inutiles, les réclamations et les pertes qui peuvent éventuellement aboutir à des pertes financières. Si l’une des parties d’une transaction exige un renseignement particulier, elle peut y avoir accès à travers le système. Les différentes parties ont accès à des données différentes, selon leur niveau d’autorisation.

Les opérateurs commerciaux sont mieux équipés pour collaborer avec leurs partenaires commerciaux au niveau international

Les commerçants peuvent incorporer leur système interne au CMS intégré à travers le « Cross-Border Services module » ou module des services transfrontaliers. Cet outil extrait les données de la liste de colisage, de la facture commerciale ou de tout autre document justificatif afin de remplir à l’avance le formulaire de déclaration à l’exportation ou à l’importation.

Financement et déploiement

Le projet a bénéficié d’un financement interne. Au sein du BURS, plusieurs activités sont en concurrence afin d’obtenir un financement et il a donc fallu hiérarchiser les priorités, ce qui nous a pris deux ans. Le BURS a préparé un budget, après avoir procédé à une analyse exhaustive du marché des systèmes de gestion des échanges.

Un groupe de travail et un comité de pilotage à haut niveau ont été créés. Ce dernier était composé de six agences sous la direction du BURS, en sa qualité de chef de projet, à savoir : 1) le ministère de l’Agriculture – division du commerce, 2) le ministère de l’Agriculture – division des entreprises, 3) les services de Police du Botswana, 4) le Bureau des normes du Botswana , 5) le ministère de l’Investissement – division du commerce et de l’industrie, 6) le ministère de la Santé et 7) le département de la Douane du BURS chargé de la délivrance des certificats d’origine. Des parties externes ont également participé aux réunions du Comité.

Avec l’aide des consultants externes, l’équipe du BURS a défini les lignes directrices pour la gestion du projet et a préparé les documents de planification pour examen et approbation par toutes les parties. Des réunions hebdomadaires ont été prévues avec toutes les principales parties prenantes. Toutes les questions qui n’ont pu être résolues par le groupe de travail ont été rapportées au comité de pilotage afin qu’il travaille à une solution rapide.

Les travaux de configuration et de développement ont été menés en tenant compte des exigences opérationnelles. Des essais d’acceptation des utilisateurs ont également été réalisés, une fois toutes les configurations et adaptations nécessaires achevées. Lorsque de tels essais ont été entrepris avec les utilisateurs du secteur privé, de nouvelles exigences sont apparues mais, au final, tous les cas de figure ont été validés. Des mesures d’urgence et des procédures de secours informatique ont été mises en place au cas où les opérateurs commerciaux ne peuvent utiliser le nouveau système pour quelque raison que ce soit.

Enseignements tirés

Un déploiement progressif diminue les risques et contribue à la continuité des activités

Le Botswana a dû prévoir la migration et l’harmonisation de grandes quantités de données depuis le système hérité et a dû incorporer de nombreuses agences gouvernementales, ce qui a posé des défis tant au niveau technique que de gestion. Il était donc essentiel que le BURS utilise la bonne stratégie pour préserver la continuité des activités durant le processus. Or, il n’existe pas de règle simple pour décider de la bonne stratégie de déploiement.

Les consultants ont recommandé une démarche de déploiement en deux temps afin d’atténuer les risques et d’éviter les éventuelles interruptions. La première phase a permis de veiller à ce que le système de guichet unique soit conforme aux formalités en douane et a été achevée en 13 mois. La deuxième phase visait à incorporer les nombreuses agences gouvernementales une fois que le guichet unique aurait satisfait tous les besoins de la douane.

La gestion du changement libère le plein potentiel du nouveau système

La gestion du changement a été prise en compte très tôt dans le processus de déploiement du projet. Le BURS a organisé des réunions, des ateliers et des séminaires sur l’état d’avancement des travaux afin de tenir toutes les parties prenantes informées des travaux et des progrès réalisés concernant la migration. Des articles ont été publiés dans les médias et des courriels ont été envoyés à la communauté des affaires quant à l’évolution du projet.

Afin de garantir l’adoption rapide du nouveau système et une transition sans embûche, des formations ont été organisées en amont et les réactions et recommandations des participants ont été prises en compte afin de garantir la convivialité du système. Des douaniers ont également été formés afin qu’ils puissent former ultérieurement leurs collègues.

Envisager l’avenir avec confiance

Passer d’un système aussi important que le SYDONIA ++ à un tout nouveau système a été très audacieux. De nombreuses administrations préfèrent ajouter des applications supplémentaires à un système existant plutôt que de changer du tout au tout. Le fait que le Botswana se soit lancé dans cette aventure, et l’ait menée à bien en si peu de temps, témoigne du fait que les acteurs clés du projet y adhéraient pleinement.

De plus, l’ensemble du processus montre que les prestataires de service disposent à présent d’une connaissance approfondie des modalités à suivre pour construire un système de guichet unique incluant un CMS intégré. La plateforme mise sur pied au Botswana est une solution informatique « de la prochaine génération », et, en tant que telle, elle contribuera aux efforts du pays pour améliorer sa compétitivité.

« Nous sommes ravis que le projet ait pu être livré à temps tout en restant dans le budget prévu. Les solutions informatiques de la nouvelle plateforme se fondent sur les normes et les meilleures pratiques internationales, ce qui nous a permis de démarrer sur de bonnes bases et d’offrir des services de première qualité à notre communauté des affaires », a déclaré Molemi Pule, Directeur général des services techniques du BURS.

Le BURS espère que le fait de partager son expérience de transition d’un système bien établi à un nouvel environnement « inconnu » en très peu de temps inspirera d’autres administrations confrontées à des défis semblables à faire le pas. Il est essentiel pour la douane de tirer parti des technologies disponibles si elle veut envisager l’avenir avec confiance. Certes, la tâche peut sembler titanesque mais rien n’est insurmontable. Le Botswana peut aujourd’hui en témoigner.

 

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Luther Mabona
lmabona@burs.org.bw