Début 2019, le Secrétariat de l’OMD lançait, en partenariat avec l’Union européenne, le Projet COLIBRI afin d’aider les services répressifs en Amérique latine, dans les Caraïbes et en Afrique de l’Ouest à mettre en œuvre des contrôles efficaces sur l’aviation générale. Cette dernière regroupe toutes les activités aériennes civiles autres que le transport commercial (aviation sportive ou de loisir, aviation privée, aviation d’affaires et travail aérien).
À l’origine du projet se trouve le constat de la grande difficulté pour les services répressifs de mener des contrôles efficaces sur la petite aviation et de repérer un usage illicite des aéronefs du fait d’un manque criant d’expertise. A cela s’ajoute une absence de données de qualité sur ce vecteur aérien particulier, ainsi que sur les infrastructures clandestines existantes telles que des pistes isolées ou des aérodromes secondaires, données permettant d’effectuer une analyse de risque précise tant du moyen de transport que du territoire.
En tant que concepteurs du projet, nous avons donc prévu le développement d’un programme de renforcement des capacités exclusivement dédié à l’aviation générale ainsi que la création et la mise à disposition des administrations bénéficiaires d’un outil cartographique (Géoportail) utilisant les nouvelles technologies de l’information et de la communication (application mobile) associé à une base de données mondiale des petits avions privés.
Le Géoportail a déjà été présenté dans les pages de ce magazine il y a quelques mois, alors que nous en étions encore à la phase de développement. Cette phase désormais achevée, nous voudrions dans cet article revenir plus en détails sur les fonctionnalités de cet outil et sur son utilisation.
Une base de données internationale spécifique à l’aviation générale
L’objectif du Géoportail COLIBRI est de rassembler en un seul et même lieu les données pertinentes à la surveillance efficace des mouvements de l’aviation générale. Il inclut donc une base de données où figurent :
- les fiches techniques qui renseignent sur l’immatriculation et les caractéristiques des avions opérant sur le territoire. Ceux enregistrés auprès des différentes agences nationales de l’aviation civile figurent déjà dans la base de données COLIBRI. Tout avion n’y figurant pas pourra y être rajouté par l’opérateur constatant sa présence. L’objectif est d’obtenir avec le temps une base de données complète et fiable sur tous les aéronefs actifs sur un territoire, qui soit accessible par tous les pays participant au Projet.
- divers documents dont notamment les codes de l’aviation civile. Ces documents sont classés par pays et ne sont visibles que par les utilisateurs rattachés à ce pays.
- les quatre types de formulaires – observations, pistes, saisies, contrôles – que peuvent créer les opérateurs de terrain. Ces informations sont géolocalisées et leur accès est restreint au niveau national.
Les formulaires sont renseignés par les « opérateurs au sol » ou agents de terrain à partir d’une application mobile. Parmi les champs du formulaire « piste » figurent la localisation (celle du téléphone s’il est connecté à un réseau), le nom de la piste, l’aérodrome (liste déroulante selon le code IATA), l’état de la piste (fermée, en service, abandonnée) et ses mesures (longueur, altitude, direction). Les champs du formulaire « observation » comprennent le pays, l’aéroport, la piste, l’immatriculation de l’avion, le lieu, et l’information relevée en elle-même. Le formulaire « saisie » contient des champs similaires ainsi que des champs détaillant les marchandises saisies : quantité, valeur, méthode de détection, nature, etc. Il en va de même pour le formulaire « contrôle » qui décrit le type de contrôle réalisé. Des photos peuvent être ajoutées à tous les types de formulaires.
Les opérateurs peuvent utiliser l’application dans des endroits non couverts par un réseau de télécommunications et envoyer le formulaire une fois la connexion établie. Il est possible de sauvegarder un formulaire et de le rouvrir si besoin, pour remplir ou modifier un champ par exemple, tant que le formulaire n’est pas envoyé à la base de données COLIBRI.
L’objectif de la base de données est de rendre possible le suivi de l’historique des contrôles d’un avion à partir de son immatriculation, du moins au niveau national, et de géolocaliser une série d’événements.
Le Géoportail, un outil de géolocalisation et d’aide à l’organisation des contrôles
Une visionneuse cartographique présente l’ensemble des données renseignées dans la base de données sur un fond de plan. L’utilisateur peut zoomer sur une zone particulière, par exemple un aérodrome, et des filtres permettent de choisir précisément les informations à afficher et les fonds de carte disponibles. Cet outil s’adresse avant tout aux services de surveillance du territoire qui disposent de patrouilles mobiles.
Les informations rapportées dans les formulaires ne sont donc pas aussi détaillées que celles des rapports de saisies du Réseau douanier de lutte contre la fraude (CEN) qui met à disposition des Membres de l’OMD pour consultation un dépositaire central d’informations liées à la lutte contre la fraude. Il s’agit ici d’offrir la possibilité de fabriquer des cartes à partir de fonds de plan et des informations et événements de la base de données.
En ce qui concerne le Géoportail, les utilisateurs pourront choisir entre plusieurs fonds de plan :
- OpenStreetMap, une base de données géographique en ligne gérée par une fondation de droit anglais, construite de manière collaborative et publiée sous licence libre. La contribution est ouverte à tous ceux ayant créé un compte sur le site web de la base de données. Des acteurs de l’imagerie satellite et d’organisme comme le cadastre ont également offert leurs données à la plateforme. En cliquant sur un objet de la carte, autrement dit une « donnée vectorielle spatialisée » créée par un de ces organismes ou un particulier, il est possible de savoir qui l’a produit et quand.
- Les images générées tous les cinq jours par la famille de satellites « Sentinelle-2 » qui constituent le volet spatial du programme Copernicus de l’Union européenne. Les satellites offrent différentes couches d’informations par thématiques telles que l’agriculture ou les forêts par exemple. Il ne sera pas possible de visualiser un territoire en temps réel, par contre les analystes pourront se rendre compte des dynamiques en comparant les images prises dans le temps. Dans certains pays, les images disponibles remontent aussi loin qu’en 2015.
Conscients de l’importance de fournir aux analystes nationaux un outil comportant déjà des informations sur les pistes et les aérodromes afin de le rendre utile dès le premier jour de son déploiement, les concepteurs du projet ont développé une base de données des aérodromes et pistes couvrant les 13 pays participant au projet. Les sources utilisées étaient majoritairement des sources ouvertes, telles que celles des Agences Nationales de l’Aviation Civile, d’OurAirports, d’OpenStreetMap, de l’OACI et d’IATA. Les données étant redondantes, il a fallu faire des choix et une priorité a été donnée à certaines sources plus fiables ou complètes que d’autres, les critères étant l’origine de l’information, sa pertinence (champs d’informations obligatoires), le volume des données, ainsi que leurs structures et exploitabilité.
Les utilisateurs disposent également d’outils de mesure qui permettent de calculer une distance ou une surface et de créer des objets vectoriels permettant de localiser un événement (pistes, observations, contrôle ou saisie). Par exemple, si les cartes montrent un champ qui ne comporte pas de piste, mais qu’un opérateur a la preuve qu’il existe une piste sur ce champ, il peut ajouter un objet vectoriel sur la carte et y rattacher photos et descriptions.
Les utilisateurs du Géoportail pourront donc visualiser à la fois des données géographiques publiques et des événements relatifs à des contrôles, observations ou saisies qui seront, eux, rapportés par les utilisateurs de terrain via l’application mobile. Une couleur et une icône ont été attribuées à chaque type de formulaire et des filtres permettent de décider du type d’information à faire apparaître sur la carte et d’en faire ressortir certains en jouant avec l’intensité de la couleur des icônes (transparence). Il est possible d’imprimer la zone affichée à l’écran et d’ajouter une description ou une note.
Les couches d’informations créées par une administration douanière ne sont accessibles que par cette administration et ne sont enregistrées que dans la base de données COLIBRI. Autrement dit, les événements rapportés dans un pays X ne sont pas visibles par un pays Y, ce qui confère à l’outil une garantie de confidentialité importante demandée par les administrations bénéficiaires.
Une source généralement utilisée par les services de surveillance des aéronefs n’a pas pu être intégrée au Géoportail : Flightradar24. Cette application permet de suivre en temps réel tous les avions équipés d’ADS-B (automatic dependant surveillance-broadcast) et qui sont en vol ou dont le décollage est immédiat. Les analystes sont invités à comparer les deux sources de données et un lien vers Flightradar24 figure d’ailleurs sur l’application mobile.
Une formation adaptée pour une utilisation optimale des fonctionnalités de l’outil
Une formation exhaustive, non seulement aux fonctionnalités des outils mais aussi à la manière dont ils ont été conçus, a été menée auprès des représentants nationaux des pays participant au Projet COLIBRI qui seront chargés de former à leur tour leurs pairs. Un grand nombre d’informations fournies lors de cette formation est repris dans cet article.
Il s’est agi pour le Secrétariat de l’OMD de s’assurer que les utilisateurs de l’outil comprennent bien ce qu’est une source d’informations ouverte et de passer en revue les pratiques recommandées concernant leur usage. Les critères qui permettent de déterminer la qualité des données et les questions à se poser avant toute utilisation de sources d’informations ouvertes ont notamment été discutés.
Soutien du Secrétariat de l’OMD
Intuitif, simple d’utilisation et basé sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication utilisées au quotidien par le grand public, le Géoportail marque un nouveau chapitre dans la surveillance et le contrôle de l’aviation générale. Reste désormais aux pays participant au Projet à mettre les moyens pour enrichir leur base de données. Plus la base de données contiendra des informations, plus elle sera utile aux analystes des administrations en charge de lutter contre le crime organisé en général et contre l’usage frauduleux de ce moyen de transport en particulier.
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