Réforme douanière : le parcours de la Douane d’Ouzbékistan
25 octobre 2021
Par Ulugbek Tadjiev et Mirshod Kurbonov, département de coopération internationale, Comité d'État de la douane de la République d’OuzbékistanEn décembre 2020, l’Ouzbékistan a ratifié la Convention internationale pour la simplification et l’harmonisation des régimes douaniers (ou Convention de Kyoto révisée). Le présent article décrit l’effet de la Convention sur le processus de réforme douanière et offre un aperçu des travaux entrepris au cours des derniers mois pour la mise en œuvre des normes internationales et l’adoption de méthodes de travail modernes.
L’Ouzbékistan est un pays enclavé d’Asie centrale. S’il a déclaré son indépendance de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en août 1991, le pays s’est vraiment libéré du modèle étatique et est sorti de son isolement économique en 2016, suivant l’élection du Président Shavkat Mirziyoyev. Depuis lors, il s’est embarqué dans un ambitieux programme de modernisation économique et de réformes institutionnelles.
Nous sommes foncièrement convaincus qu’il ne revient pas aux citoyens de servir les organes de l’État mais bien aux organes de l’État de servir les citoyens.
Shavkat Mirziyoyev, Président d’Ouzbékistan
Au niveau douanier, le premier grand changement intervenu a été l’adoption d’un nouveau code des douanes, aussi aligné que possible sur les normes internationales. Le code est entré en vigueur le 20 avril 2016…. Et ce n’était qu’un début. Pour la Douane ouzbèke, la priorité était de faire en sorte que le pays ratifie la Convention de Kyoto révisée de l’OMD et d’aligner le nouveau code sur les dispositions et les principes de la Convention, ce qu’il n’était qu’en partie. La réunion du Secrétaire général de l’OMD, Kunio Mikuriya, avec le Président Mirziyoyev en novembre 2019 a donné une impulsion nouvelle aux efforts en ce sens. Un peu plus d’un an plus tard, l’instrument d’adhésion a été déposé et la CKR est entrée en vigueur en Ouzbékistan le 16 mai 2021.
Processus d’adhésion à la CKR
Dans l’ensemble, la CKR, qui représente un modèle de référence pour des régimes douaniers modernes, vise entre autres à mettre au point des procédures douanières prévisibles et transparentes fondées sur l’utilisation des technologies de l’information, sur la gestion des risques, sur une démarche coordonnée des contrôles avec les autres agences gouvernementales, et sur des partenariats avec le secteur privé. La CKR se divise en trois parties : le texte de la Convention, l’Annexe générale constituée de 10 Chapitres, et 10 Annexes spécifiques. Toute l’Annexe générale est exécutoire pour les Parties contractantes et aucune réserve ne peut être émise concernant sa mise en œuvre. Les Annexes spécifiques de la CKR se composent de normes et de pratiques recommandées concernant d’autres aspects des régimes douaniers. Les Parties contractantes peuvent accepter une ou plusieurs des Annexes spécifiques et soumettre également des réserves concernant les pratiques recommandées à l’OMD.
En 2015, dans le cadre de l’élaboration du nouveau code des douanes, la Douane ouzbèke avait mené une analyse des écarts, avec l’aide des experts du Secrétariat de l’OMD, afin de jauger le niveau de conformité de la législation nationale et des cadres réglementaires par rapport aux normes de la Convention. Toutes les dispositions de la CKR avaient été comparées à la législation nationale.
L’analyse avait permis de conclure que 73 normes (soit 63%) de l’Annexe générale et 200 normes (soit 83%) des Annexes spécifiques étaient déjà en cours d’application en Ouzbékistan. Le projet de code couvrait tous les régimes douaniers, à l’exception :
- de la « Transformation de marchandises destinées à la mise à la consommation » (chapitre 4, Annexe spécifique F),
- de la disposition sur les seuils de minimis,
- de la disposition sur les opérateurs agréés,
- des régimes et des contrôles douaniers relatifs aux zones franches.
L’un des principaux défis était donc de mettre en place les cadres légaux nécessaires pour introduire de tels régimes et procédures au cours des prochaines années.
De plus, d’autres changements ont été apportés au code existant afin de pouvoir appliquer les dispositions de la CKR relatives aux contrôles conjoints aux points de passage des frontières communes et aux frais que peut imposer la douane (« Lorsque la douane n’est pas en mesure de fournir des renseignements gratuitement, la rémunération exigée est limitée au coût approximatif des services rendus »).
La Douane ouzbèke avait envisagé à plusieurs reprises d’adhérer à la Convention mais toute une série de problèmes d’ordre juridique, politique et technique l’avait empêchée d’aller de l’avant. Lorsque le Président a exprimé son soutien en faveur de réformes douanières approfondies en 2016, l’Administration a sauté sur l’occasion pour évoquer à nouveau la possibilité d’une ratification de la CKR. Le but était non seulement de promouvoir les réformes mais aussi de faire en sorte que les efforts consentis en vue de mettre en place des procédures, des règlementations et des pratiques douanières conformes aux normes internationales soient reconnus tant au niveau national qu’international.
Le processus d’adhésion a été conclu en décembre 2020 et la Douane ouzbèke a ainsi pu prendre part à la 23e réunion du Comité de gestion de la Convention de Kyoto révisée. L’Ouzbékistan a accepté toutes les annexes spécifiques de la Convention (normes et pratiques recommandées), à l’exception du chapitre 3 de l’Annexe spécifique E relatif au transport de marchandises par cabotage, ce régime ne s’appliquant pas aux pays enclavés.
Travaux en cours
Comme prévu par la Convention, la Douane ouzbèke doit appliquer toutes les dispositions de la CKR d’ici décembre 2023. L’OMD considère que la mise en œuvre de la CKR sous-tend les efforts des pays en vue d’une application efficace et harmonisée de l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur la facilitation des échanges (AFE), qui est entré en vigueur le 22 février 2017. L’Ouzbékistan a renoué les négociations en vue d’adhérer à l’OMC en juillet 2020 et la ratification de la CKR s’inscrit dans la lignée de son engagement à assurer la conformité de son régime commercial avec les règles de l’OMC.
Une autre mission de diagnostic a été entreprise en février 2020 par le Secrétariat de l’OMD dans le cadre de son Programme Mercator, programme spécialement conçu pour assister les gouvernements dans la mise en œuvre des mesures de facilitation du commerce prévues par l’AFE tout en faisant la promotion des normes de l’OMD telles que la CKR.
Les recommandations des experts incluent notamment :
- la définition d’un plan stratégique douanier pluriannuel dans le but d’uniformiser les différentes initiatives et instructions gouvernementales.
- la mise au point et l’application d’une stratégie de communication pour tenir le personnel et les intervenants externes mieux informés des changements en cours d’
- l’adoption d’une démarche basée sur les compétences en matière de gestion des ressources humaines et l’amélioration du plan de renforcement des capacités existant.
- l’application de la méthodologie de l’étude sur le temps nécessaire pour la mainlevée des marchandises (TRS) de l’OMD.
- la mise en œuvre de la procédure permettant le dépôt électronique préalable de la déclaration en douane, avec la possibilité de traiter l’information ainsi soumise afin de déterminer si les marchandises doivent faire l’objet d’un contrôle ou si elles peuvent obtenir la mainlevée dès leur arrivée.
- la mise au point et l’application d’une stratégie formelle de gestion des risques en vue : a) de garantir que la gestion des risques soit appliquée à toutes les opérations et à tous les points de contrôle, tout en veillant à faire en sorte que des contrôles aléatoires soient menés sur un petit nombre de marchandises, afin de permettre au système automatisé de continuer à apprendre ; b) d’éviter les inspections multiples pour les mêmes opérations et d’éliminer la possibilité pour les agents locaux de modifier le résultat du système de sélection ; c) de permettre aux envois renvoyés vers le circuit vert et le circuit bleu d’être libérés aux points de contrôle frontaliers ; d) d’assurer le suivi adéquat de l’efficacité de la gestion des risques.
- la création d’une unité de contrôle a posteriori (CAP), suivant des procédés bien définis et des procédures opérationnelles normalisées qui lui permettent de lancer des enquêtes et des programmes d’audit basés sur la gestion des risques et ciblant non pas des opérations spécifiques mais bien des opérateurs.
- la création d’un groupe de travail avec les autres services présents aux frontières afin d’approfondir la coopération et la communication inter-agences.
- la possibilité pour les opérateurs commerciaux de soumettre les documents et/ou les données exigés pour l’importation, l’exportation, ou le transit de marchandises à un point d’entrée unique.
La Douane numérique
Il convient de noter que la numérisation des procédures douanières est devenue la priorité absolue. Cette décision est en lien direct avec la crise de la pandémie de COVID-19. La Douane ouzbèke veut mettre au point des solutions de TIC pour éliminer les procédures papier et garantir la gestion des risques et l’analyse des données.
Dans ce domaine, les initiatives suivantes sont en cours de déploiement :
- la numérisation des documents commerciaux pour faciliter le traitement électronique des données (l’Agence de quarantaine de l’État a commencé à recevoir des documents sous format électronique et des discussions sont en cours avec l’Agence responsable des contrôles vétérinaires et l’Agence chargée de la santé et de la surveillance épidémiologique).
- l’intégration du Système de déclaration en douane et des systèmes informatiques des autres autorités de réglementation frontalières.
- la création d’un système permettant le suivi des marchandises en temps réel, depuis leur entrée sur le territoire douanier jusqu’à leur mise en libre circulation, notamment en liaison avec l’autorité chargée des chemins de fer.
- la possibilité d’utiliser le Système de déclaration en douane à travers une application mobile.
- la définition d’indicateurs de risque et l’utilisation d’outils d’analyse des données automatisés afin d’ouvrir la voie à des procédures de dédouanement automatisées et de réduire les pratiques discrétionnaires des douaniers.
- le passage au système international eTIR, qui remplace le carnet TIR papier.
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